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jeudi 31 décembre 2015

My december

Une idée de génie pour le cadeau de Noël de Papa / L'automne qui s'éternise/ C'est flippant cette douceur quand même/ L'échographiste qui ne changera jamais/ My third aura donc les membres courts, une grosse tête et un nez épaté/ L'Homme et ses phrases "Tu vois le progrès quand même, tu viens pour vérifier que le bébé va bien, tu sors en ayant peur qu'il soit moche"/ Mais on n'en veut pas de ta photo 3D punaise / Les élections qui font mal / Des donneurs de leçons, des commentaires de comptoir / Dans convaincus, il y a surtout "con" finalement / Et si ne pas être sûr de tout tout le temps n'était pas le salut de notre civilisation décadente / J'ai voté 10 ans par défaut / Stop / Le Livre de Dina qui m'emmène ailleurs / Numérobis qui bluffe tout le monde avec son violoncelle / Des anniversaires en cascade / Les enfants de l'hiver / Une visite chez l'orthophoniste / Pas de nouvelle de Livre-Photo de Papa ? Nan mais il ne devrait plus tarder / 2015, c'est quoi finalement? Une année de tragédies nationales et de deuils familiaux / Et puis My third quand même / Il sort toujours quelques chose de beau de ce qui est douloureux / Col: 47, postérieur, fermé / Frimer devant les copines qui me prédisaient un accouchement en avance / "Maman tu as oublié le cadeau de Noël aux maîtresses" / Ah oui complètement oublié cette année / Attaquer HHhH / Col ramolli et court / Mais non voyons, il y a 10 jours j'étais au top / Colis Privé ou l'impression d'être chez Kafka / Préparer Noël quand il manque la moitié des cadeaux / Punaise: 100 pages, 450 photos, 15 ans de souvenirs familiaux des heures de boulot / Noël ne peut se faire sans ce livre photo / Catherine Certitude dans ma boîte aux lettres / L'avenir de la Poste est assuré tant qu'il y aura des blogueurs / "c'est fou les colis que vous vous envoyez alors que vous ne vous connaissez même pas" / Mieux que tu ne le penses l'Homme / Que nous restera-t-il de 2015 ? le sentiment que ceux qu'on aime sont précieux / "Tu vas l'appeler Thérèse? Tu es sûre? C'est ce que ta fille dit à tout le monde, mais je te jure Galéa à mon avis tu as au moins une génération d'avance, ça craint pour le bébé" / Je rêve de cigarettes, de bières et de run / "C'est bientôt fini tinquiète" / Pas trop vite non plus hein /
"Mamie, elle a dit que ses autres petitts-enfants étaient mieux élevés et plus agréables que Numérobis et moi (WTF?), et quand je lui ai répondu (WTF ?! ), elle a dit que j'étais vraiment la fille de ma mère (WTF ?!!!!!!)/ On ne répond pas à ses grands-parents, punaise/ L'impertinence et l'insolence ne sont pas ce que je leur ai donné de mieux / Peut-on réussir Noël avec des cadeaux qui manquent, une belle-mère qui nous déteste, et des contractions fortes et rapprochées ? / Galéa tu te calmes, tu ne vas pas accoucher dans la voiture le soir de Noël, arrête de pleurer maintenant / Pas d'accouchement, pas de disputes et une super Lulux qui a trouvé des cadeaux de substitution pendant que je chouignais sur mon colis perdu / Un beau réveillon avec beaucoup de rigolade / Pleurer devant le pommard que tout le monde déguste religieusement/ L'esprit de Noël /  "Du velours punaise, c'est trop dommage que tu ne puisses pas" /


Un coffret Chanel, des livres, du parfum, des dessins, une sculpture... / Numérobis qui fait le show, Rayures qui bat un beauf un peu ivre aux échecs / On résiste : on rigole / Qu'est ce qu'on garde de 2015 ? / Pas mes cheveux en tous les cas, ni l'appartement, ni une certaine insouciance / Je jette aussi la vanité -après avoir toujours prétendu le contraire - / On garde l'essentiel: my third, le plus longtemps possible -au chaud dans mon corps sain-, l'amour des siens, même différents, même divergents, même pas d'accord (et on oublie qu'hier il y en a qui sont allés voir Laurent Gerra)/ S'aimer les uns les autres le plus longtemps possible et mesurer sa chance /  Et continuer à se disputer copieusement sur tout et n'importe quoi...sinon on risque de vraiment perdre l'essentiel ;-)



Joyeux réveillon à tous les amis (ou pas d'ailleurs...la saint-Sylvestre, c'est quand même surfait), je m'en vais briller de mille feux dans ma tunique à paillettes, je vous dis à l'année prochaine.

Sur une idée de Moka

dimanche 27 décembre 2015

Le Livre de Dina

Herbjørg Wassmo, Le Livre de Dina (1989)
10/18, 2014, 606 p.
En novembre, avec les événements que l'on sait, il me fallait un grand bol d'air, quelque chose qui m'emmène ailleurs tout en me gardant bien accrochée, parce que bon, je n'étais attentive à rien. Il me fallait LE livre qui m'attende le soir, il fallait qu'entre nous il y ait une relation durable et solide, quelque chose de pas trop introspectif (ça m'ennuie), ni trop politique (ça me hérisse). Pas une histoire d'amour ni de guerre non plus, car je n'ai pas de coeur et plus de nerf. Je ne pouvais pas me lancer dans quelque chose de trop ardu littérairement (parce que de ce côté là soyons honnête je ne vais pas vers le mieux, je sème mes neurones à mesure que mes cheveux épaississent), ni de trop indigent (car je reste snob). On en était là quand j'ai trouvé la solution.

Heureusement, j'avais Le Livre de Dina de Herbjørg Wassmo offert par ma co-parturiente Léo l'année dernière pour Noël. Malgré sa couverture un peu inquiétante (genre romance du XIXe siècle) et un titre, de mon point de vue, ambivalent, ce roman attendait patiemment son tour sur l'étagère des livres à lire (un meuble IKEA, anciennement meuble de couture, devenu bancal et poussiéreux, destiné à bientôt accueillir du matériel de puériculture, si je parviens à retrouver le  bon carton quelque part entre le dessus des l'armoire des filles, la cave de ma mère et le garage de mon père).

Effectivement, Le Livre de Dina était  mon antidote personnel, sachant que (Léo ne faisant pas les choses à moitié) j'avais les 3 volumes d'un coup. J'ai donc lu d'une traite et sans césure les tomes de la saga (je suis du coup incapable de dire quand finit l'un et commence l'autre). Soyons clair, Herbjørg Wassmo m'a offert, au coeur de cet automne triste et tragique, une Dina très romanesque (sans romantisme effréné), dans une Scandinavie du XIXe siècle (totalement imparable pour le dépaysement). Dina,  c'est une héroïne un peu à la sauce des celles des Fletcher: seule, inmaîtrisable, moyennement sociable, en fusion avec la nature et entretenant un rapport étrange à la mort .

Bref, je m'éparpille. Le Livre de Dina, c'est l'histoire d'une héroïne que l'on découvre enfant tragique et traumatisée et que l'on va suivre jusqu'à l'âge adulte dans le premier tome, "Les Limons vides". On chemine alors à côté d'une Dina, qui, telle ces femmes puissantes, est bâtie comme un homme (pour moi qui ai toujours été une demi-portion, il y a quelque chose d'assez fantasmatique là dedans), qui n'a peur de rien ni de personne,  qui bouscule toutes les conventions sociales (et moi qui pensais que j'exagérais parfois, franchement j'ai carrément de la marge), tout en se hissant dans la hiérarchie de la notabilité de sa région. Dans le second livre, "Les Vivants aussi", elle s'affirme de manière assez exceptionnelle et il faut attendre, la toute fin du troisième livre "Mon bien-aimé est à moi", pour comprendre complètement la terrifiante scène d'ouverture lue 600 pages auparavant.  Rien à dire.

