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mardi 31 octobre 2017

My october

C'est l'heure des petites choses anodines et littéraires du mois d'octobre.

Le bilan d'un mois d'automne en 2 minutes (fait un peu en catastrophe quelque part entre les montagnes françaises et italiennes).


Bon mois de novembre à tous

samedi 28 octobre 2017

Souvenirs dormants - Modiano

Patrick Modiano, Souvenirs Dormants (2017)
Gallimard, 2017, 105 p.

Retrouver Modiano après trois ans d'absence

Ce n'est pas si simple le premier roman après un Nobel, une belle médiatisation, quelques polémiques (et mon éphémère heure de gloire bloguesque à l'annonce de son prix). On ne va pas se mentir, il y a la peur d'être déçue, la crainte qu'il ait changé, ou même d'avoir trop changé soi-même au point de ne plus être sensible à sa manière si singulière d'écrire. C'était un risque ces retrouvailles.

Je me suis donc jetée dessus le jour de sa sortie, avec crainte et fébrilité (déjà dépitée du trop peu de pages de son nouvel opus). J'ai de la chance, il y a des choses qui ne changent pas dans la vie : ce qu'écrit mon romancier préféré et ma manière de le lire. Tout va bien donc.

C'est toujours l'histoire d'un homme qui se souvient

C'est encore le long rassemblement des souvenirs qui s'éparpillent toujours plus à mesure que le temps passe. Car même si Modiano aura pour moi toujours une trentaine d'années, on ne va pas se mentir, c'est maintenant presque un vieux monsieur. C'est vrai, c'est encore une histoire de déambulation, d'adresses d'un autre temps, c'est, selon les expressions journalistiques maintenant convenues, son éternelle "géographie intime", ses "brouillards phosphorescents", la "petite musique de Modiano"...mais au fond c'est tellement plus que tout cela.

Souvenirs dormants raconte la longue solitude d'un jeune homme entre 17 et 22 ans, et de ses rencontres imprécises. Des femmes essentiellement. On y retrouve les personnages féminins de ses autres romans, on croise des état-civils qui en rappellent d'autres, des situations qu'on a déjà lues. Il y a la femme mystérieuse et légèrement fatale, forcément mariée mais sans époux. Il y a la très jeune femme sous emprise, la vingtaine à peine engagée, fragile, en équilibre entre deux mondes et qui ne s'appartient pas vraiment. Il y a le couple en fuite qui se cache d'hôtels en hôtels. Et surtout, il y a celle qu'il ne veut pas nommer et pour cause :

"je me méfie encore , après cinquante ans, des détails trop précis  qui pourraient permettre de l'identifier" (p.75)

Souvenirs dormants répond une fois de plus au reste de son œuvre

Cette femme qu'il ne veut pas nommer, c'est peut-être Carmen de Quartier perdu. Ici, les souvenirs dormants paraissent aussi potentiellement inquiétants que des agents. Car c'est d'abord et surtout un roman sur le danger, la peur, la disparition, la fuite et le mystère. Modiano ce n'est pas que du flou, c'est aussi l'évocation des gens malveillants, au passé trouble, des hommes dangereux, menaçants, ceux dont il disait dans son précédent livre qu'ils sont aussi coupants de face que de profil (de mémoire hein, peut-être ce n'est peut-être pas la formulation exacte).

Deux jours après l'avoir terminé, après avoir relu Quartier perdu, une partie Du plus loin de l'oubli et de Fleurs de ruines, ainsi que certains chapitres de sa biographie, je me dis que l’œuvre de Modiano c'est un monde parallèle (disparu, imaginaire, littéraire ? peu importe). Je ne sais pas du tout si Souvenirs Dormants pourrait plaire à quelqu'un qui ne connaît pas son œuvre, parce que je le lis à la lueur des autres. Mais pour le lecteur assidu et un peu obsessionnel de Modiano (dont je suis), ce dernier roman, presque trop court, trop essentiel, est une nouvelle piste de compréhension, qui une fois de plus éclaire tout le reste. La matrice de l'écriture de Modiano c'est vraiment le danger, la fuite, l'évaporation, le souvenir.

