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mardi 15 avril 2014

Le parfum de ces livres que nous avons aimés

Will Schwalbe
Le parfum de ces livres que nous avons aimés
Belfond, 2013, 415 p. 
Ce document, j'aurais pu en dire le plus grand mal et à dire le vrai, c'est ce qui a failli se produire.

Déjà parce que j'en ai assez (et même plus) des gens qui racontent leur vie, et ça m'exaspère encore plus quand ils ne sont pas écrivains parce que littérairement parlant, c'est souvent assez médiocre (écrire est un métier, je pense que c'est une base de départ). En plus, la traduction française du titre est d'une mièvrerie à peine croyable.

Le parfum de ces livres que nous avons aimés...mais qui chez Belfond imagine cette traduction à partir de The End of your life book club ? Même moi avec Allemand en première langue, j'aurais trouvé mieux...bref...

Donc en trois mots, Will nous raconte la fin de vie de sa mère, au dernier stade d'un cancer du pancréas dont on sort rarement vainqueur. Il nous décrit les séances de chimiothérapie pendant lesquelles lui et sa mère parlent ensemble de littérature, et fondent leur cercle de lecture privée, dernier instant d'intimité (livresque mais pas que) entre une mère et son fils.

A l'inverse de Russo, Will Schwalbe commence son livre par : "ma mère, ce héros des temps moderne". Et alors là, inutile de regarder autour de vous, plus parfaite que Mary-Anne, ça n'existe pas, et surtout pas dans sa propre famille! Mais bon, j'aurais détesté avoir cette mère pour génitrice. 

Parce que Mary-Anne est un savant mélange de Mère Thérésa, Wonder Woman et Margaret Thatcher. C'est à dire qu'elle est d'un altruisme aussi rare que stupéfiant, qu'elle a traversé des pays en guerre et partagé le quotidien des réfugiés, et qu'elle organise de manière autoritaire la vie de ses enfants quadragénaires.  Bon, en plus elle est tolérante, acceptant sans le moindre problème l'homosexualité de deux de ses enfants (dans les années 80' ce n'était pas gagné non plus). Enfin, elle est dure au mal, ne se plaint jamais et supporte stoïquement les épreuves que son corps malade lui inflige.


Cette image d'Epinal de la famille parfaite américaine n'a rien pour me plaire, je n'aime pas les gens lisses (ils me complexent trop), et je préfère voir poindre un peu de sens critique de temps en temps (même et surtout envers ceux qu'on aime).


Oui mais voilà, ce témoignage (le dernier heureusement de la sélection ELLE), je l'ai lu avec mes deux yeux mais aussi avec ceux d'autres lectrices qui y ont entendu une résonance différente. Alors j'ai dépassé mon aversion pour cette famille intellectuelle, aisée et aimante, et j'y ai vu d'autres choses.

J'y ai vu un fils qui pleure à chaque page la femme de sa vie, sa mère. Un fils qui se demande s'il y avait une autre issue possible. J'y ai vu l'avancée irréversible d'une maladie qui gagne presque à chaque fois: "j'étais en train d'apprendre que vivre avec quelqu'un qui est sur le point de mourir implique dans le même temps de célébrer le passé, de vivre le présent et de pleurer l'avenir" (p.166). 

 J'y ai compris la nécessité de lire, même un peu, pour rester vivant. J'y ai vu aussi un très bel hommage aux livres qui restent quand les lecteurs partent. Je ne connaissais pas la majorité des titres dont il était question (parce que je suis inculte en littérature anglo-saxonne), mais j'ai aimé cette lectrice en sursis qu'est Mary-Anne, qui commence les romans par la fin pour mieux en comprendre le déroulé. Je l'ai presque aimé cette femme qui raconte à son fils qu'élever des enfants en travaillant à temps plein l'avait habituée "à être tout le temps fatiguée. Si j'avais attendu d'être reposée pour lire, je ne l'aurais jamais fait" (p.309). Moi ça m'a fait un bien fou de lire cela. 

J'ai été heureuse de retrouver Millénium et L'Elégance du hérisson (avec le fantasme de l'appartement de M. Ozu qui, moi aussi, m'a fait entrevoir la possibilité d'une autre vie).  J'y ai vu aussi l'entêtement d'une mère qui insiste (quand même lourdement) pour que son fils lise quelques ouvrages importants (à ses yeux) avant qu'elle ne meure. J'ai adoré que Will Schwalbe confesse n'en avoir pas lus certains jusqu'au bout.  Et j'en retiens cet amour immodéré pour les livres imprimés qui "ont un corps, une présence" (p.59). 

En écrivant ce billet (qui sans mes amies jurées aurait été bien plus sévère) j'ai une pensée pour celles d'entre nous qui ont déjà traversé cette épreuve et à celles qui la traversent maintenant.

Ce témoignage  rappelle  que lire, même peu, c'est vivre encore (je ne cacherai donc pas que j'ai pleuré en cachette de l'Homme sur les dernières pages).

Une fois n'est pas coutume: discuter d'un livre au moment où on le lit modifie ce qu'on en pense...j'assume, je suis une lectrice influençable.

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