Le Livre de Dina c'est aussi un décor splendide : la mer évidemment (qui serpente entre les fjords), les grandes demeures norvégiennes, des forêts à perte de vue, des rivières où tout peut arrêter, le froid, des nuits et des jours qui n'alternent pas comme ailleurs. Des animaux en veux-tu en voilà. Bon moi les animaux ce n'est clairement pas mon truc (et la nouvelle lubie de l'Homme et de Rayures de nous faire adopter un iguane me désole plus qu'autre chose). Mais là, l'animal, le cheval de Dina, fait partie d'un tout, et ça fonctionne car ce cheval est presque un personnage à part entière.

Dans les livres concentrés sur un héroïne, en général ce qui pêche ce sont les hommes. Pas là. Herjbjørg Wassmo nous offre des hommes, des vrais, pas des figurants. Il y a le père (procureur norvégien qui mérite le détour par son impossibilité totale de contrôler sa fille), il y a le professeur de violoncelle (un être malingre et généreux qui m'a émue profondément), Jacob le mari (dépassé par sa jeune épouse fougueuse), le fils (aussi sombre et rentré que sa mère), le beau-fils (ambigu, complexe et complexé), Thomas, le Russe, je n'en dis pas plus pour ne pas déflorer l'intrigue...mais vraiment, il y a de magnifiques personnages, travaillés, complexes, ambivalents. Pas de bons ni de méchants.

Sans compter un rapport merveilleux à la maternité et à l'enfantement, toutes les autres femmes du roman sont des mères nourricières, sacrificielles, magiciennes. Wassmo touche finalement à quelque chose qui confine à la magie et à une rudesse vraiment étonnante.

Et puis, il y a la mort et la foi qui rodent tout le roman, les versets de la Bible en exergue des chapitres, les fantômes, des scènes sensuelles (et un peu plus que ça même) sont très réussies, assez crues sans jamais être vulgaires. Avec en fond musical les cordes des violoncelles, des phrases russes et des mots norvégiens, le poids des embruns, l'odeur du printemps et le bruit de la neige.

Le Livre de Dina c'est une fresque formidable et réussie, antidote formidable aux périodes troublées, de ces merveilleuses embarcations littéraires qui finalement nous emmènent ailleurs, dans une autre mesure du temps et des gens. Très clairement, c'était le livre à lire cet automne. 

Fournisseur de ce billet: Miss Léø, mon binôme hormonal depuis le mois de mai (que je remercie et à qui je souhaite de belles dernières semaines)

vendredi 18 décembre 2015

Lettre à François : LGL du 17/12 (vous pensiez que j'étais snob?)

Mon cher François,

Tu sais que j'ai du batailler pour mettre l'Homme devant ton émission hier soir (alors que passait sur Arte le dernier épisode d'Occupied), j'ai du faire un peu de cinéma  (en me tenant le ventre d'un air douloureux, mettant ma varice en évidence sur la table basse). Car sache-le François, l'Homme peut faire des concessions sur la littérature mais peine beaucoup beaucoup avec la variété française (16 ans qu'on évite le sujet lui et moi pour la survie de notre mariage).

Alors soyons honnêtes, dans le genre je suis sûre que c'était réussi comme émission, mais hier soir, ça n'avait rien à voir avec une émission littéraire, on se serait plutôt cru un dimanche après-midi chez mes beaux-parents. François, je te le dis, tes lunettes n'ont pas suffi. Et en plus ce n'était pas en direct, du coup ça donnait l'impression que vous aviez enregistré avant pour être tranquillement en vacances le jeudi soir pendant que la ménagère de plus de 50 ans restait devant sa télé. 

Pourtant je t'assure mon François que j'ai joué le jeu dans un premier temps. Tu vois par exemple quand l'Homme n'a pas vu le rapport entre Julien Clerc et la littérature, je lui ai tout de suite rétorqué Grémillon, et quand il a cité  Les Contemplations de Victor Hugo (22 secondes), je lui ai dit "ah tu vois l'Homme, y 'a un rapport". Bon c'est sûr, dire qu'on lit Balazc depuis 2 ans en faisant des pauses, je ne suis pas certaine que ça pousse les gens vers les librairies, mais bon....

Ce qui aurait pu nous sauver c'est Gainsbourg (un des rares chanteurs sur lesquels l'Homme et moi sommes d'accord). Hormis la prestation de Julien et de Jeanne Cherhal qui n'était pas d'un dynamisme exceptionnel, le reportage sur lui était intéressant, vraiment. Mais bon, Julien Clerc qui vend le roman méconnu de Gainsbourg sur un pétomane, c'était à peu près aussi efficace que Maîté qui proposerait le calendrier des Dieux du Stade en faisant du porte à porte. Même avec les extraits, même pour des fans, c'était bof bof. 

Du coup, avec Max Jacob, j'ai cru que l'Homme allait réagir (rapport à Jacob, à Quimper), mais non, à ce stade on l'avait déjà perdu, il lisait le tome IV du Trône de fer. Par ce que les livres que tu présentes, et celui de Jacob comme les autres, donnent l'impression d'être des prétextes pour justifier le titre de l'émission.

Et puis vraiment, tu ne nous as rien épargné quand même, même pas Laurent Gerra (je n'ai rien contre lui, il fait beaucoup rire les gens au Théâtre des Deux Anes), mais là, franchement, quelle consternation. "Tu penses qu'ensuite il y aura les jongleurs et le magiciens ?" m'a demandé l'Homme vachard.  L'imitation bizarre de Luchini qui lit du Trierveiler, c'est vraiment limite limite...et même si tu étais hilare, je me suis dit que franchement je ne suis pas la plus snob de nous deux, parce que c'est vraiment facile de se moquer de la littérature de caniveau qui se vend comme des petits pains dans une pseudo émission littéraire. Ca a un vague côté "l'hôpital qui se moque de la charité". C'est drôle au début, et finalement assez indigne sur la fin du sketch. Moi tu sais Trierveiler, je ne la lis pas, mais je ne vomis pas dessus non plus. Tu sais qu'à ce moment là, je me suis vraiment demandée ce que je faisais là. Surtout quand tu as conclu sur le livre de Laurent Gerra (WTF????).


A 21h19, je me suis dit que j'allais éteindre, ce serait plus sain pour tout le monde. Mais une copine m'a fait culpabiliser.  Et puis, c'est vrai, Souchon m'a enthousiasmée par son manque totale de posture, d'arrogance ou de snobisme justement. Il me plait Alain, avec sa coiffure aléatoire, sa voix en sous-régime, son allure chétive sans être malingre, et ce petit air de ne pas y toucher tout en envoyant un petit swing. Hormones obligent, il m'aurait presque arraché une petite larme sur "Rien ne vaut la vie". Et puis bon, ça a permis à l'Homme de sortir de sa grotte et de me raconter (pour la 312è fois) qu'il a croisé son fils et celui de Voulzy en boîte à Carnac...dans les années 90.


A 21h30, c'est ensuite Morel qui m'a retenue devant la télé. A 21h41, l'Homme m'a sorti "Et si je me faisais tatouer le prénom des filles sur l'avant bras?".  Il est sauvé par la photo de Brassens, qui m'a valu un sarcastique : "c'est avec ton père que tu aurais du regarder LGL". La vieille dame qui sommeille en moi, a son petit coeur qui s'affole quand j'entends "C'est les gars de la Marine et de toutes leurs petites chéries...". Apothéose avec l'Orage...Acmée avant l'apodose. 

