Les Vacances de Julie Wolkenstein POL, 2017, 361 p. |
En fait, je n'ai pas acheté les Vacances de Julie Wolkenstein, je me suis littéralement jetée dessus, et plutôt deux fois qu'une d'ailleurs, car je l'ai offert à une jurée ELLE qui avait adoré Adèle et moi (le colis est en partance Val; ne lis pas ce billet tout de suite).
Alors, d'abord, j'ai bien aimé. C'est un livre agréable à lire.
Oui...mais....
Bien sûr, je savais bien qu'il serait difficile de passer après Adèle, qui de mon point de vue était un grand et beau livre. Entre temps, j'ai lu d'autres Wolkenstein, et vu que j'aime les romanciers qui écrivent toujours le même livre (on s'en douterait...rapport à Modiano #DieuLittéraireVivant), à chaque roman, je retrouve avec plaisir la maison mangée par la mer, les vieilles dames au passé sombre, les traces qui n'en sont peut-être pas, les portraits des universitaires, le tabac et l'alcool, les maternités ambiguës, les parents divorcés, le père mutique, la mère fantasque, l'Amérique toujours un peu suggérée etc... à chaque fois je me régale.
Oui...mais....
Bien sûr, je savais bien qu'il serait difficile de passer après Adèle, qui de mon point de vue était un grand et beau livre. Entre temps, j'ai lu d'autres Wolkenstein, et vu que j'aime les romanciers qui écrivent toujours le même livre (on s'en douterait...rapport à Modiano #DieuLittéraireVivant), à chaque roman, je retrouve avec plaisir la maison mangée par la mer, les vieilles dames au passé sombre, les traces qui n'en sont peut-être pas, les portraits des universitaires, le tabac et l'alcool, les maternités ambiguës, les parents divorcés, le père mutique, la mère fantasque, l'Amérique toujours un peu suggérée etc... à chaque fois je me régale.
Donc là rebelote : Sophie, une universitaire spécialiste de la comtesse de Ségur et proche de l'éméritat part dans un institut normand (un vieux monastère transformé en centre d'archives) retrouver un dossier sur Rohmer, qui doit être le thème d'un colloque à l'étranger. Elle y croise un trentenaire thésard (et bien entendu fauché, beau gosse et venant d'une famille fantasque) qui, hasard de dingue, travaille aussi sur Rohmer (en particulier) et sur les films invisibles (en général).
Donc le pitch était évidemment écrit pour moi.
Sauf que Julie Wolkenstein a du lire trop attentivement les critiques des jurées de septembre qui l' avaient éjecté de la pré-selection (sachez-le les filles, je ne vous le pardonnerai jamais). Adèle et moi avait été jugé trop long, trop littéraire, trop exigeant etc..., et je me demande si Wolkenstein ne s'est pas dit: "allez ma grande, fais un livre qui marche pour le plus grand nombre". Donc j'y ai retrouvé tout ce que j'aimais.
Mais le style punaise! Alors que ces précédents romans étaient écrits dans une langue très littéraire que j'affectionne, là je me retrouve avec des : "on bouffe", "on clope", "on gerbe" etc.... Rien que l'incipit, j'ai failli allumer ma cigarette à l'envers (purée depuis quand on écrit comme on parle ? Moi aussi je m'exprime comme un charretier, mais bon, à l'écrit on se tient non ? C'est trop demander, un peu de beau, d'élégance, de tenue?)
Et puis il y a le problème de la crédibilité. Ma mère a l'âge de Sophie la narratrice, et honnêtement, autant Juliette (20 ans) ou la narratrice d'Adèle (40 ans) étaient hyper crédibles, autant là, pas tellement. Hormis le fait qu'elle va faire pipi toutes les 3 pages (le périnée pas rééduqué j'imagine...à la page 100, j'en avais vraiment assez qu'elle aille aux toilettes), je ne retrouve rien des femmes de plus de 60 que je fréquente et qui sont dans l'antichambre de la retraite. Concernant la deuxième voix du roman, Paul, je ne veux rien dévoiler, mais ce qui lui arrive est aussi moyennement probable, voire carrément capillotracté.
Enfin, il y a le problème de la facilité. Tout est bien ficelé, ça s'enchaine sans accroc jusqu'au dénouement final dont on se doute qu'il va arriver comme une fleur ; de coups en chance en hasards incroyables, ta ta ta, tout roule, donc on y va cool, on comprend au ton qu'elle utilise qu'il n'y aura pas (ou peu) de failles, de zones d'ombre, de questions sans réponse.
