Daphné Du Maurier, Rebecca (1939) Le Livre de Poche , 2013, 444 p. |
D'abord, bien que le film d'Hitchcock soit un incontestable chef d'oeuvre, il ne parvient néanmoins pas à restituer la prouesse littéraire de Daphné Du Maurier. Rebecca est le prénom de la première femme de Maxime de Winter, et Rebecca raconte les quatre premiers mois de la narratrice, seconde épouse du même Maxime de Winter, propriétaire de l'immense domaine de Manderley. Notre narratrice, anonyme pendant tout le roman, n'a ni prénom, ni nom de jeune fille. C'est un un personnage presque sans passé. Du Maurier alterne le plein et le vide: l'omniprésence d'une défunte qui donne son nom au roman et l'anonymat de la vivante qui le raconte. Déjà littérairement, l'effet miroir entre les deux épouses de Winter, pardon mais ça se pose là!
Elle m'a plu cette narratrice : trop jeune pour le rôle, déjà vieille dans sa tête, les cheveux ternes, maigrichonne, inélégante, les épaules affaissées, sans grâce, pâle et gauche. Je l'aurais aimée autant si elle avait été trop enrobée et le cheveux gras. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'a rien à voir avec Joan Fontaine, la splendide actrice choisie par Hitchcock pour incarner le rôle (et à la limite on comprend son choix). La nouvelle Madame de Winter est l'anti-héroïne.
Concernant Rebecca, le personnage ou plutôt son fantôme inquiétant, je ne dirai rien. Elle plane sur le roman, elle est le nœud de ce thriller psychologique. Et finalement, j'ai eu l'impression que Daphné Du Maurier livrait une réflexion sur les apparences d'un couple dans une société pas tellement différente de la notre. Et de vous à moi, ça ne m'étonnerait pas que Gillian Flynn ait relu Rebecca avant d'écrire ses Apparences à elle. Parce que les similitudes sont, comme diraient nos amis juristes, nombreuses et concordantes (si l'on exclut le style qui n'a rien à voir).
Et effectivement, c'est une écriture des années 1930, avec descriptions précises et dialogues ampoulés. Mais avec quel brio, quelle élégance! La description de Manderley, personnage à part entière du roman, est absolument fantastique (j'ai découvert d'ailleurs des variétés de fleurs que je ne connaissais pas). Vous connaissiez mon amour des vieilles pierres, des forêts et des bords de mer, Manderley est tout ça à la foi, une espèce d'Eden maudit offert au lecteur. Manderley vit, bouge, dissimule, résiste et souffre. J'ai été comblée par ce personnage tragique et grandiose qu'est le domaine.
J'ai quitté ce merveilleux roman à regret, en faisant durer la fin le plus longtemps possible, et surtout en relisant le premier chapitre immédiatement après la phrase de fin. Peut être est-ce à cela qu'on reconnaît un excellent roman, quand les derniers mots et l'incipit se font écho. Et dans le cas de Rebecca, Daphné Du Maurier, fait de Manderley le véritable pivot du roman.
Malika organise un cercle spécial pour le 6 septembre, intitulé "Romantisme noir" et Rebecca est au programme...Courez-y !
Fin du billet sur Rebecca
Message personnel aux éditeurs et correcteurs du Livre de Poche
Même après 1789, la langue française a conservé quelques usages concernant les particules nobiliaires. La particule n'apparaît que lorsqu'elle est précédée de "Monsieur", du prénom, du titre ou du grade, ou lorsque le nom est monosyllabique ou commence par une voyelle. Ainsi, page 396 "Qu'en dîtes-vous de Winter? demanda le colonel?" est totalement incorrect. Il aurait fallu écrire "Qu'en dîtes vous Winter?". Cette faute apparaît pratiquement à toutes les pages dans le dernier tiers du livre.
J'ai appris cette règle en deuxième année de fac. Je suis certaine que vous êtes allés bien plus loin et il me semble que la moindre des choses pour un éditeur qui transmet les classiques au plus grand nombre, serait de conserver un minimum d'exigence. D'autant que d'autres blogueurs se sont déjà plaints de fautes de syntaxe ou d'incohérence de traduction. Ce sont par les Livres de poche que la plupart d'entre nous sont venus à la littérature, et de nombreux jeunes lecteurs découvriront demain Zola, Balzac, Maupassant ou Fitzgerald avec Le Livre de Poche...
A bon entendeur!