A 21h53, je coupe la télévision, malgré  la surprise promise par Jeanne Cheral, malgré Isabelle Carré qui lit Bashung...mais BAshung sans la mélodie...bon bah on a l'impression qu'il manque un truc (la musique sans doute). Ce doit être la différence entre la variété et la poésie. 


Tu sais mon François, malgré mon amour pour Brassens et ma tendresse pour Souchon (et Isabelle Carré qui est fan de Modiano) je ne suis pas le public cible de ce genre d'émission. J'ai abandonné pitoyablement sous l'oeil goguenard de mon futur tatoué d'Homme. 


Tu vois en fait, je ne suis pas snob François je suis juste devenue quelqu'un d'ennuyeux, voire de chiant en fait. Je regarde les émissions littéraire pour voir Marie-Hélène Lafon parler des vertus de l'adjectif qualificatif dans un roman, ou entendre notre goncourisé Enard nous balancer sa joyeuse érudition. J'étais venue vers toi pour entendre Ferrari nous illuminer avec sa diatribe sur la physique quantique, ou Vargas faire son festival en surjouant la scène où Robespierre lui demande d'entrer dans son roman.

Tu vois François, même Souchon s'est permis de te dire qu'on ne pouvait pas mettre Le Bateau ivre et Foule sentimentale exactement sur le même plan. Ce n'est pas un jugement de valeur tu sais, on a besoin de divertissement mais effectivement, la variété et la littérature sont deux choses différentes, on a besoin des deux, mais ce n'est pas la même cuisine. On sait bien tous les deux que ton émission d'hier soir ne fera vendre aucun livre aux libraires (si ce n'est celui de Gerra, mais ce sera ce week-end à Auchan dans le caddie des courses). ON sait tous les deux que personne ne va aller, suite à ton émission, se jeter sur l'oeuvre intégrale de Verlaine, ou le roman de Gainsbourg. Il restait des auteurs de cette rentrée de septembre qui méritaient d'être invités et mis en valeur ;-)

Après je peux comprendre que tu aies davantage envie qu'on t'associe à Lavoine qu'à Bobin. Lavoine on le reconnait dans la rue quand Bobin est un illustre inconnu pour la majorité des gens. Et avec un brushing aussi impeccable, je ne peux que comprendre que rester à ton âge au niveau de l'animateur télé reconnu par la blogueuse littéraire no-life et la retraitée de l'Education Nationale de plus de 60 ans, ça ne te suffise plus. Tu veux du glamour et je peux le comprendre, d'autant plus qu'on sent bien que Drucker est sur la fin.

Je me doute qu'on se lasse vite des ombres littéraires qui ne seront jamais aussi brillantes que la chanson, la variété et les people. Tu vois, là je me sens un peu comme quand tu as quitté la tranche de 17h sur Inter  (à l'époque ou la grille était encore branchée culture et qualité de contenu), à un moment on veut mettre son talent au service d'autres choses que des bouquins poussiéreux et des érudits mal habillés.  La plupart des romanciers sont des hommes de l'ombre, et ils entraînent les journalistes littéraires dans leur grotte (rho les cons). Du coup, je m'inquiète de ce que deviendra LGL à la rentrée, que restera-t-il de littéraire dans le nouveau format?

Je sais bien que la mode actuelle consiste à dire que tout est culture et que tout est littérature,  sauf que pour moi, la littérature c'est quand un lecteur paie pour acheter un livre qui permettra à tous les maillons de l'économie du livre de vivre (auteur, libraire, éditeur, imprimeur etc...). Pardon mon François mais ce que tu as fait hier n'en était pas.

Alors ne t'inquiète pas, ton émission a été très appréciée en général, sur ce coup, je serai le vilain petit canard (avec Attila), tu vas avoir tous tes fans, et tous les amateurs de chanson française qui vont me tancer sur mon propre blog, je vais avoir le droit à tout, je le sais d'avance: ouvrir la littérature au plus grand nombre, les chanteurs sont de poètes,  halte à l'élitisme etc ... (toi et moi savons bien que ce sont des foutaises hein).

Notre service public pouvait se glorifier de maintenir à une heure convenable une émission où des auteurs s'exprimaient et dans laquelle des romans avaient la vedette (je pense que la variété n'est pas sous-représentée sur les chaînes de télévision). Sommes nous condamnés à entendre jusqu'à la fin des temps que l'émission d'hier soir a eu une plus grande audience que celle que tu as d'habitude, et que ce seul fait justifie que malgré le titre de "grande librairie", il n'y avait pas un seul romancier sur le plateau? Tu étais notre dernier bastion, à nous, les pas marrants, les relous des soirées, les no-life sociaux, à nous qui lisons des romans sur la plage en dédaignant Gala et Closer. Tu étais notre rendez-vous secret, avec des inconnus connus de nous et qui nous rendaient heureux.

Bien à toi mon François, passe de bonnes fêtes avec les tiens.

Galéa (fais gaffe je suis à deux doigts de la dépression pré-partum là)

mardi 15 décembre 2015

Evasion: photo du mois #12

Le thème de ce mois de décembre choisi par Nicky était Evasion.

J'avais abandonné l'idée des barreaux de prison (trop explicite), laissé tomber celle des livres (un peu facile pour un blog "littéraire"), hésité avec un panorama de montagne (un peu trop Yann Arthus Bertrand dans l'idée), oublié  la fenêtre ouverte (qui pourrait être mal interprétée), ainsi que la piste d'aéroport (pas suffisamment esthétique)...
J'en étais là quand les bateaux se sont rappelés à moi.
Et bien que je vomisse moins de 10 mn après être montée à bord, alors que je n'ai pas du tout le pied marin et vu que j'ai peur des creux, de la navigation hauturière, je reste fascinée par la navigation, les marins et les voiliers.
Snobisme oblige, je trouve le yachting extrêmment vulgaire, mais reste assez renseignée sur les tonnages et techniques des frégates et vaisseaux du XVIIe siècle.

Je déclare donc le vent, la voile et la boussole comme les vraies valeurs sûres de l'Evasion 
(en alliant silhouette élégante, sobriété du décor et intemporalité du thème) 



Allons voir comment mes petits amis se sont évadés ce mois-ci: Visites et voyages, Galéa, Suki, Nanouk, J'habite à Waterford, Morgane Byloos Photography, Les Filles du Web, Lavandine, Philisine Cave, Laulinea, A'icha, Luckasetmoi, Lyonelk, Chiffons and Co, Pilisi, magda627, Akaieric, Sinuaisons, BiGBuGS, MauriceMonAmour, Woocares, Brindille, Giselle 43, Kenza, Mirovinben, Noz & 'Lo, Autour de Cia, Champagne, Voyager en photo, La Fille de l'Air, N. Madiot, Rosa, E, KK-huète En Bretannie, Tambour Major, Eva INside-EXpat, Renepaulhenry, Chat bleu, Lavandine83, Laurent Nicolas, Dr. CaSo, Estelle, Les Bazos en Goguette, Sous mon arbre, El Padawan, Aude, Julie, Danièle.B, Carole en Australie, MyLittleRoad, Cara, Frédéric, Céline in Paris, Xoliv', Guillaume, Les bonheurs d'Anne & Alex, Calamonique, Pixeline, Canaghanette, Thalie, François le Niçois, Rythme Indigo, Marie, Lau* des montagnes, AF News, Homeos-tasie, Dame Skarlette, DelphineF, Blogoth67, Cricriyom from Paris, Loulou, Koalisa, Dom-Aufildesvues, Gilsoub, Christophe, Tuxana, Chloé, Testinaute, Alban, Milla la galerie, Pat, CécileP, Krn, Mamysoren, Philae, Nicky, Mon Album Photo, Alexinparis, Josette, Mimireliton.

