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lundi 25 janvier 2016

My Third: Comment maman est devenue féministe.

My darling, darling, Third,


Je sais que tu ne devrais plus trop tarder maintenant, sachant que je suis terrorisée, rien n'est prêt, on ne recevra ton cosy et ta nacelle que samedi, ma valise est encore dans le placard de la salle de bain. Gavée de compléments alimentaires, je tente d'échapper aux virus pour ne pas saboter mon accouchement mais je n'en mène quand même pas large, donc j'irai droit au but : il faut que tu saches comment je suis devenue féministe.


A la base, ça ne m'inspirait pas beaucoup. Adolescente, je voyais les copines de Mamie qui (les pauvres) découvraient à 40 ans, qu'elles avaient épousé des gros beaufs à qui elles avaient consacré leur jeunesse. Leur combat se limitaient à se faire payer une pension alimentaire décente et dans les temps. J'avais aussi (toujours dans les copines de Mamie- elle m'aura tout fait ta grand-mère) la version célibataire endurcie qui ne VEUT pas vivre avec un homme ("je ne serai jamais une bobonne c'est comme ça") mais qui en ramenait un de temps en temps dans son lit, "pour des questions d'hygiène" (rire graveleux de Mamie et de ses copines - tu vois quand même que je reviens de loin).

Soyons claires, ma petite Third, depuis toujours je suis du côté des hommes : de Papi déjà, que j'ai longtemps placé juste à côté de Dieu, de mes amoureux de jeunesse (pour la plupart desquels j'ai nourri des passions aussi excessives que platoniques), de ceux qui m'ont brisé le coeur, de ceux qui , à défaut de me plaire, avaient le bon goût de me renvoyer une image très valorisante de moi-même. Et puis du côté de Papa, qui bien sûr, a l'immense mérite de m'accepter avec mes lubies, névroses et idées saugrenues. Je me suis toujours mieux entendue avec les garçons qu'avec les filles et car, grâce à ma puberté ingrate, je suis longtemps restée la bonne copine avec qui on pouvait boire une bière "sans aucune ambiguité ". Les garçons, j'ai toujours pu compter dessus, certains ont fait 15 h de route pour assister à mon mariage, et la plupart d'entre eux ne m'ont jamais laissé tomber dans les moments difficiles. J'ai toujours préféré être commandée par des hommes que par des femmes, et je reste encore aujourd'hui convaincue, que le pire ennemi du féminisme, c'est la femme. 

Je te passe les militantes à la fac,  dont le combat essentiel était de ne pas s'épiler, ni laver "les caleçons d'un mec". Déjà à l'époque, je me demandais quels étaient les vrais fondements de leur posture (la difficulté à choper peut-être).

Sache-le My Third, je vomis les prétendues défenseuses des femmes qui pensent qu'élever un bébé porte préjudice à leur cause, je déteste ces filles qui nous méprisent parce qu'on allaite, je ne me sens aucun atôme-crochu avec les pseudo intellectuelles qui vont m'expliquer ce que c'est qu'être une femme au XXIe siècle, j'abhorre les faux combats  d'arrière-garde, les leçons de moral stupides et culpabilisantes, et je ne souscris pas spécialement à celles qui défendent la cause des femmes en top less (et cela n'a rien à voir avec ce qu'il me reste de seins après chaque grossesse)...bref....Pour moi, savoir qui récure la baignoire ou repasse les chemises, c'est du détail domestique, pas un combat de fond (et il ne t'aura pas échapper que ton père ne sait faire ni l'un ni l'autre, et bien que je râle, au fond, soyons honnête, je ne monterais pas des barricades pour ça). 

Du coup, tu l'auras compris : je n'aurais pas été dérangée d'avoir des fils, même trois.

Et pourtant ma chère chère Third,  il faut rester sur la brèche. Le monde ne se réduit pas à nos frontières, tous les pères n'élèvent pas leurs filles comme le mien (même si avec le temps, le pauvre a du rabaisser ses prétentions concernant tata et moi). Il faut que tu saches, ma tout petite Third, que certaines petites filles sont privées d'instructions au Cambodge ou ailleurs, qu'au Sud du Soudan des filles et des fillettes sont des armes de guerre, corps à disposition totale d'hommes qui se comportent pire que des bêtes, qu'il y a des pays qui ne présentent pas de filles au championnat du monde d'échecs, et d'autres où elles sont plus mineures que des enfants, où elles ne peuvent même pas conduire une voiture, et je ne te parlerai pas de la manière dont on opère dès l'enfance des petites filles pour les empêcher d'avoir une sexualité épanouie, je t'épargne aussi l'histoire des mariages forcés...point trop n'en faut.