(Je vais me faire des amis sur ce coup-là)
Très beau billet ! J'ai revu le film il y a peu, et il faudrait aussi que je relise le roman, que j'ai découvert pour la première fois quand j'avais seize ou dix-sept ans (ce qui ne date pas d'hier). J'en garde un excellent souvenir.
RépondreSupprimerQuant à Joan Fontaine, elle est formidable, et je trouve qu'elle parvient à merveille à rendre le côté effacé, terne et peu sûr d'elle de l'héroïne.
Bonne semaine.
Entièrement d'accord avec toi, Joan Fontaine est épatante, c'est pour cela que je pardonne à Hitchcock d'avoir embelli le personnage...mais quand même un livre ne rend jamais précisément toutes les subtilités du roman je trouve, même si ce film là reste un grand film.
Supprimerj'ai adoré ce livre quand je l'ai lu (il y a bien 20 ans maintenant, je ne rajeunis pas ;-)). Et tu me donnes bien envie de le relire!
RépondreSupprimerJe ne savais même pas qu'il y avait eu un film, décidément tes billets sont une véritable mine d'or pour moi!
Bises et bonne semaine!
PS: je voulais avoir fini "Tendre est la nuit", empruntée sur ton conseil en même temps qu'Alabama Song pour pouvoir en parler (promis, je ne copie pas tes posts, mais j'ai beaucoup aimé ton analyse comparée). Cela dit au rythme où j'avance en ce moment, je vais séparer ;-)
oh la la, je suis visiblement plus convaincante en blogueuse que je l'étais en enseignant. Merci Féli, tu me rassures sur moi-même...
SupprimerDes bises
Je ne peux rien dire sur la traduction puisque ma relecture assez récente s'est faite en VO. Et j'ai aimé , dévorant les 100 dernières pages...
RépondreSupprimerJ'aurais vraiment aimé avoir un niveau d'anglais suffisant pour le lire version originale...mais même en français j'ai englouti moi aussi le dernier tiers, c'est tellement brillant.
SupprimerDes bises
Ah ... Rebecca. Je ne sais pas combien de fois je l'ai lu. Ce qui est certain c'est que c'est un roman qui marque, indéniablement. Découvert aussi quand j'avais une quinzaine d'année, j'adore son atmosphère mystérieuse, dans les chuchotements, la torpeur, l'inquiétude et ce suspens grandissant pour savoir pourquoi, pourquoi cette drôle de vie, ce sentiment de malaise envahissant, où l'on sent petit à petit l'héroïne prise dans un etau étrange (et nous avec).
RépondreSupprimerMerci pour ton billet, je file le retrouver dans ma bibliothèque pour le relire une enième fois...
Tu sais que toi quand tu t'y mets, tu sais vendre un roman...J'adore ton comm' petit bonheur.Je te laisse courir jusqu'à ta bibliothèque.
SupprimerJe ne l'ai jamais lu mais enfant, j'avais été marquée par l'adaptation TV que j'adorais (et qui a dû très mal vieillir). Je ne connaissais pas les règles de la particule, je suis contente de les apprendre grâce à toi.
RépondreSupprimerJe ne savais pas qu'il y avait eu une adaptation à la télé, je serais curieuse d'y jeter un œil, même si elle a mal vieilli, cela devait être une série je suppose.
SupprimerJe me souviens également de cette série, elle n'avait pas le côté flamboyant du film, mais la narratrice était plus conforme, plutôt terne et insignifiante.
SupprimerRebecca, je suis bien d'accord avec toi, c'est un immense chef-d'oeuvre ! De ces romans qui laissent leur empreinte de mystère et de charme bien au delà de leur lecture. D'ailleurs tu me donnes envie de le relire ! J'ai lu l'auberge de la Jamaïque aussi, mais il est beaucoup moins bon à mon goût.
RépondreSupprimerOUi malheureusement, Rebecca passe pour le chef d'oeuvre de du Maurier (je crois qu'en cas de contraction la particule est conservée mais j'ai un doute), du coup j'hésite à en lire un autre qui risque de me paraître moins bien.
SupprimerJe confirme, l'auberge de la jamaïque est bien en dessous !
SupprimerJe l'ai lu au moins deux fois ! et j'ai vu le film sûrement plus souvent. Cette histoire me fascinait quand j'étais jeune, on imagine tellement bien l'atmosphère de la demeure abandonnée. Et l'autre là, la vénéneuse et son ombre, Mrs Danvers. A 18 ans, j'étais scotchée :-)
RépondreSupprimeroh oui, Mrs Danvers fait froid dans le dos, qu'est ce que j'aime quand c'est "vénéneux" comme tu dis. J'aurais aimé le lire plus jeune.
