Marie Sizun, La Maison-Guerre Arléa, 2015, 267 p. |
Bon, il faut bien reprendre le chemin du blog quand même, surtout que je n'ai pas pu chroniquer LGL jeudi dernier, abandonnée par mon binôme. Et regarder François sans l'Homme qui souffle, qui râle, qui grince, qui fait des commentaires inappropriés tout en vidant son paquet de cigarettes sur le balcon, c'est comme skier dans le brouillard: on ne voit pas les reliefs.
Du coup, pour que ce blog résiste à l'espèce d'engourdissement qui le guette, je reviens à sa mission première: parler des livres que j'ai lus. Aujourd'hui La Maison-Guerre de Marie Sinzun. C'est l'histoire d'une petite fille que sa mère confie à des vieilles personnes, dans leur maison (on le suppose) de la banlieue parisienne en pleine Occupation.
Une fois adaptée au style narratif, avec l'utilisation d'un "tu" qui m'a d'abord un peu désorientée, j'ai tout aimé.
J'ai aimé les propriétaires de cette Maison, ce trio improbable et stérile, un vieux couple et cette vieille fille, sans oublier la grand-mère malade et sénile, à mi-chemin entre le fantôme et l'ex-diva grabataire. Ces gens finalement rugueux du point de vue d'une petite fille de 5 ans, mais qui en fait sont techniquement des Justes, de ceux qui prenaient le risque de cacher chez eux les enfants indésirables de Vichy. J'ai aimé la solitude de cette petite fille, cette capacité d'émerveillement propre aux très jeunes enfants, malgré les circonstances.
"Tu viens de voir à la fenêtre passer des papillons et tu cours au jardin, lassant la tante à sa nostalgie, un peigne inutile à la main" (p.69)
J'ai aimé l'image idéalisée qu'elle a de sa mère (de ces mères qui ne vieillissent pas et qui resteront toujours jeunes et joyeuses), j'ai adoré que les hommes ne soient pas en reste. C'est vraiment un livre sur l'amour filial et parental (ou sur ce qui s'en rapproche), sans sucré, sans pathos, sans déballage ni grandiloquence. Et plus que tout cela, il y a l'ingratitude de l'enfance, qui rend le don de l'adulte encore plus beau, car on ne vit jamais assez longtemps pour remercier les Anciens de nous avoir choyés et protégés à leur manière. Et le personnage de la "tante" Mathilde (qui n'en est pas une) a quelque chose d'infiniment triste et beau.
" J'aurais voulu pouvoir encore l'embrasser , me faire pardonner la froideur dont j'avais souvent usé avec elle. Me revenaient des gestes de tendresse maladroite qu'elle avait eue pour moi, des mots que je n'avais pas su entendre" (p. 253)
Mais surtout j'ai relevé l'indéniable côté modianesque de ce roman, je suis même étonnée de n'avoir pas lu Marie Sizun plus tôt, quand je vois les liens qui la rapprochent de mon chouchou. Parce qu'effectivement, il y a cette saveur de l'enfance, mais aussi le retour sur des choses qui n'existent plus. Les pages sur la visite de ce qu'est devenue la maison-guerre quelques décennies plus tard sont, de mon point de vue, vraiment très poignantes. Le personnage même de l'amie de Véra, vénéneux et vulgaire, qui transmet de faux secrets non vérifiés à la fille devenue femme, a quelque chose de vraiment très réussi, parce qu'elle met le doute.
Mais il n'y a pas que cela, il y a le poids du tragique: de l'antisémitisme tiède et ordinaire à la déportation auquel il était difficile d'échapper. Il y a tout cela dans ce roman, de ces choses monstrueuses que des gens ont évité à une petite fille par affection qu'ils avaient pour son père. De ces gestes dénués de la moindre idéologie, dictés par des impératifs plus intimes.