Car ce que nous confirme Souvenirs dormants (et on respire l'effroi du narrateur (ou de l'auteur) à l'évoquer une nouvelle fois) c'est que si l'Occupation est au cœur de sa production, il y a aussi une certaine nuit de l'été 1965, avec un cadavre froid au 2 avenue Rodin, Paris XVIe. Modiano nous renvoie lui-même vers Quartier perdu avec la production du rapport d'enquête, les constatations de la police, avec la fuite et la disparition. Clin d’œil littéraire ou dissimulation du réel, à la limite peu importe.

"Ainsi, on ne saura pas s'ils appartiennent à la réalité ou au domaine des rêves" (p.96) 

Un narrateur face à ses propres démons

Dans Souvenirs dormants, c'est comme s'il trainait derrière lui depuis trop longtemps quelque chose qui mêle le drame et la beauté, le banditisme et la fragilité. Des crapules qui menacent des femmes en suspension. Il y a un demi-siècle, le narrateur pense n'avoir été qu'un simple figurant dont personne ne se souvient, au milieu d'une population marginale et désargentée. On l'observe faire le bilan de ses nombreuses fugues et de ses lâchetés.

"Nous étions partis à pied  de Saint-Maur, 35 avenue du Nord, et nous avions mis 20 ans pour arriver au 76, boulevard Serurier". (p.100)


Force est de constater que plus je le lis, plus je tente de reconstituer avec lui ce qui a pu se passer. Je croise ses romans, confronte ses personnages, je m'interroge, je cherche...bref j'ai l'impression de refaire une thèse. 
 

Je me demande combien sommes-nous de lecteurs un peu fous (et moyennement en place quand même il faut bien l'avouer) qui continuons à reconstituer l'ensemble de son enquête sur ce qui n'est plus et qui n'a peut être même jamais été. Combien sommes-nous à recouper les états-civils improbables, les adresses et numéros caduques ?

Et puis à chaque fois, il repart pour une nouvelle destination qui n'existe plus, ici ce n'est pas vers la rue des boutiques obscures à Rome qu'il poursuit son chemin , mais vers le portail vert de la dernière maison d'un village nommé Remauville.

(que j'ai déjà localisé sur ma carte...tout en dissimulant à l'Homme mes agissements, je suis irrécupérable...).

dimanche 1 mars 2015

Un pédigrée-Modiano

Le propre des gens géniaux c'est d'être l'exception à nos principes

Pouvais-je vraiment ne pas participer au Blogoclub de Sylire consacré à Modiano ce trimestre-ci? Non. Mais c'était sans compter une panne de réseau, une valise mal faite, une balade tardive...bref. C'est en bonne dernière et un peu honteuse que je rejoins la troupe. 

C'est le cas d'Un Pédigrée dont, a priori, je déteste le postulat de départ (raconter sa vie et son enfance malheureuse...alors que je déteste l'autofiction et les gens qui se répandent sur leurs malheurs passés). Mais ici, ça me touche plus que je ne saurais le dire.

Un pédigrée-Modiano
Un Pédigrée de Modiano 2005, folio 2006, 127 p.

"J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne" (p.45)

Un Pedigree c'est l'histoire d'un petit garçon qui n'en a pas justement 

C'est l'histoire d'un enfant de personne et de nulle part au fond, un enfant presque seul au monde, né de parents égoïstes et peu aimants, qui le sont devenus presque par hasard. C'est le récit douloureux d'années sombres et pluvieuses, de pensionnats à la discipline de fer. C'est le récit d'un petit dont on se débarrasse, qui n'est protégé de personne entre une mère-actrice qui ne percera jamais et un père englué dans diverses affaires.

En fait c'est une histoire archi-glauque, parce qu'il y a l'absence d'amour, mais aussi la pauvreté, la limite de la légalité, mais tout ce mélodrame devient, sous la plume de Modiano, poétique, brumeux et élégant. Une tristesse magnifique. Les quelques lignes touchant à la mort de son frère sont bouleversantes de retenue. 

Chez Modiano, on évite le roman noir

Ce n'est pas seulement triste, c'est aussi un peu glauque. Car dans ce livre, il est question de grand banditisme, de brigands, de braquage, d'assassinats. Mais Modiano est un auteur qui, sous le filtre de ses mots, donne ses lettres de noblesse aux situations pathétiques, violentes ou indignes.