mercredi 9 décembre 2015

Lettre aux usagers de Facebook en période d'élections électorales

A toi l'usager Facebook, avec qui on rigole bien quand tout va bien; à toi qui me racontes tes péripéties, tes mini-coups de gueule et tes enthousiasmes futiles. A toi le blogueur littéraire (car l'essentiel de mes contacts Facebook appartient à la blogosphère) à qui je parle bouquins, éditeurs, prix et autres joyeusetés du monde du livre. A toi l'ami, le citoyen sur l'épaule duquel on pleurait ensemble il y a moins d'un mois...j'ai à te parler. 
crédit photo: journaldugeek.com

J'aime et je like les photos de tes enfants, de ton chien, de ta sortie piscine ou course à pieds, de ton assiette, de ta nouvelle couette, des travaux dans ton salon, des boutons de varicelle de ton petit dernier, de ta vitre de train, de ton gouter qui s'est renversé dans ton sac, de tes voyages formidables....tout ça me rend heureuse et me donne la vague impression d'être sociable et intégrée (et soyons claire, pour une no-life comme moi, c'est un vrai luxe). 

Seulement voilà, n'oublie pas le principe de base:  nous sommes Français, donc inhibés. C'est culturel que veux-tu. Nous n'avons pas le côté no-tabou de nos amis américains, et j'ai envie de dire qu'après la récente sortie de Donald Trump, ce serait presque une chance. 

Partons donc du principe qu'il y a deux ou trois sujets qu'il vaut mieux que tu te gardes pour tes noëls en famille, tes conversations avec tes amis ou les apéros enflammés avec des gens de ton camp. Globalement, il faut que tu te dises que tes pratiques sexuelles, tes croyances religieuses (ou non croyance d'ailleurs parce que dis donc, les gens qui ont la foi n'ont pas le monopole de l'intolérance), ton rapport à l'argent, et surtout tes analyses politiques, franchement on peut faire sans...et j'ai envie de dire, on doit faire sans. 

Comprends moi l'ami. Moi j'ai été élevé dans une famille dite "dysfonctionnelle", ou personne ne vote (ni ne pense, ni ne marche) du même côté. L'inconvénient, c'est que chez nous, aucun repas ne se termine sereinement. L'avantage, c'est que je suis devenue quelqu'un de tolérant (et d'indécis aussi car choisir entre son père et sa mère, c'est pas si simple, et crois-moi j'aurais à dire là dessus, mais ce sera pour une autre fois).

Du coup (comment te dire?) je suis un peu gênée par cette deshinibition politique qui pullule sur notre cher réseau, ma deuxième maison, mon havre social à moi: Facebook. Car sache-le, le principe du militant de base (qu'il soit religieux, politique ou sociétal), c'est d'être sûr d'avoir raison contre tous les autres qui naturellement ont tort. Mais à la limite, bon, c'est le jeu. 

Le problème, c'est qu'entre le facho complètement décomplexé qui affiche ses opinions racistes sans honte, le type de gauche qui va m'expliquer que la droite et l'extrême-droite c'est pareil, le type de droite qui répète à n'en plus pouvoir que c'est le gouvernement est responsable de ce carnage,  et tous ces convaincus ensemble qui vont taper sur l'abstentionniste qui finalement se révèle comme LE coupable de l'année 2015 (plus que l'EI et le FN réunis), c'est trop.

Quand, en plus, chacun pense qu'il est tout à fait légitime à insulter ceux qui ne votent pas comme lui, ou pire ceux qui ne votent pas du tout, je n'en peux plus. Car à force d'utiliser des mots orduriers à l'encontre des uns et des autres, à force de vouloir démontrer à quel point tu crains pour la démocratie et pour la tolérance, ça commence à me faire sérieusement penser aux résistants de la dernière heure en 43-44, de ceux qui mettaient plus de coeur que les autres à tondre les femmes qui avaient couché avec les Allemands, pour bien montrer (ou convaincre) qu'ils n'avaient rien à se reprocher. 

Pour moi la fin ne justifiera jamais les moyens, car les remèdes peuvent être pire que les maux, l'histoire l'a prouvé (j'ai des preuves si tu veux). Quand on n'est pas capable de bien se tenir, on ferme sa grande bouche. Quand on n'est pas capable d'écouter l'opinion des autres, on ne se réclame pas de tolérance. Quand on n'est pas capable de laisser les gens voter ou ne pas voter, on ne se dit pas démocrate. Aucun principe politique ni moral ne justifiera jamais l'utilisation d'injures aussi vulgaires qu'illégitimes. Sans faire d'élitisme à deux sous (vraiment ce n'est pas mon genre), je ne suis pas certaine que tout le monde soit vraiment en mesure d'analyser une situation politique complexe. Je ne dis pas que seuls ceux qui sortent de l'ENA ou Sciences-PO en sont capables (ben non vu l'état du pays, ça serait un peu risqué), mais disons quand même que le petit côté "café du commerce", on s'en passerait sans problème (parfois, il nous manque juste "Remets nous une tournée Francis, toujours ça que les Boches n'auront pas")

Tout ça pour te dire que, de la même manière que pour tes positions préférées au lit, le montant de tes économies sur ton Livret A ou ton rapport à Dieu, Allah ou Yahvé, tes analyses de comptoir sur l'avenir politique de mon pays, je m'en balance, et je dirai même plus, je préfèrerais les ignorer, parce qu'honnêtement, je ne suis pas sûre qu'elles t'avantagent tant que ça (tu n'as pas remarqué que même certaines grandes gueules des réseaux sociaux se sont mis en retrait ces derniers temps?).

De cette année 2015 (dont on ne sortira pas indemnes) on retiendra les attentats, les polémiques, la haine, et les certitudes. Les cohésions nationales n'auront été que de courtes durées, tellement chacun est certain d'avoir raison sur tout.

Alors tu sais quoi, quand on a un besoin viscéral d'étaler sa vie sexuelle, on va dans des établissements spécialisés (cabinets de sexologue ou club d'échangisme) ; quand l'argent est une obsession telle qu'on en parle tout le temps, on appelle son conseiller financier et on compte ses économies en silence ; quand on a une foi inébranlable, on intègre les communautés religieuses (à la synagogue, au temple ou à l'église) ou on arrête d'y aller quand on ne se sent pas à sa place (en laissant les autres faire ce qu'ils veulent), et quand on veut faire de la politique, on prend sa carte, on milite, on va aux réunions, meeting et on distribue joyeusement des prospectus avec la tête de son candidat dessus...

Mais on laisse les autres tranquilles car, en leur âme et conscience, ils font ce qu'ils pensent être le plus juste, le plus honnête pour eux et leur nation. La liberté c'est ça. Il y a plein de manières d'être citoyen, et il n'est pas certain cher ami, que tu détiennes de vérité universelle à ce sujet.

Alors, toi l'ami Facebook (que je n'ai plus, car j'ai fermé temporairement mon compte de blogueuse), contente-toi de montrer ta dernière tarte aux pommes sans lactose, les dessins de tes gosses, la couleur de ton mur, râle contre ton train en retard, ton collègue un peu lourd, ton ascenseur en panne, mais n'oublie quand même pas la règle de base du vivre-ensemble: la liberté de chacun s'arrête quand elle empiète sur celle des autres, et les propos de chacun sont acceptables tant qu'ils ne s'acharnent pas gratuitement contre autrui. 

Le mieux c'est que tu gardes tes opinions sensibles pour toi (ou trouve- toi un boulot d'éditorialiste dans un journal engagé  au sein duquel tout le monde sera d'accord avec ce que tu écris).

