Caroline Poiron Sid Ahmed Hammouche, Patrick Vallelian Attentat express, Seuil, 2013, 300 p. |
Attentat express raconte la contre-enquête qu’a menée Caroline Poiron,
photographe, suite à la mort de son mari, Gilles Jacquier, journaliste, à Homs en Syrie, en janvier 2012. Elle y déconstruit la version officielle qui faisait de Gilles Jacquier un dégât
collatéral des attentats révolutionnaires. Elle tente de montrer que c'était une
mise en scène du clan Assad pour faire un coup médiatique et renverser
l’opinion internationale sur les révolutionnaires de Syrie.
Alors bien sûr, c’est un livre passionnant qui raconte le reportage de guerre qui est toujours un peu de l’ordre du fantasme. On s’énerve avec elle des manipulations d’une mère Agnès, chrétienne trouble en pays musulman (et on s’étonne de leur crédulité et leur candeur quand ils pensent enquêter librement dans un pays en guerre civile). Si elle voulait montrer que la presse n'était pas libre en Syrie, c'est réussi.
Mais, on ne peut oublier que c’est d'abord le récit d’une veuve bouleversée. C'est une ode à son mari défunt, avec peu d'aspérités , mais on lui pardonne parce qu'on ne doute pas qu'il fût un journaliste courageux, brillant et sensible. Je regrette aussi un style peu soigné et l’absence par exemple de subjonctif (p.126). Mais, elle a des moments de grâce Poiron, son chapitre sur la découverte de la dépouille de Gilles Jacquier, son total désarroi et son impuissance à protéger le corps sont très poignants.
Mais pour ce qui concerne l'enquête, je n'ai vraiment pas été convaincue du tout, hormis sur le fait qu'une mise en scène avait été organisée à Ohms quand ils y sont allés. D'autant que j'avais visionné en son temps le reportage d'Envoyé Spécial, donc j'avais une vague impression de déjà vu. Mais elle déborde de chagrin et de rage Caroline Poiron et elle veut absolument faire des organisateurs de leur voyage, (plus ou moins affilié au clan Assad), les meurtriers de son homme.
Sa théorie est de l’ordre du probable, peut-être a-t-elle raison, et on comprend sa volonté de faire la lumière sur cet épisode. Mais sa contre-enquête reste très floue, avec des failles qui m'ont gênée (comme l'absence relative dans l'enquête du cameraman Christophe, seul témoin oculaire de la mort de Jacquier). Ce qu'elle prouve c'est que le clan Assad tente de manipuler les médias occidentaux, mais ça on s'en doutait.
Mais pour ce qui concerne l'enquête, je n'ai vraiment pas été convaincue du tout, hormis sur le fait qu'une mise en scène avait été organisée à Ohms quand ils y sont allés. D'autant que j'avais visionné en son temps le reportage d'Envoyé Spécial, donc j'avais une vague impression de déjà vu. Mais elle déborde de chagrin et de rage Caroline Poiron et elle veut absolument faire des organisateurs de leur voyage, (plus ou moins affilié au clan Assad), les meurtriers de son homme.
Sa théorie est de l’ordre du probable, peut-être a-t-elle raison, et on comprend sa volonté de faire la lumière sur cet épisode. Mais sa contre-enquête reste très floue, avec des failles qui m'ont gênée (comme l'absence relative dans l'enquête du cameraman Christophe, seul témoin oculaire de la mort de Jacquier). Ce qu'elle prouve c'est que le clan Assad tente de manipuler les médias occidentaux, mais ça on s'en doutait.
Et surtout au-delà de la mort injuste et terrible de son mari, il y a beaucoup de manichéisme dans son investigation, et ça me gêne beaucoup pour un document. Sa théorie ne prend pas en compte qu'en Syrie ce sont des méchants contre des méchants. Pour elle il est impossible que les rebelles s'en soient pris à son mari. Alors oui, Bachar El Assad est évidemment un dictateur qui a franchi une ligne, qui tente de manipuler les journalistes occidentaux, oui.... mais ceux qui le combattent ne sont pas des étudiants blogueurs réunis par FB, comme dans d'autres pays arabes. La rébellion rassemble les anciens soutiens à la dynastie Assad, des sunnites qui se retournent contre la « soldatesque issue de la minorité alaouite » (Kepel). Ils ont les mêmes méthodes, sont soutenus par des puissants et veulent diriger la Syrie.
