Jeanette Winterson, Pourquoi être heureux quand on peut être normal? Editions de l'Olivier, 2012, 272 p. |
Quand ma grande amie ZAP m'a offert Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, je m'attendais à l'histoire d'une enfant surdouée née dans la banlieue de Manchester, je me suis dit que ça allait me changer des ladies des manoirs.
C'est le moins que l'on puisse dire.
Mais être surdouée, n'est pas le propos de Jeanette Winterson (contrairement à ce que raconte la 4ème de couverture...passons, quoique je compte fonder un mouvement au sujet des 4èmes...).
Son récit est beaucoup plus dur, plus essentiel, beaucoup plus perturbant. Pourquoi être heureux quand on peut-être normal? c'est un peu En finir avec Eddy Bellegueule, version fille britannique des années 70 et avec le recul en plus. Mais il y a de sérieux points communs.
Eddy et Jeanette sont tous les deux extrêmement intelligents, issus pareillement des milieux très défavorisés. Ils ont conscience très tôt de leur différence sexuelle, et se font globalement rejeter par les leurs.
Chez Winterson, rien, absolument rien n'a été normal, ni sa naissance, ni sa famille, ni son instruction, ni son orientation sexuelle. Toute sa vie, elle a été et reste à la marge de la norme.
Parce qu'être abandonnée par sa mère à la naissance, ce n'est pas normal. Grandir dans un foyer adoptif sans argent ni amour, ce n'est pas normal. Tomber amoureuse d'une fille à 15 ans et se faire exorciser ensuite, ce n'est pas normal. Pas plus que de se faire mettre dehors à 16 et intégrer l'université derrière. C'est un parcours anormal... donc extraordinaire et passionnant.
Cette autobiographie a la violence de celle d'Edouard Louis. On y trouve des autodafés de livres, une gamine qui se fait copieusement cogner, une secte religieuse qui attend l'Apocalypse et qui bannit livres et gravures de son quotidien. Et il y a un monstre absolu, la mère adoptive, la terrible Mrs Winterson.
Et puis, et surtout, et c'est ce qui diffère d'Eddy Bellegueule, on y trouve le recul et quelque part une forme sinon de pardon, au moins d'acceptation. Il y a la quête de soi, de ce qu'on est, d'où on vient, la découverte d'une identité biologique et sexuelle. Winterson va très loin dans sa réflexion en s'interrogeant sur l'inné et l'acquis. L'enfant adopté devient-il fondamentalement différent de ce qu'aurait été l'enfant biologique? Jeanette Winterson s'interroge presque sur le gène de l'homosexualité, sur le sien en tous les cas.
Et puis, elle parle de ces blessures qui fondent notre individualité (elle évoque même la cicatrice d'Harry Potter), ce chapitre m'a éblouie, j'y pense encore souvent. Jeanette Winterson est d'une certaine manière devenue elle-même grâce à sa douleur, aux auteurs, à la littérature et l'écriture. Pourquoi être heureux ... est un livre qui parle des mots, de ceux qui sauvent une vie et qui lui donnent un sens.
Mais ce n'est pas un livre joyeux, au contraire, il se dégage de ce document une immense tristesse. En soi c'est un récit important et poignant, mais d'une telle noirceur et d'une telle désespérance, que je ne suis pas certaine de lire tout de suite ses romans.
C'est ma participation au challenge de Miss Léo, catégorie autobiographie et une participation au mois anglais chez Titine, Lou et Cryssilda
Et je remercie encore mon amie ZAP qui me l'a très gentiment offert il y a déjà un moment.
Il est maintenant possible que je me plonge dans du plus léger ...
J'ai adoré cette lecture, dense, intelligente, sans concession. J'ai l'intention de lire le premier qu'elle a écrit sur le même sujet, 15 ans plus tôt, sous forme de roman "les oranges ne sont pas les seuls fruits".
RépondreSupprimerOui Aifelle, c'est vraiment une lecture sans concession, je ne connais que Valérie qui ait lu le roman, je vais attendre ton avis pour voir si je m'y frotte.
Supprimeridem Aifelle, c'était un de mes coups de cœur 2013 !
RépondreSupprimerJe peux le comprendre Sandrion, même s'il m'a manqué quelque chose qui ressemble à de l'espoir et de la tendresse...
SupprimerDéjà l'intelligence du titre, puis le talent de son auteur... j'ai adoré au point de lire ce qui en a été la genèse : "Les oranges ne sont las seuls fruits" ! Oui, coup de coeur assuré !
RépondreSupprimerTu as aimé le roman aussi Le Chat ?
SupprimerFormidable!!
Contente de te revoir par ici
Je suis convaincue, un de plus !
RépondreSupprimerJe serai curieuse Laure de voir ce que tu en penses...
