jeudi 3 avril 2014

La Théorie du chaos

Léonard Rosen, La Théorie du chaos
Le Cherche-midi, 2013, 496 p. 
J'ai compris mes limites en maths dès la 4ème mais je n'ai fait mon coming out qu'en seconde, quand il a fallu choisir une filière: je n'étais pas une scientifique. Et j'étais la seule de la famille. Mes parents se sont demandés ce qu'ils avaient raté, ont remis en cause leur éducation, avais-je manqué de rigueur, de limite? On a recherché dans les événements de ma petite enfance ce qui aurait pu expliquer cette défaillance. Mon père a même envisagé un simple refus d'adolescente, une sorte de parenticide symbolique. Et puis, parce qu'ils sont tolérants, mes parents m'ont acceptée telle que je suis :  un boulet familial nul en maths devenu subitement la "littéraire"de la famille.

Donc quand la sélection ELLE m'a envoyé La théorie du chaos de Léonard Rosen, je me suis inquiétée. Un polar, déjà bon, je ne suis pas fan, mais un polar mathématique, préfacé par un spécialiste de la géométrie riemannienne, c'en était trop. Rien qu'avec la couverture,  je n'ai pas échappé à la crise de spasmophilie. 

C'est donc l'histoire d'un génie assassiné dans une chambre d'hôtel à Amsterdam, tellement assassiné, pulvérisé et carbonisé qu'il ne reste rien du corps hormis une trace ADN qui permet de l'identifier. Le génie en question est spécialiste des équations bourrées d'inconnues ET des fractales: une obscure logique qui consiste à penser que le tout petit aurait la même structure que l’infiniment grand (Mme ZAP, horrifiée par cette phrase a tenu à réhabiliter les fractales sur la blogosphère littéraire.... Allez lire son billet, il fait contrepoids au mien)

Malgré mon ignorance crasse, j'ai quand même passé un bon moment. 

Déjà j'ai été très sensible au défunt prodige des mathématiques, traqué par les cupides du monde, qui  a tenté de protéger une équation capable du pire et du meilleur. 

Ensuite, le personnage de l’inspecteur d’Interpol (qui enquête sur le génie déchiqueté), est très réussi et échappe aux traditionnels clichés : il s'appelle Poincaré (...il y a un lien avec le titre....), il est français, marié, et sans névrose apparente (attention, il lui arrive quand même des choses horribles, c'est un roman policier). La description d’Interpol est bien menée, les personnages secondaires sont soignés. En plus, j'aime Lyon.

Côté ambiance:  on  trouve du terroriste intégriste, chrétien et blanc de blanc (ça change aussi, c'est bien), quelques magnats de la finance, des opprimés qui veulent se venger des déséquilibres du monde, des victimes devenues bourreaux, des frères et sœurs séparés par des drames, des convaincus criminels. J'ai envie de dire, il y en a pour toutes les sensibilités....

Donc, j'y ai trouvé une belle réflexion sur l’ordre du monde et je lui reconnais le mérite de ne pas être trop démagogique ni manichéen avec des bons et des gentils. Rosen montre que c’est un peu plus complexe que ça la répartition du Mal sur la planète.

Un bon policier, plus métaphysique que mathématique, avec  une intrigue bien ficelée, un dénouement qu’on ne voit pas venir tout de suite, un drame originel qui a du panache et de la vraisemblance.

Comme toujours, je regrette le volume des dialogues et peut-être l’absence d’un supplément de style et d’âme, ce petit-plus qui permet un coup de cœur. Mais même pour une littéraire, c’est une incursion agréable au cœur du monde mathématique.

Pour un peu je me tenterais presque une 1ère S maths ...je plaisante, c'est ma participation chez Liliba....

42 commentaires:

  1. Bon, pour moi, c'est un policier qui rentre très bien dans le cadre des policiers Elle car comme la plupart des autres, je ne l'ai pas aimé, enfin celui-là moins que les autres quand-même.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. A ce point là Valérie? J'ai pris un réel plaisir à le lire finalement...ce qui pour moi est un exploit comme tu le sais.

