
Aujourd'hui, je devais chroniquer
La femme au carnet rouge, mais j'ai ressenti comme une urgence, à parler avant de la snobitude, j'ai senti qu'après les poux il fallait continuer mon exploration des choses fondamentales de la vie (et dans la foulée, ne pas être à un néologisme près)
A l'origine la snobitude (cela n'existe pas, mais quel autre mot utiliser ?), à l'origine donc, le snob, c'est la mère Groseille qui se prend pour Lady Grantham. La preuve par Downton Abbey: c'est la comtesse douairière, Lady Violet, qui traite son majordome de snob, quand ce dernier se permet de ne pas proposer du gâteau à un roturier (qu'il est lui-même donc). Le snob vient donc du bas de la société et fait croire à tout le monde qu'il en est sorti. Et puis la mère Groseille s'est tellement donnée des airs de grande dame que tout le monde y a cru. Et maintenant, on imagine que les snobs sont une espèce d'élite qui méprise le vulgaire.
Mais non.
Ainsi, je pose la question. Comment le reconnaître? Dans un pays où la noblesse n'a plus de poids politique depuis deux siècles et demi, il est d'autant plus difficile de démasquer le roturier qui se prend pour un aristocrate.
Voici 5 conseils pour l'identifier (et éventuellement le fuir)
1- Le snob (qui a longtemps écouté Boris Vian) est anti-télé, anti tablette, anti console, anti jeux vidéos. Parce que ça abrutit, et qu'il a lu une étude là-dessus (surtout arrêtez-le avant qu'il vous la déballe). Le snob est celui dont les enfants ne connaissent pas les publicités, ni les programmes destinés à la jeunesse, ni les stars du petit écran, ni the Voice. Tout cela ne l'empêche pas d'être greffé à son smartphone, addict aux réseaux sociaux, et vaguement geek sur les bords.
2- Le snob a généralement fait des études longues, passionnantes et inutiles. Il a donc acquis une foule de connaissances qui ne lui servent strictement à rien, sinon à être vaguement inquiétant et ennuyeux en soirée. Il ramènera sa science comme un boulet (alors que personne ne lui demande rien), quand les autres profitent d'un apéritif entre amis et échangent des blagues graveleuses. Le snob est socialement difficile à intégrer, l'anti bout-en-train des vacances. On ne rit pas avec le snob, on rit de lui. Il imposera à ses enfants allemand, latin et grec en sachant pertinemment que ce n'est pas un investissement sur l'avenir.
3-Le snob tend à se rapprocher du bobo. Il habite généralement dans un quartier multiculturel, un centre-ville historique, dans un ancien entrepôt réaménagé ou dans un immeuble vétuste vieux de deux siècles, dont il vante le cachet (mais ou les volets décrépis manquent de tuer les passants par jour de grand vent). Néanmoins, il s'arrangera pour dépendre d'une école d'un bon niveau et le cas échéant inscrira sa progéniture dans le privé. Pareillement, il lutte contre les additifs alimentaires, graisses hydrogénés, et légumes transgéniques, mais fume trop et partout, laissant dernière lui une vague odeur de tabac froid et de kérosène. On le distingue du bobo, parce qu'il ne prend pas les transports en commun car il n'aime pas trop la compagnie des autres êtres humains.
4- Le snob ne suit pas la mode, s'offusque du port du slim, milite contre le retour du fluo, ignore qui est Nabila, s'insurge contre la frange effilée, se bat contre les baskets compensées. Son style vestimentaire sera toujours à la fois décalé et désuet (souvent à la limite du ridicule, sans qu'il le sache toujours d'ailleurs). Ses enfants sont habillés dans un mélange de tradi (parce qu'il essaie de faire croire qu'il est de la haute) et de home-made (parce qu'il n'a pas compris les limites de ses capacités manuelles). L'ensemble n'est pas toujours harmonieux, surtout s'il décide de couper lui-même les cheveux de ses enfants.
5- Le snob ne lit ni chick-litt, ni romance, lève les yeux au ciel quand on lui en parle, feint de ne pas connaître Sophie Kinsella. Il se trémousse de joie à l'évocation de Beauvoir, Aragon, Ronsard ou Racine, mais peine à cacher son malaise quand on lui cite Proust ou Céline qu'il n'a pas encore lu (tout en justifiant de manière désespérée sur son inculture). Le Snob méprise Johnny Hallyday et Michel Sardou, bien qu'il connaisse par coeur, bien malgré lui, les paroles du lac de Conemara et de Que Je t'aime (qu'il chantera faux et fort un soir d'excès de boisson sur laquelle il est généralement porté).
En bref, le snob s'y prend tellement bien qu'on n'oublierait presque d'où il vient : de la masse laborieuse. Ses arrières-grand-pères sont généralement morts au front avant septembre 1914, parce qu'ils fournissaient la chaire à canon des armées, ceux qu'on met en première ligne parce qu'ils manqueront moins que les autres à la nation, ceux qu'on a sacrifiés en tout premier. Ainsi, le Snob restera toujours celui, qui quand il s'est inscrit à Cambridge, a eu un Sine NOBilitate devant son nom dans les registres. Le Sans Noblesse, sans titre, sans terre. Le Snob restera celui qui venait du peuple quand les autres étaient issus de la haute société et de la notabilité cultivée et élevée pour l'être.
Mais l'environnement spirituel et culturel que le Snob n'a pas eu par naissance, il l'a acquis par exigence personnelle, par travail, par curiosité. Car le snob aura compris tôt que pour trouver le monde beau et supportable, il est nécessaire de lever la tête et de s'élever l'esprit. Et le plus souvent, il l'aura fait tout seul, parce qu'il faut de l'exigence envers soi, pour se permettre d'être à ce point pénible avec les autres.
La snob est donc un imposteur, saturé de contradictions profondes et joyeuses; ce qui devrait nous le rendre finalement sympathique. Peut-être même devrions trouver un peu de bon dans la snobitude.
C'était Galéa pour Brèves de galets (la rubrique qui coupe les cheveux en quatre)