PS: à la base je devais parler aujourd'hui du Livre de Dina, mais mes hormones étant ce qu'elles sont, j'ai un mal fou à me maîtriser, et je dois dire que je me fiche totalement de perdre les amis réels ou virtuels qui ne respecteraient pas ce principe de base qui consiste à respecter les autres. Et vu que ce blog ne me rapporte rien et est totalement bénévole, je me contrefiche d'une perte de notoriété virtuelle.

A bon entendeur.
Salut.

mercredi 2 décembre 2015

My (darling) Third : le prénom

On approche de la date fatidique (bien que je sois beaucoup moins grasse que je ne l'aurais souhaité mais bon), on remplit le dossier de l'anesthésiste, de la clinique (et surtout des dépassements d'honoraires et clairement cette année, soit on faisait le troisième enfant soit on changeait la courroie de distribution de la voiture et on achetait des pneus neige...bon bah...pas de ski cette année). A chaque fois, il y a la case "prénom du bébé" à remplir, à chaque fois je ne mets rien, à chaque fois, je pense à ma belle-mère "c'est important le prénom, vous savez, elle va le garder toute sa vie".

Sans blague ?!!!!!!!

Venant de quelqu'un dont le fils trouve atroce son prénom, je dois dire que ça ne manque pas de piment.

Quelles sont donc les vraies questions à se poser pour le choix du prénom ?
(Galéa, service public pour vous servir).

D'abord il est nécessaire de bien prendre en compte le nom de famille. Car, même si c'est une fille, on n'est jamais certaine qu'elle se mariera (et le cas échéant ni qu'elle prendra le nom de son mari). A titre personnel, j'aurais aimé éviter de prendre celui de l'Homme mais mon nom de jeune fille n'était pas non plus ce qu'on pouvait faire de plus glamour, donc je me suis résignée. Si vous n'avez pas un patronyme très "passe-partout" ou un peu ridicule, voire un peu "connoté", je dis : attention au choix du prénom. Un nom de famille terroir ou très régional, s'accorde rarement avec un prénom exotique ou ethnique. Je garde un souvenir ému d'un Géronimo Lozachmeur, un de mes premiers étudiants en TD, dont j'évitais de lire le nom en entier pour ne pas rire. Où que tu sois Géronimo, j'espère que tu as trouvé ta voie.

Le prénom c'est le moment où on se met d'accord dans le couple (à côté de ça, monter un meuble Ikéa c'est une lune de miel). Car chacun sait que le prénom c'est un signal, un marqueur social, une manière de se positionner par rapport aux autres. Soyons honnêtes, un Brandon ou une Jennifer s'intègrera difficilement avec un groupe de bobo qui écoutent France Culture, lisent Télérama et boivent du thé Mariage frères.  Une Emérentienne risque tout autant de se sentir décalé dans une boite de nuit un peu branchée.

Le prénom régional est risqué aussi, sauf si on veut toute sa vie rester au même endroit et que son enfant n'en parte jamais ensuite. En ce qui nous concerne c'est mort, mais on s'est quand même renseigné. Au delà des Maëlle, Gwenaëlle ou Soisic, globalement passées dans le langage courant (et déjà porté par des cousins au premier ou deuxième degré), avec l'Homme, on craint que Koridwenn ou Houarnevenn (surtout collé à des Galets) ne soient pas facile-facile à porter sur le littoral méditerranéen. Il a donc fallu chercher ailleurs.

Le prénom en vogue est également risqué, même par inadvertance, on m'a signalé plusieurs Loana née en 1999 qui sont en dépression.

Le prénom ancien, doit être vraiment ancien mais pas trop. Attention, les prénoms des années 40 ne sont pas encore revenus à la mode. Un nourrisson de 2015-16 n'est pas encore prêt à se faire appeler toute sa vie Renée, Micheline ou Gérard (mais sans doute y pensera-t-il pour ses propres enfants) Ceci-dit, le prénom trop ancien pourrait déstabiliser aussi , l'Homme a récemment refusé celui Aldegonde.

Car la vraie question est la suivante : jusqu'à quel point envisage-t-on d'être originaux ? Mon beau frère n'ayant donné que des prénoms inventés à ses enfants, nous avons mesuré le risque. Si tu tombes sur un gamin qui a hyper confiance en lui, qui cultive l'originalité, qui ne se fait pas marcher dessus, c'est banco. En revanche, si tu as un modèle timide, qui n'aime pas se faire remarquer, il vaut mieux prévoir le budget pour réparer les dégâts à l'âge adulte (Achille, le meilleur copain de Rayures est maladivement timide, avec du recul on se dit qu'il n'a pas fini d'en baver le guerrier grec).  

Si l'Homme et mois sommes d'accord pour trouver un prénom qui existe (malgré notre gout commun pour la bière et le tabac, nous avons renoncé à Malbo et Despé, ça sonne mal avec des Galets), il n'est pas encore prêt à appeler l'une de ses filles d'un nom dérivé d'une fleur qui pousse pourtant en Bretagne. Quant à moi, je refuse les héroïnes de Bande Dessinée (Numérobis a proposé Jadina en vain) et les personnages des chansons de Gainsbourg (Mélody Nelson, ça a de l'allure, Mélody des Galets tout de suite ça rend moins bien ).

Mais quand on se pique d'être quand même un peu au dessus du lot, n'est pas simple non plus. Rayures et Numérobis ont des homonymes depuis la crèche, et son condamnées à être Rayures G et Numérobis G, jusqu'à la fin de leur scolarité. Numérobis nous a de toutes manières prévenus qu'elle prendrait un nom de scène quand elle sera chanteuse-danseuse-violoncelliste.

Rajoutons qu'il faut éliminer une partie des prénoms déjà donnés par les amis proches et moins proches, les cousins germains et éloignés, ceux réservés par la frangine pour ses futurs enfants (alors que je suis sûre qu'elle n'aura que des fils) ; auxquels s'ajoutent également ceux des petites soeurs des copains des enfants "attends maman, tu vas pas appeler le bébé comme ça, tu verrais comme la petite soeur de X est moche, et en plus il parait qu'elle bave et qu'elle pleure tout le temps".

C'est pourquoi, il est absolument nécessaire de ne le dire à personne avant l'accouchement. Vous pensez être sûr de votre entourage ? Vous vous trompez. Tout le monde a un avis sur le prénom du futur bébé. Même des enfants de moins de 10 ans. Il y a dans les gens qui vous entourent un gros relou qui oublie de réfléchir avant de parler, il se cache souvent sous les traits de quelqu'un de tout à fait intégré socialement. Il se contentera peut-être d'une moue expressive qui veut dire que c'est bof bof (niveau 1). Peut être surjouera-t-il la surprise à coup de grand "non, c'est pas vrai, vous n'allez pas l'appeler comme ça, vous nous faites marcher", qui veut au fond dire qu'en mauvais parents vous condamnez votre enfant à une vie pourrie (niveau 2). Si cela ne dépasse pas ces deux niveaux, vous êtes chanceux. 

Car il est aussi possible que le gros relou prenne ostensiblement un air gêné en "préférant se taire", avant d'avouer, faussement gêné, que c'est le prénom d'un enfant décédé/handicapé de sa connaissance, avant de conclure cruellement "pour moi ce prénom restera toujours associé à ce douloureux événement".  Et ça, je peux vous dire que c'est du vécu.

Dieu merci, dans la plupart des cas, ça reste quand même acceptable:
décembre 2008 -"Numérobis ? c'était le nom de ma grand-tante, elle piquait"
novembre 2015-"My Third, oh punaise c'est bizarre, j'en ai connu une, tout le lycée lui était passée dessus"... (l'Homme a frôlé la crise cardiaque)
mai 2006 - "Wow Rayures des Galets? Punaise vous prenez un risque les amis, s'il y a une nouvelle guerre, elle va avoir des soucis".

