Haruki Murakami L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (2013) 10/18, 2015, 355 p. |
Pas de compte-rendu de La Grande Librairie aujourd'hui, l'Homme a surchauffé hier soir sur Cheng ("je ne comprends tout ce qu'il, dit dis donc, c'est très abstrait ce soir"), j'ai eu beau lui expliquer que c'était une thématique autour de la poésie, il est resté bloqué et ça ne s'est pas arrangé sur Jarry ("non mais attends ,elle a tout piqué à mes auteurs SF en fait, allo, allo, il faut lui dire que ça a déjà été fait"), du coup sur Mordillat et Divry, c'était trop tard, il avait décroché et me parlait à tout bout de champ de détails domestiques, organisation logistique et m'a même demandé des conseils culinaires (WTF???????). Il a conclu avec cette grande phrase avant de passer sur D8 et Kingdom of Heaven (en me vantant ses qualités historiques) "Le problème avec tes poètes Galinette, c'est qu'ils oublient que la plupart des téléspectateurs bossent 12 h par jour, prennent des transports, assurent les repas, et arrivent à 21h complètement rincés, ils oublient que le mec de base qui travaille, le soir il veut des histoires palpitantes pas des réflexions métaphysiques sur l'ici, l'ailleurs, la technologie etc...". Il est comme ça l'Homme, un peu brut de décoffrage, parfois on peut en faire quelque chose et parfois non.
Bref, je n'ai pas pu voir convenablement LGL.
Du coup j'ai eu le temps de finir le roman de l'un des seuls auteurs sur lequel nous sommes d'accord : Murakami. Acheté de manière un peu frénétique chez mon librairie, pépité par Eva je ne prenais pas trop de risques (même si Aliénor ne l'a pas aimé), car Murakami est avec Modiano l'un des mes doubles littéraires (oui, bien qu'ils soient des hommes, et qu'ils aient l'âge de mon père).
J'ai toujours divisé les gens en deux catégories: ceux qui ont eu des années lycée exaltantes et ceux qui ont patiemment attendu que ça se termine pour entrer dans la vraie vie. Quelque soit le camp dans lequel on se trouve, je reste convaincue que les années lycée déterminent une partie de l'adulte qu'on est appelé à devenir.
Murakami est d'accord avec moi.
C'est donc l'histoire de Tsukuru, 36 ans, ingénieur à Tokio, solitaire et célibataire, monomaniaque des gares, qui revient sur la partie de lui qu'il a laissée à 22 ans, quand le groupe auquel il appartenait l'a rejeté. Car oui Tsukuru s'apparente à la première catégorie, celle des gens qui ont été véritablement heureux au lycée, intégré au sein d'un groupe d'élèves de 2 filles et 3 garçons (ayant tous une référence colorée dans leur nom qui le faisait se sentir incolore), un groupe parfait en somme avec le beau gosse sportif, l'intellectuel, la belle fille gracile, et celle dont le verbe savait taper juste. Au delà de l'aspect volontairement caricatural de la bande, quiconque a connu un jour ces communautés formidables que seul le lycée offre s'y retrouvera.
Un jour , Tsukuru fut rejeté brutalement à 22 ans, tellement brutalement qu'il crut en mourir.
16 ans plus tard, il mène l'enquête, reconstitue les faits, retrouve ses camarades, demande des explications et tente, comme il le peut, de comprendre ce rejet et surtout de s'en remettre. C'est donc ce moment où l'on se retrouve face aux mythes de sa fin d'enfance, où l'on part à la rencontre de la face d'ombre de nos fantasmes adolescents, c'est aussi la découverte des incontournables drames de jeunesse (je m'arrête là pour ne pas gâcher le dénouement). Tsukuru se regarde alors par les yeux de ceux qui l'ont fréquenté à 17 ans et qui modifient la vision qu'il a de lui-même (car on se croit tous un peu transparents quand on est jeunes). Les années de pèlerinage, c'est ce cheminement qui permet de devenir adulte finalement.
J'ai adoré ce roman.
Déjà parce que j'ai retrouvé tout ce qui me plait chez Murakami: s'il n'y a pas de fantastique dans celui-là, il y a néanmoins la nuit et ses imprécisions, avec ses rêves, ses signes et ses fantasmes. J'ai retrouvé la femme assassinée (présente dans 1Q84) , cette violence intolérable et incontournable dont Murakami use souvent. On n'échappera pas à la question des sectes non plus, c'est diffus mais bien là, ni à celle de la jeune fille entre deux mondes: mi femme-mi nymphe.
Mais au delà de cela, il y a la question de l'adulte qu'on devient, que j'ai trouvé admirablement traitée. A remonter la vie des 5 inséparables du lycée, on peut mesurer qui a fait quoi de sa vie, quels choix ont été déterminants. Bien sûr, dans le destin des 5 amis, il y a quelque chose de caricatural et pourtant c'est tellement juste.