"Le bonheur de la maison-guerre, je n'aurais pas su l'expliquer. Mais il était là, en moi. Inoubliable" (p. 222)
Fournisseur officiel de ce billet: une non-blogueuse qui souhaite rester anonyme et qui tenait à ce que mon repose forcé en soit vraiment un. Je la remercie d'autant plus qu'elle est toujours là dans mes tempêtes tout en combattant les siennes. Livre lu la dernière semaine avant la rentrée des classes, entre parcs, jardin et achats de fournitures scolaires...pile ce qu'il me fallait avant de revenir avec difficulté à l'incontournable vie sociale de septembre.
MERCI Galéa !Ton rapprochement entre Modiano et Sizun m'explique pourquoi en lisant seulement Modiano en 2015 je suis devenue aussitôt une fan mais bien sûr parce que j'ai tout lu chez Marie Sizun et que j'a-do-re.
RépondreSupprimerAH je comprends, il y a quelque chose de très proche entre ces deux auteurs. Je vais maintenant lire la Femme de l'Allemand.
SupprimerLà, tu me fais envie ! J'avais beaucoup aimé Plage de cette auteur et je me disais qu'il allait falloir que j'en lise un autre. Celui-ci a tout pour me plaire, il faudra que je guette sa sortie en poche !
RépondreSupprimerOui visiblement c'est ujne auteur très appréciée et je comprends pourquoi, je note Plage (jamais entendu parler)
SupprimerMon billet sur plage est là :^) http://lirerelire.blogspot.fr/2011/12/plage-de-marie-sizun.html
SupprimerAh tiens je vais aller le lire, d'autant que tu l'as mis dans ton top 50.
SupprimerAlors il faut absolument que tu lises La femme de l'Allemand, qui avait obtenu le prix Elle une année si je me souviens bien. Quant à moi, je m'empresse de noter ce titre, je n'ai pas relu cette auteure depuis La femme...et je me demande bien pourquoi.
RépondreSupprimerC'est prévu Anne et je l'ai sur ma table de chevet. Merci bisous.
SupprimerJe note, je note, je note ! J'en reviens toujours pas de tout ce que je découvre grâce à la blogo.
RépondreSupprimerL'analogie du ski dans le brouillard m'a fait sourire.
J'espère que d'autres livres enchanteront ta grossesse, cette parenthèse un peu spéciale mérite d'être le moment de découvertes littéraires ;)
Tu sais que je me disais exactement la même chose, c'est fou tout ce que l'on découvre grâce aux blogs, ce qui me confortent dans l'idée qu'avant d'être un exercice égocentrique, c'est avant tout un endroit de partage.
SupprimerJ'en ai lu un de l'auteur;
RépondreSupprimerPour LGL, je crois que c'était un spécial Jean d'O, donc si cet auteur est comme d('hab, il n'y avait rien à critiquer, son regard bleu et son humour font le job!
oui il paraît pour Jean d'O.
SupprimerTu as lu lequel de Marie Sizun ?
Je vois que certaines passent du bon temps sur l'herbe avec un bon bouquin et une petite fée qui veille sur eux.
RépondreSupprimerC'était la fin des vacances ;-)
Supprimerune découverte que je tiens à faire également, je la suis sur FB depuis longtemps pourtant, l'argument Modiano a achevé de me convaincre !
RépondreSupprimerJe ne savais pas qu'elle était sur FB mine de rien ;-) ni toi d'ailleurs.
SupprimerContente de te retrouver ,
RépondreSupprimerMerci à toi
Bises
Merci de ton passage Claudine;-)
SupprimerMalgré les avis très enthousiastes de lectrices de confiance, je n'arrive pas à accrocher avec cet auteur... Pas réussi à rentrer dans La femme de l'Allemand, je crois, qui utilisait aussi une narration à la deuxième personne. Et j'en ai lu un autre, dont je ne me souviens ni du titre ni du sujet...
RépondreSupprimerAH mince, je croyais que la Femme de l'Allemand avait fait l'unanimité ;-)
SupprimerJe suis Marie Sizun depuis ses débuts (j'ai tout lu) et je l'ai rencontrée à plusieurs occasions. Je vais lui donner le lien vers ton billet, je suis certaine que cela lui fera grand plaisir.