Voilà, si vous voulez éviter tout ses commentaires désobligeants, bêtes ou les deux, gardez votre choix pour vous, jusqu'au jour de la naissance.

D'autant qu'au bout du bout du compte, la question reste entière : est-ce le prénom qui fait l'enfant ? Jusqu'a quel point est-ce important et crucial? Une troisième soeur récupère-t-elle ce qui a été recalé pour les deux premières. Rayures aurait-elle été moins lunaires si on l'avait appelée Violetta, Numérobis aurait-elle eu une voix moins rauque si on l'avait appelée Claire?

Quant à moi, serais-je davantage sortie du lot si mes parents avaient été un peu plus originaux? Pour être sûrs de ne prendre aucun risque, ils m'ont donné le prénom qui allait aux riches comme aux pauvres, aux branchés, aux ringos, aux lettrés et aux analphabètes. J'ai 203 homonymes rien que dans ma ville (c'est Leroy-Merlin qui me l'a dit), et plus de 2000 en France (c'est Nespresso qui me l'a dit). Je reçois donc des propositions de conventions obsèques, de véranda, de crédit à la consommation, de relooking pas cher.

Qu'en sera-t-il pour my Third, dont j'espère encore que l'Homme acceptera le prénom qu'il a refoulé pour les deux premières 'au prétexte étrange que la consonance lui faisait penser à son grand-père (alors que franchement : aucun rapport, mais il reste un Homme).

A ce stade de ma grossesse, je suis à deux doigts de lire des études assez poussées sur les prénoms les plus donnés aux musiciennes, tueuses en séries, femmes fatales, dépressives chroniques, championnes du monde d'athlétisme, Prix Nobel de physique etc...histoire de faire les choses bien....

Ou alors....

Je fais comme je le sens.

Car je reste malgré tout convaincue qu'il y va des prénoms comme des natures de cheveux, quel qu'il soit on en aurait préféré un autre (avant d'accepter, en vieillissant, ce que l'on est).

lundi 23 novembre 2015

Le Onzième Jour

Le premier soir, à 22h07, une amie sur Facebook (oui je sais c'est moche, je passe ma vie sur les réseaux sociaux) n'arrivait pas à rentrer chez elle, à cause d'une rue bloquée à Paris. Le temps que l'Homme parvienne à s'extraire de sa nouvelle lubie (Face off: encore une émission qui porterait la responsabilité de notre divorce le cas échéant) et qu'il passe sur les chaînes d'info, à 22h30 on savait déjà que c'était des attentats terroristes.


Le deuxième jour, on s'est réveillé au son du glas et des 129 personnes abattues (sans distinction de sexe, de religion de couleur de peau, ni d'âge). Après la phase "textos tous azimuts" (on a tous quelqu'un à Paris ou pas loin: des Bretons qui ne trouvent pas de travail en Bretagne, des copines jurées Elle, une tante qui nous fait toujours une blanquette à tomber par terre quand on monte....bref, il y a eu le temps du harcèlement.) "L'un dans l'autre sur les 10 millions de Parisiens, vraiment ça aurait été étonnant que tu connaisses et tiennes à quelqu'un sur les 129" (les interventions pertinentes de l'Homme seront en italique pendant tout le billet). 

Mais même en ne connaissant personne, même en n'ayant aucun proche à pleurer, on rentre dans la phase : perte de dignité. C'est quand même moche de pleurer devant ses enfants sans discontinuer. Je ne me suis juste arrêtée pour hurler sur Rayures qui ne trouvait pas ses chaussettes et qui allait être en retard à ses activités.

Le troisième jour, on se surestime, on résiste (enfin les autres surtout) : "Hors de question qu'on change quoique ce soit, on maintient les activités des enfants" (il est comme ça l'Homme, il tranche). Donc pendant que tout le monde emmenait mes filles à droite à gauche, j'ai sangloté en peignoir sur ma tablette devant les réseaux sociaux, à regarder les photos des disparus.

Finalement les 129 morts nous ressemblent dans ce qu'on a de plus viscéral, "oui enfin Galéa, notre dernier concert c'était en 2002" (ça c'est l'Homme; dès que j'ai 2 ou 3 réflexions métaphysiques il s'incruste, il fait le type éberlué, il m'énerve). Disons que si je n'étais pas névrosée et si je n'avais pas peur de la foule et des pièces borgnes, j'aurais pu leur ressembler ; "avec un chanteur français dépressif alors, où la moyenne d'âge serait plus proche de celle de ta mère, parce qu'à part ton vieux CD d'Iron Maiden, on ne peut pas dire que tu écoutes du métal en boucle hein. " (Dieu qu'il est pénible cet homme). Il y a les bières en terrasse aussi où j'aurais pu être un vendredi soir, "mouaich allez va pour le Scwheppes agrume à 18h, on va dire que tu seras crédible", mais j'aime me retrouver entre amis à refaire le monde dehors -parce qu'on fume même s'il fait froid : "mais à 21h tu piques du nez ma pauvre surtout si le lendemain on doit se lever à l'aube pour emmener Rayures à une compétition de l'autre côté du département". M'en fiche, même à 1000 km du Xe , c'est à la possibilité de vivre comme cela qu'on a touché, c'est le droit d'être libre et insouciant qu'on a fracassé. C'est cette possibilité, cette chance qu'on croyait évidente et inaliénable qui nous échappe maintenant. 

Toute la journée je me suis dit qu'une information allait surgir du style: "tout l'état major a été arrêté, l'EI est complètement démantelé, dormez sur vos deux oreilles braves gens...". A la place, j'ai eu des copines qui faisaient tourner de prétendues informations sur un éventuel attentat dans ma ville. 

La quatrième jour, on retourne travailler, on papote devant l'école, on prévient les enfants, on console les copines plus fragiles qui pleurent devant les grilles, on s'inquiète de la maîtresse et de cette heure de discussion obligatoire qui peut être un carnage. On reprend le cours normal de notre vie. Enfin on le croit, mais bon voila, voilà, nous, enfants des années 70-80, la guerre on en a jamais entendu parler que de loin, le grand truc bouleversant pour notre nation, c'est le comportement inexcusable de l'équipe de France en 2010 en Afrique du Sud, du coup, on ne sait pas bien comment réagir, donc on essaie de penser à autre chose, et quand on y arrive pas on pleure. Rayures me récite en boucle l'Albatros (son intonation n'est pas très loin de celle Malraux lors de l'entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon, parfois je me demande quand même si je ne devrais pas les mettre davantage devant la télévision, mes filles appartiennent à un autre siècle). 

Le cinquième jour, on sature un peu des posts dégoulinants, du pathos gratuit et qui n'apporte rien, on supporte mal les témoignages pourris (du style : "je mangeais un panini dans le 18ème quand j'ai compris qu'il se passait quelque chose"), on a envie de claquer ceux qui connaissent quelqu'un dont la cousine avait un ami qui justement proposait deux places pour le Bataclan ce soir-là. On croit que c'est fini mais en fait non. C'est une gueule de bois qui dure et c'est pas si facile de passer à autre chose finalement. Et puis les termes ont été posés, l'état d'urgence déclaré, la psychose installée...et pendant ce temps, j'oublie d'aller chercher mes résultats de glycémie (diabète gestationnel or not ?)