      Supprimer
  2. On dirait qu'elle s'arrange la sélection ELLE, te voilà presque contente ! Les maths et moi, c'est pas ça du tout non plus, et pourtant je n'en ai jamais fait à l'école (l'avantage de la quitter tôt ...), mais puisque tu dis que tu as sauté l'obstacle, je note, pour le côté polar.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui Aifelle, je pense qu'il te plairait, car finalement c'est plus axé sur une certaine métaphysique que sur les maths...je l'ai trouvé vraiment bien pensé...(après c'est un policier propre sans trop de violence ni torture, donc pour moi, c'est déjà un bon point, chochotte que je suis)

      Supprimer
  3. Je termine un livre, Le silence de JG Soumy, qui met aussi l'activité mathématique et ses spécialistes au centre de l'intrigue. Ravie de lire que tu as surmonté ta crise de panique et que tu n'as, finalement, pas boudé ton plaisir!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu sais Fransoaz je sais au fond de moi que les mathématiques sont aussi une clé de compréhension du monde...mais quand c'est bien intégré dans un roman, c'est assez plaisant...je vais guetter ton billet sur le Silence...

      Supprimer
  4. Ho que tu m'as fait rire ! Nous avons aussi cela en commun : les maths ! En ce qui me concerne, lâchage total en seconde, j'ai à peine un niveau 6ème, et encore je n'en suis pas sûre !
    Malgré ton petit enthousiasme, ton début "d'accrochage" aux polars, il ne me tente pas (tant mieux pour l'instant^^)...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n'est pas non plus LE polar de l'année Aspho , (tu peux l'éviter je pense), mais c'est vrai que je l'ai lu avec plaisir...
      je crains la rentrée au collège de ma grande, quand il faudra que je l'aide en math....(à mon avis elle comprendra plus vite que moi)

      Supprimer
  5. Tu n'es pas seule. Les règles de trois ne sont pas une chose automatiques chez moi, et, à mon âge, c'est définitif !!!
    Quant au bouquin, le titre ne m'aurait pas tenté du tout, mais j'aime ta façon décomplexée d'en parler

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Finalement Zazy il se lit plutôt pas mal...contrairement à d'autres polars qui sont pour moi de vraies gageures à finir....

      Supprimer
  6. Très bien ton papier ! Moi aussi j'ai apprécié ce polar , qui reste un des plus attachants dans la sélection archive décevante de Elle

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois que nous sommes d'accord, nous n'avons pas eu une très belle sélection Mior, hormis en doc...et encore....

      Supprimer
  7. il n'y a pas que du mauvais finalement...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non Clara, mais il n'y a pas de coups de coeur non plus, et ça je dois dire que je le regrette...

      Supprimer
  8. Moi le côté maths ça m'attire, mais il n'y en avait pas tant que ça, tu as raison, cela se lit très bien. Original, on en redemande.
    Sinon, je n'ose t'avouer que j'ai commencé à lâcher un peu les maths seulement en maîtrise (et là j'ai compris ce que peuvent ressentir certains élèves devant le prof "bon, là, juste ça, et hop, on arrive forcément là, et hop...")(on parlait de matrices nxn en Analyse 2)(arf! ^_^) J'adore les maths, quoi. Je suis prête à expliquer les règles de trois, no souçaï.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je savais que tu adorais les maths Keisha....en revanche, comment ça se fait que je sois passée à côté de ton billet sur la théorie du chaos?

      Supprimer
  9. il ne m'a pas déplu, mais bof quand même...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vraiment ?!!! Pour ma part, un peu plus que bof....;-)

      Supprimer
  10. Un polar avec des maths dedans, l'horreur ! Ajoutes-y un dentiste et un coiffeur et tu auras toutes mes phobies de réunies...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sais Jérôme....puisque nous avons les mêmes....;-)
      Je n'essaierai même pas de te convaincre sur ce coup là!

      Supprimer
  11. "fractales : une OBSCURE LOGIQUE qui consiste à penser que le tout petit aurait la même structure que l’infiniment grand"
    Arghhhh ! écrire ça alors que tu sais que je lis assidûment ce blog, c'est une véritable provocation ! ^^
    Je le dis, je le répète, tout le monde ne peut qu'aimer les maths, pas possible autrement - ce qui me donne une idée de billet, d'ailleurs...
    Sinon, voilà un livre tout à fait pour moi, on dirait !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'attendais ta réaction chère ZAP.....! et j'adore ton billet de mise au point...