Et surtout, on sent qu'il aurait pu en dire bien plus, on sent qu'il aurait pu régler ses comptes comme d'autres auteurs se plaisent à le faire, en vomissant sur la place publique la haine des leurs... mais lui n'en est pas là, et si on comprend l'idée générale, on n'a pas besoin de voir le fond de ses poubelles, car littérairement, il a bien compris, que c'était inutile.

"Parfois, comme un chien sans pedigree et qui a été un peu trop livré à lui-même, j'éprouve la tentation puérile d'écrire noir sur blanc et en détail ce qu'elle [ma mère] m'a fait subir, à cause de sa dureté et de son inconséquence. Je me tais. Et je lui pardonne" (p. 90)

De cette enfance, sont nés tous les personnages

Dans Un Pédigrée, Modiano parle d'une période vécue en transparence, à une place qui n'était pas la sienne. C'est ici que naissent tous les protagonistes à venir. On y retrouve le couple Niels de Dimanches d'août, une Daragane qui rappelle son dernier opus. On y croise les belles jeunes femmes qui s'occupent d'enfants abandonnés. On frôle l'affaire Ben Barka de l'Herbe des nuits. On devine les futures meurtrières, les éternelles adolescentes disparues dans la nuit de l'Occupation. On entrevoit les hommes troubles, les voleuses, les maître-chanteurs, les affairistes véreux. On plaint les si braves garçons abandonnés dans des pensionnats, les contours d'Annecy. Et toujours les identités troubles, les rues de Paris; les disparus d'un temps dont on doute qu'il ait existé.

Je ne sais pas si Un Pédigrée peut plaire à des lecteurs qui n'aiment pas spécialement Modiano, mais chez moi, c'est un livre qui fait surgir une immense émotion. Je ne sais pas si Modiano aurait été cet écrivain magnifique sans l'infinie tristesse de son enfance.

Oserai-je dire qu'à titre personnel j'aurais perdu beaucoup s'il avait été plus heureux, mieux né et davantage entouré?

lundi 24 novembre 2014

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

Patrick Modiano,
Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier,
Gallimard, 2014, 146 p.
(merci Numérobis, tu as vraiment géré l'urgence!)

Le jeudi 2 octobre dernier, j'ai couru comme une dératée à ma librairie, avec Numérobis sur mes talons, je me suis jetée sur Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, j'ai pesté contre mon libraire qui l'avais mis derrière d'autres livres de la rentrée littéraire, je suis arrivée en retard au cours de danse de Rayures, mais j'avais accompli ma mission: j'avais le dernier Modiano.


Une semaine plus tard, il était nobelisé.

J'avais envie d'attendre un peu pour parler de Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, attendre que l'effet Nobel retombe, qu'il ne soit plus à la mode ni premier des ventes, ni dans aucune polémique politicienne, attendre que des libraires populistes ne se moquent plus de lui, bref j'avais besoin de retrouver l'intimité (complètement unilatérale) entre Modiano et moi. 

Alors soyons clairs: surtout n'offrez pas ce livre pour Noël à des gens qui n'ont jamais lu Modiano, même s'il est court, même s'il y a le bandeau du Nobel, même si le titre résonne comme du Gavalda (bon d'ailleurs, il a fait mieux quand même, Villa Embiricos est un titre qui m'aurait moins étonnée, mais bon ça aurait fait doublon), . Bref, il est possible qu'un lecteur n'y voit que du flou et en ressorte avec une impression bizarre, et, il faut bien le dire, une certaine incompréhension générale. Ce n'est certes pas son roman le plus accessible. Ce dernier opus est une pièce supplémentaire dans l'oeuvre de Modiano, et c'est l'une des plus petites, des plus minimalistes, expurgée à l'extrême, dans lequel résonnent tous ses autres livres.

En revanche, si vous avez un ou une modia-fan dans votre entourage, surtout n'hésitez pas. Si vous connaissez quelqu'un qui a adoré Dimanches d'août ou Remise de peine, vous pouvez y aller franchement, parce qu'il est en droite ligne, et je dirai même, dans la continuité de ces deux titres-là.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier c'est l'histoire d'un romancier de 65 ans, un peu ermite, un peu craintif, un peu résigné, qui reçoit un soir l'appel d'un homme qui a retrouvé son carnet d'adresses et qui veut le lui rendre, en mains propres évidemment. Ca commence comme ça: par le coup de téléphone d'un type inquiétant.