Le sixième jour, l'assaut est donné à Saint-Denis, on se désole de la récupération politique indigne, des procès inutiles, des postures électorales, des experts qui viennent nous expliquer la situation, à coup de grands mots savants sortis tout droit de leur labo de recherche, ras le bol des émissions anxiogènes. On fait des polémiques sur tout et n'importe quoi: sur le drapeau français, le "pray for Paris", la Marseillaise, histoire de rester bien français quand même, pour l'unité et la tolérance on repassera. Numérobis a perdu son cache-coeur de danse, Rayures doit réviser les grandes dates napoléoniennes. J'ai vraiment envie de fumer. L'Homme verse sa larme devant Wembley en bleu-blanc-rouge. 

Le septième jour, il y a les langues qui se délient, des racistes qui sortent du bois pensant qu'avec tout ça, ce n'est plus si honteux d'être extrémistes. Il y a des enfants, dans les cours de récréation, qui ânonnent fièrement les opinions politiques de leurs parents. On se serait bien passé de savoir ce que votent les gens de notre quartier, surtout quand ce sont des copains. L'impression que le sujet "attentat" fait vendre, toutes les émissions font leur "spécial"- qui n'apporte rien-, du journal de M6 à la Grande Librairie "il perd pas le Nord ton François, hein, il va pouvoir se régaler en littérature qui répare.....".  Rayures nous montre sa choré de jazz dans le salon et se fracasse le genou sur le coin de la table basse.

Le huitième jour, on s'insurge des gens qui continuent comme si de rien n'était. Prise d'otage à Bamako pendant qu'un blog fait gagner des bons cadeaux (si on partage son post, like sa page et dépose un commentaire), "hé ho les gars c'est les mêmes méchants là ", c'est moi ou franchement c'est indécent ? Certains racontent encore leurs petits soucis quotidiens, (exemple : "la batterie de mon portage a lâché, sale semaine"). On croit que c'est fini, mais vraiment pas en fait. Une vague envie de vomir. "Tu ne supportes pas qu'on fasse comme si de rien n'était, mais tu ne supportes pas non plus qu'on en parle, tu veux quoi au fond?". Du silence.  Et un peu de dignité aussi. Numérobis rentre de l'école avec deux invitations à des anniversaires. 

Le neuvième jour, ça fait une semaine qu'on ne blogue plus, ni sur le sien ni sur celui des autres. Une impression latente de vacuité, je renonce à publier mon billet sur Tarte aux pommes et fin du monde. Bruxelles est une ville morte et en danger, Numérobis lit la clé de Fa plus vite que ses lignes de lecture.
J'envisage qu'on se retire tous dans la montagne, on fera l'école à la maison et je trouverai bien une sage-femme un peu baba-cool avec des fleurs dans les cheveux, qui me fera les monitoring du dernier mois avec un verre de cantine Duralex et un vieux tendeur. Elle m'accouchera à l'ancienne avec des encens, en jouant des airs sympas à la guitare. Nous aurons notre potager, et nous serons totalement autosuffisants  (de toutes manière vu le nombre d'amis qu'il va nous rester après l'arrivée de My Third, c'est juste de l'anticipation).  J'apprends que la saison 6 de Dowton Abbey reprend le 5 décembre, je rajoute une box dans mon organisation en ermitage. 

Le dixième jour, c'est journée sans radio. On se fait plaisir avec quelques acteurs télé oubliés de tous qui livrent leurs impressions "en tant qu'artiste et parisien", un vieux cabot se prend pour Jean Jaurès et s'exprime avec emphase, une chanteuse -qui ne vend plus de disque depuis 10 ans- tente de ressusciter  sur la scène médiatique  grâce à des textes hyper intimes sur les attentats. Tout le monde a un avis sur tout, même ma boulangère qui m'explique ce qu'il faudrait faire en Syrie et comment gérer la jeunesse qui se radicalise. On se moque, on brocarde mais le coeur n'y est pas...Rayures m'avoue avoir foiré son évaluation sur Napoléon "j'avais oublié la date de Waterloo".  L'Homme décline ma proposition de vie naturelle et protégée. Les 60 ans du Masque me passe au dessus de la tête, même plus envie de les critiquer, je n'écoute pas l'émission. My Third se prépare les JO 2032 dans mon ventre, essentiellement entre 2 et 4h du matin, du coup j'ai hyper bonne mine. 

Le onzième jour, on rallume l'ordinateur (et on s'aperçoit que depuis le début du billet, on a fait tout ce qui nous énerve chez les autres). #CohérenceQuandTuNousTiens

Le onzième jour, on n'a pas tellement le choix: la vie continue.
On accepte que, pendant quelques temps, la vie ne soit plus tout à fait comme avant.
On  va accepter que ce qui est le plus précieux à nos yeux est infiniment fragile.
On se dit qu'on va un peu plus prendre soin des gens qu'on aime. 
Les enfants gâtés que nous sommes viennent de se prendre une sacrée claque : nous qui avons connu les rave parties, les restaurants où on pouvait fumer, les boites de nuit sans capitaine de soirée, la techno, Nirvana, où le truc le plus politique qu'on ait fait, c'est sécher le lycée en 95 pour aller manifester (sans comprendre quoique ce soit aux enjeux de l'époque, mais on n'avait pas réviser son latin). 

Même si la plupart de notre jeunesse triomphante est rangée des camions en banlieue - ou pire, en province- croulant sous les obligations domestiques d'anniversaires et activités diverses et variées, même si on est souvent bien trop fatigués ou trop mal organisés pour sortir le soir, n'empêche que cette vie là, celle qui a été la cible du vendredi 13, ça a été la notre à un moment (et on comptait bien remettre ça un jour futur).

Alors le onzième
jour, on va essayer d'être un peu moins égoïste, un peu moins pleurnichard, un peu plus attentif, plus tolérant aussi et retrouver sinon un peu de légèreté, au moins un peu d'humour, ce qui, en l'état actuel des choses, serait un minimum de politesse.

dimanche 15 novembre 2015

Mémoire : Photo du mois # 11

El Padawan avait choisi le thème de la mémoire pour la photo de novembre... et nous sommes quelques uns à avoir, aux vues des circonstances, adapté ou changé notre photo, parce qu'il était difficile d'ignorer ce vendredi 13 novembre.

Au début, avant vendredi, je m'étais dit que Numérobis et son violoncelle seraient tous les deux parfaits pour illustrer la mémoire, parce qu'il y a cette clef de Fa à ne pas la confondre avec celle de Sol, parce qu'il a fallu que ses petits doigts gauches gardent en mémoire leur place sur le manche et que sa main droite retienne la bonne position  pour tenir l'archet.

J'avais aussi prévu un texte drôle et caustique sur les mémoires familiales, avec une histoire de flambeau que se transmettent les musiciens d'une famille, ceux du dimanche, ceux qui auraient aimé l'être plus, ceux qui n'ont jamais réussi à l'être. Je me réjouissais d'avance d'évoquer les cours de piano de ma soeur, la guitare du père, le saxophone (à moins que ce ne soit la trompette) du grand- père, le violon de la cousine, je terminais avec mon expérience dramatique de l'alto et ma famille déconfite devant mon absence totale d'oreille, de rythme et de sensibilité musicale . . j'enchainais sur la mémoire du violoncelle de la photo, dit violoncelle 1/4 n°18,  qui passe de mains en mains depuis des années, avec cette saison une Numérobis motivée qui poursuit les efforts de ceux qui se sont entraînés sur cet instrument avant elle, enfants devenus grands, violoncellistes confirmés ou musiciens dilettantes. Je terminais sur la mémoire des cordes en littérature, avec extraits de Confiteor à la clé...bref, j'avais prévu un truc travaillé...(c'est ballot, vraiment il était bien, en toute modestie bien sûr, il y avait du rire, de l'émotion, de la référence un peu pointue...dommage, dommage).

Et puis il y a eu le  vendredi 13 novembre. 