SupprimerAh oui ! un grand grand souvenir de lecture ! et de cinéma ;-)
RépondreSupprimertout pareil, c'est tellement rare les films à la hauteur du livre
SupprimerIl ne me semble pas l'avoir lu. Une lacune (s'il n'y avait que celle-là...) Tu donnes bien envie de s'y plonger !
RépondreSupprimerTu sais c'est du à mon passage à vide quant au roman idéal. Le libraire n'avait aucun des livres conseillés par mes amis blogueurs, et j'ai trouvé celui-là en poche, je me suis jetée dessus.
SupprimerAbsolument madame pour la règle de la particule ! Non mais ! "Je dîne chez les du Shnock mais sans les (de) Nervi - Mon mari fait la même faute, terrib'terrib' insortable ! -
RépondreSupprimerLu il y a pas mal de temps. A relire !
Merci de me soutenir ma styliste...C'est un monsieur qui avait confié un manuscrit familial à l'université qui m'avait vertement reproché cette faute...depuis je ne la supporte nulle part (mes étudiants s'en souviennent encore). Comme quoi..
SupprimerJ'ai adoré et le livre et le film. Je relis le roman de Daphné du Maurier de temps en temps. Tiens, je vais le relire. Merci !
RépondreSupprimerJe suis flattée Bonheur du Jour; merci à toi
SupprimerUne lecture que j'avais beaucoup aimée.
RépondreSupprimerComme toi...et même un peu plus, après mon passage à vide surtout
SupprimerJe ne connais ni le film ni le livre. Je vais vraiment passer pour l'inculte parmi tes lectrices!
RépondreSupprimerpour l'usage de la particule - je te félicite pour ton apparté! Je suis comme toi, ça m'écorche l'oreille lorsque j'entends le mauvais emploi de cette règle :)
d'ailleurs, je suis certaine que tu pourrais nous faire un petit billet sur l'usage de la langue francaise et les erreurs trop utilisées (message subliminal)...pallier Aaaaaaahhhhrgh ;)
Merci copinette, sauf que je suis mal placée pour donner des leçons parce que des fautes j'en laisse passer plus qu'à mon tour...;-)
SupprimerDes bises
Dans mes bras Galéa ! Pour moi ausi ce livre est un chef-d'oeuvre indispensable et incontournable...
RépondreSupprimerJe me souviens d'une adaptation télé quand j'étais gamine, absolument terrifiante... je donnerais cher pour la retrouver !
Ah ah...ton comm me fait très très plaisir....indispensable et incontournable, bien dit ma Comète!!!
SupprimerAprès une petite recherche, voici la série en question, je pense que c'est celle dont se souvient Une Comète http://litteranet.blogspot.fr/2010/04/rebecca-de-simon-langton-1979.html Il semblerait qu'il n'y ait jamais eu de DVD.
RépondreSupprimerMerci Aifelle, je pense que c'est aussi celle qu'évoquait Valérie. Je vais aller voir cela, une série terrifiante, voilà qui met en appétit. Merci de ta rapidité (et bravo)
SupprimerDes bises
Il me tente, je le note !
RépondreSupprimeroh oui Clara, je pense que tu m'aimeras...
SupprimerLe livre et le film ont été pour moi de grands moments d'émotion...
RépondreSupprimerJe le relirai rien que pour "revoir" le domaine, tu fais bien de le souligner!!
Bonne soirée !
Bises
C'est vrai Enitram que le domaine est le personnage le plus palpitant du roman...et pourtant les vrais personnages sont très très bien brossés, c'est dire...
SupprimerBelle journée
Il me tarde de le commencer !!!! Merci pour le clin d'oeil, l'été va être peuplé de fantômes, spectres et autres sorcières !!!
RépondreSupprimerJ'adore cette idée Malika...je te suivrai attentivement
SupprimerAh que de souvenirs pour moi aussi! Je l'ai lu et relu, et re-re-relu bien des fois, il m'a même valu une excellente note de traduction au collège (bon c'était facile, certes) j'ai adoré cette atmosphère oppressante,qui fait pendant aux descriptions de cette propriété idyllique.
