Joseph Kessel, L'Armée des Ombres Pocket, 2012, 221 p. (1ère édition: Plon, 1963) |
Je suis fascinée depuis ma plus lointaine adolescence par la Résistance, par cette lutte en pleine illégalité où on remettait en cause la police, la justice et la loi. L'histoire est écrite par les vainqueurs, mais le Résistant de base en ignorait l'issue. Cette période m'inspire de l'effroi et de l'admiration. Je suis donc toujours très attirée par cette littérature.
Joseph Kessel a trouvé un titre magistral. L'Armée des ombres, c'est à la fois la lutte et l'anonymat dans lequel se dilue la propre identité des personnages. Plus qu'une histoire, l'auteur livre une galerie de portraits tragiques de résistants. On les découvre donc par le prisme du chef de réseau, un certain Gerbier, qui lui-même laisse à la guerre une partie de sa superbe et de son flegme. Quand on se souvient que Kessel a écrit les paroles du Chant des Partisans et que son personnage principal n'arrive pas à chanter la Marseillaise devant le peloton d'exécution, on devine le clin d'oeil qu'il fait à son lecteur.
Mais surtout, L'Armée des Ombres crée le fascinant personnage de Mathilde dont la résistance révèle la force et la caractère. Mathilde, mère de 6 enfants qu'elle ne parvient pas à nourrir, s'engage dans la lutte souterraine avec la rage du matriarcat. Mathilde, chef pragmatique, organisé qui maîtrise ses nerfs et ses hommes sans sensiblerie. Mais Mathilde reste une mère et Mathilde chute. Sa fin est tragique et splendide. Je rends d'ailleurs hommage au film qui sut faire de cette dernière image un moment fidèle aux dernières pages du livre.
Kessel n'idéalise pas les patriotes, il lâche aussi le glauque, le peur, l'envie de sang. Il ne tait rien du nécessaire détachement, de la dureté obligatoire pour continuer de vivre malgré l'horreur, la banalisation du meurtre. On sacrifie des individus pour la cause. Nous qui sommes en paix depuis deux générations, comment comprendre qu'on laisse un enfant de 12 ans entendre les suppliciés de la Gestapo pour conserver un oeil chez l'ennemi?
L'Armée des Ombres est un beau roman mais surtout un document historique, la beauté du style et du mot en plus. Kessel l'a écrit en 1943 à Londres, la guerre n'était pas encore finie. Et comme il le rappelle dans son avant-propos "Tout ce qu'on va lire ici a été vécu par des gens de France".
L'Armée des Ombres ne rassure certes pas sur la nature humaine, mais lire une valeur sûre de temps en temps, ça fait vraiment du bien.
P.S: pardonnez-moi les fautes, je poste en urgence...(je passe à un autre livre et j'aime faire les billets à chaud!...et j'ai beaucoup de retard dans mon travail )
Je n'ai jamais lu le livre, par contre j'ai vu le film plusieurs fois et il me fait toujours aussi froid dans le dos. Mais quels interprètes !
RépondreSupprimerComme tu as raison...le livre aussi fait froid dans le dos mais qu'est ce que c'est bien!
SupprimerPas lu le livre, après ton billet, cela me donne envie de m'y plonger.
RépondreSupprimerHo oui, en plus c'est un récit qui se lit en deux jours et qui interroge vraiment!
SupprimerKessel est un auteur que j'aime beaucoup, je viens de lui consacré un billet, c'est un homme surprenant et j'aime particulièrement certains de ses récits
RépondreSupprimerl'armée des ombres est un des meilleurs et le film le sert totalement, les acteurs y sont formidables
j'ai relu aussi il y a quelques mois l'Equipage qui reste un fort beau roman pour temps de guerre
Le film est remarquable et d'une grande fidélité à l'ambiance du livre. J'avais lu ton billet quand j'ai commencé l'Armée des Ombres, je ne connaissais rien de ces nouvelles, mais je vais m'y mettre. L'Equipage c'est celui qu'il a écrit sur l’Afghanistan ?
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