Bien sûr, on le lit avec plaisir, on ne le lâche pas en route, parce que tous les ingrédients sont là, c'est moderne, avec même une pincée de Game of Throne dedans (et une spécialiste m'a dit que pour écrire ça il faut être un vraie fan). Bien sûr, le discours aviné en fin de pot de thèse d'un MCF dépressif qui se désole de l'effondrement du système universitaire est drôlissime. Et tout ce qui a trait à l'Université est vraiment très réussi (des repas entre chercheurs autistes jusqu'à la grève de la faim d'une universitaire attachée à ses archives comme à des animaux, tout cela est excellent). On aime sans réserve l'idée de la voiture enfumée, de Nostalgie à fond sur les routes de Normandie, le vin, la mer, la tisane, les embruns, les souvenirs, les photos etc....
Mais bon.
Zéro tragique, un dénouement tellement gros qu'on le voit venir de très loin, et surtout il n'y a plus ni la profondeur dramatique d'Adèle et moi, ni la dimension littéraire (le passage du Dormeur du Val était tellement beau), il n'y a pas les retournements narratifs que seuls la littérature permet, il n'y a plus ce doute lancinant du dénouement, cette pirouette qui nous parle du faux, du vrai, du peut-être.
Je le le conseille aux consommateurs de feel good books (puisqu'une chroniqueuse de France Culture le fait rentrer dans cette catégorie), parce que c'est vrai que c'est une lecture agréable, fluide et facile (je comprends d'ailleurs dans la foulée que ma nature profonde et sinistre résiste à ce type de romans).
Je ne sais pas bien ce qu'a tenté Julie Wolkenstien, mais bon ça a l'air de marcher, puisqu'Adèle et moi était passé quasiment inaperçu en 2013, alors que Les Vacances est sur la liste du prix de l'Académie Française. J'ose le dire que je fulmine ou pas ? Bref, je regrette que cette mise en lumière ne soit pas sur son meilleur livre.
A bien y réfléchir, peut-être qu'une fois qu'on a écrit un pavé aussi travaillé qu'Adèle et moi, il n'est pas vraiment possible de rester dans la même veine, et que la romancière avait sans doute à ce moment là, besoin de légèreté.
Rendez-vous au prochain Mme Wolkenstein et sans rancune, je vous aime encore.
Je n'ai toujours rien lu de cette auteure (ce n'est pas faure de t'avoir entendu parler d'Adèle et moi ! ;-) ) j'essayerai d'éviter de commencer par celui-ci...
RépondreSupprimer(euh pourquoi une case minuscule pour écrire ? je dois en être à quinze lignes !)
oh tu sais les mystères de Blogspot....
SupprimerElle ne plaira pas à tout le monde je pense Wolkenstein, et peut-être même que certains préfèreront celui là à ce qu'elle écrit habituellement, c'est vraiment une question de sensibilité ;-)
Ah ah ! j'adore ton billet. Rien de tel qu'un petit billet qui dézingue pour bien commencer la journée... d'ailleurs, ton billet me met en retard, je tiens à le préciser ;-)
RépondreSupprimerCela m'a furieusement évoqué les aventures de Dame Darrieussecq, les histoires de style de Dame Wolkenstein (voir billet sur "Ma Vie dans les forêts").
Et cette fois j'y vais, bonne journée Galéa !
Tu trouves que Darrieusecq avait aussi amoindri son style ?
SupprimerDu coup je note Adèle et moi sur ma liste d'or de livres à lire absolument et j'évite celui-là. .. même si bon j'adore la comtesse née Rostopchine !
RépondreSupprimerMoi aussi mais au final, cela ressemble à un prétexte, car je n'y ai pas trouvé (mais cela reste subjectif bien sûr), de clins d'oeil ou de croisement narratifs entre ce livre et ceux de Ségur (hormis évidemment le titre qui est vraiment très bien trouvé).
SupprimerPeut-être l'ai-je lu au mauvais moment.
C'est dommage si elle a vraiment changé son style pour coller davantage aux envies du grand public. C"'est pas la première fois qu'on remarque ça chez les auteurs. Néanmoins, le fait que tu en parles si bien pour Adèle et moi, me donne envie de la découvrir à mon tour. Mais pas avec ce titre -ci ;) Mais outch 495 pages :-o
RépondreSupprimerJ'avais vraiment trouvé qu'Adèle et moi était un vrai travail d'orfèvre, sur beaucoup de plans, du coup, je devais vraiment trop en attendre, mais c'est vrai qu'elle a le droit d'être inégale.
SupprimerJe note donc Adèle, plutôt.
RépondreSupprimerOui c'est mieux ;-)
SupprimerJe vais donc commencer par lire "Adèle et moi" que j'ai très envie de découvrir, notamment depuis avoir vu une photo, publiée sur le Web, d'un tout bébé qui venait de naître, lové sur la poitrine de sa maman, qui lisait (ou faisait semblant de lire) ce roman.
