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mercredi 26 décembre 2012

La vérité sur l'Affaire Harry Québert-Joël Dicker

Les joies d'une polémique littéraire

Je ne sais pas avec La Vérité sur l'Affaire Harry Québert ce qui l'emporte entre l'imposture du roman ou sa lecture finalement assez agréable.

Une incontestable imposture

Joël Dicker, La vérité sur l'Affaire HArry Québert
Parce que l'imposture est incontestable. Ce roman en est un monument. Ses prix ne sont pas vraiment mérités, en tous les cas pas celui de l'Académie française. D'ailleurs, nos académiciens se sont incontestablement perdus en chemin pour avoir primé un roman aussi mal écrit. Il faut bien le dire, ça heurte un peu l'oreille quand même. L'histoire d'amour est décrite avec une mièvrerie assez rare, les dialogues sont creux et je pense que Joël Dicker aurait pu couper une centaine de pages dans la première partie. Il manque à ce pavé de belles phrases, des mots choisis et bien articulés, un peu d'allant dans les dialogues qui occupent la majeure partie de livre.

C'est d'abord une histoire d'amour. Mais la relation entre l'écrivain Québert (34 ans) et la jeune Nola (15 ans) peine à être crédible (n'est pas Nabokov qui veut). Il y manque probablement un petit quelque chose. Mais à la limite c'est plus un policier qu'un roman sentimental, puisque Nola disparaît en août 1675. Ce n'est que 33 ans plus tard que son corps est retrouvé. Québert est inculpé. C'est alors que son ancien élève, Marcus Goldman, revient à Aurora pour disculper son maître.

L'imposture est le sujet ET l'objet de ce roman

Presque tous les personnages sont des mystificateurs, faux romanciers, policiers menteurs et j'en passe. Tout le monde triche. Et ça, même mal écrit, j'aime bien. J'aime encore plus le livre dans le livre lui-même dans le roman. 

Dicker s'interroge sur l'écrivain version américaine : ce personnage médiatique, égocentrique qui veut le succès et l'argent. L'écrivain veut être star. Nous sommes très loin d'un Patrick Modiano ou d'un Jean Echenoz; et bien plus proches d'un Dan Brown finalement. Toutes les histoires de ce livre (celle de 1975 et celle de 2008) commencent avec le syndrome de la page blanche, maladie des écrivains, rempart au succès et à l'argent. Il faut dire que Dicker donne à la littérature une dimension essentiellement marketing, financière et sociale; ce qui explique sûrement le manque de beauté littéraire du livre.

On s'attache à cet ensemble étrange, imparfait et laborieux.

Les "31 conseils à l'écrivain" ne sont pas dénués de sens, finalement. Certains critiques ont crié au cliché, mais moi, j'adore l'idée du romancier tourmenté qui habite une belle maison en pierre sur les bords de l'Atlantique à la lisière d'une forêt...d'autant que la présence de la maison, de la forêt et de l'Océan est loin d'être anecdotique dans l'intrigue.

On ne peut qu'admirer l'ingénieuse et originale construction du récit avec des têtes de chapitres à rebours, des flash-back divers et variés. Dicker met le temps dans un shaker et le mélange énergiquement. Rien n'est linéaire, et l'histoire est bien bouclée. Même si les personnages manquent de fond, la trame est remarquablement articulée; moi il ne m'est pas tombé des mains et honnêtement j'avais envie de le finir et de connaître la fin.

Finalement La vérité sur l'affaire...est une belle partition jouée par un instrumentiste médiocre. Joël Dicker étant à la fois l'une et l'autre, compositeur génial et piètre musicien, et vu son très jeune âge, je suis bien obligée de reconnaître qu'il a réussi un vrai tour de force. Je dirais que l'imposture de ce succès pas forcément mérité répond au thème général du livre...alors, pourquoi pas, après tout? 

Chacun jugera si le fond l'emporte (ou pas) sur la forme...

Joël Dicker, La Vérité sur l'Affaire Harry Québert, 
Editions de Fallois, l'Age d'Homme, 2012, 665 p.

vendredi 21 décembre 2012

Quand Anne se prend pour Martine...

J'ai découvert Anne Wiazemsky pendant mon adolescence ; entre elle et moi, ce fut évident. De très jeunes filles étaient souvent l'héroïnes de ses romans, et l'identification était facile.

Anne Wiazemsky, Une Année studieuse, 
Gallimard, 2011, 262 p.
Inutile bien sûr de la présenter: fille d'un russe blanc Jean Wiazemsky et petite-fille du grand Mauriac, Anne Wiazemsky est quelqu'un qui compte dans la littérature française. Ainsi, depuis presque 20 ans, j'achète tous les deux ou trois ans, en édition brochée,  son dernier roman.
Les crus sont plus ou moins bons mais je suis  rarement déçue.

Sauf que depuis quelques années, Anne se prend pour Martine.

Il y a d'abord eu Mon enfant de Berlin qui racontait la période où elle fut conçue, une lecture pas désagréable surtout qu'elle excelle à brosser le personnage de la mère. Il y eut ensuite Jeune fille qui racontait ses premiers pas dans le cinéma à l'âge de 16 ans. Bon d'accord ...mais honnêtement j'aimais bien ses romans...un peu moins ses journaux intimes.

Et cette année, nous avons eu le droit à Une année studieuse qui raconte son mariage avec Godard à l'aube de mai 1968 qu'elle n'évoque pas, préférant narrer la terrible angine qui lui tomba dessus en plein festival d'Avignon. D'autant qu'issue d'un milieu intellectuellement et économiquement très privilégié, on peine à s'attacher à cette jeune femme un peu capricieuse qui s'écoute et se regarde beaucoup. Même si sa mère est égoïste, même si son grand-père est sévère et conservateur, on aurait aimé y voir autre chose, ne serait-ce que le frémissement de mai 68 (résumé par une bref passage de Daniel Cohn Bendit).

Je suppose que le prochain évoquera "Anne divorce", puis "Anne écrit", puis "Anne retombe amoureuse", "Anne continue le cinéma", "Anne fait du théâtre"...

J'aime assez la littérature dite intimiste...mais très franchement, je sature. J'aime les romans, les histoires qu'on invente, les personnages que l'on campe, qui évoluent au sein d'une trame créée par un romancier. Je commence à être un peu lassée de ces romans qui sont en réalité des récits centrés sur leur auteur un brin égocentrique.

Anne Wiazemsky devrait retourner à ce qu'elle sait si bien faire: écrire des romans dont elle n'est pas forcément la principale héroïne, même si on devine souvent les corrélations entre la narratrice et elle. Je me souviens de Canine, de la trilogie des russes blancs qui était splendide et que j'avais avalé de bonheur, de Mon beau navire (son premier roman) ou de Marimé qui se déroule dans ma chère Bretagne qu'elle décrit si bien.

Je n'en veux pas Anne Wiazemsky pour qui je conserve une grande tendresse de lectrice...je vais attendre patiemment qu'elle revienne aux mots qui m'ont enchantée il y a 15 ans...

lundi 17 décembre 2012

Mon enfant à rayures

J'ai un enfant à rayures.