Même en France, my Third, certaines femmes se dissimulent pour ne pas être des objets de tentation, même en France des représentantes politiques (oui des femmes!) envisagent de supprimer les aides au planning familial et remettent en cause le droit à disposer de son corps. Il y a à côté de nous, des femmes qui n'ont pas tout à fait le droit d'être elle-même

Sache My Third que toutes les dictatures, régimes totalitaires et communautés réactionnaires ont commencé par remettre les femmes aux fourneaux et aux langes. A chaque fois qu'on résumera une femme à son ventre (pour porter les enfants) et à ses mains (pour servir les hommes), à chaque fois il faudra s'insurger. Alors my Third, je te le dis à toi, parce qu'à mon époque c'était tellement évident que j'en avais oublié que ce n'était pas partout pareil : il faudra toujours être vigilante.

Vigilante à bien faire marcher ta tête, à faire tes choix en fonction de tes gouts et non pas de ton sexe, à ne rien t'interdire parce que tu es une fille. Vigilante à choisir un homme qui te respecte et te laisse être toi-même. Vigilante à faire des enfants parce que tu le choisis et non par pression sociale. Que tu vires cagole, gothique, garçon manqué ou première de classe, que tu fasses de la danse, du judo ou de la poterie, quoique tu choisisses, il faudra le faire en âme et conscience.

Et n'oublie jamais qu'être féministe ce n'est pas lutter contre les Hommes, c'est lutter pour les Femmes. Et crois-moi, ça n'a rien à voir. 

Femme, épouse, amante, working-girl; mère, fille et grand-mère, créatrice, consommatrice, insurgée ou lunaire, amie fidèle et tante dévouée, fumeuse invétérée ou prof de Yoga, aventurière ou femme au foyer, tu ne pourras pas tout être, en tous les cas pas tout en même temps, en tant que femme libre, tu auras la responsabilité de choisir celle que tu veux être. 

Nous appellerons ça entre nous la "Simone Attitude" (Veil, Beauvoir, Weil) ou bien  "la Chanel Touch" si tu préfères, ou même  le "Marie Curie spirit" si vraiment tu y tiens. Je n'attends pas nécessairement que tu passes l'agrégation de philo à 21 ans, ni que tu deviennes une icône de la mode, ni non plus que tu sois une éminente scientifique...mais tant qu'on vivra dans un pays libre qui place hommes et femmes (au moins sur le papier) sur un pied d'égalité, tu auras comme devoir de donner le maximum de toi-même et de ne pas oublier qu'ailleurs sur la planète et parfois pas si loin de nous, il existe encore des femmes opprimées, soumises, abîmées et stigmatisées à cause de leur sexe...et si nous , les femmes libres, instruites et privilégiées, les oublions, qui pensera à défendre leurs droits ?


Alors chère petite Third, qui attend tranquillement ton heure de gloire (alors que je suis en panique), si rien n'est prêt à la maison, tout est au carré dans nos têtes. Nous essaierons -dans la mesure du possible- de te donner toutes les chances d'être heureuse, autonome et en accord avec toi (même si l'essentiel du boulot te reviendra évidemment), et toi, il ne faudra pas que tu oublies qu'être une fille, c'est formidable, mais ça implique aussi de ne pas oublier les autres, celles qui n'ont pas notre chance. 


Réfléchis tranquillement à tout cela et prends ton temps pour digérer les différentes informations que je viens de te donner...quand tu te sentiras prête, tu te manifesteras...et qui sait d'ici là, Papa, tes soeurs et moi serons peut-être totalement organisés pour t'accueillir (et si ce n'est pas le cas c'est pas grave, on a toujours été mauvais en organisation et logistique...et ça passe quand même - enfin habituellement).

mardi 19 janvier 2016

HHhH

Laurent Binet, HHhH (2009)
Le Livre de Poche, 2011, 443 p.
J'ai aimé Laurent Binet le jour où notre François national a prouvé qu'il en était jaloux comme un pou,  en citant une chanson de Téléphone qui n'existait pas encore quand elle est mentionnée dans le dernier opus de Binet (et maintenant que j'ai lu HHhH, je mesure la perversité de cette remarque busnelienne envers un auteur obsédé par la vérité historique). 

HHhH c'est l'histoire de l'attentat contre Heydrich, organisé par un réseau de résistants à Prague. HHhH c'est "Himmlers Hirn heißt Heydrich" -le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Heydrich, c'est le dignitaire nazi, aussi raffiné que cruel, aussi intelligent que pervers qu'Hitler envoie à Prague, permettant à la "bête blonde" de se prendre pour un prince de Bohême, de flatter son côté complètement mégalomane et de nourrir ses velléités meurtrières de masse. 

Donc HHhH, pour quelqu'un comme moi, c'est que du bon (rapport à ma vie antérieure).

