Anna Funder, Tout ce que je suis Editions Heloïse D'Ormesson, 2013, 492 p. |
Avant de vous parler de Tout ce que je suis d'Anna Funder, il faut que vous sachiez que nous sommes peu à l'avoir aimé (trois à ma connaissance), que In Cold blog a été tellement déçu qu'il n'en a même pas fait de billet, et que je suis convaincue, depuis l'âge de 14 ans, d'avoir vécu la Seconde Guerre Mondiale dans une vie antérieure et d'y avoir beaucoup souffert (peut-être même que j'y suis morte).
Donc j'ai été emballée par la
démarche d’Anna Funder. Quelle belle idée de lever un coin de rideau de l’histoire et de
rendre justice aux Allemands qui, avant 1939, ont été victimes du nazisme, et
d’une certaine manière, le brouillon des méthodes à venir.
Théoriquement, on ne peut qu’être
séduit par ce roman à deux voix qui raconte une période disparue. Un homme à New York et une femme en Australie, tous les deux au
crépuscule de leur vie, expatriés et aux antipodes, qui tentent de se souvenir,
de recoller les pièces d’un puzzle et d’une personne disparue: Dora.
Ces narrateurs, Ruth et Toller, sont de beaux personnages, bien campés, leur récit a de la force et du désespoir. Le personnage de Hans, que l’on croit secondaire mais qui ne
l’est pas du tout, est une totale réussite. Il permet d’avoir une idée de ce qu’est la
peur, la panique de sentir une situation sans issue, et ce que cela peut faire entraîner même chez des gens de
bonne volonté.
La description de la vie des exilés allemands en Europe, à une
époque où le pacifisme était de mise, où lutter contre Hitler ressemblait à de
l’agitation politique, est vraiment poignante et a postériori, accablante. J’ai trouvé la montée dramatique très réussie, la peinture de l’époque crédible. J’ai été bouleversée de voir que cela a été inspiré d’une histoire vraie.
La peinture de cette Allemagne qui se précipite dans la Seconde Guerre Mondiale, qui met en place sa Machine de guerre devant une Europe qui ferme les yeux, est très bien retranscrite (de ce que je me souviens de ma vie antérieure - humour- ). L’épisode de l’incendie du Reichstag est particulièrement terrifiant. L’élimination progressive des opposants préfigure ce que deviendra l’Europe 10 ans plus tard.
Bon, certains y ont vu quelques
longueurs.
Après, on ne va pas se mentir, il a manqué quelque
chose à ce livre pour qu’il soit vraiment réussi. Peut-être est-ce dû à la traduction, mais on peut regretter une certaine mollesse, une absence d’énergie, et la fin
est sans doute un peu trop bavarde.
Surtout, il y a un problème sur l’un des
personnages principaux : Dora. Pourtant punaise, avec un prénom pareil, la modianette que je suis était pleine d'espoir. Dora est d’une certaine manière la clef, et même l'épicentre de
ce roman historique. Elle est décrite par Toller (son amant) et Ruth (sa cousine presque sœur), mais l’un et l’autre semblent garder une distance.
Dora incarne la figure de la résistance, une femme qui peut
mourir pour des idées, une femme libre, inflexible, à la fois extrêmement
sensuelle et débarrassée des convenances féminines. Et là quelque chose ne
prend pas. Difficile de savoir quoi. Est-ce mon girl-power inexistant ou bien les répétitions sur le fait
qu’elles se rongent les ongles ou que son chemisier est à l’envers ? Dora reste insaisissable et cela nuit
au livre (pas insaisissable comme Dora Bruder, plutôt insaisissable parce qu'on n'a pas envie de la saisir). Le lecteur ne craint pas pour elle, ne s’y attache pas, ne s’attarde
pas. Elle devrait être au centre et reste à la périphérie.
Par soucis d'honnêteté (qualité qui me caractérise entre toutes), je vous mets les liens de mes copines (oui, elles le sont encore bien que je me sente de plus en plus le vilain petit canard des jurées Elle): Coralie qui ne l'a pas trouvé abouti, Valérie qui a été déçue, Enna qui l'a abandonné, Eva qui s'est ennuyée, Mior qui l'a trouvé très mauvais, seule Fleur et Mathilde ont eu un sentiment proche du mien...
Terminons par ma référence mensuelle à présent: "Ne pensez pas au pire, reléguez-le plutôt hors de votre esprit." (p.113)
Ok, je vais faire ça alors....(ce type ignore tout de ce que j'ai vécu dans les années 1940)
Les différents billets que tu cites m'ont dissuadée de le lire et ton billet n'est pas assez convaincant pour que je change d'avis
RépondreSupprimerTant pis, je n'insisterai pas alors Sylire ;-)
SupprimerIl me tentait beaucoup au départ, mais à l'arrivée et après tous les avis négatifs, plus du tout .. Je retiendrai plutôt ta référence mensuelle qui peut m'être d'un grand secours !
RépondreSupprimerIl aurait certainement pu être bien plus réussi Aifelle, mais que veux-tu je l'ai aimé quand même...