Un enfant pas exactement comme les autres, mais pas fondamentalement différent non plus. Bref, j'ai un enfant sorcier dans un univers de moldus (certains me comprendront). Il n'existe pas dans notre monde d'école Poudlard, mais il faudra bien qu'elle infiltre ses rayures quelque part.

J'ai une enfant qui a appris à lire à 4 ans mais qui ne parvient pas à retenir ses tables et qui peine à écrire convenablement. J'ai une enfant qui chaque jour cherche sa place dans sa classe, avec ses amis, dans ses activités. Un enfant à rayures calcule mentalement à une vitesse prodigieuse, mais ne comprends pas le fonctionnement des autres enfants.

J'ai une enfant qui saute des classes mais qui est moins confiante, moins sûre d'elle que les autres.

Bref j'ai un enfante qui comprend tout différent, j'ai une enfant que certains adultes détestent et à qui une institutrice a trouvé tous les défauts du monde. Ma meilleure amie m'a demandé comment je trouvais le courage de la supporter.

 Je sais depuis les premières minutes que son histoire sera passionnante et compliquée. Mais j'ai déboursé 280€ pour savoir qu'elle avait des rayures (ah d'accord c'est pour ça !).

Je me bats tous les jours pour trouver une place juste, une attention mesurée. Pour ne pas en faire trop... ni trop peu. Moi qui déteste les livres autres que les romans, j'ai lu J.C Terrassier, A. Adda, J. Siaud-Fachin.  J'ai pris des notes, j'ai tenté de synthétiser, de comprendre, d'élaborer une stratégie. J'ai été sur des forums, dans des associations. Tous les 15 jours, je supporte les conseils d'un pédo-psy ou d'un psychologue spécialisé. J'ai été tour à tour taxée de mère trop sévère ("vous êtes très exigeante "), trop laxiste ("vous laissez passer trop de choses"), trop dépassée ("il faut vous reposer"), trop fusionnelle ("laissez vous respirer"), parfois même négligente ("il faut rassurer l'enfant angoissé", non ?! Sans blague !).

Bref, la mère d'un enfant à rayures est toujours une mauvaise mère. Je m'y suis faite!

Je ne suis pas la seule à me battre tout les jours pour que l'intelligence soit une chance et pas un handicape. Mais la masse des écueils qui m'attendent me décourage certains jours.

Aujourd'hui en est un puisque ce soir nous recevrons le bulletin scolaire qui j'attends avec plus d'appréhension que si elle était cancre.  Ce soir, j'en voudrai à l'Education Nationale dont je suis pourtant le produit le plus "normal". J'ignore encore à quelle variante aurais-je le droit entre "enfant perturbateur", "intelligente mais dispersée", "ne sait pas gérer son ennui", ou bien l'incontournable "immature et insolente".

Aujourd'hui, plus que les autres, les cases, les catégories, les petites étiquettes m'exaspèrent. Un enfant reste un enfant, et le rôle des adultes est de l'accepter tel qu'il est. J'en ai assez d'entendre qu'il n'y a pas de solution pour des enfants comme elle.

C'est bien plus facile d'en parler sur la blogosphère, parce que l'anonymat (relatif) de la toile, protège les rayures. Dans la vie normale, je ne peux pas faillir, je ne peux pas me plaindre. 

Voilà, c'est dit ça va mieux. C'était juste pour vider mon sac...comme ça en passant.

Je crée donc un nouveau libellé "rayures" parce que j'adore les rayures, parce que ça parlera aux parents concernés et surtout parce que toutes les autres appellations barbares et "siglesques" ne sont pas très poétiques.

Je ne sais pas comment de temps va-t-elle pouvoir rester dans le système "normal", mais en attendant j'ai décidé qu'une belle vie l'attendait ...malgré tout

P.S: Sans doute n'aurais-je jamais fait ce billet si je n'avais pas échangé, avec Mme Zèbre à pois, des mails sincères et amicaux. Je la remercie de sa franchise et de ses mots.

jeudi 13 décembre 2012

La naissance du jour

Le titre est tellement beau que je n'en trouverai pas de meilleur pour ce billet. Donc je m'incline!

Pour une raison que j'ignore encore, je me suis dit: "tiens, moi aussi je vais m'inscrire à un challenge littéraire" (un peu comme si j'avais le temps ; ceci-dit, je n'avais qu'à m'abstenir de bloguer si je manquais de temps, c'est une question de priorités, n'est-ce-pas? ). Je voulais un challenge qui relève de l'aventure personnelle (littéraire j'entends; vu que j'ai peur en avion, c'est la seule aventure que je me permets!).

J'ai donc choisi le challenge Colette, niveau Bel Gazou.

Je ne connais de Colette que ce qu'en disent les amies féministes de ma mère et par les allusions faites régulièrement par l'inquiétante et troublante Mme de Fontenay, philosophe des animaux sur France Inter le dimanche après-midi. De Colette, à part le Blé en Herbe, je ne savais rien hormis ce que tout le monde croit en savoir.

J'ai donc pris, totalement au hasard, le seul qui était disponible dans ma librairie fétiche. Le titre m'a tellement plu que je n'ai pas hésité. Et je dois dire que je n'ai pas été déçue. Sauf que je ne pense pas que La naissance du jour soit un roman, c'est  un récit.

Colette, La Naissance du Jour, G.F. 1984, 191p.
1ère édition: 1928
En 1928, Colette n'est plus une jeune fille (la jeunesse s'éteignait alors plus tôt). Elle passe son mois d'août dans sa maison dans le massif des Maures (Saint-Tropez), à la fois Provence et Côte d'Azur. Je connais un peu cette région, mais elle en parle avec le gout de l'entre-deux guerres, avant que ce soit vulgaire, quand la campagne était encore belle et le bord de mer poétique. Forcément, en bonne azuréenne d'adoption, j'ai été touchée par sa description d'un paysage qui n'existe plus. Elle raconte aussi l'aube du petit matin en évoquant sa mère qui s'était fait une sagesse de se lever avant le jour. Depuis que j'ai des enfants, c'est aussi l'heure que je préfère parce que c'est le moment de tous les silences et tous les possibles.

Mais La Naissance du jour, ce n'est pas seulement cela, c'est aussi le crépuscule d'une vie, ou plutôt d'une manière de vivre. Colette dans ce livre s'interroge sur les animaux, sur ce qu'ils lui inspirent, sur son goût pour la viande et son empathie pour les être vivants.

 Colette raconte aussi (et surtout) sa petite communauté parisienne en villégiature qu'elle retrouve dans le Var et qu'elle observe avec une distance sereine. Autour d'elle, gravitent Hélène Clément qui aime Vial qui aime Colette de 15 ans son aînée (au moins!). Mais la romancière semble avoir renoncé à la passion. Spectatrice de son environnement, elle donne à ce livre une tonalité bien particulière: celle d'un doux désespoir  C'est le chemin de Colette vers une solitude assumée au dessus de laquelle plane l'ombre de sa mère.


J'ai aimé cette écrivain qui se met à distance en se mettant en scène. Elle évoque par touche son oeuvre (que je connais peu -voire pas-), sa vie, ses choix. Je ne pense pas que j'aurais du commencer par celui-ci. Certaines choses m'échappent indubitablement.  Mais, moi qui suis fascinée par les livres qui parlent des livres (même de celui qu'elle peine à écrire), ça m'a enchantée.