Ce qui est très réussi dans ce premier roman, c'est que Binet nous raconte comment il s'est attelé à la tâche d'écrire ce livre. C'est passionnant de découvrir son obsession pour Heydrich, comment il le voit partout, combien il a l'impression que tout le ramène à cet homme qui avait quand même perdu une part de son humanité. On aime aussi comment Binet dépeint l'hécatombe de sa propre vie amoureuse, ses tentatives de lectures d'extraits à des amis, sa manière de guetter les approbations, de décider s'il garde une scène où s'il la supprime . Bref, suivre le parcours du romancier qu'il n'est pas encore (HHhH est son premier roman), c'est délicieux, c'est jouissif et c'est drôle. En plus il y a vraiment une réflexion sur le travail de l'écriture, avec de belles trouvailles narratives (genre la scène qu'il a enlevée mais qu'on lit quand même). Je regrette néanmoins un discours un peu relâché parfois (#OldSchool).

J'ai aimé évidemment le décor. Prague et moi avons une histoire ensemble, puisque c'est là que j'ai rencontré l'Homme, il y a 16 ans sous la neige (embrumés l'un et l'autre par les vapeurs d'absinthe - à 20 ans, on ne sait pas se modérer...mais si on avait su se tenir, on ne se serait sûrement pas mariés donc l'éthylisme à ses avantages). Mes souvenirs pragois sont par conséquent assez flous, et je me souviens davantage d'une ambiance générale, de monuments magistraux, de ponts et d'eau que d'un plan clair de la ville. Mais je me suis réjouie des déambulations pragoises et je reste émue par l'amour que Binet porte à cette ville (qui lui la connaît très bien).

J'ai aussi adoré le côté historique (oh comme c'est étonnant), les recherches sur les dignitaires nazis, la fascination morbide pour Heydrich (on a tous un type vraiment pas terrible qui nous obsède) et la fausse distance avec les atrocités. J'ai aimé comment certains détails sans importance pour le lecteur, rendent fou l'auteur. Binet a vraiment fait d'Heydrich un détestable personnage de roman, sans doute grâce à une documentation sur lui et l'ensemble des dignitaires nazis suffisante pour véritablement créer des atmosphères, des situations probables et sans doute fidèles à la réalité.

En revanche (et c'est ça qui coince pour moi), Binet n'a pas osé aller aussi loin avec les Résistants et je le regrette (c'est le gros gros problème des romans historiques, doit-on trahir l'histoire un peu pour écrire un bon roman?). Gabčík et Kubis, qui sont les deux héros de ce roman, l'un Tchèque et l'autre Slovaque et qui vont assassiner Heydrich, n'ont pas la densité des personnages nazis. Prisonniers de ses sources, ou plutôt par leur aridité, Binet n'a pas osé en faire plus que ce que ses informations lui permettaient, ce qui donne au final des ombres aux contours mal déterminés.  

Moi, j'aurais aimé davantage les connaître ces deux-là, quitte à trahir un peu les vrais individus, les identifier davantage, les aimer aussi, eux ainsi que tout le réseau qui les a entourés: le traitre surtout avec lequel il y avait à faire, le couple et leur fils, bref tous ces gens extraordinaires qui ont laissé moins de traces que les monstres qu'ils ont combattus. Je ne peux pas en vouloir à Laurent, car je connais le prix de la réalité de l'histoire et je suis la première à m'offusquer des libertés que certains romanciers prennent avec les gens qui ont vraiment existé. Car comme dit Edouard Louis, "notre histoire sera toujours racontée par les autres" et ça c'est un vrai problème pour qui se lance dans un roman historique. 

Je vous encourage à aller voir chez Delphine Olympe qui a été complètement séduite.

Mais bon, on ne peut pas être Druon dès le premier essai, c'est pourquoi je lirai La septième fonction du langage.

Ce billet est une participation au challenge A tous prix d'Aspho pour le Goncourt du Premier roman en 2010.

Fournisseur de ce billet: ma librairie indépendante dans laquelle je me suis rendue dans un moment d'égarement.

C'était Galéa en pleine expérimentation scientifique. Pour vous je teste, comment résister à la grippe à 8 mois 1/2 de grossesse, alors que deux enfants fiévreux et délirants vous collent toute la journée en gémissant , vous éternuent dessus sans mettre la main devant la bouche, et dorment dans votre lit alors que déjà avec l'Homme et my Third on est quand même serrés?  
Je tente la méthode bobo (réservée aux gens vraiment ennuyeux) : thé Mariage, homéopathie, oranges et France Culture. 
Résultat du test dans quelques jours (#ServicePublicDeLaSanté).

vendredi 15 janvier 2016

Jardin secret : Photo du mois # 13

Le thème choisi ce mois-ci par Cara était Jardin secret, ce qui clairement m'inspire différemment depuis que j'ai un blog - qui me permet de déverser sans beaucoup de retenue ce qui devrait rester dans ma tête. Du coup, je n'ai plus cahier ni journal intime, et mes factures de portable ont considérablement baissé (rapport au fait que je n'appelle plus mes copines à l'autre bout de l'hexagone pour me plaindre de tout et de tout le monde).