RépondreSupprimerVoui ;-) Ceci dit, je l'ai tellement survendu ce roman que je pense que cela peut générer des déceptions, c'est le problème des grands enthousiasmes de lecture, j'attendrai ton avis avec impatience.
SupprimerJe ne connais pas l'auteur mais je sais que je ne la découvrirai pas avec ce titre. Trop de vulgarités dans le parlé m'indispose aussi.
RépondreSupprimerDisons que là, ce n'est pas vraiment vulgaire mais avec une familiarité un peu gratuite et qui n'apporte rien, j'ai vraiment trouvé cela artificiel.
SupprimerC'est marrant, je me souviens avoir adoré L'excuse, pour toutes les raisons que tu dis, et pourtant je n'ai jamais relu Julie Wolkenstein... Tu me donnes très envie d'y retourner, sans doute avec Adèle et moi, alors, même si tout ce que tu dis de ces Vacances n'est pas pour me déplaire.
RépondreSupprimerAh tiens, je n'ai pas lu l'Excuse parce qu'une blogueuse ne l'avait pas aimé, je vais aller rectifier cela très vite. Tu avais fait un billet ?
SupprimerMoi j'aime bien les gens qui écrivent comme ils parlent, ça peut être très littéraire en plus quand il y a du souffle, une vitalité, une urgence ou une forme de concision qui claque comme un coup de fouet. Après ça peut aussi être très mauvais mais perso je n'y vois jamais la moindre forme de facilité.
RépondreSupprimerNon là quand je parlais de facilité c'était sur l'arche narrative qui s'enchaine vraiment trop bien, genre feuilleton français du mardi soir sur le service public. Je suis d'accord avec toi, la familiarité en littérature peut-être tout à fait efficace, mais là dans les dialogues entre une MCF de 63 ans et un doctorant de 30, c'est totalement artificiel, et n'apporte pas grand chose. De mon point de vue évidemment.
SupprimerPresque il me tenterait ce livre, mais justement pour ce que tu critiques !
RépondreSupprimerJe n'ai jamais entendu parler de cette auteur, pardon j'ai oublié si tu en as parlé !
Bon le prix de l'A cadémie ça reste culturellement et intellectuellement acceptable, c'est pas le prix Fnac, ni le Renaudot, ni même le prix Elle d'ailleurs...
Comme tu le dis, les auteurs ont besoin de changer parfois, mais ils reviennent à leurs amours premières...
Le prix de l'Académie Française a souvent eu des ratés en élisant des ouvrages écrits dans une langue à peine passable. Je ne sais pas dans quel sens tu dis que ce n'est pas le prix FNAC (qui m'a rarement déçue) ou le Renaudot ? Moins bien ou mieux ?
SupprimerTu as raison, je sais qu'elle reviendra à ses fondamentaux.
Le prix Fnac est un prix de lecteurs...le Renaudot non, mais il récompense un livre populaire. L' Académie Française, c'est autre chose, cela ne représente pas la même chose. Je sais qu'on a tort de toujours tout catégoriser mais il y a du vrai...
SupprimerJ'ai lu Adèle et moi (sur les conseils à peine insistants de ?) , trouvé que c'était une roman bien écrit, avec des personnages, des maisons (rha!) mais bon, je n'en ai pas fait un coup de coeur (mon amour des classiques me perdra). Bref, blackboule moi! ^_^
RépondreSupprimerNan je te pardonne, un livre c'est avant tout une rencontre, tu as le droit de ne pas en faire un coup de coeur (et tu n'es pas la seule en plus)
SupprimerDes bises
Oh purée ça ne donne pas envie, en fait moi je m'arrête pas au côté feel good, parce que ça me plaît bien de temps en temps sous mon plaid (il ne manque que le chat) c'est le sujet plutôt qui ne me tente vraiment pas!!
RépondreSupprimerBon alors là je ne peux rien pour toi, car c'est vraiment le fond de son oeuvre (mais toi aussi je te pardonne car je t'aime bien)
SupprimerEt bien comme ça tu me rappelles que j'ai envie de lire Adèle et moi depuis que tu en a parlé sur ton blog !!! Je vais de ce pas l'emprunter à la bibliothèque :-)
RépondreSupprimerEn plus c'est bien car pour toi ce n'est pas très loin
SupprimerUn auteur que je ne connais pas du tout , je prends note !!
RépondreSupprimerBonne soirée à toi
Merci toi aussi Claudine
SupprimerJ'ai plus de 60 ans... et j'attends la 4ème, voire la 5ème page pour aller aux toilettes ! Bon, tu ne me donnes pas envie de lire ce livre mais de découvrir les titres précédents oui. N'est pas Modiano qui veut !