C'est une lecture à contretemps. Lire le mois d'août alors que je prépare Noël, entendre les bruits de la campagne aride quand les pompiers passent sous ma fenêtre, deviner l'oisiveté paisible quand je tarde à finir mon dossier dans les temps...c'est un voyage dépaysant.

Pour être tout à fait honnête, je m'interroge encore sur les challenges, si j'y ai ma place. Je me demande même si j'ai respecté toutes les règles. 

Mais sans ce challenge, je n'aurais pas découvert Colette. Sans lui, je n'irais pas cet après-midi en chercher un autre...et franchement ce serait dommage, parce que Colette gagne a être  lue.

 Laisser tomber, le temps d'un livre, la frénésie de la rentrée littéraire, c'est une parenthèse réjouissante.

mardi 11 décembre 2012

Engloutie par le temps...

Pas le temps, le temps de rien.

Rien à voir avec ce que je voulais écrire ni ce que je voulais faire de ce blog. Décidément je ne suis plus  à une incohérences près. Mais j'en ai gros sur le coeur: je n'ai toujours pas terminé La naissance du jour, je n'ai réfléchi à aucun cadeau de Noël, ni préparé les paquets de naissance de mes chères amies qui viennent d'accoucher.

Je réponds en retard à mes mails, j'ai oublié un rendez-vous chez le phlébologue (plus glamour tu meurs), mon repassage attend pitoyablement dans sa caisse, je ne peux pas étendre une machine parce qu'il fait trop humide, j'ai gavé les enfants de vitamines parce qu'il y a une épidémie de gastro à l'école (mais j'ai oublié de leur mettre la lotion anti-poux), je ne suis pas allée courir depuis une semaine, ma frange frise parce que j'ai raté mon brushing.

Bref, au lieu de faire des choses qui me plaisent, je m'épuise (oui je m'épuise) à finaliser le dossier de mes recherches pour qu'un jury de vieux messieurs  me donnent le sésame pour continuer à transcrire d'obscures textes anciens. Moi qui n'ai jamais su me vendre, je peine à préparer cet insondable dossier qui va sceller mon avenir professionnel. 

Alors qu'au fond, manquer de temps, c'est manquer d'organisation... et de certitudes. Je m'éparpille, je commence plusieurs choses à la fois et je n'en finis aucune. Au lieu de relire ma présentation, je fais un billet dessus.


Sans compter cette satanée fin du monde, dont j'essaie de me convaincre que c'est une imposture, mais qui m'inquiète quand même, faut bien l'avouer.  

Il faut se rendre à l'évidence, les galets prennent l'eau.

mardi 4 décembre 2012

Infiltration dans la blogosphère: 7 semaines

Bientôt 2 mois que j'ai ma vie parallèle sur la blogosphère.

Je tire donc mes premières conclusions (je ne garantis rien quant aux qualité et pertinence de ce billet)

1: Les blogs sont presque exclusivement tenus par des filles, femmes, mères. L'un dans l'autre, ça tombe bien, j'en suis une! Mais une question se pose néanmoins. Pourquoi? Davantage de temps que les hommes? Introspection permanente? Vide social sidéral ? En ce qui me concerne, bloguer me fait prendre l'air. J'erre, je ris, je me révolte...en fait je m'aère virtuellement entre le travail, les machines, les purées, le ménage, le rangement, la préparation de Noël, les sorties d'écoles, les activités des enfants!

2: Depuis que je blogue, je travaille plus lentement et je lis beaucoup moins. C'est un fait (et pas le meilleur). Le temps que je passe sur mon blog est assez restreint (2 billets par semaine ne prennent pas des nuits à écrire ...même pour moi). En revanche, le temps que je passe sur celui des autres est ahurissant. J'avais fermé mon compte Facebook, trop chronophage (et moyennement intéressant), pour finir dans les délais mon travail. Peine perdue! J'ai consacré des après-midi entières à déambuler de blogs en blogs. 

3: Aucune de mes amies réelles ne connait Sous les galets. Mais j'ai rencontré de nouvelles copines virtuelles avec lesquelles j'ai, ou pas, quelques points communs. On se découvre à chaque billet, on en apprend un peu plus, on correspond en off. Evidemment, je prends le risque d'en perdre à mesure que j'avance, que je montre mes failles (et mes vices). On craint toujours de blesser quelqu'un par un livre qu'on n'a pas aimé ou une blague mal venue...

4: Ce blog m'accompagne sur le chemin de la modernité. C'est un blog nourrisson qui manque encore de tout. Par exemple, j'aimerais répertorier les sites sur lesquels je perds mes précieuses minutes de travail, j'ai trouvé le gadget, mais à chaque fois, ma mise en page saute. Je dois donc encore, humblement, faire mon chemin vers la maîtrise de Blogger. J'ai déjà réussi à lister les livres que j'ai lus depuis 7 semaines, ce n'est pas si mal.

5 : Je suis devenue une grande "fauteuse" d'orthographe, je n'ai pas toujours le temps de me relire convenablement. Je suis omnibulée par les fautes que je laisse, je les traque mais il y en a toujours une qui m'échappe. C'est une honte mais c'est comme ça.

6: J'ai découvert les règles de la vie parallèle de la blogo. Il y a des challenge littéraires (je tente celui de Colette, on verra bien), des blogs qui notent les blogs des autres (des concours de blogs en somme), des jeux questions que les blogueuses se renvoient entre elles (que j'aime bien, ça révèle des aspects des blogueuses mystérieuses). Bref un monde à part, avec ses codes, ses lois, ses dominants...L'avantage c'est qu'on n'est pas obligée d'adhérer à tout, on peut rester une blogueuse solitaire (enfin pas trop quand même)

7: avoir son blog n'empêche pas de sous-mariner (il y a encore des blogs où je n'ose pas laisser de message). Avant d'avoir mon blog  à moi, j'avais mes petits chouchous, sur lesquels je me jetais fébrilement. Un sur deux a quitté brutalement la blogo (où s'est éteint doucement) quand j'ai créé Sous les galets. Je n'y vois aucune relation de causalité, mais ça m'a fichue un coup quand même. Etre blogueuse c'est voir l'envers des blogs. L'envers d'un blog, c'est sa blogueuse. Il y a des blogs sublimes tenus pas des blogueuses moyennement sympathiques. Inversement, il y a des blogueuses très populaires qui prennent le temps de répondre, alors que franchement, elles n'ont pas besoin d'un blog débutant dans leur liste de favoris...et pourtant, elles ne sont pas avares d'un mot gentil. Et puis, il y a les vipères de la blogo, vipères anonymes qui distillent petites phrases méchantes et leçons de moral sur les blogs des autres. Elles ne sont jamais venues jusqu'à chez moi, mais je les croise sur les blogs des autres. Comme dans la vie réelle finalement, il y a des gens plus ou moins sympathiques.