Bien entendu un Murakami ne serait pas un Murakami sans quelques scènes de sexe, un ou deux mystères non élucidées, des réflexions sur la création, des introspections fréquentes, et cette peinture de la solitude urbaine japonaise qu'il réussit admirablement.
L'incolore Tsukuru Tazaki c'est l'histoire d'un adolescent blessé qui va devenir adulte à la quarantaine, rien que pour cela, il ne pouvais que m'enchanter cet opus.
Je m'aperçois que je l'avais noté, certes (évidemment) mais que je n'en connaissais absolument pas l'histoire. Voilà, j'avais noté aveuglément parce que j'aime bien Murakami. Merci d'éclairer un peu mon emballement ignorant :p
RépondreSupprimerMoi je l'avais noté en connaissance de cause mais je pense que c'est un Murakami réussi ;-)
SupprimerVoilà un livre bien tentant
RépondreSupprimerMerci à toi
Bonne soirée
Pareillement CLaudine
SupprimerToi, il faut que tu arrêtes de me tenter tout le temps comme ça (parce qu'en ce moment les tentations, c'est comme qui dirait interdit) sinon je ne viendrai plus, na ! (je plaisante, je suis accro)
RépondreSupprimerOui je sais, notre problème papillon , c'est que nous avons beaucoup de goût en commun.
SupprimerRavie que ma pépite t'ait plue, c'était mon premier Murakami et je ne suis pas déçue du voyage...
RépondreSupprimertu verras si tu en lis d'autres, c'est l'un des plus réalistes, les autres sont nettement plus surnaturels ou fantastiques.
SupprimerMerci du conseil et du pépitage.
J'ai fait comme l'Homme, j'ai lâché prise. L'Homme de ma maison regardait autre chose ou dormait devant la téloche, alors je suis retournée à mes photos.
RépondreSupprimerTu ne te fâcheras pas, hein, si je te dis que je n'ai encore rien lu de cet auteur ?? je te promets que je le note, le note et le renote
Il ne plait pas à tout le monde, il fait être honnête mais vraiment il fait partie de mes auteurs préférés.
SupprimerIl tourne dans mon groupe de lectrices en ce moment. J'essaie de le chopper la prochaine fois. Tu en parles si bien....
RépondreSupprimerAh j'aimerais vraiment avoir ton ressenti.
SupprimerAussi incroyable que cela puisse paraître, je n'ai jamais lu Modiano ni Murakami.
RépondreSupprimerIl n'est jamais trop tard Saxaoul... ;-)
SupprimerJe suis allée jusqu'au bout de LGL mais sans grande conviction.
RépondreSupprimerPour Murakami, j'ai eu un immense coup de coeur pour Kafka sur le rivage. Un grand texte.
Je note ce tire.
Toi tu me fais le comm deux billets en un! J'aime.
SupprimerJe n'ai pas encore lu Kafka mais ça viendra....
Bon ! Tu es encore plus enthousiaste que moi sur ce roman, chroniqué il y a peu. Moi aussi j'ai une tendresse toute particulière pour cet auteur. Figure-toi, Galéa, que mon père m'avait offert il y a... euh 25 ans (aïe ça me rajeunit pas) "la course au mouton sauvage" qui venait de sortir mais c'était encore un auteur plutôt obscur en France. Mon père partage mon amour pour Murakami au point qu'il a appelé son chien Haruki !!!
RépondreSupprimerC'est vrai ? Punaise, mais il était carrément à l'avant-garde ton père. Oh mais j'adore....
SupprimerMerci de ce comm Sandrion
tâté plusieurs fois et reposé à ma librairie par manque de temps et déjà tant de lectures qui m'attendent, oui mais voilà, ton billet me met le coup de grâce ! il me le faut ! irai demain héhé
RépondreSupprimermerci pour cette divine tentation ;-)
Quand on aime Murakami c'est addictif c'est certain.
SupprimerDes bises Framboise
C'est un titre qui pourrait me plaire. L'idée de partir à la recherche de l'ado que l'on a été et de vouloir à tout prix comprendre ce qui s'est passé, ça me parle. Et ce serait une découverte de l'auteur.
RépondreSupprimerOui c'est exactement ça ce roman, un adulte qui regarde l'ado qu'il a été, vraiment ça m'a beaucoup touchée. Mais bon ça reste du Murakami donc c'est spécial , on adhère ou pas.
SupprimerC'est une lecture qui me tente bien, moi je faisais plutôt partie de la 2e catégorie, je n'ai jamais lu Lurakami, il me fait un peu peur. Et j'aime beaucoup la réflexion ee ton mari, je crois que c'est une des raisons pour lesquelles je necregarde pas la grande librairie :-)
RépondreSupprimerTu sais que ce soir, je dois le convaincre de regarder la version longue....ça va pas être simple
SupprimerJe n'ai pas encore osé m'y attaquer, déçue par 1Q84, bien que Murakami soit également l'un de mes auteurs fétiches (Les Chroniques de l'oiseau à ressort est un des romans qui m'a le plus chamboulée...).