Heureusement, j'ai un blog qui se voudrait littéraire, j'ai donc trouvé LA parade.



J'opte donc pour le jardin secret de papier, celui qui n'engage pas trop. Dans le mien, on y trouve d'abord de la joie, de l'énergie, de l'avant-garde et de la blague. Fidèle à moi-même, toujours un oeil dans le rétroviseur, je cours après les Disparus, les miens, ceux des autres (et même ceux qui personne ne regrette), puis je me perds au détour de la Rue des boutiques obscures tellement les adresses obsolètes m'enchantent (vous pouvez me contacter pour animer vos mariages, baptêmes et bar-mitsva ...je suis une valeur sûre niveau ambiance).

D'autant qu'en 2015, je suis officiellement devenue quelqu'un d'ennuyeux (de "chiant" même diront certains depuis ma migration sur France Culture). Mais il y a pire : 2016 verra fleurir une Galéa féministe, je m'imagine aussi élégante qu'une Mlle Chanel, laissant derrière moi Les Mémoires d'une jeune fille rangée qu'il a bien fallu bousculer un peu, sans pour autant arriver aux extrémités du Livre de Dina (enfin c'est surtout pour l'Homme si on n'y réfléchit bien - je dispense aussi des conseils conjugaux à l'occasion).

Il y a dans mon jardin secret des paires de baskets et quelques demi-pointes, car telle une héroïne (qui serait moi en mieux), me voici donc dans la peau de Nancy Sheridan de La Grande course de Flanagan, je cours sans problème 80 Km par jour sous un froid extrême ou une chaleur caniculaire. Et j'entends sur la ligne d'arrivée, alors que la quarantaine approche dangereusement "Danse, danse, danse Galéa" (même si je n'ignore pas que de ce côté-là, il est vraiment trop tard à moins de renoncer à toute dignité et de gâcher l'adolescence de mes filles).

Evidemment, pour ceux qui en doutaient, j'ai un coeur, ou du moins j'en ai eu un quand j'étais jeune: point de jardin secret digne de ce nom sans histoire d'amour frémissante, fantasmes platoniques et littéraires, comme cet Aurélien ambigu et désœuvré que je laisse à mes 17 ans flamboyants et qui restera mon premier grand choc amoureux et littéraire. Je garde aussi une pensée émue au souvenir d'Yvonne, merveilleuse figure du Grand Meaulnes à qui j'espérais ressembler vers 20 ans (alors que bon les côtés mystérieux, inaccessible et sacrificiel n'étaient quand même pas mes principaux traits de caractère à l'époque... ni même maintenant si on n'y réfléchit bien).

J'assume aussi ma part d'ombre, mon attirance pour le tragique et le sang, et je confesse encore mon enthousiasme pour le Crime de l'Orient Express et la terrible première scène des Rois maudits (que je cite assez souvent quand j'essaie d'illustrer à quelqu'un une théorie qui m'est chère  et qui se résume à " dans la vie, tout se paie ma bonne dame" #LeBonSensPrèsDeChezVous).

Et puis finalement quand on arrive à l'âge de la maturité (oui j'en suis là je pense...en toute humilité bien sûr), on apprend, dans ce jardin secret qu'on alimente d'encre et de papier depuis si longtemps, alors que nous sommes tous quelques parts Des personnages en quête d'auteur, que finalement dans la vie, tout est un peu plus compliqué que le mal, le bien, le beau et le moche, le temps de saisir Le silence de la mer, et de se souvenir que personne n'est infaillible, ni ici ni ailleurs, ni nous ni les autres, et de savoir le reconnaître .... Confiteor.

Comment mes petits camarades ont-ils interpréter ce thème ? (m'est avis qu'ils auront été plus concis que moi).