SupprimerJ'ai trouvé "Comment être heureux" beaucoup moins triste finalement, plus de recul aussi comme tu le dis. J'ai adoré l'énergie de cette auteur et sa foi en l'amour malgré tout. Je me souviens de cette phrase : "J'ignorais que l'amour pouvais être aussi fiable que le soleil. L'amour aussi se lève tous les jours"... Mon coeur de guimauve a fondu ;-)
RépondreSupprimerAh c'est marrant Céline , ce côté positif et solaire m'a un peu échappé, ou alors je n'ai pas interprété ces phrases de la même manière, j'ai vraiment eu le sentiment d'une femme dans une très très grande solitude...
SupprimerJ'avais lu les Oranges ne sont pas les seuls fruits qui est la version romanesque mais très ardue je trouve de cet essai. Ca ne m'étonne pas que ce roman soit bien, alors que je n'ai pas aimé le roman. Son histoire est incroyable.
RépondreSupprimerIl y a une part de ta phrase qui m'échappe leader, mais je sais ce que tu en penses ;-)
SupprimerC'est avec ce bouquin que je me suis lancée dans l'aventure du blog en Juin 2012 ! Peut-être le meilleur bouquin que j'ai lu cette année là... Je n'en retient pas la même chose que toi
RépondreSupprimerJe sais j'ai lu ton article qui est très beau
Supprimer...néanmoins ( pardon pour la coupure due à mon côté ...tellement pas technique ! Mais passons)
RépondreSupprimerPour moi ce bouquin parle ( magnifiquement) de résilience ! Et c'est pour cela que je l'ai adoré
Je le trouve parfois tragique , jamais triste !
Les libraires l'ont mis en avant , mais ce livre n'a peut-être rencontré le succès qu'il mérite , à mes yeux
Je trouve au contraire Mior qu'il a été super bien accueilli, beaucoup en ont fait un vrai coup de coeur...
SupprimerBof ........ça me dit rien ....j'en ai un peu ras la casquette de ces auteurs qui ne parlent que de leur petite vie sans faire la moindre tentative romanesque ...c'est lassant à la longue...
RépondreSupprimerADH
Là honnêtement ADH c'est top niveau, on n'est pas dans le nombrilisme un peu pénible....
SupprimerUn magnifique livre qui m'avait également beaucoup touché, la littérature sauve la vie et elle en est la preuve !
RépondreSupprimerOui Titine c'est vraiment le message positif de ce livre
SupprimerPas trop mon truc en ce moment ce genre de livre. J'ai l'impression qu'il en existe des dizaines qui disent la même chose mais si celui-ci est meilleur, tant mieux.
RépondreSupprimerPar contre, pour les 4e de couverture, je suis bien d'accord !! Il faudrait un mouvement de protestation contre ces éditeurs qui écrivent n'importe quoi !
Exactement Estelle, non pas que ce ne soit pas intéressant, mais ce n'est pas vraiment ce qu'il y a marqué sur la jaquette....
SupprimerMais si tu veux j'ai lu une histoire d'inceste dans l'Irlande rurale d'après guerre très très chouette aussi.
RépondreSupprimerSans rire, tu le vends bien ce bouquin. A voir.
oh oui, mais je le lirai plutôt cet hiver quand il fera sombre et que les enfants couveront des cochonneries!
Supprimerargh, j'avais laissé un commentaire hier, mais ça a dû bugger! je disais que c'était un livre qui me faisait envie depuis longtemps et ton billet achève de me convaincre. Par rapport à la différence de recul entre Winterson et Edouard Louis, elle a écrit ce livre à 50 ans, lui à 20 ans, et cette différence d'âge doit impacter de façon importante leur vision des choses... en tout cas, ton parallèle entre ces deux récits est très intéressant...belle coincidence d'avoir lu ces deux livres de façon rapprochée.
RépondreSupprimerBlogspot aurait buggué?!!! mais non voyons Eva ça n'arrive jamais...;-)
Supprimerévidemment la différence d'âge change tout, c'est pour cela que je parlais d'un Bellegueule avec le recul en plus.
Un titre sublime que j'ai beaucoup offert !
RépondreSupprimerrho je vais essayer de retrouver ton billet du coup Moka....
SupprimerUne lecture qui m'avait déçu, car je l'avais trouvé un peu trop à charge.
RépondreSupprimeroui c'est le moins que l'on puisse dire, du coup je me demande bien ce que tu vas penser de Bellegueule Alex
SupprimerS'il y a le recul qui manquait dans Eddy, ça devrait me plaire ! Mais c'est un roman ou une bio ? parce que les auto-bio des gens qui regardent leur nombril, en fait, ça me gonfle !
RépondreSupprimerC'est clairement une autobio Liliba, mais même moi qui ne suis pas fan de ce genre, j'y ai trouvé mon compte, c'est archi triste mais aussi assez puissant (rapport au très beau message littéraire)
SupprimerBonjour Galéa, presque aussi enthousiaste que toi. Un très beau texte même si je ne me sens pas forcément concernée. Bonne fin d'après-midi.
RépondreSupprimernon moi non plus Dasola, ma mère n'a jamais brûlé mes livres, mon père ne me cognait pas, et on n'est pas branchés apocalypse dans la famille...mais j'aime les livres, et la manière dont elle en parle...