Ainsi, des deux côtés des lignes de tir syriennes, ce sont des forces qui veulent prendre ou conserver le pouvoir par n’importe quel moyen. Les uns comme les autres auraient pu tirer profit de la mort de Jacquier (en attribuant la responsabilité au camp adverse). Les révolutionnaires syriens n'aiment pas forcément davantage un reporter occidental que les hommes de main d'Assad.
Si les acteurs internationaux tardent à se positionner c’est parce qu’il n’y a pas de démocrates dans cette guerre. Et quelle que soit l'issue du conflit, la question des libertés individuelles en général, et celles des femmes et des minorités religieuses en particulier, restera problématique.
Ainsi, des deux côtés des lignes de tir syriennes, ce sont des forces qui veulent prendre ou conserver le pouvoir par n’importe quel moyen. Les uns comme les autres auraient pu tirer profit de la mort de Jacquier (en attribuant la responsabilité au camp adverse). Les révolutionnaires syriens n'aiment pas forcément davantage un reporter occidental que les hommes de main d'Assad.
Si les acteurs internationaux tardent à se positionner c’est parce qu’il n’y a pas de démocrates dans cette guerre. Et quelle que soit l'issue du conflit, la question des libertés individuelles en général, et celles des femmes et des minorités religieuses en particulier, restera problématique.
Mais j’aime infiniment sa conclusion qui
rappelle que les grandes victimes de cette guerre civile sont les Syriens. Parmi eux, les plus faibles, les plus fragiles sont privés de liberté, de
médicaments et de certains produits de première nécessité. Ils ont été, sont et seront
les grandes victimes de cette guerre qui s’éternise.
J'y ai plus vu la douleur d'une veuve, dans un récit qui se lit agréablement, qu'une véritable enquête. Pour être honnête, ce document a remporté un grand enthousiasme dans le groupe Elle, il est remarquablement bien placé et a ses fans. Mon avis n'est donc en rien représentatif; ceux d'Enna et Fleur le sont beaucoup plus (et d'autres dont je n'ai pas eu le temps de chercher les liens), alors que Valérie n'a pas été emballée non plus.
J'y ai plus vu la douleur d'une veuve, dans un récit qui se lit agréablement, qu'une véritable enquête. Pour être honnête, ce document a remporté un grand enthousiasme dans le groupe Elle, il est remarquablement bien placé et a ses fans. Mon avis n'est donc en rien représentatif; ceux d'Enna et Fleur le sont beaucoup plus (et d'autres dont je n'ai pas eu le temps de chercher les liens), alors que Valérie n'a pas été emballée non plus.
Billet qui participe au rendez-vous non-fiction de Marilyne.
Ton billet me fait penser que je n'ai jamais lu autant d'essais que lorsque j'étais jury pour elle, il y a deux ans, maintenant ... Je m'étais dit que c'était très intéressant d'en lire autant (un par mois), mais au final, deux ans après, je m'aperçois que je n'ai pas poursuivi tout ceci ...
RépondreSupprimeroui je pense que c'est général Leiloona...parce que certains nécessitent qu'on se force un peu , et puis après, quand la contrainte a disparu, on se replonge avec bonheur dans les fictions qu'on choisit....
SupprimerCe n'est pas le genre de livre que je lirai mais ta chronique est très intéressante je trouve, et c'est bien de ne pas être toujours dans la lignée de la masse.
RépondreSupprimerTu as fait un billet où tu parles du prix en lui même?? J'ai vu tes chroniques sur les livres en compétition mais as tu parlé du fonc tionnement du prix, de comment tu t'es retrouvée jurée etc...
En 2011, au début du blog j'ai été aussi juré d'un prix littéraire mais assez confidentiel (le prix littéraire des hebdos en région...si si ça existe...) et c'est un très bon souvenir.
Par contre tu diras de ma part à Monsieur Elle que le titre " prix des lectrices Elle" est je trouve discriminatoire pour nous les hommes...figure- toi que je lis les pages culture de Marie- Claire Biba et parfois Elle...hé oui !!
Je te crois sur parole MTG, Laurent avait eu la même réaction que toi sur l'intitulé "prix des lectrices"...et oui des billets sur le prix, j'en ai fait un stock (j'adore parler inutilement et me plaindre) tu devrais trouver ça dans le libellé "prix des lectrices" tout en bas de la page. Après je ne garantis pas du tout ma bonne foi là dessus.
SupprimerEncore un livre que je ne lirais pas. Mais j'apprécie toujours autant des compte-rendus de lecture. Ils sont passionnants.
RépondreSupprimerTu es un coeur Alphonsine, et ta fidélité me touche beaucoup, moi qui suis en pointillés sur la Toile en ce moment....