"Presque rien" (incipit)

Presque tout. Parole de modianette, je vous promets de retrouver dans ce roman presque tous les ingrédients modianesques.

- Je vous garantis d'abord du papier sous toutes ses formes : un carnet d'adresses , celui-là même qui amorce l'intrigue, des brochures publicitaires de villages , des livres épuisés, un petit mot glissé dans un endroit improbable, des coupures de journaux, des procès-verbaux d'une autre époque, un photomaton des années 50.... Modiano c'est l'auteur du papier jauni qui traverse le temps.

- Je vous promets une intrigue angoissante aussi, chez Modiano, il y a des énigmes plus ou moins résolues,  des gens vraiment malveillants, des types à l'identité douteuse, à la capacité de nuisance inquiétante. On retrouve ici l'homme dangereux de Dimanches d'août, dont on ressent immédiatement sa propension à fomenter un truc terrible. 

"Le visage était mince, aussi coupant de face que de profil" (p.16)

C'est une composante incontournable de l'univers modianesque, mais toujours dans la suggestion. Chez Modiano, il y a des meurtres en filigrane, des complots, des escroqueries, des maîtres-chanteurs, le fantôme de criminels malgré eux, des faits divers oubliés...mais tout est suggéré, il ne faut pas manquer une phrase sinon on passe à côté de la résolution de l'énigme. Modiano parie sur la concentration du lecteur.

- Je peux aussi vous assurer que les personnages féminins ne sont pas en reste.  Modiano parle des femmes, toujours jeunes, toujours étranges, parfois ambiguës, souvent perdues, à chaque fois sensuelles...Les femmes ne vieillissent pas chez Modiano, elles disparaissent. C'est l'éternel portrait de la femme mystérieuse, métisse improbable, prise dans un engrenage qui la dépasse.  Dans n'importe quel autre roman, l'ambiance serait glauque, mais jamais chez lui. Et ces femmes, à l'état civil fluctuant, il les aime et les désire.

"Son rire et le bruit de leurs pas résonnaient dans ces rues dont l'une portait le nom d'un écrivain oublié" (p.106)

- Je peux aussi gager sur les errances dans le temps. Un roman de Modiano parle toujours du passé, avec des allers-retours , et ici entre l'enfance, la jeunesse et l'âge mûr. C'est rare que les trois soient réunis dans un même livre, mais là c'est le cas. Il y a le narrateur, Jean Darragane presque au crépuscule de sa vie (et qui ressemble à s'y méprendre au narrateur de Quartier perdu qui aurait vieilli), mais il y a aussi le jeune homme qu'il fut, errant à 20 ans dans les rues parisiennes, et surtout l'enfant, le jumeau de celui de Remise de peine, un enfant de 7 ou 8 ans, emmené à droite à gauche, qui observe sans comprendre, et qui on le sait, se retrouvera tout seul. Je suis encore saisie par l'ultime phrase de ce livre que je trouve absolument splendide.

- Enfin, comme toujours, je parie que la géographie modianesque, aussi envoutante qu'approximative, plaira aux amateurs du genre. On dit de Modiano qu'il est l'auteur de la topographie parisienne dans toute sa précision, c'est très réducteur voire peu faux. Les adresses qu'il donne correspondent rarement à des lieux réels (et on s'en moque parce que c'est de la fiction). Mais  surtout, Modiano est le conteur de la banlieue, celle entre rivière et forêts, avec des maisons couvertes de lierre dans des villages de bord de Marne ou en lisière de bois. Ici c'est à Saint-Leu-la-Forêt que ça se passe, dans une maison décrépie après son heure de gloire, fascinante demeure qui impressionne l'enfant. 
Et Modiano reste l'auteur de la côte d'Azur vénéneuse, cette Riviera baignée de soleil et mensongère, dans laquelle ses personnages pensent se protéger de quelque chose qui les rattrapera inévitablement. Les rivages méditerranéens sont marqués chez Modiano par le sceau de l'implacable destin. Comme dans Dimanches d'août, la Côte d'Azur a des allures de terminus tragique. 

...et puis j'aurais pu vous parler de cafés fantomatiques, de trains qui font le Paris-Nice, d'une petite robe noire, de l'éternelle sentinelle, des réminiscences de l'univers hippique...