RépondreSupprimerJe lui tournais autour depuis un moment effectivement, je savais que tu étais assez enthousiaste sur son oeuvre.
SupprimerTu ne veux pas plutôt chroniquer des navets, à tout hasard ?
RépondreSupprimerD'abord parce que tu es toujours drôle quand tu critiques, et qu'en prime je serais moins tentée de lire autre chose que ce que me demandent les profs... ^^
Bah oui ALiénor, c'est le problème des étudiants ma pauvre ;-)
SupprimerJe n'ai lu que "la femme de l'allemand" d'elle, que j'ai beaucoup aimé. J'ai l'intention d'en lire d'autres, seul le temps m'a manqué jusqu'à présent. Ton rapprochement avec Modiano est assez juste. Il ne faut pas que l'homme rate le prochain LGL, c'est du lourd, il trouvera peut-être matière à réflexion .... (Mathias Enard, Martin Amis, Boualem Sansal, Yasmina Khadra).
RépondreSupprimerPour moi le rapprochement avec Modiano était évident, c'est fou les similitudes entre ces deux auteurs...
SupprimerOh la, ton billet me fait penser que j'ai toujours "la femme de l'allemand" dans ma pile à lire d'où il commencer un peu à végéter (on peut dire ça, oui...). Ton allusion à Modiano me donnerait presque (oui presque) envie de l'en sortir tout de suite mais là j'ai d'abord, tout en haut de ma pile Les gens dans l'enveloppe (oui j'ai craqué pour lui ce week end) Et toi, tu penses le lire bientôt ?
RépondreSupprimerTu sais que je guette ton billet mine de rien...moi aussi j'ai la femme de l'Allemand, si tu veux on pourra se programmer une lecture commune.
SupprimerUne auteure que je n'ai pas lu depuis longtemps. Un titre qui pourrait me plaire.
RépondreSupprimerC'est mon tout premier.
SupprimerBelle chronique, tu me donnes vraiment envie d'essayer, j'avais eu envie à la sortie du livre, le côté 1000 fois déjà écrit du thème m'avait un peu refroidi mais encore une fois, c'est la façon de l'écrire qui compte plus que tout...l'histoire est secondaire au style bien souvent.
RépondreSupprimerEntièrement d'accord MTG ;-)
SupprimerTout aimé comme toi !
RépondreSupprimerAbsolument ;-)
SupprimerLa deuxième personne de narration dans la femme de l'allemand m'avait gênée alors que cele ne me gêne pas toujours. Ca ne m'a pas donné envie de poursuivre.
RépondreSupprimerMince j'espère que je vais accrocher quand même...
SupprimerJe crois que je n'ai jamais lu de livre écris à la seconde personne, ça m'intrigue mais j'ai peur que ça me gêne!! En tout cas le sujet du livre ne peut qu'être intéressant.
RépondreSupprimerFranchement, une fois qu'on l'accepte, on s'y plait...j'ai été très touchée par cette petite fille.
SupprimerAvant ce livre je n'etais pas fan de Marie Sizun ...mais là. ...les hortensias, cette maison, la langueur melancolique et touchante du recit de cette petite fille devenue grande, qui se rememore cette enfance sans complaisance .....avec une lucidite un peu douloureuse ...cette femme qui porte en elle la volonté de vivre de tous ses parents....c'est assez bouleversant...
RépondreSupprimerJe suis d'accord, la scène où elle revient dans la maison est bouleversante, j'y pense encore souvent.
SupprimerMerci encore (de la part de mon placenta)
Auteur totalement inconnue au bataillon, mais tu en parles très bien, tu sais trouver les arguments qui font mouche, en ce qui me concerne du moins. Du coup je suis ferré, damned !
RépondreSupprimerJe serais curieuse Jérôme d'y voir l'avis d'un homme sur cette romancière (je vais y remédier)
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