Richard Russo, Ailleurs La table ronde, 2013, 272 p. |
« Encore un romancier qui fait la biographie de sa
mère »….C’est ce que je me suis dit en ouvrant ce récit. Et vu que tout le monde n'a pas le talent d'un Albert Cohen, j'y suis allée un peu à contrecoeur.
Au début, j’ai
trouvé longue la répétition des déménagements avec une mère complètement
névrosée, je saturais de ses blocages permanents, de ses caprices récurrents…J’ai vraiment cru que je n’aimerais pas ce livre.
Et puis Russo a gagné son pari.
Parce qu’il ne cherche pas à
rendre attachante sa mère, c’est son boulet personnel. Il décrit quelqu'un de malade dont la pathologie est tout au long du livre inconnue. Et finalement, en nommant le mot du mal, il parvient à réhabiliter sa mère, à mettre un nom sur ses incompréhensibles déviances. On comprend qu’elle a été enfermée dans sa tête si longtemps qu'elle ne pouvait plus en sortir. On la plaint d’avoir été ce qu’elle fut, et on le plaint d’avoir été son fils.
En plus, Russo laisse une
belle place aux autres femmes de sa vie, à sa femme Barbara et à ses filles, à
leurs mariages et leur héritage génétique aussi.
Mais surtout et au-delà de sa mère, Ailleurs parle de la littérature, des
bibliothèques, de ce qu’elles représentent pour chacun d’entre nous, de ce qu'elles disent aussi de ce que nous sommes; avec une
justesse et une beauté finalement assez rares. Il évoque la qualité et la cohérence d'une bibliothèque en opposition avec la quantité: le contenu de quelques livres plutôt que le contenant d'une multitude.
Il arrive même à parler joliment des livres ratés « derrière
les pires échecs se cachait un auteur qui avait trimé amoureusement » (p.
124). Il m'a même déculpabilisée de garder chez moi de mauvais romans que je n'arrive même pas à donner. Il évoque aussi cette marge invisible de la littérature, les livres jamais ouverts, les auteurs en devenir (ou pas) qui tentent par tous les moyens de se faire connaître; j'ai toujours eu une grande tendresse pour les looseurs littéraires (dont il n'est pas).
Sa description du romancier (par cette nécessité vitale d’écrire) est
absolument splendide (p.179). Son travail sur la fiction qui soigne la réalité m'a vraiment touchée. Et surtout, j’ai retrouvé du
Ernaux chez Russo, dans sa culpabilité et son soulagement d’avoir échappé à un
déterminisme social. J’ai été touchée qu’il oppose la pénibilité du travail des
hommes de Gloversville et la chance de pouvoir se servir de son imagination ;
et d’en vivre.
Le récit est superbement bouclé, il part des origines et revient
aux origines : les tanneries. Russo m’a attrapée dans la deuxième moitié
de son livre, j’ai à présent hâte de découvrir ses fictions. Il utilise un langage
qui me parle.
Aifelle et Mior ont également été touchées, Laure et Keisha en ont fait un coup de coeur, Malika l'a bien aimé et Valérie est plus réservée (oui le leader et moi divergeons en ce moment...)
C'est ma dernière participation au rendez-vous non-fiction de Marilyne qui met le navire en cale sèche. Je regrette cette mise à quai (tout en comprenant la charge de travail que cela devait représenter). Ce rendez-vous avait le mérite de l'exigence, qui m'obligeait à davantage travailler et à creuser les billets non-fiction, qui m'entraînait chez des blogueurs finalement pointus (tellement que parfois j'osais à peine commenter). J'aime aussi quand la blogosphère se fait sérieuse, thématique et critique.
A plus tard capitaine pour une autre traversée...
Les histoires de mères, ce n'est pas pour moi !
RépondreSupprimerJe le sais Alphonsine, mais celle-là reste vraiment touchante....
SupprimerMoi aussi je suis un peu triste que notre capitaine nous laisse mais on comprend. Je suis d'emblée la mauvaise personne pour aimer ce genre de livre mais les réflexions sur les bibliothèques et les livres m'ont plu.
RépondreSupprimerje dois dire Valérie que c'est ce que j'ai le plus retenu...j'adore sa manière d'en parler et d'évoquer les fictions qu'il écrit.
SupprimerJ'ai adoré Belle Du Seigneur et du coup, je ne veux plus lire d'autres titres de Cohen et pourtant je me doute que ce doit être un grand livre.
RépondreSupprimerCe livre a l'air très intéressant et un peu exigeant en même temps.
Le début de ta chronique me fait penser à la démarche de Delphine De Vigan dans " Rien ne s'oppose à la nuit " mais j'imagine que les histoires sont très différentes.
C'est vrai que maintenant que tu le dis MTG, il y a une démarche proche de Vigan, d'ailleurs Val n'a pas aimé "Rien ne s'oppose à la nuit" non plus. Disons que c'est très proche, sans le côté extrêmement glauque du Vigan (que moi j'ai adoré), c'est un livre que je trouve profondément positif....
SupprimerC'est bizarre, mais ce livre me parle pas du tout et pourtant, il a l'air d'être bien. Bisous
RépondreSupprimerEtrangement Phili, je ne suis pas certaine que je l'aurais lu si je n'y avais pas été contrainte, et le début fut très diesel, mais vraiment, il m'en emportée sur la fin....