 8: Enfin, comme dans la vie réelle, je ne me suis toujours pas trouvé d'identité virtuelle. Qu'est ce que ce blog? Je ne lis pas assez vite pour faire un blog littéraire. Je ne suis pas assez douée de mes mains pour présenter des choses que j'aurais créées de mes 10 doigts, inutile donc espérer un blog déco-créa. Ce n'est pas le malheureux bonnet en crochet que je me suis épuisée à faire pendant 15 jours qui m'a décomplexée. Je suis quelqu'un trop incertain pour faire une blog d'humeur, mes convictions politiques et sociales sont fluctuantes, je suis influençable et je ne sais pas convaincre. Ce n'est pas non plus un journal intime, je ne suis pas assez constante pour ça et mon intimité a un intérêt tout relatif. Ce n'est pas un blog familial, j'en ai déjà un (prétentieuse que je suis, c'est le niveau zéro du blog, pas de texte, pas de mise en page). Il est destiné à la famille éloignée, j'y balance régulièrement des photos ensuite téléchargées et exposées dans le salon de mes beaux-parents.

Donc, je ne sais pas bien ce qu'est ce blog, mais il a quelques lectrices, je ne connais réellement aucune d'entr'elles, mais ça me suffit. C'était ce que j'étais venue chercher. 
Ma fenêtre à moi sur le monde.

lundi 3 décembre 2012

La Résistance en portraits...

Joseph Kessel, L'Armée des Ombres 
Pocket, 2012, 221 p.
(1ère édition: Plon, 1963)
Je suis fascinée depuis ma plus lointaine adolescence par la Résistance, par cette lutte en pleine illégalité où on remettait en cause la police, la justice et la loi. L'histoire est écrite par les vainqueurs, mais le Résistant de base en ignorait l'issue. Cette période m'inspire de l'effroi et de l'admiration. Je suis donc toujours très attirée par cette littérature.

Joseph Kessel a trouvé un titre magistral. L'Armée des ombres, c'est à la fois la lutte et l'anonymat dans lequel se dilue la propre identité des personnages. Plus qu'une histoire, l'auteur livre une galerie de portraits tragiques de résistants. On les découvre donc par le prisme du chef de réseau, un certain Gerbier, qui lui-même laisse à la guerre une partie de sa superbe et de son flegme. Quand on se souvient que Kessel a écrit les paroles du Chant des Partisans et que son personnage principal n'arrive pas à chanter la Marseillaise devant le peloton d'exécution, on devine le clin d'oeil qu'il fait à son lecteur.

Mais surtout, L'Armée des Ombres crée le fascinant personnage de Mathilde dont la résistance révèle la force et la caractère. Mathilde, mère de 6 enfants qu'elle ne parvient pas à nourrir, s'engage dans la lutte souterraine avec la rage du matriarcat. Mathilde, chef pragmatique, organisé qui maîtrise ses nerfs et ses hommes sans sensiblerie. Mais Mathilde reste une mère et Mathilde chute. Sa fin est tragique et splendide. Je rends d'ailleurs hommage au film qui sut faire de cette dernière image un moment fidèle aux dernières pages du livre. 

Kessel n'idéalise pas les patriotes, il lâche aussi le glauque, le peur, l'envie de sang. Il ne tait rien du nécessaire détachement, de la dureté obligatoire pour continuer de vivre malgré l'horreur, la banalisation du meurtre. On sacrifie des individus pour la cause. Nous qui sommes en paix depuis deux générations, comment comprendre qu'on laisse un enfant de 12 ans entendre les suppliciés de la Gestapo pour conserver un oeil chez l'ennemi?

L'Armée des Ombres est un beau roman mais surtout un document historique, la beauté du style et du mot en plus. Kessel l'a écrit en 1943 à Londres, la guerre n'était pas encore finie. Et comme il  le rappelle dans son avant-propos "Tout ce qu'on va lire ici a été vécu par des gens de France".


L'Armée des Ombres ne rassure certes pas sur la nature humaine, mais lire une valeur sûre de temps en temps, ça fait vraiment du bien. 

P.S: pardonnez-moi les fautes, je poste en urgence...(je passe à un autre livre et j'aime faire les billets à chaud!...et j'ai beaucoup de retard dans mon travail )


jeudi 29 novembre 2012

Le paradoxe du mercredi

Tous les mercredis c'est pareil.

Je mets un point d'honneur à être disponible le mercredi, pour être là, à l'écoute, emmener les enfants aux sacro-saintes activités, prendre le temps de discuter en déjeunant, faire correctement les devoirs, éventuellement même ranger les chambres et finir le repassage.

Bref, je me dis qu'une bonne mère, le mercredi, est là, souriante et détendue.

Sauf que ça ne se passe JAMAIS comme ça.

Hier il pleuvait des trombes d'eau (ici nous ne sommes pas habitués). Je suis arrivée en retard au rendez-vous de 8h30 chez le médecin, je n'ai pas retrouvé la paire de demi-pointes avant le cours de danse, j'ai perdu mon sang-froid pendant les devoirs (pourtant j'ai crochetté en même temps pour canaliser ma tension), j'ai couru comme une dératée entre la fin du cours de danse de l'une et le début du cours de natation de l'autre, je me fait disputer par le maître nageur, les enfants se sont chamaillés pendant tout le déjeuner et ont fait la grimace devant ma purée.

En encore, j'ai échappé au goûter d'anniversaire et aux cascades au parc qui se finissent souvent soit par une blessure soit par une dispute. 

Quand le mercredi se termine, je suis éreintée, excédée et trempée. Je ne peux pas dire que j'aie passé une bonne journée, et les enfants non plus. Sans compter leur père (qui n'est jamais en repos pendant les vacances mais toujours en automne) qui m'a plus encombrée que soulagée. 


Pour moi, le mercredi c'est une épreuve. J'aimerais avoir le temps et l'envie de profiter de cette pause au milieu de la semaine, et à chaque fois j'en sors rincée!

Franchement, pourquoi je m'inflige ça, et comment font les autres...celles qui y arrivent très bien?

lundi 26 novembre 2012

Un village moldu

Comment ne pas lire le livre pour adulte de celle qui inventa Harry Potter? Celle qui a imaginé cette géniale école Poudlard ne pouvait pas ne pas me séduire une fois encore. Elle manie si bien les symboles et le second degré.

J.K. Rowling, Une Place à prendre, Grasset, 2012, 679 p.
La traduction exacte de The Casual vacancy aurait du être plus proche "d'un poste à pourvoir" ou d'une "vacation fortuite". Une Place à prendre suggère même une certaine légèreté. Que Nenni ! C'est un livre d'une étonnante noirceur.

L'histoire débute par le décès brutal d'un certain Barry Fairbrother, membre du conseil paroissial du petit village de Pagford, au Sud-Ouest de l'Angleterre. Comme son nom l'indique, le conseiller Fairbrother défendait la veuve et l'orphelin des Champs, cité pagfordienne qui ressemble à toutes les banlieues négligées. Contrairement à ceux qui rejetaient le quartier "social", Fairbrother défendait et tentait de maintenir le centre de désintoxication des Champs. Son décès, et la place de conseiller qu'il libère, remettent donc en cause l'équilibre du conseil paroissial.   

