Joël Dicker, La Vérité sur l'Affaire Harry Québert, Editions de Fallois, l'Age d'Homme, 2012, 665 p. |
Parce que l'imposture est incontestable. Ce roman en est un monument. Ses prix ne sont pas vraiment mérités, en tous les cas pas celui de l'Académie français. D'ailleurs, nos académiciens se sont incontestablement perdus en chemin pour avoir primé un roman aussi mal écrit. Il faut bien le dire, ça heurte un peu l'oreille quand même. L'histoire d'amour est décrite avec une mièvrerie assez rare, les dialogues sont creux et je pense que Joël Dicker aurait pu couper une centaine de pages dans la première partie. Il manque à ce pavé de belles phrases, des mots choisis et bien articulés, un peu d'allant dans les dialogues qui occupent la majeure partie de livre.
C'est d'abord une histoire d'amour. Mais la relation entre l'écrivain Québert (34 ans) et la jeune Nola (15 ans) peine à être crédible (n'est pas Nabokov qui veut), il y manque probablement un petit quelque chose. Mais à la limite c'est plus un policier qu'un roman sentimental, puisque Nola disparaît en août 1675. Mais ce n'est que 33 ans plus tard que son corps est retrouvé. Québert est inculpé. C'est alors que son ancien élève, Marcus Goldman, revient à Aurora pour disculper son maître.

Dicker s'interroge sur l'écrivain version américaine, ce personnage médiatique, égocentrique qui veut le succès et l'argent. L'écrivain veut être star. Nous sommes très loin d'un Patrick Modiano ou d'un Jean Echenoz; et bien plus proches d'un Dan Brown finalement. Toutes les histoires de ce livre (celle de 1975 et celle de 2008) commencent avec le syndrome de la page blanche, maladie des écrivains, rempart au succès et à l'argent .Il faut dire que Dicker donne à la littérature une dimension essentiellement marketing, financière et sociale; ce qui explique sûrement le manque de beauté littéraire du livre.
Mais, les 31 conseils à l'écrivain ne sont pas dénués de sens, et malgré tout, on s'attache à cet ensemble étrange, imparfait et laborieux. Certains critiques ont crié au cliché, mais moi, j'adore l'idée du romancier tourmenté qui habite une belle maison en pierre sur les bords de l'Atlantique à la lisière d'une forêt...d'autant que la présence de la maison, de la forêt et de l'Océan est loin d'être anecdotique dans l'intrigue.

On ne peut qu'admirer l'ingénieuse et originale construction du récit avec des têtes de chapitres à rebours, des flash back divers et variés. Dicker met le temps dans un shaker et le mélange énergiquement. Rien n'est linéaire, et l'histoire est bien bouclée. Même si les personnages manquent de fond, la trame est remarquablement articulée; moi il ne m'est pas tombé des mains et honnêtement j'avais envie de le finir et de connaître la fin.
Finalement La vérité sur l'affaire...est une belle partition jouée par un instrumentiste médiocre. Joël Dicker étant à la fois l'une et l'autre, compositeur génial et piètre musicien, et vu son très jeune âge, je suis bien obligée de reconnaître qu'il a réussi un vrai tour de force. Alors, je dirais que l'imposture de ce succès pas forcément mérité répond au thème général du livre...alors, pourquoi pas, après tout? Chacun jugera si le fond l'emporte (ou pas) sur la forme...