SupprimerPour ma part, mais ma lecture remonte à quelques temps déjà, j'ai trouvé la fin manquant de structure, et hors quelques excellents passages, je suis moins enthousiaste que toi. Mais peut-être parce j'ai été déçue par le décalage entre la quatrième de couv' et le contenu ?
RépondreSupprimerPour le mouvement sur les quatrième de couv', je te suis ! on pourrait même s'associer avec un mouvement sur les bandes annonce de films... ^^
oui c'est dommage ça dirige vraiment dans la mauvaise direction....
SupprimerMerci encore de me l'avoir offert
(je l'ai aimé plus que toi, mais moins que certaines blogueuses dont c'est un authentique coup de coeur)
Mais de rien... et puisqu'il t'a plu, j'en suis ravie !
SupprimerAutant Eddy Belleguele ne me tente pas, autant je me laisserai bien tenter par celui-ci!
RépondreSupprimeroui Tiphanie, très clairement, il a le recul et l'amour des livres en plus...mais il est extrêmement noir...
SupprimerJe n'ai pas été aussi enthousiaste que toi avec ce roman, en fait je m'y suis pas mal ennuyée !! On n'est plus dans le témoignage comme avec Eddy, c'est bien un roman avec le recul et la réflexion sur son expérience mais j'ai trouvé la narration très confuse et assez décousue.
RépondreSupprimerTu vois Malika, je ne me risquerais même pas à parler de roman, pour moi c'est vraiment le récit de sa vie, avec comme tu le dis, des parts complètement décousues.
SupprimerJ'ai très envie de lire ce livre.
RépondreSupprimerJe crois Sharon qu'il est sorti en poche ;-)
SupprimerJe l'avais acheté à sa sortie et je l'ai offert depuis. Sans le lire. J'aurais peut-être dû...
RépondreSupprimerje ne sais pas ce que tu en aurais pensé Jérôme, un avis d'homme m'aurait intéressée...
SupprimerJe voulais lire ce roman à une époque, je l'avais même mis dans ma wish list. En lisant ta chronique, je me dis que j'ai eu tort de ne pas le lire. Ce qui traite de la différence m'interpelle souvent et si en plus cela vient d' Angleterre...
RépondreSupprimerAlors là, tu veux de la différence, tu vas en avoir MTG....:-)
SupprimerPas trop envie de me plonger dans le nombril de la dame
RépondreSupprimerHonnêtement Zazy, je sien (de nombril) a quelque chose d'assez extraordinaire quand même (mais bon, moi aussi je sature de l'auto-fiction)
SupprimerJ'avais beaucoup aimé ! C'est puissant ! Dans la foulée j'ai lu Les oranges ne sont pas les seuls fruits, la version romancée
RépondreSupprimeret là j'ai été déçue... Au fait, si tu montes un mouvement au sujet des quatrièmes de couverture, j'adhère tout de suite !!!!
oui Krol, je pense que c'est le risque effectivement...que le roman soit moins puissant que le récit (d'autant qu'elle a écrit le roman avant de prendre du recul j'ai cru comprendre)
SupprimerJe l'avais lu à sa sortie et j'avais beaucoup aimé.
RépondreSupprimerje peux le comprendre Bonheur du jour, il m'a juste manqué un peu d'espoir et de tendresse (que d'autres ont vu mais qui ne m'ont pas frappée)
SupprimerJ'ai beaucoup aimé !
RépondreSupprimerMoi, je l'ai bien aimé mais pas autant que toi Clara je pense...
Supprimeraïe, ce titre fait partie de ma bibliothèque mais je freine des 4 fers : de la tristesse, pas trop ma came. Mais il y a tant déloges à son sujet... mouais, on verra le moment venu (je comptais sur celui-ci aussi pour le challenge Mélange des genres!).
RépondreSupprimerC'est triste violent et finalement assez nécessaire quand même...et une belle ode à la littérature (si ça peut de motiver Laeti)
SupprimerLe bonheur, vaste sujet, c'était aussi des sujets de bac cette année...
RépondreSupprimerTu me donnes encore envie de lire celui-ci !
A bientôt
Il n'est pas très joyeux Enitram hein, mais ça tu l'auras compris...
SupprimerJe le note. J'avais beaucoup aimé "Les oranges ne sont pas les seuls fruits", lu... il y a très longtemps.
RépondreSupprimerVisiblement, celui-là est encore mieux ;-) (d'après ceux qui ont lu les deux)
SupprimerBienvenue ici Lewerentz
ouah, ça a l'air très intéressant ! Je note
RépondreSupprimerIntéressant est un terme approprié je pense Chat....
Supprimerun sujet difficile au premier abord, pour un lecteur, que tu présente d"une façon telle que, finalement, j'aimerai bien y jeter un oeil ! merci ;-)
RépondreSupprimerAh oui comme tu dis Valou, il sujet hyper difficile au premier et au deuxième abord d'ailleurs ;-)
Supprimer