J.K. Rowling amorce son roman comme un épisode de l'Inspecteur Barnaby et on se prend à aimer cette curiosité malsaine des petites communautés après le décès d'un des leurs. Elle le poursuit ensuite façon Ken Loach...So British. Sauf qu'il manque un peu d'humour, de tendresse, de solidarité et d'affection dans cette peinture sociale.

Mais loin d'être un roman qui revisiterait la lutte des classes, il s'agit plutôt d'une lutte des sexes. Les hommes agissent, les femmes subissent dans Une Place à prendre.

Dans les rôles masculins, pas de  bienveillant Dumbledore, ni d'un tourmenté au grand coeur comme Sirius Black, pas non plus de démon maléfique à la Lord Voldemort. Rien de tout cela. Juste des hommes laids d'apparence et minables d'âme. On découvre Howard, obèse libidineux, qui pense que le trou qui lui sert de village est le centre de l'univers. Simon, employé cupide et menteur,  cogne régulièrement sa femme et ses fils pour soulager ses nerfs. Miles, un vieux beau bedonnant à l'intelligence limitée, ne doute toujours pas de son charme. Colin, proviseur paranoïaque  lutte tous les jours contre ses tendances pédophiles tandis que Gavin, éternel lâche de 30 ans, n'a plus aucune chance de réussir sa vie sentimentale ni sa vie tout court.  Une part belle est laissée aux adolescents mâles avec Fats et Andrews, qui, en  attendant leur dépucelage, fument des joints et harcèlent leurs camarades. Le seul auquel on pourrait éventuellement s'attacher est le petit Robbie, garçonnet de trois ans, pas encore propre, qui ne maîtrise toujours pas le langage, qui a déjà touché la laideur du monde, mais dont on espère malgré tout qu'il sera épargné. 


Chez les femmes, ce n'est guère plus réjouissant. Pas d'Hermione surdouée, pas de Mme Weasley qui tienne une maison chaleureuse, désordonnée et réconfortante. Les femmes du roman, Samantha, Tessa, Maureen ou Shirley, souffrent toutes d'un physique ingrat et d'un dévouement inquiétant à leur moitié. Il y a bien Kay, une assistante sociale, plus ou moins féministe, qui tente de rester fidèle à ses idéaux mais qui ne parvient pas à garder un homme. Parminder, médecin généraliste brillant, pourrait presque nous redonner espoir si elle faisait autre chose qu'humilier sa fille. Je passe sur Terri la droguée qui se prostitue pour acheter de l'héroïne tandis que sa fille Krystal, banlieusarde cabossée au vocabulaire réduit, pleure le défunt (on suit la vie sexuelle -consentie ou non- dans le détail le plus cru).Terminons sur Sukhvinder, souffre-douleur du lycée, qui plie sous les poids du complexe et du désespoir, et qui se scarifie les bras à la nuit tombée. J.K Rowling a choisi d'en  faire l'héroïne de la fin du roman.

Le plus étonnant est que la fin ne répond pas au début : le drame final, glauque, serait sans doute advenu sans la mort de Fairbrother. C'est la victoire du déterminisme social et matrimonial : les pauvres n'ont aucune chance de s'en sortir, ni les mal-mariées d'avoir une autre vie. 

Certes, les sentiments humains sont remarquablement abordés, l'auteur décortique tout ce qui interfère dans les émotions et les agissements de chacun. En cela, bien sûr c'est assez brillant. Disséquer à ce point ce qui fonde les rapports humains est toujours agréable à lire. Et on ne peut pas dire qu'on s'ennuie parce qu'on brûle de connaître la fin.

Mais rien de ce roman ne permet de croire dans l'être humain: des foyers malheureux et sans amour, des mariages qui dégringolent, des amitiés qui n'en ont que le nom. Un livre sur la cruauté ordinaire finalement. Il n'y a pas entre tous ces personnages ce petit supplément d'âme qui pourrait nous les rendre attachants. On lit, un peu navré quand même, les manoeuvres des uns et la chute des autres. Le beau Vikram qui plaisante avec ses enfants est tenu à distance du roman. J.K. Rowling dénonce un monde moche et égoïste.
Ce livre n'est pas seulement triste, il est désespérant. Quand on le referme, surtout au mois de novembre, on a besoin d'être avec les siens, d'observer ses enfants, de marcher au bord de la mer.  Hier après-midi j'avais besoin de me dire que la vie n'est pas aussi sinistre que l'écrit J.K.Rowling. 

Je me doutais depuis longtemps que la créatrice d'Harry Potter avait peu de foi dans le genre humain et moldu. Je m'attendais quand même à davantage d'espoir.

Aux vues de mes deux dernières semaines, je pense maintenant me retourner vers les valeurs sûres pour me requinquer avant Noël. 

mardi 20 novembre 2012

C'était mieux avant?

Je fais partie des gens qui, tout le temps, trouvent que "c'était mieux avant". Je suis la mère qui, à la sortie d'école, se plaint du niveau de grammaire et orthographe des élèves. Je regrette en permanence que l'école ne soit plus l'ascenseur social d'autrefois. J'ai été l'enseignante horrifiée de voir qu'on pouvait ignorer le nom des grands auteurs classiques. Je me désole des incivilités et de la vulgarité en pensant que c'est un mal moderne. Je n'aime que les vieilles pierres, je n'ai jamais voulu habiter dans du neuf parce que je trouvais les plafonds trop bas et les salons trop petits. Je suis convaincue d'être née un siècle trop tard. Il y a 100 ans, ma ville était la plus belle d'Europe, elle est aujourd'hui défigurée. Je préférais Canal + avant. Je suis celle, qui pénible à souhait, se plaint en permanence du temps qui passe. Bref, je suis la copine ringarde qui collectionne les cartes postales anciennes et qui milite contre la pollution et les additifs alimentaires. 

J'ai conscience de mon immense mauvaise foi.

Ceci dit, de la modernité, je n'ai tiré aucun avantage. J'habite au troisième sans ascenseur, j'ai la phobie des avions, on m'a toujours posé la péridurale trop tôt ou trop tard. Des progrès de la médecine je n'ai connu que des accouchements déclenchés parce que j'avais dépassé le terme. L'informatique est pour moi une gageure, je ne compte plus les ratés professionnels à cause d'un PDF incompatible, ni les mails trashés par inadvertance. J'ai fermé mon compte Facebook et mis 6 mois à comprendre comment fonctionnait mon i-phone.

Mais ça c'était avant que je découvre You Tube.

Depuis petite, je suis catégorisée comme celle qui n'est pas "spécialement manuelle". Impatiente, brutale et un peu capricieuse. Ma grand-mère a renoncé à m'apprendre à coudre, ma maman à tricoter. Ce que l'Education Nationale appelle "motricité fine" est pour moi un Graal inaccessible. Contrairement à d'autres, j'ai toujours vécu très mal de ne pas savoir faire de jolies petites choses. 

Un jour, j'ai décidé de m'atteler au crochet. Et grâce à Internet, j'ai compris les bienfaits de la modernité. J'ai lutté pendant des jours, fait, défait, refait 100 fois. Je me suis repassée la vidéo sous le regard compatissant de mon mari et goguenard de mes enfants, jusqu'à ce que j'arrive à le terminer. Alphonsine m'avait conseillée de commencer par une écharpe pour poupée, elle avait raison. Le bonnet c'était vraiment un gros défi. 