RépondreSupprimerOn a tellement aimé, dans la famille, qu'on a donné ce nom à la maison de famille, voilà comment je peux me targuer d'avoir habité Manderley ;)
C'est la grosse classe Filo...même si je souhaite à ton Manderley un destin moins...romanesque on va dire. Elle doit être magnifique votre maison de famille.
SupprimerJ'ai vu le film plusieurs fois déjà (et beaucoup aimé évidemment) et du coup je n'avais pas l'idée de lire le livre.... mais ça c'était avant de découvrir les blogs de lectures... et de lire tellement de billets tentateurs... Forcément il a fini dans ma PAL... où il est toujours le pauvre... Qui sait, peut-être cet été ;0) Bises, bon week end
RépondreSupprimerComme toi, Lor rouge, le film m'avait tellement plu que je n'étais pas pressée de lire le livre...et j'avais tord, c'est un roman magistral je trouve. Très bonne lecture d'été je pense. Des bises et belle semaine à toi (oui je réponds super tard aux comm' en ce moment)
Supprimerje n'ai pas lu le livre ni le film, tu me donnes envie de le commander
RépondreSupprimerbon dimanche
N'hésite pas surtout. Belle journée à toi
SupprimerIL faudrait que je relise ce roman... que je n'avais pas du tout aimé à la première lecture (j'avais une quinzaine d'années...).
RépondreSupprimerEt pour les corrections, je trouve qu'il y a de plus en plus de fautes de tous styles chez de nombreux éditeurs, et c'est saoulant !
Complètement d'accord, j'ai l'impression d'être une vieille femme aigrie et réactionnaire.
SupprimerC'est vrai que parfois on lit peut-être les romans trop tôt, j'ai lu "la curée" de Zola en 4ème, ça m'avait traumatisée...
J'ai lu ce roman l'année dernière et je l'ai adoré, comme toi je l'ai dégusté et fait durer un peu. j'ai vu le film il y a longtemps mais je l'avais aimé aussi !
RépondreSupprimerNous sommes donc d'accord Bianca; chouette ça nous promet de beaux échanges
SupprimerUn livre que j'ai dans ma pal et que je devais lire pour le mois anglais mais ce sera remis à plus tard. Mais j'ai vraiment hâte de le lire avec tous ces avis très positifs !!
RépondreSupprimerbisous ma Galéa et belle journée :D
Merci ma Laure...je crois que tu as beaucoup de lectures en attente, alors prends ton temps. Je t'embrasse
SupprimerJe viens juste de relire Rebecca. J'ai adoré. Parrallèlement, j'ai visionné le film d'Hitchcok. Mais c'est de la version télévisée de 1979 dont je me souviens le mieux. La vénéneuse Mrs Danvers, toute longue, maigre et avec sa bouche fine s'approche davantage du livre que dans le film d'Hitchcok. Le Max de Winter télévisé est presque aussi séduisant que Laurence Olivier. Quant à la Mme de Winter n°2, elle cadre aussi très bien avec le roman car elle est en effet assez quelconque.
RépondreSupprimerJe crois savoir qu'un site américain vends cette version téléfilm sous forme d'un double DVD. Reste à savoir si sous-tirages ou version française doublée (my english is very bad !)
Charlotte
Merci beaucoup Charlotte de toutes ces précisions, et bienvenue ici, je vais essayer de trouver ce DVD (et j'espère qu'il sera sous-titré plutôt que doublé, en général je ne trouve pas ça très réussi). Contente d'avoir une nouvelle lectrice qui adore Rebecca.
SupprimerEntièrement d'accord : ce roman est une merveille (et je me demande pourquoi je ne l'ai pas découverte plus tôt !!!!).
RépondreSupprimerJe me suis dit la même chose FondantOchocolat ;-)
SupprimerCoup de foudre absolu pour ce roman. Déjà, quand j'étais gamin ou ado , il y avait une adaptation qui passait à la télé qui me fascinait, hélas je ne l'ai pas retrouvée. J'en ai vue 2 autres nases et bien sur la film de Sir Alfred. Mais le roman est un livre exceptionnel du début à la fin, puisque jusqu'à la dernière page il y a du suspens ! Daphné du Maurier est foret puisque les 2 personnages principaux sont l'esprit d'une morte et un domaine. Je voudrais aller à Manderley...il y a tout là-bas.
RépondreSupprimerJe souscris à tout ce que tu viens d 'écrire MTG, Rebecca est un authentique chef d'oeuvre littéraire et romanesque. C'est très vrai le coup que les deux personnages principaux soient une maison et une défunte.
Supprimerj'adore !!!