"c'était un morceau de réalité qu'il avait fait passer en fraude, l'un de ces messages personnels qu'on lance dans les petites annonces de journaux et qui ne peuvent être déchiffrées que par une seule personne" (p. 71)

C'est un absolu coup de coeur pour moi, je l'ai lu le plus lentement possible car chez Modiano, il ne faut pas manquer un mot ou sauter une phrase:  rien n'est appuyé ou répété, il y a de tout, mais c'est suggéré, dit une fois au milieu d'autre chose. Mais je vous rassure, je suis dans une phase où je n'essaie plus de convaincre qui ce soit, car je crois qu'il fait partie de ces rares écrivains  qui font de leur oeuvre est un grand roman discontinu (c'est lui qui le dit), on ne lit pas toujours le même livre mais tous ses opus n'en forment qu'un seul finalement, avec des personnages qui se rappellent au souvenir les uns des autres. Peut-être que Modiano est un auteur qu'on doit lire entièrement pour vraiment l'apprécier.

Peut-être.

Vu que je n'ai absolument aucune objectivité sur mon chouchou, je vous conseille d'aller vous faire une idée chez Un autre endroit et Noukette qui ont trouvé ce roman assez flou (sans rancune les filles), chez Jérôme qui partage mon attachement modianesque, chez l'Irrégulière qui a elle aussi été séduite, et chez Laure qui l'a aimé passionnément bien que ce soit son premier (et que j'envisage d'introniser dans le club des modianettes).

Belle semaine à tous ;-)

dimanche 22 septembre 2013

Lettre à Modiano-Challenge chez Liliba

Bon ça y est...J'ai un jour de retard pour le challenge vidéo de Liliba; mais j'y suis.

L'une de mes résolutions de rentrée était de ne plus rien abandonner avant achèvement du projet (Sophie j'ai fini tes Gengi , c'est dire).

Dire que j'ai galéré est un doux euphémisme. Parce que ma web cam est morte. Pourquoi? A cause de Millenium que j'ai lu à la fin de mes études. Et ce que pouvait faire Lisbeth était tellement inquiétant que j'avais fait quelques manipulations malheureuses (je n'avais pas la distance suffisante pour me rendre compte que "les chevaliers de l'an 1000 du lac de Paladru" était un peu trop pointu pour le grand public). Et maintenant c'est trop tard, mon ordinateur est vexé. Plus rien ne fonctionne.


Bref, j'avais hésité en Terminale à prendre option audiovisuelle, j'ai très bien fait de m'abstenir et de prendre danse à la place (qui m'a permis de l'avoir ce fameux bac)

J'avais imaginé un instant topissime, mais bon c'est techniquement moyen , le message est un peu dégoulinant (Modianette un jour, Modianette toujours) , je bafouille parfois, j'ai un voile sur la voix (le tabac c'est tabou etc...), les enchaînements font de la peine. Je ne m'essayerai plus jamais à la vidéo ni à YouTube, mais j'ai tenu ma parole.

Pour une fois, je fais court, je vous laisse, le Masque va commencer.

J'en appelle à votre indulgence.

Je vous laisse aller voir les autres vidéos : celle de Liliba est militante, vous verrez aussi deux adorables petites filles présenter un album jeunesse, et de drôles de lapins cultivés...



mardi 30 juillet 2013

A mi-chemin

Ca y est...nous sommes presque au milieu des vacances scolaires...Samedi, il y en aura autant derrière nous que devant, et je n'ai plus que 15 jours à harceler parents et amis pour qu'ils gardent les enfants pendant que je travaille...

Je suis quand même un peu partie, pas loin, dans ma montagne, dans un village qui n'est plus italien depuis un siècle mais qui n'est pas complètement français non plus, un territoire à la lisière, comme je les aime. J'ai marché, marché, marché; les enfants suivaient tant bien que mal.

Mais c'était dans des forêts un peu humides, vraiment silencieuses...et je vous le dis, c'était vraiment bien. Même s'il a fallu que je conduise toute seule sur des routes escarpées, qui tournent, qui sont étroites et creusées dans la roche. Pour quelqu'un qui a eu du mal à avoir son permis (et qui avait la responsabilité d'enfants jeunes et innocents), croyez-moi c'est de l'ordre de l'exploit personnel...