MyLittleRoad, Xoliv', Mon Album Photo, Lavandine, Mirovinben, Voyager en photo, Gilsoub, KK-huète En Bretannie, Cara, magda627, François le Niçois, Krn, Autour de Cia, Philae, Josette, Christophe, Koalisa, E, Blogoth67, Marie, Aude, MauriceMonAmour, Julie, Eva INside-EXpat, CécileP, Cocazzz, Philisine Cave, Renepaulhenry, Lavandine83, Nicky, Alban, DelphineF, Sinuaisons, Champagne, Galéa, Laulinea, Loulou, Pixeline, Carole en Australie, Akaieric, Brindille, Suki, J'habite à Waterford, Morgane Byloos Photography, Lyonelk, Mireille, Visites et voyages, Alexinparis, Mimireliton, Laurent Nicolas, Mamysoren, Danièle.B, Dom-Aufildesvues, Tambour Major, Tuxana, Chiffons and Co, Dame Skarlette, Les bonheurs d'Anne & Alex, Guillaume, Cécile, AF News, Giselle 43, Sous mon arbre, Chat bleu, Pat, Nanouk, Céline in Paris, Frédéric, Angélique, Pilisi, Chloé, Testinaute, Homeos-tasie, Woocares, Milla la galerie, Cricriyom from Paris, Noz & 'Lo, Lau* des montagnes, Rythme Indigo, Luckasetmoi, Les Bazos en Goguette, Canaghanette, Estelle, BiGBuGS, La Fille de l'Air, Kenza, Calamonique, El Padawan, Thalie.

vendredi 8 janvier 2016

LGL version longue : le grand test


Pour commencer cette nouvelle année, j'espérais avoir l'Homme en traître et lui imposer, mine de rien, la version longue de l'émission. Mais c'était sans compter le journal local, l'espèce de Bible du matin, que tout le monde lit avidement pour savoir quoi penser du monde, et qui a fait un article sur le nouveau format de l'émission. L'Homme l'a lu bien sûr (entre les faits divers et les travaux du tram), inquiet et circonspect. Ca l'inquiète toujours les phrases du genre "Transformer le pays en une nation de lecteurs", il s'imagine déjà être obligé de lire Tristan et Yseult en ancien français à la lueur d'une bougie. Dépité, il a soufflé "punaise, Doudoune (oui vu mon état actuel, c'est le seul surnom qui me convienne encore), une demi-heure de plus, ce n'est pas rien quand même...tu penses tenir aussi tard ?" (on notera au passage la petite allusion à mon nouveau rythme de marmotte roulante, soufflante et ronflante, à cause d'un rhume qui s'accroche à moi comme à une bernique).

C'est ainsi que mon rhume, l'Homme et moi étions prêts à découvrir ce nouveau format plein de promesse, avec un François qu'on imaginait détendu et bronzé après des vacances bien méritées. Clairement, il manquait une bonne bière pour attaquer ce nouveau challenge conjugal, tout en nous lamentant sur le fait qu'on n'ait pas eu le temps de déménager avant l'arrivée du bébé.

A l'annonce des invités, j'entends un grognement à ma droite "c'est pas un peu toujours les mêmes les gens qu'il invite ?". Bah si, mais bon, c'est pour lancer la nouvelle saison. Nouveau générique, nouveau logo, nouvelle musique mais, on garde le même jeu de mèches ET de lunettes. 

ET surtout nouvelle pastille d'ouverture: la gazette de La Grande Librairie. Je trouve l'idée extra, si elle est menée sans langue de bois, on devrait se régaler. Bien sûr, hommage oblige, on n'échappe pas à la sauce Charlie (filon tellement inépuisable que ça met mal à l'aise, tant on s'interroge sur certaines motivations), un petit point sur le nouveaux jurés du Goncourt (Despentes et Schmitt), trois mots sur Angoulême et les sélectionnés qui se retirent pour cause de manque de parité. Oh punaise....Le tome 6 du Trône de fer est reculé après la sortie du film....L'Homme est à deux doigts du malaise cardiaque, du coup, il est encore bloqué quand on parle de Boulez. Je valide cette nouvelle rubrique: concise, intéressante, et finalement assez exhaustive. Oui la littérature c'est aussi de l'actualité. 

C'est après que ça se gâte.

Jean d'Ormesson en parrain  de l'émission, 4 mois après celle qui lui était exclusivement consacrée, alors qu'il y a tant d'auteurs qui auraient pu faire le job...ça coince ! L'Homme maugrée dans son coin. Pourtant, il est sympa d'Ormesson, il donne confiance dans l'avenir, joyeux dans sa posture, rassurant sur le temps qui passe, bienveillant à l'endroit de Virginie Despentes. Le problème, c'est que tout ce qu'il dit, il l'a déjà dit, le problème c'est qu'il ne parle que de lui, lui, lui et de sa noble famille. Le problème c'est qu'il s'écoute parler. Et ce qui ne prend pas c'est ce faux procès : Je dirai malgré tout que cette vie fut belle (Love Aragon), un énième livre qui le met en scène avec "sa mythologie personnelle" comme dit François. (jeu de lunettes). 