 Et j'y suis arrivée. Il ne faut pas y regarder de trop près, mais c'est fini. C'est irrégulier, il y a quelques trous, bref, personne imaginera que je l'ai acheté aux Galeries Lafayette, et je ne suis pas bien sûre de le porter cet hiver. Mais je l'ai fini.

Donc non, ce n'était pas mieux avant. Avant je serais restée dans mon costume de "celle qui ne fait rien de ses 10 doigts". La route est encore longue pour faire quelque chose de correct et portable, mais ça y est, j'ai lancé la machine. Mon meilleur ami est maintenant You Tube qui me répète à l'infini ce que je peine à comprendre.

Alors non, ça m'arrache de le dire, mais ce n'était pas forcément mieux avant. 

dimanche 18 novembre 2012

Déceptions

Je me suis jetée (manière de parler, il est sorti il y a déjà plusieurs mois) sur Fureur de Chochana Boukhobza, parce que c'est l'un de mes auteurs favoris.

Chochana Boukhobza, Fureur,

 Denoël, 2012, 407 p.
Ma déception fut à la hauteur de la tendresse que j'ai portée à ses autres romans!

L'histoire était alléchante: Francis Delorme, un vieillard qui fut résistant puis technicien dans le nucléaire, se fait renverser par une voiture. On doute que sa mort soit accidentelle. Fureur raconte l'enquête que mène Jo Mandelin, ami d'enfance du petit-fils de Francis.

 J'en avais l'eau à la bouche.

Le problème c'est que ça ne se tient pas, mais alors pas du tout. Le mélange de souvenirs glorieux de la Résistance, de complots nucléaires et de déchets radioactifs ne fonctionne pas. C'est un hymne à l'anti-nucléaire (pourquoi pas, en ce qui me concerne, elle prêchait presque une convaincue), mais entre les longueurs explicatives et les détails historiques, on s'y perd, et parfois on s'y ennuie.

Par chauvinisme probablement, j'ai été excédé par le portrait des Bretons de Brennilis (bien entendu en ciré jaune, bottes de pluie et bonnet de laine tricoté main) qui n'ont même pas de café percolateur. Le Breton authentique dans sa rusticité, ça m'écorche toujours. Je vous assure Mme Boukhobza que la modernité et même la finesse existent aussi dans le Finistère. Je passe rapidement sur le paysan qui ne s'intéresse qu'à ces radis et ces carottes. Savez vous que dans les campagnes, il y eut aussi des gens qui moururent pour un idéal? Bref! Je ne vais pas m'étendre non plus sur le désespoir d'un des personnages dont la famille fut exterminée en Ukraine. Mendelshon l'a traité à la perfection dans Les Disparus, Fureur ne tient pas la comparaison, mais ce n'était pas son propos non plus. 

L'écriture de Boukhobza  s'est vraiment relâchée, aux présent et passé-composé. Boukhobza alterne des chapitres à la première puis à la troisième personne. Pour faire vrai, elle fait parler Jo en utilisant un vocabulaire des moins chatiés, voire à la limite du vulgaire (je me demande, en écrivant cela, si je ne suis pas une réac déguisée en bobo...). Je reste certaine que les jolies phrases sont parfois plus percutantes que les jurons. Passons, je vieillis!

Je suis d'autant plus déçue qu'il y avait quelques trouvailles qui m'ont interpellée. Certes, on voit venir de très loin l'histoire d'amour impossible entre Stella et Jo. Mais quel dommage que la romancière n'ait pas davantage creusé la question de la filiation. Est-on responsable du passé du nos ancêtres? Jusqu'à quel point nous constitue-t-il? Un homme vaut-il plus cher s'il descend d'un résistant? Est-il médiocre parce que son grand-père collabora en 1942? La question est malheureusement un peu survolée et reste, de toute façon, sans réponse.

Mais surtout la fin est bancale, ratée. Il n'y a pas vraiment de certitude sur la mort de Francis. Des personnages qu'on pensait clef dans la trame (je pense à l'écrivain Saintonges, tout en perversité et malveillance) n'y apportent finalement pas grand chose. A la fin, on se demande encore ce qu'un romancier d'extrême-droite faisait parmi d'anciens résistants qui le détestent. Sans compter certains passages proprement invraisemblables. Jo prend des risques qui sont à peine crédibles. La mystérieuse criminelle, troublante de beauté, reste l'éternelle énigmatique. Tellement énigmatique que même Jo ne la reconnaît pas quand il la croise, alors que pendant 300 pages il scrute des photos d'elle. 

Chochana Boukobza, Sous les étoiles,
 Le Seuil,  2002,  363 p.
 Sans doute, l'auteur a-t-elle essayé de refaire le coup de maître de Sous les étoiles qui intégrait sa petite histoire dans la grande, très grande histoire, celle des cataclysmes qui changent la face du monde. Mais, et cela n'engage que moi, elle y a échoué.

Mon billet est probablement trop sévère (la critique est subjective me direz-vous). Mais j'avais beaucoup aimé le Troisième jour, et surtout j'avais été éblouie (oui , éblouie!) par Sous les étoiles, que j'avais trouvé magistral et que j'ai offert à une dizaine de personnes.

Mais je resterai fidèle à Chochana Boukhobza et je lirai son prochain roman.

Oublions donc Fureur, que ceux qui n'ont jamais lu Boukhobza, se jettent Sous les étoiles, elles le méritent!

jeudi 15 novembre 2012

Danser et courir


Quand j'étais petite je voulais être danseuse. En plus j'avais le gabarit. 

Sauf que...sans être totalement nulle je n'avais pas de talent particulier. La grâce ne se travaille pas, on l'a ou on ne l'a pas. Je ne l'avais pas. 

Par contre, j'étais très efficace en athlétisme, j'ai fait tous les cross inter-écoles sous le fier regard paternel. Sauf que...courir autour d'un stade, plus vite que les autres, juste pour gagner quand on n'a pas l'esprit de compétition, c'est très désagréable. J'ai donc continué la course et la danse... en touriste. La danse pour me faire plaisir, la course pour faire plaisir à mon père. Et puis un jour, j'ai arrêté l'un et l'autre.

Après mes grossesses, je me suis remise à courir. Pas pour gagner, pas pour faire un bon score, juste pour moi. Pour remuscler mon corps fatigué, reprendre de la consistance, pour m'accorder un moment rien qu'à moi, pour écouter de la musique politiquement incorrecte, qui me fait du bien et qui me rappelle ma jeunesse. C'est mal vu d'écouter Noir Désir et d'aimer encore Bertrand Cantat. J'aime l'artiste, j'oublie l'homme. On le fait bien pour Rousseau ou Céline...

Je cours tôt le matin, au bord de la mer, et j'ai conscience de la chance que j'ai de voir le soleil se lever sur la Méditerranée. Je cours rien que pour moi, et ça me fait vraiment du bien. Je cours sous tous les temps, je pars avant que le jour se lève. Pendant toute mon enfance je suis passée à côté du plaisir de courir. Peut-être est-ce un sport de la maturité finalement. Il ne nécessite qu'une paire de basket et un homme qui gère les enfants pendant une heure. Une heure de solitude, de contemplation et de méditation.