SupprimerQuant à ma référence mensuelle, nous ne sommes que le 12 et je n'en peux déjà plus ;-)
Beaucoup d'avis négatifs quand même... Même si le thème de départ me tente beaucoup !
RépondreSupprimerOui Sophie, c'est vrai qu'il n'a pas été bien accueilli; je crois qu'on attendait énormément d'un roman qui traite de ce sujet, la barre des espoirs était très haute. Ceci dit, j'avais lu les mauvaises critiques avant, donc je m'apprêtais à m'ennuyer ferme, du coup, ça a été une très bonne surprise!
SupprimerEt comment t'es tu finalement rendue compte que tu avais traversé les années 40 dans une autre enveloppe corporelle ? Nan parceque je crois que j'ai vecu à l'epoque des invasions dites "barbares" et que j'etais un homme (un vrai un tatoué) avec un cheval dont les sabots avec des vertus desherbantes .....si ! Si ! Je t'assure !!!! On crée un club ?
RépondreSupprimerTu vois Attila, nous avons passé un cap toi et moi, tu n'as plus besoin de signer et je sais que c'est toi. Sinon, j'étais une ado moyennement en place, j'ai eu cette révélation en 4ème (une évidence en somme) et depuis cela ne m'a pas quitté....je sais, je sais, j'ai encore du chemin vers l'âge adulte et responsable. Quand tu veux pour le club!! Je te plains quand même, les invasions barbares, c'était hard comme période....
SupprimerHard mais tellement stimulant : tous ces chevelus le mords aux dents .....hi hi hi
SupprimerNon seulement je l'ai bien aimé, mais je n'en n'ai pas encore lu de meilleur (à mon sens) dans la sélection Elle...oui je me sens seule, moi aussi :-)
RépondreSupprimerJe crois aussi qu'à part Lady Hunt (qui a été recalé), c'est la meilleure note que j'ai mise...Nous sommes ultra minoritaire Mathilde, il faut le savoir!
Supprimerun thème vraiment intéressant, mais un roman mal abouti...grosse déception. Mais je ne t'en veux pas de l'aimer ;-)
RépondreSupprimerMerci Eva, je crois que Funder s'est faite dépasser par son thème...malheureusement, l'attente était trop lourde. On reste copine c'est l'essentiel!
SupprimercopineS pfffff (je vais pas être copine toute seule non plus)
SupprimerMerci d avoir cité mon billet, où je dis tout le mal que j'en pense, en effet ! Ton billet m'étonne un peu quand même......
RépondreSupprimerJe sais Mior, je crois que nous n'avons pas du tout les mêmes gouts, mais ce n'est pas grave, c'est un peu le jeu du prix. Des bises
SupprimerCe commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec ce que tu dis sur le livre, mais il faut croire que tes réserves chez moi ont carrément été éliminatoires
RépondreSupprimerMais c'est vrai que j'avais de la tendresse pour la démarche et pour l'auteur. Je dis bien dans mon article que je l'aime bien même si elle se rate. Je n'ai pas eu l'impression qu'on se foutait de moi, mais qu'on ratait quelque chose devant mes yeux et ç'a mis mal à l'aise.
Bon, et tes blagues sur ta vie antérieure m'ont fait pas mal rigolée. Tu dois être servie de ce côté-là, c'est une bonne période pendant laquelle souffrir dans une vie antérieure. Même belle et Sébastien le remake a jugé bon d'intégrer des nazis, donc tu vois ! Tu ne seras jamais à cours. C'est beaucoup plus judicieux d'avoir souffert en 1940 que disons... en 1706 ou en 1123.
Je comprends très bien ce que tu dis, et j'aurais pu avoir ce ressenti en fait...bon sinon il n'est pas exclu que j'ai eu une vie antérieure sous Louis XIV aussi...mais ce serait too much non, autant de passif ?
Supprimerça m'a mis**. pfff
RépondreSupprimerdéjà que je m'étale
Je te pardonne...
SupprimerEn théorie, il avait tout pour me plaire. Le choix du sujet est parfait. Mais dans la pratique, rien ne m'a plu.
RépondreSupprimerJe le sais Valérie, c'est rare que nous ne soyons pas d'accord d'ailleurs, ceci dit je l'ai lu avec un a priori négatif, donc ça a été une bonne surprise, et vraiment je trouve que ce qu'elle a fait autour du personnage de Hans est très réussi. Des bises leader
SupprimerTon livre-cadeau de Noël a des aphorismes magnifiques. Mais est-ce volontaire de nous livrer des réflexions mensuelles aussi intenses trois fois déjà depuis le début du mois ? Nous allons courir vers la zénitude !
RépondreSupprimerTu parles Alphonsine, ce livre m'exaspère...mon père savait que cela m'énerverait, mais bon on ne sait jamais, peut-être vais-je trouver la paix intérieure! des bises
SupprimerC'est vrai que c'est un point de vue que l'on connait peu, en France.
RépondreSupprimeroui c'est pour ça que beaucoup en attendait du lourd je pense!
SupprimerCe roman prometteur avait essuyé beaucoup de critiques négatives, mais il en faut plus pour me décourager, et ton billet me confirme de le garder à l'esprit pour une sortie poche... car mes biblis l'ignore totalement !