      Supprimer
  12. Je crois que nous sommes nombreux(ses) à attraper des boutons dès qu'on parle de mathématiques... Keisha est une exception ! Et comme d'habitude je lis ton billet avec un sourire aux lèvres... je ne crois pas que je lirai ce roman mais continue à écrire des articles de cet acabit et je continuerai à te lire, toi...

    RépondreSupprimer
  13. Moi j'ai bien aimé! Je pense que c'est mon numéro 3 en polar pour ELLE!

    RépondreSupprimer
  14. Ben quoi, y'a pas de honte à être nulle en math ! Est-ce qu elle matheux sont plus heureux que nous les lecteurs, finalement ?!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non effectivement Alex ;-) quoique je pense qu'il existe des matheux-lecteurs...comme Keisha ;-)

      Supprimer
  15. Bonjour Galea, d'abord bravo pour ce billet bien écrit (comme d'habitude) et sinon, j'ai le roman dans ma PAL depuis quelque temps. Je pense qu'il va me plaire. Concernant les maths, j'ai été très bonne en géométrie et en probabilité mais les équations avec "x" et "y" m'ont traumatisée à vie. Et ne parlons pas des logarithmes et des algorithmes. Je suis un cas désespérée. Bon dimanche.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. pas si désespérée que cela Dasola quand même...je ne suis même pas arrivée au niveau des logarithmes et algorithmes....

      Supprimer
  16. Un peu pareil pour moi, j'ai refusé de faire scientifique...et je passe mon tour pour ce genre de livre.
    Mais attention , j'ai quand même tout suivi et tout compris dans le Da Vinci Code ( en faisant des schémas et des croquis et en réfléchissant la nuit...) alors rien n'est jamais désespéré...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu me fais peur MTG...je n'avais pas le sentiment qu'il y ait une dimension à ce point mathématique dans le Da Vinci Code....J'ai du encore passer à côté de quelque chose....

      Supprimer
  17. Ca existe, des thrillers mathématiques? Pas trop envie malgré ce que tu en dis...
    Bonne semaine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fait pHilippe, ce n'est pas un thriller mathématique (et heureusement....) la couverture et le titre sont mensongers....;-)

      Supprimer
  18. Ah j'adore tes billets, tu sais ça ?

    RépondreSupprimer
  19. Je suis certaine que les fractales n'étaient pas au programme quand j'étais au lycée. Je m'en souviendrais. Les maths ne me rebutaient pas trop, mais j'ai toujours été nulle en géométrie (et ça depuis le primaire). Donc, je savais déjà que je pourrais remonter ma moyenne dès qu'on passerait à l'algèbre. En tout cas, je note ce livre. Il m'a l'air intéressant.

    Pour en revenir à ton premier paragraphe, c'est malheureux d'avoir à choisir entre scientifique et littéraire au lycée. Moi qui aimais les langues et parce que je n'étais pas prête à faire 5 h de maths et de physique/chimie (chimie OK, mais pas physique), j'ai été obligée d'aller en A (L maintenant) et de me farcir 8 h de philo en terminale. C'est d'un ridicule...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis bien d'accord sur ce coup....j'ai du faire un bac Langue (anciennement A3) alors que j'étais nullissime en langues...

      Supprimer
  20. Même si tu en parles très bien et le défends, je ne suis pas plus tentée que cela... Tu as quand même réussi l'exploit de me faire sourire avec des maths !!

    RépondreSupprimer
  21. Le Grand Prix des Lectrices Elle est souvent fiable... même si moi et les maths, on n'est pas tellement potes !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne serais pas aussi confiante que toi pour la fiabilité du grand prix, Je t'assure Violette on n'a pas eu que du bon ;-)

      Supprimer

Les commentaires sont modérés car je n'accepte que les remarques qui encensent mes billets ou qui crient au génie.
Merci de votre passage
(je plaisante!! La modération est activée pour échapper aux vérifications diverses et variées dont tout le monde sature ;-)

La Quadrature des Gueux : Le sens de la fête

Nouveau point d'étape de la quarantaine : le sens de la fête.  Que reste-t-il de nous quand il s'agit de faire la fête ? Je parle d...