Sinon, j'ai recommencé pour la énième fois à m'atteler aux tuniques de notre styliste favorite, cette fois j'approche du but, j'ai gâché tellement de tissus, que j'ai fini par en acheter au poids dans un magasin dont l'hygiène laissait à désirer. Je m'accroche, le jour où je termine je vous tiens au courant (parce que je sais que pour vous aussi c'est important).

Parlons quand même littérature, j'ai lu Vestiaire de l'enfance de ...Modiano évidemment. Et là, gros problème, je ne peux plus chroniquer mon auteur favori, je crois que je suis beaucoup trop fusionnelle avec lui, je n'arrive pas à être synthétique, à raconter l'histoire, je crois qu'il faut que je prenne du recul avec Patrick, sinon ce blog va disparaître. Donc, parce que je reste quelqu'un de sérieux, je vous renvoie à l'excellent billet de Sandrine qui avait su si bien en parler.

J'ai enfin reçu mon premier colis du Prix Elle 2014. Que serait Galéa si elle ne se plaignait pas?
J'avais parié sur un autre roman pour la sélection de septembre, j'ai donc de la peine (ne vous inquiétez pas, j'aurais l'occasion de vous reparler de tout ça). Je vais m'atteler dès que possible à ma nouvelle mission, je promets d'être honnête et juste (j'ai été prof je le rappelle, je garde donc un soucis permanent d'équité dans mes notations). Je mise beaucoup sur le Bernheim (à cause de Valérie), je vous tiendrai également au courant.

Enfin, comme si la blogo n'était pas assez morne comme ça pendant les vacances, deux blogs ont fermé à mon retour, et je ne peux pas dire que ça ne me fait rien.

Je m'en vais suer et râler sur mes galets. 

Bon milieu de vacances à tous

mercredi 1 mai 2013

Villa triste-Modiano

"Que faisais-je à 18 ans au bord de ce lac , dans cette station thermale réputée? Rien." (p.21)

Villa triste a cette particularité qu'on me l'a volé il y a 4 ou 5 ans (j'avais eu la faiblesse de trop le prêter). On suppose qu'il a fini dans un vide-grenier à 1€ l'ouvrage. C'était l'édition folio illustrée par Pierre Le-Tan (qui reste pour beaucoup d'entre nous associé à l’œuvre de Modiano). Je l'ai donc racheté dans sa nouvelle version chez folio, avec une première de couverture tout à fait réussie et une quatrième assez moyenne.

Patrick Modiano, Villas Triste

Quand on relit un livre qu'on a aimé, on découvre plus de choses sur soi que sur le roman en lui même.Villa triste est le plus dépressif des livres de Modiano, mais je l'aime quand même. La Villa en question se trouve au bord d'un lac qui sépare la Suisse et la France, au coeur de la Savoie, dans une ville de province qui fait office de villégiature l'été avec des hôtel de luxe et des Sporting d'avant guerre. J'aime ces décors désuets et ces ambiances d'un autre temps.

Les personnages sont (comme toujours) des jeunes gens désœuvrés en quête d'identité. 

Un trentenaire mystérieux (et franchement paumé), revient dans une ville qu'il ne nomme pas. Il cherche à se souvenir de ses vingt ans, quand il se faisait appeler Victor Chmara, dans ce juillet d'après guerre. Il y croise dans une brasserie nocturne, le Dr Meinthe, propriétaire de la Villa triste. Peut-être fut-il son ami 10 ans auparavant, quand il faisait à la fois office de chaperon, de tuteur et de Pygmalion d'Yvonne. Yvonne est la beauté splendide, alanguie et paresseuse qui voulait devenir vedette de cinéma. C'est incroyable comme ce personnage ressurgit sous différents prénoms dans les romans de Modiano.

Modiano reste l'auteur qui observe le temps s'écouler

D'un côté, il décrit l'interminable mois de juillet savoyard, quand les amoureux se font rien qu'attendre le succès d'Yvonne. Mais Modiano s'attache aussi au temps perdu: quand Victor ne retrouve plus grand chose des lieux disparus. Et puis, entre les lignes émergent des temps oubliés. L'Occupation est bien présente dans Villa triste, la guerre d'Algérie aussi, avec tous les comportements troubles et inquiétants, les partis-pris non choisis, les traques, l'argent de provenance douteuse et les mensonges. Tous ces éléments flottent plus qu'ils ne sont posés dans le livre; c'est ça qui est génial. Mais le roman ne s'étend que sur quelques semaines finalement.