RépondreSupprimerOn n'est d'accord! il faut un certain talent pour raconter toujours la même histoire
Supprimer(mais toi tu es une super mamie)
Bon d'accord, je reviens (même si je connais ton impression générale).
RépondreSupprimerOui peut-être que tu l'apprécieras plus que moi !
SupprimerEncore un livre que je vais laisser aux oubliettes. Merci
RépondreSupprimerAprès ce n'est pas parce que j'ai des réserves que d'autres ne pourront pas l'aimer non plus hein ;-)
SupprimerTon site n'est pas accessible Luocine ?
SupprimerD'elle, je n'ai lu que "L'excuse", que j'avais adoré ... là, tu me donnes plutôt envie de découvrir "Adèle" ;-)
RépondreSupprimerTu n'es pas la première à me parler de l'Excuse, je vais de ce pas me le mettre en priorité.
SupprimerMerci mille fois Galéa, grâce à toi je n'ai aucun regret.
RépondreSupprimerC'est cadeau évidemment (ceci dit, je pense qu'il rencontre un certain succès ce nouveau roman, il est dans la carré final du prix de l'Académie)
SupprimerA la limite, qu'un auteur est envie d'un peu plus de légèreté, ça peut se comprendre. Ce qui est dommage, c'est que ce soit ces titres-là, vraiment inférieurs au reste de l'oeuvre, qui retiennent l'attention des jurés de prix littéraires... Et du coup, ça confirme un peu plus l'idée que ce n'est décidément pas la peine de trop s'en préoccuper, de ces prix qui ne veulent rien dire.
RépondreSupprimerPS : et comme beaucoup d'autres avant moi, grâce à toi, j'ai envie de découvrir "Adèle et moi" maintenant !
C'est exactement ça qui me chiffonne, car vraiment elle a écrit de beaux romans (j'en ai lu 4 ou 5) et celui-là n'est pas son meilleur, je m'étonne de cette mise en lumière un peu injustifiée, quand d'autres de ses romans sont passés inaperçus. Mais si cela permet de faire découvrir l'auteur, c'est bien pour elle.
SupprimerEt bien, tu m'as au moins donné envie de lire "Adèle et moi" !! ;)
RépondreSupprimerc'est un pavé hein, je sais qu'il n'a pas plu à tout le monde, mais tant mieux ;-)
SupprimerPourtant une universitaire prénommée Sophie et spécialiste de la comtesse de Ségur dans un livre appelé Les vacances, ça avait l'air original. Je vais quand même le tenter (un de ces jours) parce que je viens de souffrir en lisant deux livres (courts pourtant) français trop littéraires à mon goût. (Mais Patrick, il arrive ton livre !)
RépondreSupprimerDans quelques jours Jackie !!!!! J'espère que tu as une liseuse pour le lire dès sa sortie.
SupprimerDes bises outre-atlantiques
Modiano sur liseuse, je ne pourrai pas. Je vais devoir attendre que la bibliothèque l'achète (parce que je n'achète plus de livres).
SupprimerComme d'autres, je note plutôt les titres précédents de cette auteure. Même si la référence à Modiano me freine un peu ... Oui, je sais, c'est presque une injure en ces pages ... Tu peux me virer ^-^ !
RépondreSupprimerNon je te garde, car je suis quelqu'un d'extrêmement tolérant, comme tu n'en doutes absolument pas .
SupprimerDes bises Athalie
Et bien qu'à cela ne tienne : je note Adèle et moi !
RépondreSupprimerJe serai curieuse d'avoir ton avis
SupprimerJe n’ai jamais lu un livre de Julie Wolkenstein mais je ramène quand même ma fraise tagada pour dire que comme toi, j’ai du mal avec le langage familier et la vulgarité à l’écrit (alors que j’ai également tendance à m’exprimer comme une charretière à l’oral, au grand désespoir de ma génitrice qui m'enguirlande encore comme du poisson pourri quand je dis un gros mot devant elle ^^). Quand le contexte le justifie ou que c’est un exercice de style, pas de souci – sinon, ben châtiez un peu votre langage, bordel ^^
RépondreSupprimerPour l’Académie Française, quand on sait qu’elle a filé son prix au Harry Quebert de Dicker que j’ai personnellement trouvé mal écrit… * s’enfuit avant que la horde de fans de Joël ne lui tombe dessus * XD
Non je ne te tomberai pas dessus, j'aime plutôt bien JoEl Dicker, mais son style est clairement indigent, mais il a le mérite de tenir en haleine et de savoir raconter une histoire, donc pour cela je lui pardonne (j'avais halluciné qu'il ait le prix de l'Académie alors que je trouvais le Goncourt des lycéens tout à fait justifié)
SupprimerDes bise sCaro