L'Homme est au bord du craquage: "il raconte ça parce qu'il a déjà raconté tout le reste non ?". Oui merci l'Homme mais j'écoute. En fait Jean d'O trouve ringard l'idée d'écrire ses mémoires (Chateaubriand appréciera d'outre-tombe), donc ce ne sont pas des mémoires qu'il écrit, ce sont des souvenirs (nuannnnnnnnce). "Vous plaidez coupable de quoi Jean d'O ?" Réponse tellement longue qu'on a oublié la question. En fait Jean d'O s'excuse d'avoir eu trop de chance (un peu à la manière de Colombe Schneck qui s'excuse d'avoir été tant aimée, même moi je commence à m'exciter là en fait). "Même la guerre je l'ai traversée en 1ère classe". Ouaich et sinon? Nan parce que c'est bien de s'excuser d'être privilégié, mais là ça ressemble davantage à une sorte de frime en fait.  "Regrettez vous de vous être attaqué à la famille?". Jean d'O est catégorique : il ne s'exprimera pas là dessus...il a déjà écrit assez de livres là-dessus. "Je suis un menteur et un traitre". "Je suis le modèle de ce que Bourdieu condamnait...un héritier, un anarchiste de droite". Oui, oui, oui mais STOP. 

crédit photo:  LGL
C'est bien ce mea culpa, sauf qu'on est en crise Jean, et que ce n'est pas avec ce genre de discours que la littérature va descendre de son piédestal et toucher le plus grand nombre, tu vois. ET puis franchement tout ça, ça n'a rien à voir avec la littérature, même si tu as une personnalité et un parcours passionnants, franchement tes propos sont globalement déplacés. L'Homme a sorti son Trône du fer, "j'en ai un peu marre du nombril des auteurs, surtout quand ils sont vieux et égocentriques". L'Homme, le "je" et le "moi", il n'en peut plus, il sature...La tendance des grands privilégiés à s'étaler sur un plateau, ça l'énerve autant que ceux qui viennent laver leur linge sale. L'Homme son truc, c'est la SF, les mondes imaginaires, les polars gores, les intrigues haletantes, les trucs magiques..Alors là il souffre autant que quand je me passe, certains dimanches de désoeuvrements, les rediffusions des Radioscopies de Jacques Chancel avec des invités cabochards...Le problème c'est que moi aussi, j'ai du mal. Du mal à croire à la prétendue auto-flagellation du vieil écrivain sympathique, qui se présente comme une icône- rien de moins- une marque -à l'égal de Schweppes - qui se vante du rajeunissement de son public. Du mal avec la complaisance vraiment outrancière de François. Du mal aussi avec l'image pleine de naphtaline et de suffisance que donne la littérature dans ses moments là. Et pour la fiction on repassera.

Je continue mon test toute seule car l'Homme a décroché. Je mise beaucoup sur le nouveau format de la pastille en librairie, J'imagine un portrait de quartier, un parcours de libraire, une visite des lieux, un moyen de montrer qu'une librairie s'intègre dans un ensemble, dans une communauté d'une ville ou d'un village. J'espère voir le libraire boire son café avant d'aller ouvrir sa grille, me balader dans les rayonnages, qu'on nous montre par exemple le stock d'éditions poche, les tables d'actualités, les beaux livres. J'attends que le libraire s'exprime sur ses choix de mise en place...bref je misais beaucoup sur le type qui n'habite pas très loin ou qui serait en transit, et qui aurait envie de découvrir cet endroit. En plus c'est à Lyon, une ville que j'aime d'amour fou.  Bon de ce côté là, c'est une déception: rien de nouveau, pas de visite, pas plus pas moins qu'avant : un libraire qui présente un livre sur fond de rayonnage.

On enchaîne direct sur Edouard Louis : "oh Galéa ce n'était pas ton coup de foudre la dernière fois, ton Normalien ?". Si, sauf que ce n'est plus mon normalien...mais bon. Là aussi, si on veut une histoire, ce sera celle d'Edouard Louis, pas de celles qu'on invente. Edouard Louis n'a pas tellement changé, si ce n'est qu'il ne porte plus d'appareil, mais a enfilé une chemise bleue, il s'exprime avec plus d'aisance, mais je ne retrouve pas vraiment son immense sincérité et fraicheur de la dernière fois. Sans doute parce que les médias sont passés par là. Et là, après Jean d'O qui vraiment a eu trop de chance, c'est l'histoire d'une nuit d'horreur, celle de Noël 2012, où Edouard Louis a été violé, battu, menacé et volé. "Un récit autobiographique raconté par votre soeur" rappelle François. La vérité c'est que j'ai mal pour lui à chaque fois que François revient sur le viol. Et je comprends à demi-mots que sa soeur, une invention narrative, va utiliser le langage des pauvres, celui qui fut le sien enfant. Je me demande s'il amorce une réconciliation avec ses origines picardes et prolétaires ?
crédit photo: LGL