Villa triste demeure une parenthèse dans la vie du narrateur

C'est un roman dramatique qui raconte le pas de côté dans la vie du narrateur. Presque un récit d'apprentissage. Il y a les désillusions d'un amour passionné et ces moments où la vie aurait pu prendre une autre direction. Il y a la peur aussi, Modiano parle remarquablement bien de ce que les gens angoissés connaissent: la panique.

"Une fleur qui ouvrait lentement ses pétales un peu plus haut que le nombril" (p.22)

Il évoque aussi les instants de bonheur parfait, dans un obscur garage où Victor se sent heureux. C'est un livre triste, sur l'espoir et la crainte quand on est un peu largué à 20 ans. C'est un roman sans amertume, parce que Victor a ce qu'il appelle ses "sentinelles", des personnages masculins qui pourraient ressembler à des figures paternelles : "ces êtres mystérieux - toujours les mêmes - qui se tiennent en sentinelle à chaque carrefour de votre vie" (p.63)

Même jeune, Modiano était déjà vieux et nostalgique

Évidemment, c'est un compliment. Il faut avoir sacrément réfléchi à la vie et à sa perte pour écrire un tel roman à 29 ans. Il faut déjà avoir perdu cette légèreté et cette arrogance de la jeunesse pour poser des mots aussi justes. Celui qui se fait appeler Victor n'a que trente ans et se plonge déjà dans son passé et sa jeunesse perdue. Le commun des mortels ne s'aperçoit que trop tard que le temps a disparu.

De toute manière, tout ce que je pourrais en dire ne rendra pas justice à l’atmosphère de ce beau roman.

J'espère que quelqu'un a acheté Villa triste au vide-grenier, se disant que pour 1€ ça se tentait, et si ça a permis à cette personne de découvrir et d'aimer Modiano, ce n'est pas très grave qu'on me l'ait volé ;-)

Patrick Modiano, Villa triste, 1975, folio, 2012, 209 p.

mardi 26 février 2013

Remise de peine-Modiano

Remise de peine raconte l'histoire de deux jeunes frères bringuebalés

Deux petits garçons sont confiés par leurs parents à un groupe d'adultes troubles. On les voit évoluer dans une banlieue parisienne incertaine, quelque part dans les années 1950, au sein d'une grande maison où se croisent des personnages ambigus. Modiano reconstitue avec son regard d'adulte et ses sensations d'enfance ces évènements qui ne durèrent pas plus d'une année. 

Modiano, Remise de peine

Un roman intime, au plus proche de l'enfance

À mots couverts, on devine le passé et le futur de ces petits et grands brigands qui furent le temps de quelques mois leur seule et unique famille. Entre une mère comédienne en tournée à l'étranger et un père fuyant on-ne-sait-quoi à l'autre bout du monde, Remise de peine a des accents désespérés.

Le narrateur ne fait qu'un avec son petit frère qui ne sera jamais nommé dans le livre. Tout ce qu'ils font, ils le font à deux. Ce qu'ils voient, ce qu'ils comprennent, ce qu'ils craignent. C'est un beau roman, parce qu'il restitue les fantasmes et les interrogations de l'enfance avant l'adolescence. Il y aurait presque du Pagnol dans Remise de peine. Mais pas seulement parce que le sujet est grave.

Des adultes à mi-chemin entre le bandit et l'ange-gardien

Les hommes et femmes qui vivent dans la maison ne sont vraiment pas des enfants de chœur. On croise des anciens de la rue Lauriston, des femmes aux activités diverses, des cambrioleurs de haute volée ...Et pourtant, l'ambiance n'est pas glauque, Modiano décrit des gens aimants, attentifs et presque protecteurs.

L'issue est dramatique, au sens propre, amenée avec une grande délicatesse, avec des mots d'adultes et des yeux d'enfants. Je ne la déflorerai pas. Modiano parle d'une ceinture parisienne qui n'existe plus, de lieux engloutis par le périphérique, de rues dont la morphologie a maintenant changé.

