Je profite, complètement après coup (j'ai honte), du dernier thème proposé
par le Petit Carré Jaune pour son AmeGraphique, pour vous emmener dans un petit village, dans lequel je me rend quand j'ai le temps et l'envie de prendre l'air.
Un village pas si petit que cela finalement, et même assez grand, bon, en fait c'est une mégalopole, mais on n'en voit toujours qu'une toute petite partie, selon l'endroit où l'on se tient, donc du coup, pour moi qui ai l'esprit étroit, ça reste un village...
C'est un espace sympa comme tout, on tient chacun un stand, disons une sorte d'échoppe, limite une paillote en fait, souvent montée à la va-vite, qu'on décore selon son goût et ses couleurs, un peu comme nos chambres d'adolescents, dans une sorte de liberté esthétique étonnante (perso j'ai arrêté les poster de Vanessa et Patrick, j'ai tout misé sur le sobre). Dans nos stands, on y présente ce qu'on aime: des bouquins, des adresses de restaurant, des astuces de couture, des digressions personnelles, quelques photos de vacances ou vie de famille. J'ai envie de dire, c'est un peu au-tout-venant dans mon village....C'est vraiment l'esprit du souk en fait...
Donc, dans ce village étrange, on se balade tous avec une écharpe en travers du visage et un miroir dans le dos. En fait, on cache (un peu/beaucoup/parfois/tout le temps) une partie de sa figure tout en renvoyant aux autres une autre image d'eux même. Et ce qui est top (surtout pour moi), c'est que les filles quelconques jouent aux femmes fatales, les asociaux ont plein d'amis, les gros losers deviennent populaires, les taiseux tendent au bavardage. Tout cela offre des perspectives totalement vertigineuses non ?
On y va parce qu'on a trop de temps disponible ou parce qu'on en manque pour soi. On y va, bien que ce soit chronophage, pour déambuler dans les différentes travées. On regarde chez les autres, de près ou de loin, avec admiration, jalousie, bienveillance ou indifférence. Il y a ceux qu'on aime, ceux qu'on aime moins et ceux qu'on adore. Sur la travée principale, on trouve les grands stands très fournis, très achalandés, construits en dur avec de beaux matériaux, dont le tenancier, qui est propriétaire , est là tout le temps. Bon et puis il y a aussi les paillottes louées, construites de bric et de broc, un peu au hasard de vieux meubles récupérés à droite ou à gauche.
Dans mon village de vacances, au début j'ai cru que tout le monde se ressemblait, et je dois dire qu'il y a surtout des femmes (pas de chance pour moi qui me suis toujours davantage entendue avec les garçons); avec le coin des profs, des retraitées et des femmes au foyer, chacun son espace, ses envies, ses discussions. Et puis non en fait, quand on s'aventure un peu plus loin dans le village, à peu à l'extérieur du centre, on y trouve d'autres quartiers, dont un vraiment étrange, avec des stands qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. On entend des morceaux vraiment craignos des années 80', c'est abondamment fleuri été comme hiver, des filles se promènent en crinoline à côté de punks à chien qui n'ont toujours pas fini de lutter contre la société, il y a les falaises d'Etretat et des forets inquiétantes, des trucs en anglais littéraire à côté de plein de fautes d'orthographe en français. C'est étonnant, novateur même, un peu flippant quand même, car là dedans, personne n'a l'air bien en place non plus, faut pas se mentir (et après on s'étonne que j'y reste).
En plus, tout le monde porte des noms étranges ou improbables, utilisent des sigles bizarres pour parler, et finalement bien qu'on soit tous différents, il semblerait qu'on aspire tous à un monde meilleur (quant à le définir, c'est une autre histoire car personne n'est d'accord avec personne).
Et puis il y a ceux qui sont partis du village, chacun à sa manière, mais qu'on n'oublie pas. Celui qui a fait son pot de départ en expliquant pourquoi il s'en allait, celle qui a brûlé son stand en partant et dont il ne reste rien, et puis tous ceux qui laissent leur paillote à l'abandon, passant une fois de temps en temps, mais dont le coeur n'y est plus vraiment.
Enfin, il y a tous les autres, les invisibles du village, ceux qui ont un badge de "visiteurs", ils sont là mais n'ont pas d'échoppe personnelle, ils passent d'un stand à l'autre, le plus souvent silencieusement (même si bien sûr il y en a toujours un ou deux qui parlent tellement fort, qu'on sait qu'ils sont là, je ne vise personne hein...). Ils forment le gros du village, mais on ne le sait pas.
Et nous, avec nos paillotes branlantes qui résistent au temps qui passe, est tous là, serrés les uns contre les autres, à s'échanger des titres de livres, des recettes de cuisine (enfin pas moi hein) ou des patrons de couture, à se raconter nos petites joies et nos grandes fiertés, à se laisser aller à des confidences honteuses où à des lamentations douloureuses. Tout le monde se tient là, dans ce village étrange, avec ses espoirs et ses attentes, en se serrant les coudes (malgré tout).
Soyons transparents, j'appartiens plutôt à l'équipe des bras-cassés avec les paillotes en location. L'équipe où il est question de ratages de haute volée, d'amours perdues, des deuils, de maladies dont on ne meurt pas toujours mais dont on ne guérit pas non plus. Dans mon équipe, il y a ceux qui ont un masque sur le visage et celles qui portent des perruques (et pas uniquement pour se dissimuler le visage). Il y a les fiertés qu'on partage, les combats de longue haleine qu'on soutient, les bonnes nouvelles qu'on reçoit de gens qu'on ne savait pas aimer autant.
Dans mon village, sans me vanter, je crois pouvoir dire qu'il y a beaucoup de personnes à la fois décalées et généreuses, généralement incasables et indéniablement attachantes.
Bienvenue donc à Oblog-sur-Toile, le seul village de l'univers qui ne tienne que par un fil.
Il faudra à l'occasion que je vous parle du bar du village, chez Fanch' le Breton (niveau alcool c'était soit un breton soit un Polonais, bon, finalement on a privilégié une langue commune). Le bar, chez Fanch' le Breton donc, se situe quelque part entre les Bisounours, la cour de récréation et la foire d'empoigne. Entre nous, quand on va au bar, on dit qu'on va chez FB...je reviens bientôt vous en parler.