 "Le livre est une tentative de récupérer ce que j'ai vécu" souffle Edouard en articulant bien. En fait, il me touche une fois de plus "nos vies seront toujours racontées par les autres". Il y a chez ce jeune auteur une telle brisure et une telle faille, que quand il parle, on ne peut douter de sa sincérité. Je déplore l'intervention de Jean d'O, beaucoup trop cabotin sur ce coup. Il gâche un moment que je trouvais touchant pour une remarque globalement inutile. Je ne sais pas ce que deviendra cet Edouard Louis,  je crains malgré tout que se servir de la littérature pour vider son sac ne répare pas, je crains qu'il paie très cher plus tard de s'être à ce point exposé, je lui souhaite un jour d'écrire des romans, des fictions qui s'éloigneront de lui, de sa personne pour véritablement créer quelque chose. Maintenant que ses connaissances théoriques sont remarquablement établies (le nombre de références citées est impressionnant: de Foucault à Proust), on le sent quand même enchaîné à quelques choses qui le blesse et prisonnier d'un engrenage à déverser qui le consume (mais cela n'engage que moi). 

On passe à la caution féminine de l'émission : Cecile Ladjali ("elle est déjà venue non ?" oui l'Homme).  Cécile, toute de noir vêtue, un peu fatale, un peu rigide, une expression impeccable, un rictus étrange de la bouche. En général, elle me plaît bien, et je me dis qu'elle doit être vraiment chouette en professeur de français. Illettré c'est le titre de son roman (yeahhhhh un roman!!!!). Evidemment c'est l'histoire de Léo, un analphabète. 
crédit photo : LGL
Et alors là, moment d'extase personnelle : superbe envolée lyrique sur l'écriture comme résilience, écrire pour tenir debout, écrire pour braver la mort. Suivie d'une ode à la syntaxe et à la grammaire (j'hyperventile en me gavant de réglisse). 

Cécile est merveilleuse ... mais l'Homme ne s'en rend pas compte, et François non plus visiblement car il l'interrompt sans arrêt. Etrangement, quand un auteur parle d'un personnage, il est drôlement plus intéressant qu'un auteur qui parle de lui, sans doute grâce à une passion, un sens tragique, une beauté créatrice. Je suis archi fan de Cécile. "nous avons la chance d'être riches de mots", elle nous parle de "ghettos linguistiques" et de cette misère là. 

François manque de l'élégance la plus élémentaire : il se moque de son "monologue grandiloquent sur l'illettrisme", il tourne un peu en dérision la seule romancière du plateau (sans forcer le trait non plus, c'est plus subtil et plus efficace pour calmer quelqu'un qui s'emballe). Moi je me serais énervée avant. En fait François n'est pas jaloux que des beaux gosses qui écrivent des romans qui se vendent, il est aussi jaloux des beaux débits, des discours passionnés, du fait que les autres invités boivent les paroles de l'écrivaine. Et franchement, il est vraiment à la limite de la méchanceté, ce qu'il ne se serait pas permis avec Jean d'O, bien sûr. Aurait-il peur qu'elle lui fasse de l'ombre tellement c'est intelligent ce qu'elle dit? tellement elle remet la littérature à sa juste place:  une chance pour ceux qui y ont accès?
"Elle était top hein?" dis-je à l'Homme.
"Aucune idée, je n'ai pas écouté".
Texto de MTG pour savoir si l'Homme a tenu le coup...je me sens seule au monde, je reprends des chocolats à la guimauve.

En tous les cas, dur dur pour Marc Trévidic de passer après cela.  "Punaise, un juge ? un juge anti-terroriste en plus...". Tiens l'Homme émerge de son livre. Marc Trévidic, c'est la caution "actualité" de l'émission, le côté commémoratif. Sauf que quand on lui demande s'il est ou a été Charlie, il répond que "oui", il est contre la violence. Marc, ce n'était pas la question. Certains n'étaient pas Charlie l'an dernier, mais n'étaient pas pour autant pour le terrorisme...mais passons. Le débat Charlie était un peu plus complexe que ça quand même. Dans Alham (un roman yeahhhhhhhh) c'est l'histoire d'un frère et d'une soeur qui choisissent chacun un chemin différent: l'extrémisme fondamentaliste pour le frère, l'humanisme pour la soeur. Tiens l'Homme lève la tête: "il doit se baser sur tous les dossiers qu'il a du traiter". Nan? Tu crois ?!! (Sherlock l'Homme). La perspicacité de ma moitié ne tient pas longtemps : "Tu crois qu'il sest fait botoxer?". Je ne vois ni le rapport ni le fondement de sa question, et ne me donne plus la peine de répondre. "Un roman qui confronte la création artistique et l'intégrisme". Le propos du juge me plait L'intervention de Jean d'O (encore?!) nettement moins. J'aime l'ode à la fiction de Trevidic. Et là, moment de gloire, François pose LA question de l'homme : "vous êtes vous inspirés de vos dossiers pour créer vos personnages?". Finalement l'Homme pourrait présenter LGL. De mon côté je salue le très beau propos du juge sur les vertus du roman qui va plus loin et qui touche plus que l'essai, les statistiques, les événements et les faits, qui touche à une sorte de vérité. J'applaudis avec mes deux mains et engloutis les dernières papillotes de Noël.