C'est pour ça que j'ai acheté La Grande course de Flanagan de Tom Mc Nab, parce qu'Alphonsine et Sophie la styliste en ont tellement bien parlé que ça m'a tenté. Il se rajoute à ma pile dont il risque de chambouler l'ordre de lecture. 

P.S: au hasard de mes déambulations virtuelles, je m'aperçois que nous sommes quelques blogueuses à aimer courir. Sur le tard parfois, avec philosophie  souvent, avec effort toujours. Courir c'est finalement avoir une certaine vision du monde et du temps.

 Beaucoup de mots pour finalement dire un truc tout simple. C'est tout moi ça, j'ai du mal à aller à l'essentiel; enfin qui a dit qu'un blog devait aller à l'essentiel tout le temps?

dimanche 11 novembre 2012

Le club des incorrigibles optimistes-Guenassia

Une histoire de russes qui jouent aux échecs à Paris

Le Club des Incorrigibles Optimistes, raconté par Jean-Michel Guenassia, se situe dans l'arrière-salle d'un bar parisien. Un lieu marginal et confidentiel qui réunit, pendant une grosse décennie, des russes blancs et rouges qui jouent, ensemble, aux échecs. Un "jeu" qui apparaît de fait comme un langage universel de l'intelligence.

Jean-Michel Guenassia,
Le Club des incorrigibles optimistes,
 
Livre de Poche, 2011, 731 p.

Le propos du livre est pourtant bien celui de la guerre

Et c'est bien mieux abordée que le Goncourt de l'année passée. La Révolution russe qui n'en finit plus de broyer les contestations présumées ou réelles au régime. La guerre d'Algérie qui avale la jeunesse. Et même la Seconde Guerre mondiale qui surgit en arrière-plan. Dans cette histoire, la guerre révèle l'homme, et pas forcément dans ce qu'il a de plus noble.

Finalement, Le Club des Incorrigibles Optimistes pose la question de l'individu, de son unicité, de sa trace, de ce qu'il en reste malgré le cours de l'Histoire. Le rôle de l'écrit mais surtout de la photo est prédominant. L'image apparaît dans toute son ambiguïté : quand elle sublime et quand elle trahit la réalité. J'aime infiniment ce questionnement.

Un roman dense, des références historiques nombreuses

Le Club n'a pas fait l'unanimité sur la blogosphère. Foisonnant de personnages et de références historiques, ce pavé de 730 pages dépeint les années 50' et 60'.  Indéniablement, tout y est, : la naissance du rock and roll, l'essor de l'électroménager, l'émergence d'Israël, la décolonisation, le retour des Pieds-Noirs, l'avant mai 68 avec les lycées de filles et de garçons. On y croise Sartre, Kessel, Noureev et une jeune étudiante qui débute sa thèse sur Aragon. L'ensemble est peut-être un peu lourd et je peux comprendre que certains lecteurs s'y soient lassés. Mais par déformation professionnelle, je suis sensible à cette rigueur. Je le conseille donc aux amateurs d'histoire et de gros pavés...J'en suis !

C'est un livre en nuances de gris (c'est à la mode!) sans réels héros ni véritables victimes. Les Russes apparaissent comme des hommes brisés à la conscience écorchée. Le parcours des Igor, Léonid et Werner est à la fois flamboyant et misérable. Ce n'est pas sans rappeler la trilogie d'A. Wiazemski. Le narrateur, Michel Marini, passe de l'enfance à l'âge adulte dans une période de paix. J'ai aimé sa rage de courir au Luxembourg jusqu'à en avoir mal. Il est l'effet de contraste du roman. Son entourage manque, sciemment sans doute, de relief.

Contrairement à ce que promet le titre, c'est assez pessimiste

La fin est, selon moi, extrêmement réussie. Peut-être ne l'aurais-je pas pensé si je l'avais lu dans un transat ou sur la plage. Mais lire les 20 dernières pages, un soir sombre et tourmenté de novembre était poignant. Le temps était étonnamment raccord avec l'atmosphère du livre. Ce qui prouve bien qu'une lecture réussie résulte de la rencontre d'un romancier et d'un lecteur ... à un moment donné. 

"Le temps qu'il fait" est loin d'être un détail lorsqu'on finit un livre. 

mardi 6 novembre 2012

L'envers d'une année

J'ai acheté la trilogie 1Q84 d'Haruki Murakami, quelques semaines avant qu'elle ne sorte en poche. Ce sont des choses qui arrivent. Il m'a fallu plusieurs semaines pour savoir ce que j'en pensais vraiment.

Haruki Murakami,
1Q84, Livre 1, avril-juin

Belfond, 2011, 534 p.
1Q84 est impossible à résumer sans trahir sa singulière ambiance .

En 1984, Tengo, un surdoué de maths devenu prof, et Aomame, instructrice sportive, pénètrent sans le savoir dans une année parallèle. Dans ce monde, finalement nommé 1Q84, deux lunes brillent la nuit. En 1Q84, Tengo est devenu le nègre d'un chef d'oeuvre (plutôt d'un best-seller). En 1Q84, Aomame est une tueuse à gages, à la solde d'une vieille dame, qui élimine les hommes qui violentent les femmes.

1Q84 est une trilogie extrêmement dense dans laquelle surgissent plusieurs histoires qui s'entremêlent. Je ne peux pas trop en dire de peur de gâcher le plaisir des futurs lecteurs. Disons qu'1Q84 fait surgir le Tokyo des années 80', d'inquiétantes sectes, des hommes violents, un hôpital déprimant, le fantôme des collecteurs de redevances audiovisuelles, un bébé lune, des classes préparatoires, une vieille femme richissime, des scènes de sexe, un détective privé doué d'une grande intelligence qui a perdu son âme...Je l'ai dit 1Q84 est une trilogie extrêmement dense, dans laquelle tout est remarquablement articulé et lié.

Pendant la lecture des deux premiers volumes, j'ai crié au génie.

J'ai adoré la naissance d'un roman dans le roman, La Chrysalide de l'air, dont une jeune fille dyslexique, lunaire et éthérée, trop parfaite pour être humaine, a mystérieusement jeté la trame.  Tengo met le récit en forme. Paradoxalement, en endossant le costume du ghost writer,  il devient écrivain. Comme toujours Murakami intellectualise la naissance d'un roman.

Haruki Murakami, 
1Q84, Livre 2, juillet-septembre, Belfond, 2011, 526 p.
C'est aussi un livre sur l'intelligence au sens le plus large du terme, celle qui englobe l'âme et le corps. Tengo incarne l'esprit, Aomame le corps. J'aime le culte du corps chez Murakami, cette obsession japonaise de la maîtrise de l'ensemble de soi. 

On l'aura compris, 1Q84 fait des clins d'oeil à 1984 de George Orwell comme un effet de miroir. Murakami écrit au passé ce qu'Orwell préjugeait de l'avenir. Les little people donnent la réplique à Big Brother et apparaissent comme les artisans souterrains du monde parallèle.