SupprimerC'est un auteur que j'aime beaucoup, je te conseille de continuer à le découvrir (même si le motif de la mère malade me semble être récurrent chez cet auteur ...) !
RépondreSupprimerJe suis preneuse de ses meilleurs titres Mrs Figg; je crois que j'ai un titre avec Cap cod dedans, mais je veux bien ses meilleurs si tu les as en tête (je suis bientôt libre de mes lectures tu sais)
SupprimerJe garde un excellent souvenir de "Quatre saisons à Mohawk" ! Et je prévoie de lire "Le pont des soupirs" dans peu de temps, je te dirai s'il est aussi chouette !
SupprimerAvec grand plaisir...
SupprimerCurieusement, moi qui adore les romans qui parlent de la littérature, je me souviens à peine de ce que Russo en dit !! Très curieux !!! J'ai été trop happée par l'histoire de sa mère je crois !
RépondreSupprimeroh c'est drôle Malika, moi c'est l'inverse, j'ai moins retenu sa mère que sa genèse d'écrivain...comme quoi!
SupprimerJ'ai aimé tous les aspects de ce livre et j'ai hâte maintenant de découvrir ses romans ; surtout que j'aurai en tête le contexte dans lequel il les écrivait.
RépondreSupprimerabsolument tout pareil Aifelle.....j'ai hâte, je peux te le dire....
SupprimerBonjour Galéa, merci pour m'avoir donné envie de lire ce livre (mais pas tout de suite). Je n'ai jamais rien lu de cet écrivain. Bonne journée.
RépondreSupprimermoi non plus, je ne le connaissais que de nom Dasola, parce qu'il est assez présent sur la blogo....j'espère que la fiction m'enchantera autant que son récit
SupprimerUne idée de plus dans ma liste de livres à lire! Encore une fois un grand merci pour tous tes bons conseils.
RépondreSupprimerMerci Féli....(suis toute rouge)
SupprimerJe confirme, c'est un très bon conseil et un très bon livre !
RépondreSupprimerJe sais que tu en as fait un coup de coeur Laure....
SupprimerRusso est à lire, oui!
RépondreSupprimerJ'espère que tu continueras avec la non fiction, il y a de la qualité!!!
Tu sais Keisha que mine de rien avec les collègues jurées, nous avons toutes trouvé que la sélection non-fiction était de meilleure qualité que polars et romans confondus. D'autant qu'au moins en non-fiction, on ne fait pas semblant d'écrire un roman alors qu'on parle de sa petite personne.
SupprimerVoilà!!!
Des bises et bon dimanche à toi
je n'ai pas accroché, trop de situations qui se répètent, une passivité de Russo envers sa mère qui m'a énervée, bref ennui et agacement au rendez-vous
RépondreSupprimerje peux le comprendre Maxi Vav, le début m'a un peu ennuyée, mais je crois que je me suis sentie proche de cette mère qui se croit toujours enfermée et à qui on voudrait donner des claques. Mais toute la partie sur la genèse du romancier et particulièrement réussie de mon point de vue.
Supprimerj'ai beaucoup aimé cette histoire; J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup d'amour dans cette relation (il en fallait pour supporter cette mère pas toujours facile!) et j'ai aussi aimé ce qui concernait la lecture et l'écriture.
RépondreSupprimeroui c'est ce que je retiens aussi, le nécessaire amour pour supporter quelqu'un d'invivable....
SupprimerTrès tentant... Et sinon oui, dommage que le projet de Maryline prenne fin, je suivais tout ça de loin mais c'était un beau projet...
RépondreSupprimerOui Noukette c'est dommage, parce que je comptais sur ce projet pour continuer à lire du non-fiction après le prix Elle.
Supprimer;-)
Celui-là, je l'ai déjà repéré chez Keisha et tu confirmes mon envie de le lire (et de découvrir l'auteur aussi ;-) ) !
RépondreSupprimerTant mieux Céline... l'auteur me faisait déjà de l'oeil à cause de certains blogs qui le mettaient en avant, mais il m'a convaincue avec son récit...
SupprimerC'est un auteur que je n'ai jamais lu et qui me tente depuis longtemps. J'attends que l'occasion se présente, en fait !
RépondreSupprimerJe crois Sylire que quelqu'un qu'on connait te l'a prêté....;-)
SupprimerHate d'avoir ton avis
Tu as aimé alors forcément ça me tente. De mon coté je bouclerai le projet non fiction demain, avec une certaine tristesse...
RépondreSupprimerOui Jérôme c'est dommage...(mais compréhensible, un synthèse par mois, ça doit vraiment être épuisant)
SupprimerFinalement, tu as bien fait de persévérer.
RépondreSupprimeroh que oui Alex
SupprimerAifelle m'avait dit que ce livre me plairait alors ton billet vient le confirmer !!!
RépondreSupprimerJe me laisse tenter complètement d'autant que je connais pas encore cet auteur...
Belle fin de semaine !!
ah oui, je suis sûre qu'il te plairait Enitram....
SupprimerIl a l'air très bien, pourquoi pas un jour...
RépondreSupprimerc'est une belle réflexion sur le travail de l'écrivain je trouve...
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