RépondreSupprimerJ'ai vu qu'il était sorti en poche. Cet argument, additionné à ton billet, finit de me convaincre...
Moi aussi, j'ai été déçue par le dernier tome de 1Q84, je te comprends, celui-là n'a pas le côté surnaturel de certains de ses autres romans, il est un peu différent. Tu me diras.
SupprimerCe serait une vraie découverte pour moi, mais il me tente!
RépondreSupprimerMurakami c'est clairement une expérience.
SupprimerTu m'as complètement convaincue de me mettre à la lecture de Murakami (non plus par simple curiosité), et pourquoi pas en commençant par ce roman ?!
RépondreSupprimerAttention Fleur ce n'est pas le plus représentatif.
SupprimerBon alors primo, je ne remercie pas l'Homme : à cause de lui, il va falloir que je me fasse le replay de LGL si je veux savoir comment étaient Mordillat et Divry...
RépondreSupprimerSecundo, je suis quant à moi restée un peu à la porte de l'univers de Murakami (je n'avais pas commenté ce livre qui m'avait personnellement paru un peu longuet.) Je m'aperçois d'ailleurs que mon souvenir est très flou, alors que ma lecture n'est pas si ancienne.
Tertio, difficile de parler livres ce soir comme si de rien n'était. Et pourtant, la vie doit reprendre ses droits, et c'est bien pour cela que je suis ici...
Oui ce billet a été publié avant le carnage et du coup c'est vrai que c'est bizarre de le voir à cette date.
Supprimerj'ai encore les trois 1Q84 qui m'attendent dans la PAL....
RépondreSupprimerMoi je me suis profondément ennuyée à LGL jeudi. Et puis je te laisserai regarder LGL la semaine prochaine avec Gérard parce qu'autant il y a 15 ans j'aurais pu le regarder, autant là ça va être impossible. Too much pour moi Gérard.
Oui bah pareil, Gérard on n'a même pas essayé.
SupprimerJ'ai lu une fois cet auteur culte avec Sommeil. J'ai bien aimé mais sans plus, pas au point de vouloir le relire. Les années lycée heu je préfère oublier...je préfère parler des années fac ! Bisous !
RépondreSupprimerje ne connais pas du tout "sommeil"...tu es sûr que tu ne confonds pas avec l'autre Murakami ?
SupprimerJe te lis en diagonale, Murakami est un de mes auteurs chouchou et je compte bien lire ce roman. Dans ma PAL depuis sa sortie mais j'ai comme envie de garder encore un peu de mystère, l'idée qu'il me reste encore un livre de lui à lire.:-) J'ai juste vu que tu avais adoré ce roman, ça me rassure.;-)
RépondreSupprimerOui, même si, tu verras, il ne ressemble pas vraiment aux autres (hâte de te lire, et nous voilà un point commun de plus).
SupprimerLa couverture est un peu flashy tout de même. Mais pourquoi pas, ce que tu dis de cet opus a l'air passionnant.
RépondreSupprimerOui, je n'aime pas non plus la couverture et ne correspond pas du tout à l'esprit que je garde du roman.
SupprimerCe roman vient littéralement et littérairement de me réconcilier avec Murakami !
RépondreSupprimerça ne m'étonne pas
Supprimer2 fois pépité! ça donne envie...
RépondreSupprimerSI on aime Murakami oui....
SupprimerBah dis donc ! ça a l'air drôlement bien ! et j'avoue que je ne connaissais pas du tout ce roman. Je tourne autour de cet auteur depuis longtemps sans me décider à le lire, mais là, tu me donnes vraiment envie de courir chez mon libraire !
RépondreSupprimerC'est un univers particulier (comme pour Modiano, il faut accepter de ne pas tout boucler)
SupprimerJamais accroché avec Murakami. Tenté plusieurs fois mais toujours abandonné avant la fin. Je lui préfère Ryu Murakami, qui a signé quelques chefs d'oeuvre comme "Les bébés de la consigne automatique" ou "Bleu presque transparent". Mais ce n'est pas du tout un auteur pour toi, bien trop trash et désespéré ;)
RépondreSupprimerOui je sais que son homonyme est beaucoup plus gore ;-)
SupprimerHou Hou, pourquoi ne pas découvrir cette littérature venant d'une autre culture par cet auteur ? En plus les avis sont partagés donc le p'tit duc va s'y coller :) Merci à toi pour ta chronique, @ bientôt, Grybouille.
RépondreSupprimerOui même si je ne suis pas certaine qu'il soit complètement représentatif des auteurs japonais.
SupprimerBienvenu ici Grybouille ;-)
Bonjour ,j'avais tant aimé "La ballade de l'impossible" de Murakami. Rien lu de lui depuis...Celui-ci est tentant.....
RépondreSupprimerAmicales pensées.
Je n'ai toujours pas lu la ballade....mais c'est au programme.
SupprimerMerci Hécate