Je me suis jetée (manière de parler, il est sorti il y a déjà plusieurs mois) sur Fureur de Chochana Boukhobza, parce que c'est l'un de mes auteurs favoris.
Chochana Boukhobza, Fureur,
Denoël, 2012, 407 p.
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Ma déception fut à la hauteur de la tendresse que j'ai portée à ses autres romans!
L'histoire était alléchante: Francis Delorme, un vieillard qui fut résistant puis technicien dans le nucléaire, se fait renverser par une voiture. On doute que sa mort soit accidentelle. Fureur raconte l'enquête que mène Jo Mandelin, ami d'enfance du petit-fils de Francis.
J'en avais l'eau à la bouche.
Le problème c'est que ça ne se tient pas, mais alors pas du tout. Le mélange de souvenirs glorieux de la Résistance, de complots nucléaires et de déchets radioactifs ne fonctionne pas. C'est un hymne à l'anti-nucléaire (pourquoi pas, en ce qui me concerne, elle prêchait presque une convaincue), mais entre les longueurs explicatives et les détails historiques, on s'y perd, et parfois on s'y ennuie.
Par chauvinisme probablement, j'ai été excédé par le portrait des Bretons de Brennilis (bien entendu en ciré jaune, bottes de pluie et bonnet de laine tricoté main) qui n'ont même pas de café percolateur. Le Breton authentique dans sa rusticité, ça m'écorche toujours. Je vous assure Mme Boukhobza que la modernité et même la finesse existent aussi dans le Finistère. Je passe rapidement sur le paysan qui ne s'intéresse qu'à ces radis et ces carottes. Savez vous que dans les campagnes, il y eut aussi des gens qui moururent pour un idéal? Bref! Je ne vais pas m'étendre non plus sur le désespoir d'un des personnages dont la famille fut exterminée en Ukraine. Mendelshon l'a traité à la perfection dans Les Disparus, Fureur ne tient pas la comparaison, mais ce n'était pas son propos non plus.
L'écriture de Boukhobza s'est vraiment relâchée, aux présent et passé-composé. Boukhobza alterne des chapitres à la première puis à la troisième personne. Pour faire vrai, elle fait parler Jo en utilisant un vocabulaire des moins chatiés, voire à la limite du vulgaire (je me demande, en écrivant cela, si je ne suis pas une réac déguisée en bobo...). Je reste certaine que les jolies phrases sont parfois plus percutantes que les jurons. Passons, je vieillis!
Je suis d'autant plus déçue qu'il y avait quelques trouvailles qui m'ont interpellée. Certes, on voit venir de très loin l'histoire d'amour impossible entre Stella et Jo. Mais quel dommage que la romancière n'ait pas davantage creusé la question de la filiation. Est-on responsable du passé du nos ancêtres? Jusqu'à quel point nous constitue-t-il? Un homme vaut-il plus cher s'il descend d'un résistant? Est-il médiocre parce que son grand-père collabora en 1942? La question est malheureusement un peu survolée et reste, de toute façon, sans réponse.
Mais surtout la fin est bancale, ratée. Il n'y a pas vraiment de certitude sur la mort de Francis. Des personnages qu'on pensait clef dans la trame (je pense à l'écrivain Saintonges, tout en perversité et malveillance) n'y apportent finalement pas grand chose. A la fin, on se demande encore ce qu'un romancier d'extrême-droite faisait parmi d'anciens résistants qui le détestent. Sans compter certains passages proprement invraisemblables. Jo prend des risques qui sont à peine crédibles. La mystérieuse criminelle, troublante de beauté, reste l'éternelle énigmatique. Tellement énigmatique que même Jo ne la reconnaît pas quand il la croise, alors que pendant 300 pages il scrute des photos d'elle.
Chochana Boukobza, Sous les étoiles,
Le Seuil, 2002, 363 p.
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Sans doute, l'auteur a-t-elle essayé de refaire le coup de maître de Sous les étoiles qui intégrait sa petite histoire dans la grande, très grande histoire, celle des cataclysmes qui changent la face du monde. Mais, et cela n'engage que moi, elle y a échoué.
Mon billet est probablement trop sévère (la critique est subjective me direz-vous). Mais j'avais beaucoup aimé le Troisième jour, et surtout j'avais été éblouie (oui , éblouie!) par Sous les étoiles, que j'avais trouvé magistral et que j'ai offert à une dizaine de personnes.
Mais je resterai fidèle à Chochana Boukhobza et je lirai son prochain roman.
Oublions donc Fureur, que ceux qui n'ont jamais lu Boukhobza, se jettent Sous les étoiles, elles le méritent!
"Sous les étoiles" était vraiment très beau, en effet.
RépondreSupprimerEcrit juste avant le 11 septembre, c'était carrément prémonitoire! J'avais adoré. Je me demande si je serais déçue si je le relisais maintenant.
SupprimerJe ne peux qu'être d'accord avec toi. Ce livre, je l'ai lu à sa sortie, et il m'a terriblement déçue. Mais c'est l'auteur qui m'a le plus déçue , de part sa réaction n'acceptant pas mes remarques, et me faisant presque une explication de texte.....
RépondreSupprimerJe ne suis pas sure de lui rester fidèle
http://leblogdemimipinson.blogspot.fr/2012/02/fureur.html
Oui, j'ai lu ta critique, nous partageons la même déception. Moi je me dis qu'elle peut réécrire un "Troisième Jour" et "Sous les étoiles"!
SupprimerCeci dit, en off, j'aimerais bien que tu me racontes son explication de texte, par curiosité, puisque je suis passée à côté!
SupprimerJe ne l'ai pas lu, et je ne vais pas le lire après une telle critique. Là où je te rejoints c'est sur le style et le vocabulaire. Comme toi, j'aime la littérature, et j’abhorre la vulgarité. Introduire un gros mot à bon escient est une chose, faire parler les personnages vulgairement en est une autre.
RépondreSupprimerJe ne l'aurais pas mieux dit Alphonsine. Les belles phrases et les mots choisis font tellement de bien. Mais, elle avait une très jolie plume dans ses autres romans, c'est pour ça que je suis déçue.
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