Je salue particulièrement les éditions Points qui proposent en poche les romans de Modiano qui ne furent pas édités par Gallimard et qui sont préfacés par des auteurs contemporains. La préface d'Olivier Adam est extrêmement émouvante

Patrick Modiano, Remise de peine, 1988
Points, 2013, 118 p.

samedi 2 février 2013

Rue des boutiques obscures-Modiano

Sans Modiano, ce blog ne serait pas vraiment le mien

Je cherchais depuis quelques temps déjà l'occasion de relire Rue des boutiques obscures; c'est Laure qui me l'a donnée en lançant le challenge "A tous prix". Effectivement Rue des boutiques obscures reçut en 1978 un prix Goncourt très mérité (alors que Modiano était plus jeune que je ne le suis aujourd'hui).

Modiano, Rue des boutiques obscures 

Rue des boutiques obscures raconte l'histoire d'un homme qui a tout oublié de lui-même

 "Je ne suis rien." écrit-il en incipit. Précisément, l'homme n'est plus rien parce qu'il n'a aucun souvenir de son passé ni de sa propre mémoire. Le lecteur suit alors avec lui son enquête ou plutôt sa quête de lui-même au travers de personnages dont il espère, à chaque fois, qu'ils se souviendront de lui, qu'ils se substitueront à sa mémoire défaillante. Le narrateur s'accroche à une photo dans laquelle il croît se reconnaître.

Guy (c'est ainsi que s'appelle l'amnésique qu'il est devenu) part à la recherche de ceux qui savent ce qu'il fut. Il chemine entre un détective privé qui l'embaucha après son amnésie, quelques apatrides russes exilés (qui prennent pour moi une autre dimension après avoir lu Guenassia), un jardinier d'aristocrates désargentés, un jockey qui eut son heure de gloire, une femme qui lui prêta un appartement (refuge dans une sombre période) et quelques anonymes qui surgissent, juste le temps de livrer au lecteur un souvenir précis.

Le narrateur se cherche aussi à travers des lieux : de Paris à Nice en passant par Megève

Modiano aime les adresses, les numéros de téléphone désuets, il observe des fenêtres en essayant de se souvenir de lui même.  Une sensation l'assaille quand il marche dans une rue, il croit reconnaître une odeur, un sentiment, un tissu. Finalement, il part à la recherche de l'évènement qui lui a fait perdre la mémoire.

Modiano évoque  l'Occupation avec un ton particulier, toujours de manière elliptique mais intense. Il trace de cette sombre parenthèse historique ce qu'elle a de plus ambiguë et comment elle a scellé le destin de ses personnages. En parvenant à reconstituer son traumatisme originel, le narrateur découvre aussi ce qu'il a perdu, et ceux qui ont été engloutis, obligeant le lecteur à se souvenir du début du livre avec une émotion particulière.

Mais surtout, dans sa quête de lui-même, Guy Roland montre la fragilité de la vie, la faillibilité de la mémoire: ce qu'il reste de chacun de nous n'existe que dans le souvenir des autres... et dans quelques papiers administratifs.

L'esprit Modiano : le rythme du contrejour

Tout le monde n'adhère pas au style Modiano, extrêmement dépouillé avec une cadence à contretemps, mais je fais partie des gens chez qui résonnent ces mots. Évidemment, son œuvre, parce qu'il faut bien appeler ainsi l'ensemble de ses romans, a des clefs qu'il faut chercher et comprendre. C'est pour cela que mon adorable petite sœur m'a offert à Noël Dans la peau de Patrick Modiano, et que je suis attentivement un blog qui lui est consacré. 

 Mais toutes ces exégèses ne sont pas forcément nécessaires, on peut (je dirais même on doit) aimer un roman pour lui même. J'ai lu pendant plus de dix ans Modiano sans reconnaître aucune allusion et pourtant j'étais enchantée, et je le suis toujours, par son écriture sobre, sa perpétuelle quête d'identité, sa nostalgie d'une époque qu'il n'a pas vécue, l'ambivalence de ces personnages perdus.

Tous les Goncourt n'ont pas nécessairement été mérités (à mes yeux), mais celui-là lançait la carrière d'un romancier qui , à défaut de faire l'unanimité, et surtout sans être un personnage médiatique, compte dans le paysage littéraire français. Merci à Laure de m'avoir permis de le refaire surgir.

PS: Si un blogueur décide un jour de lancer un Challenge Modiano, je serai son premier soutien et contributeur.
 
Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures (1978), folio, 2004, 251 p. 

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