Mais voilà, le troisième volume ne m'a pas rassasiée. Davantage axé sur le fantastique, le dernier livre fait bouger les frontières de la morale, de la conscience et du vraisemblable. J'ai eu le sentiment qu'1Q84 avait dépassé ma limite du compréhensible, je n'en dirai pas plus.

Haruki Murakami, 
1Q84, Livre 3, octobre-décembre, Belfond, 2011, 530 p.
Je n'ai pas trouvé de réponse aux deux premiers volumes : certains évènements n'ont pas d'explication, des personnages disparaissent subitement. Peut-être ne faut-il pas chercher, dans l'année 1Q84, à refermer toutes les portes des deux premiers livres. Sans doute, suis-je trop occidentalisée à toujours vouloir boucler la boucle.

L'écriture de Murakami est extrêmement accessible. Si l'histoire est extrêmement complexe, son style est fluide, simple, clair. J'ai dévoré la trilogie. Le roman a déjà été maintes fois commenté sur la blogosphère, aucune critique ne ressemble aux autres, la mienne n'en est qu'une de plus. Chacun y a trouvé une résonance différente.

La trilogie de Murakami reste une oeuvre importante, parce qu'elle fait réfléchir, sortir du cadre, parce qu'on y pense longtemps après. C'est finalement un roman non identifié, entre le fantastique, le thriller psychologique, la saga poétique, l'analyse intellectuel et la peinture d'une période. 

1Q84 n'a absolument rien à voir avec ce qu'on a lu avant. Murakami est une catégorie littéraire à lui tout seul. Qu'on l'apprécie ou pas, il apporte quelque chose de nouveau dans le monde des livres.

 J'appartiens à ceux qui regrettent qu'il n'ait pas eu le prix Nobel le mois dernier.

vendredi 2 novembre 2012

Conserver une trace...

En ce jour de commémoration de nos défunts, une question me hante.

Trop loin  de notre Anjou d'origine, nous n'avons pas participé aux réunions collectives autour des sépultures familiales. Je me demande alors ce me qu'il reste d'eux...

Que reste-t-il des joies et souffrances de mon grand-père, qui passa cinq ans prisonnier en Allemagne? Que reste-t-il de ma grand-mère, que j'ai à peine connue et qui s'était déjà oubliée à sa propre mémoire avant de disparaître? Que reste-t-il de cet oncle, éternel enfant de 18 mois, qui s'en alla trop tôt et dont mon père porte le prénom.? Que reste-t-il de mon autre grand-père qui travailla avec acharnement ? Mais pire encore, que reste-t-il de cet ami de lycée qui partit de ce monde à 23 ans, ni par maladie, ni par accident, et dont le décès m'a fait perdre pour toujours une certaine légèreté?
 
Le cadran solaire de Roba Capeù

 Qui témoignera de l'enfant qu'ils ont été, de leur couleur préférée, de leur friandise favorite, du prénom de leur meilleur camarade, des lectures qui les ont bouleversés, des événements joyeux ou dramatiques qui ont fait d'eux ce qu'ils ont été. Le premier pas, la première dent, la première peur... Même leur part d'ombre et leurs petits secrets ont été ensevelis avec eux...Alors?

Cet été, quelque part en Loire-Atlantique...
Il reste d'eux une pierre tombale, une plaque, des souvenirs que les vivants entretiennent. Subsistent encore le timbre de leur voix, l'odeur de leur cuisine, un chant de Noël, le son d'un trombone, une photo, l'écho des embruns atlantiques... Mais quand nous-mêmes serons partis, que restera-t-il de ces existences banales mais uniques ? J'ai aujourd'hui une pensée émue pour tous les défunts qu'on ne commémore pas ou que l'on a oubliés.

 Qu'on croit ou pas à un monde meilleur après, la vraie question persiste. Quelle trace laisse-t-on ici , dans ce monde là?

Je me demande si ce n'est pour un peu cela qu'on écrit, qu'on peint, qu'on photographie, qu'on blogue même...

Pour conserver sans doute, sur la toile ou ailleurs, une trace des moments passés et de l'instant présent.


P-S: J'ai bien conscience, en me relisant, ce que ce genre de post (programmé) a de "plombant"...heureusement, il n'y a qu'un seul 2 novembre par an...

mardi 30 octobre 2012

L'automne sous la neige...

Ici, dès qu'il pleut trois jours de suite, cela fait la Une du quotidien régional. Quand il risque de neiger, les écoles sont évacuées. Quand le soleil se cache trop longtemps on s'inquiète...

Il y a à peine une semaine, nous ignorions encore que l'été s'achevait 
Nous avons donc déserté la ville, son bruit, ses incivilités, sa vitesse. Quitter alors le littoral pour s'enfoncer dans les terres. Chercher de l'air, de l'espace et du calme.
A seulement une heure de la côte, force est de constater que l'hiver a englouti l'automne. Les saisons se sont étrangement mélangées.

Dans quelques heures, il n'en restera plus rien.
 Les couleurs automnales auront repris leur droit...et nous le chemin de la ville.

dimanche 28 octobre 2012

Le titre qui trompe

Celui-là, j'ai failli ne jamais le lire tant le titre me fait horreur.

Peau de caniche... l'écorchure d'un animal !?
Dominique Zehrfuss, Peau de caniche, folio, 2012, 99p.

J'ai donc attendu qu'il sorte en poche ... et je l'ai acheté pour les mauvaises raisons. Midinette éphémère : Dominique Zehrfuss est la femme de Modiano.

 Elle dépose ici le gros fardeau de son enfance. Généralement, j'abhorre tous ces témoignages de prétendues célébrités qui déballent leur linge sale. C'est majoritairement indigne, impudique et dénué de tout intérêt littéraire.

Rien de tout cela ici.

C'est pour cette raison que je serai indulgente avec ce premier récit. Fille d'un couple qui se rencontra sur le tard et qui laissa tout derrière lui, l'auteur raconte son impossibilité d'être une enfant dans un monde qui ne lui octroie aucune place.

"C'est là que je désapprends à être ce que je suis: un enfant". (p.30)

Tyrannisée par une mère constamment dans la posture et un père qui refuse de s'opposer, c'est le récit de la grande solitude d'une petite fille .
"Je sais depuis toujours qu'il ne faut pas déranger mes parents". (p.78)

Bien qu'elle soit de la génération de ma maman, Dominique Zehrfuss évoque une période qui correspond à l'âge de mes enfants. Sans doute est-ce pour cela  que je suis touchée.

L'écriture, assez épurée, est parfois maladroite mais souvent très intense. On s'y attache, même si cela manque peut-être un peu de linéarité. Elle raconte, par flash, des scènes de son enfance, sans forcément les lier entre elles.

Peau de caniche est effectivement un animal écorché mais surtout une mue dont Dominique Zehrfuss se départit avec fracas.

Avant ce livre, l'auteur avait essentiellement travaillé en littérature jeunesse, ceci expliquant sans doute cela.

Ce récit est presque un manifeste pour l'enfance, et rappelle, en creux, ce qu'elle a de précieux, de perméable et de fragile.