RépondreSupprimeroui je serai curieuse, de voir si le deuxième accueil (en poche) est différent du premier...c'est toujours intéressant de voir le décalage. Merci de ton optimisme Kathel
SupprimerC'est drôle, ce que tu dis sur une vie antérieure! J'ai toujours été passionnée par la Seconde Guerre mondiale. Quand j'étais petite, je regrettais presque de ne pas avoir connu cette époque (ce qui est complètement stupide en fait).
RépondreSupprimerPeut-être que toi aussi Fleur tu as connu cette expérience (ce billet commence vraiment à partir en vrac vers l'ésotérisme)...
Supprimercela te manquait, éh bien le voici ! http://jemelivre.blogspot.fr/2014/01/tag-tag-tag-tag.html et bisous
RépondreSupprimerhé hé, je crois que tout le monde en a marre que je m'étale sur ma petite personne, mais ça me touche, merci ma Phili!!
SupprimerJe connais bien ce sentiment de déjà vécu !! Moi, c'est le moyen-âge !!!
RépondreSupprimerExcellent billet, comme d'hab, mais pas convaincue par le roman pour autant, c'est pourtant une partie de l'Histoire du XXe qui m'intéresse le plus ...
oui je sais, je sais...arffff, bon tant pis. Je n'aurais pas convaincu grand monde sur ce coup-là...
SupprimerA part ton avis, il n'y a rien qui me tente dans ce roman.
RépondreSupprimerTu sais Jérôme, pour moi c'est déjà beaucoup ;-)
Supprimertaguée chez moi...
RépondreSupprimerDécidément, c'est un complot!!!
Supprimerje vais écouter la voix de Laurent (ICB)
RépondreSupprimerLa voix de son maître ! ;)
SupprimerMalgré un billet, comme toujours, très alléchant et truffé de pointes d'humour, je ne souhaite pas vraiment découvrir ce livre... Je vais rester sur tes mots à toi !
RépondreSupprimerC'est gentil Krol ...malgré tout, je sens que j'ai pas été convaincante sur ce coup...bon je ferai mieux la prochaine fois
SupprimerHa ha, c'est rigolo cette sensation de vie antérieure, moi c'est en Egypte ancienne, au temps des Ptolémée, c'est précis ! Cela dit, ton billet m'a beaucoup fait rire mais pas du tout donné envie de lire ce livre ! Déjà que je vois arriver le centenaire de la guerre 14 avec appréhension, nous sommes déjà envahis de lectures sur cette période (non pas que je n'aime pas mais trop c'est trop), je vais essayer de contourner cette période et ça va pas être de la tarte !!! :)
RépondreSupprimerAh oui contourner la première guerre cette année sera difficile, ça c'est sûr...je me désole moi-même de mon absence totale de persuasion...
SupprimerJ'aime beaucoup la couverture mais les avis négatifs que j'ai lu m'ont un peu refroidie, je crois que malgré ton billet plus positif je ne le lirai quand même pas. C'est pas grave hein?
RépondreSupprimerNon, ce n'est pas grave, c'est vrai qu'il a été plutôt mal accueilli par les blogueurs, je ne m'explique pas que moi, la râleuse universelle, je l'ai aimé quand même...il faut que je bosse la dessus. Des bises Tiphanie
SupprimerJe viens de découvrir ton blog et je note ce livre. Le sujet m'intéresse et tu as écrit le mot magique "modianette". (Je vais d'ailleurs aller lire tes billets sur les Modiano.)
RépondreSupprimerMon Dieu...bienvenue ici Jackie, déjà parce qu'il me semblait avoir été assez peu efficace sur ce coup...mais j'en déduis un penchant certain pour Modiano...je file découvrir ton blog
SupprimerIl n'y a pas beaucoup de Modiano sur mon blog (puisque j'ai lu la plupart de ses romans au siècle dernier !), mais tu m'as donné envie de les relire.
Supprimerça me fait très plaisir.....
SupprimerJe ne sais pas si je le lirai (on ne peut pas tout lire, et il faudra que j'attende la sortie en poche, ou de le trouver à la bibliothèque)
RépondreSupprimerLe thème est intéressant, en Allemagne il n'y avait pas que des nazis ( on l'oublie)
tu ne dis rien sur le style, l'écriture, en fait je voudrai savoir si c'est agréable à lire; on peut ne pas aimer l'histoire et apprécier la petite musique des phrases. Bises
OUi, on a tendance à oublier cela, que certains Allemands ont été les premières victimes du nazisme. L'écriture n'est pas vilaine mais je pense qu'il y a un petit soucis de traduction qui la rend un peu molle...et je crois que c'est ce qui a découragé certains lecteurs aussi; un petit manque de dynamisme. Des bises Louise
SupprimerJe lis Etty Hillesum en ce moment. Je te conseille cette lecture, je pense que cela vaut très largement ta "référence mensuelle" ^^
RépondreSupprimerEt ça te parlerait sans doute plus compte tenu de ta vie antérieure.
Mais je le note évidemment....(quoique je craigne souvent que tes lectures soient trop compliquées pour moi hein...)
Supprimer