Texto de MTG: pro d'Ormesson (tu crains)

crédit photo : LGL
Attention François remet ses lunettes pour nous annoncer sa surprise : Gérard Oberlé. Pastille découverte: un grand monsieur chauve récite des vers dans un manoir. L'Homme a eu peur, il est parti fumer. Visite haut de gamme : superbe bibliothèque "bardé de livres comme un rempart contre la connerie du monde". J'aime. Un manoir, le Morvan, des livres anciens, incunables, éditions originales du XVIIe siècle et autres choses précieuses qui rendent jaloux...bref un type qui a la vie dure. Anecdote avec Jim Harrison qui a donné naissance à un roman. Je découvre un personnage récurrent créé par Oberlé...Chassignet. "Bonnes nouvelles de CHassignet" dont François nous enjoint à faire un best-seller. Je note dans un coin de ma tête, j'aime cette respiration, ce rendez-vous devrait me mettre en joie. 

Jeu de lunettes, donc: nouvelle surprise !!!! Les 20 ans de la mort de Mitterand (j'avais 16 ans j'étais en 1ere littéraire dans un lycée paumé au fin fond de l'Ardèche, je buvais du pastis le samedi soir - parce que ça saoule vite-, que je vomissais avant 6h le dimanche, j'étais amoureuse et avait une super bande de copines délurées avec des foies de compétition...bref, le bon temps). Je termine ma tisane aux plantes.

Et attention, un face-à-face entre deux journalistes qui viennent chacun vendre leur bouquin sur Mitterand (vive le commerce de la commémoration). Georges-Marc Benamou vs/ Jean-Joël Jeanneney  autour de la question : "Mitterand était-il un grand écrivain" (sachant, que chez nous, les gens du peuple, un écrivain c'est quelqu'un qui vit de la vente de ses livres...mais bon, c'est une réflexion de la base).

Vu que Benamou a TOUT relu ce qu'a écrit l'ancien président, la réponse est claire :  "on est face à un authentique grand écrivain". Même si Benamou nous précise que "ce n'était pas un écrivain de l'imagination". Ah bon ? c'est possible alors ? Comme un musicien sans oreille finalement, où un maçon manchot. On apprend que Mitterand avait une fascination de l'Italie et de la Renaissance, trois mots sur les Médicis, Machiavel. D'accord. On apprend aussi qu'il a failli faire un livre sur le coup d'état de Napoléon III, (j'ai complètement perdu l'Homme en route - d'autant que nos familles n'étaient pas du même côté en 1981). Benamou, il est fan de fan de Mitterand. La vérité c'est qu'on s'ennuie un peu : Cecile a l'air ailleurs, Trévidic semble penser à autre chose, Edouard Louis a le regard fixe, seul d'Ormesson participe et se régale visiblement de l'évocation des vieux souvenirs. 

Petit sursaut lors de la sentence de Jeanneney : "aimer la littérature ne suffit pas à être écrivain" (ça c'est sûr, sinon la blogo entière se déclarerait auteur). Intervention de Jean d'O (punaise de punaise, il ne s'arrête jamais) : Mitterand n'était pas écrivain. Benamou va s'étrangler, on le sent en souffrance. Les 3 autres auteurs sont ailleurs, perdus dans un autre espace temps. Jeanneney traite Mitterand de vhichysto-résistant:  "un type qui qui est passé par Vichy avant de comprendre, au bout de 3 ans, qu'il valait mieux passer dans l'autre camp". Punaise, ça dérive. On n'est plus du tout dans la littérature, Jean d'O et Benamou se disputent ce qu'a dit réellement Mitterand lors de la dernière nuit à l'Elysée (tout en s'envoyant des fleurs complaisantes). L'Homme se fait un bol de céréales "je me demande si je n'ai pas un peu grossi avec toi quand même"...Minute conjugale intense, générique de fin. 

Bon...la Grande Librairie nouvelle version, c'est moins de fiction, plus d'actu et  quelques trouvailles intéressantes. On mise beaucoup sur une émission qui accueillerait "des romanciers de l'imagination. On espère aussi qu'elle mettra en lumière des auteurs, des romanciers, plus ou moins connus...

C'était Galéa et l'Homme, pour vous servir.