SupprimerOh non, mon commentaire a disparu ! trop fatiguée pour recommencer, je repasserai plus tard !!!
RépondreSupprimeroui c'est la joie de blogger, logiquement, on appuie sur ce qu'on pense être "publier" et en fait c'est "déconnecter"
SupprimerJe ne suis pas enthousiaste non plus, essentiellement parce que c'est un témoignage et que sur ce genre de sujet, un maximum d'objectivité est nécessaire. Or là, c'est forcément impossible. Et c'est à partir des suivants que nos avis vont commencé à sacrément diverger. ;)
RépondreSupprimerd'un autre côté, je me remets en cause aussi, je m'attendais à un livre qui parle de la Syrie et des Syriens, alors qu'elle annonce la couleur en disant qu'elle s'est concentrée sur la mort de son mari. Mais malheureusement, je ne trouve pas sa théorie complètement aboutie (trop de rage sûrement).
SupprimerPourquoi tu dis qu'on va diverger sur les "suivants"? Tu veux dire la suite de la sélection?
Les échanges entre vous ont l'air passionnés ! Je lis peu de documentaires mais je devrais ! Ca diversifierait mes lectures.
RépondreSupprimerOui Sylire, on fuit un peu les doc et finalement, une fois devant, ça passe tout seul, alors que je m'en inquiétais sévèrement.
Supprimerdifficile d'être objectif dans cette situation, j'avoue ne pas être tentée par cette lecture
RépondreSupprimerJe dois reconnaître néanmoins Evalire que c'est une lecture vraiment agréable (enfin disons sans effort) et qu'il y a de beaux passages, malheureusement il m'a manqué la dimension politique...
SupprimerJe ne connaissais presque rien de la Syrie alors c'est vrai que j'ai plongé dans cette enquête comme dans une aventure et j'ai été prise mais en lisant ton article je conviens que c'est un document très subjectif mais je l'ai bien aimé quand même ;-)
RépondreSupprimeroui je comprends très bien Enna, et c'est ça qui me dérange dans ce doc, c'est qu'elle donne une peinture biaisée de ce qui se passe en Syrie, mais j'aurais du me concentrer sur la mort de Jacquier pour apprécier ma lecture. (mais tu sais aussi que c'est pour des raisons un peu personnelles que j'étais renseignée sur la situation...donc bon...)
SupprimerMême réflexion que Leiloona !
RépondreSupprimeret je pense que je dirai pareil dans 3 mois
SupprimerÇa me fait penser au livre que Marie Seurat avait fait sur son mari, mort alors qu'il était retenu comme otage au Liban. C'est plus le récit de femmes blessées qu'une vision politique de la situation et on ne peut pas le leur reprocher.
RépondreSupprimerc'est drôle que tu parle de cela Aifelle parce que Kepel en parle dans son doc aussi, c'était son ami, et à ce moment du document; il perd en information et gagne en émotion...ce sont des belles pages (courtes et brèves) de Passion Arabe.
Supprimerfranchement , avec tout le respect que l'on doit à une veuve , ce n'est pas un très bon livre , à tous points de vue ...
RépondreSupprimerEt qu'allaient ils faire dans cette galère TOUS LES 2 en même temps avec des bébés à la maison , franchement ça fait limite pieds nickelés, non? Quand je pense que je connais des parents de famille nombreuse qui ne prennent pas le même avion au cas où !
L'intérêt était de le lire peu après Passion Arabe, entre les deux , bien sûr on aura appris des choses
Sans être aussi définitive que toi Mior, je suis assez d'accord, le début ressemble aux pieds nickelés en Syrie....
SupprimerTrès clairement je n'aurais pas survécu au bouquin. Je crois me souvenir que j'avais été admirative à la lecture de ton billet sur "Passion arable" parce que le sujet me semblait (et me semble toujours) intéressant mais compliqué (enfin, je ne connais rien à la question) et que même si je doute le lire un jour, je ne l'élimine pas des possibles.
RépondreSupprimerEn revanche, ce livre-là ne me tente pas du tout. A te lire, ça fait un peu amateur et, même si je comprends que l'aspect personnel vienne s'immiscer dans le propos, je crois que l'auteur, en tant que journaliste, a le devoir de faire la part des choses. Soit elle pleure sur la mort de son mari (tout à fait légitime), soit elle donne un cours de géo-politique cohérent.
oui c'est exactement cela Flo qui m'a gênée...on a du mal à situer le livre entre le témoignage personnel (et vu que j'ai le coeur sec, j'y suis moyennement sensible) et le doc ....
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