Alors, dans la mesure où on a encore rien trouvé de mieux que la création artistique pour lutter contre la barbarie, cette photo du mois sera notre réponse familiale aux horreurs de vendredi dernier. Car quand on est en guerre, ou quasiment, ou pas loin, il faut bien lutter. Et vu que chez nous on ne fait pas de politique (parce qu'on ne sait pas fermer sa bouche à temps), qu'on a raté le concours d'entrée  aux RG  (parce qu'on a du mal à se faufiler discrètement quelque part), qu'on est trop vieux pour intégrer l'armée (et  trop daltonien pour la passerelle aussi), il fallait bien qu'on trouve une autre manière de lutter.

Nous pensons que les mots, les notes et les oeuvres plastiques résistent au Mal depuis que le Monde est Monde, et prouvent  à chaque fois que L'Homme peut aussi créer du beau et du lien.

Et je dirai que c'est le moment où jamais de s'en souvenir.

Il y a donc ceux qui ont tiré à l'aveugle à des terrasses de café mais aussi Vercors qui a écrit le Silence de la mer. Il y a ceux qui se sont faits exploser tout près du Stade de France et Picasso qui a peint Guernica. Il y a ceux qui ont lâchement abattu dans le dos des spectateurs au Bataclan et Barenboim qui a fait jouer ensemble du Wagner par des Israëliens et des Palestiniens.

L'art contre la barbarie donc (même si très clairement, on ne peut pas tous être des auteurs bouleversants, des peintres géniaux ou des chefs d'orchestre formidables), le Beau contre la cruauté.

A notre niveau normal (ni terroriste, ni artiste génial), on peut se vautrer dans ces images affreuses qui tournent sur les réseaux sociaux, on peut tous se dire qu'on s'aime et qu'on est unis (mais en ce qui me concerne, je sais que je ne suis pas crédible dans ce rôle, vu le nombre de gens avec lesquels je me suis fâchée cette année), on peut -et on doit- pleurer sur les disparus, la cruauté, la folie des hommes, mais sans doute aussi se doit-on, pour nos enfants et ceux des autres, de continuer de défendre ce que l'Homme crée de mieux depuis l'origine du monde : le son, le verbe et l'image....

En guise de lutte, nous allons donc continuer de "jouer" de la musique (vu le niveau actuel de Numérobis les guillemets sont nécessaires), de lire, de bloguer, de dessiner et de rigoler un peu aussi. Bref tout ce qui est inutile et qui rend l'humanité meilleure.

Donc aujourd'hui, je choisis le violoncelle de Numérobis 
comme arme de guerre, acte de résistance et moyen d'espérer encore.



Billet à la mémoire de 130 morts parisiens.
Fluctuat Nec Mergitur
Message personnel pour Léo:  on a bien choisi notre moment hein ?


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vendredi 13 novembre 2015

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Haruki Murakami
L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (2013)
10/18, 2015, 355 p.

Pas de compte-rendu de La Grande Librairie aujourd'hui, l'Homme a surchauffé hier soir sur Cheng ("je ne comprends tout ce qu'il, dit dis donc, c'est très abstrait ce soir"), j'ai eu beau lui expliquer que c'était une thématique autour de la poésie, il est resté bloqué et ça ne s'est pas arrangé sur Jarry ("non mais attends ,elle a tout piqué à mes auteurs SF en fait, allo, allo, il faut lui dire que ça a déjà été fait"), du coup sur Mordillat et Divry, c'était trop tard, il avait décroché et me parlait à tout bout de champ de détails domestiques, organisation logistique et m'a même demandé des conseils culinaires (WTF???????). Il a conclu avec cette grande phrase avant de passer sur D8 et Kingdom of Heaven (en me vantant ses qualités historiques) "Le problème avec tes poètes Galinette, c'est qu'ils oublient que la plupart des téléspectateurs bossent 12 h par jour, prennent des transports, assurent les repas, et arrivent à 21h complètement rincés, ils oublient que le mec de base qui travaille, le soir il veut des histoires palpitantes pas des réflexions métaphysiques sur l'ici, l'ailleurs, la technologie etc...". Il est comme ça l'Homme, un peu brut de décoffrage, parfois on peut en faire quelque chose et parfois non.


Bref, je n'ai pas pu voir convenablement LGL.

Du coup j'ai eu le temps de finir le roman de l'un des seuls auteurs sur lequel nous sommes d'accord : Murakami. Acheté de manière un peu frénétique chez mon librairie, pépité par Eva je ne prenais pas trop de risques (même si Aliénor ne l'a pas aimé), car Murakami est avec Modiano l'un des mes doubles littéraires (oui, bien qu'ils soient des hommes, et qu'ils aient l'âge de mon père).

J'ai toujours divisé les gens en deux catégories: ceux qui ont eu des années lycée exaltantes et ceux qui ont patiemment attendu que ça se termine pour entrer dans la vraie vie. Quelque soit le camp dans lequel on se trouve, je reste convaincue que les années lycée déterminent une partie de l'adulte qu'on est appelé à devenir.

Murakami est d'accord avec moi.

C'est donc l'histoire de Tsukuru, 36 ans, ingénieur à Tokio, solitaire et célibataire, monomaniaque des gares, qui revient sur la partie de lui qu'il a laissée à 22 ans,  quand le groupe auquel il appartenait l'a rejeté. Car oui Tsukuru s'apparente à la première catégorie, celle des gens qui ont été véritablement heureux au lycée, intégré au sein d'un groupe d'élèves de 2 filles et 3 garçons (ayant tous une référence colorée dans leur nom qui le faisait se sentir incolore), un groupe parfait  en somme avec le beau gosse sportif, l'intellectuel, la belle fille gracile, et celle dont le verbe savait taper juste. Au delà de l'aspect volontairement caricatural de la bande,  quiconque a connu un jour ces communautés formidables que seul le lycée offre s'y retrouvera.

Un jour , Tsukuru fut rejeté brutalement à 22 ans, tellement brutalement qu'il crut en mourir.

16 ans plus tard, il mène l'enquête, reconstitue les faits, retrouve ses camarades, demande des explications et tente, comme il le peut, de comprendre ce rejet et surtout de s'en remettre. C'est donc ce moment où l'on se retrouve face aux mythes de sa fin d'enfance, où l'on part à la rencontre de la face d'ombre de nos fantasmes adolescents, c'est aussi la découverte des incontournables drames de jeunesse (je m'arrête là pour ne pas gâcher le dénouement). Tsukuru se regarde alors par les yeux de ceux qui l'ont fréquenté à 17 ans et qui modifient la vision qu'il a de lui-même (car on se croit tous un peu transparents quand on est jeunes). Les années de pèlerinage, c'est ce cheminement qui permet de devenir adulte finalement.

J'ai adoré ce roman.

Déjà parce que j'ai retrouvé tout ce qui me plait chez Murakami: s'il n'y a pas de fantastique dans celui-là, il y a néanmoins la nuit et ses imprécisions, avec ses rêves, ses signes et ses fantasmes. J'ai retrouvé la femme assassinée (présente dans 1Q84) , cette violence intolérable et incontournable dont Murakami use souvent. On n'échappera pas à la question des sectes non plus, c'est diffus mais bien là, ni à celle de la jeune fille entre deux mondes:  mi femme-mi nymphe.

Mais au delà de cela, il y a la question de l'adulte qu'on devient, que j'ai trouvé admirablement traitée. A remonter la vie des 5 inséparables du lycée, on peut mesurer qui a fait quoi de sa vie, quels choix ont été déterminants. Bien sûr,  dans le destin des 5 amis, il y a quelque chose de caricatural et pourtant c'est tellement juste. 

Bien entendu un Murakami ne serait pas un Murakami sans quelques scènes de sexe, un ou deux mystères non élucidées, des réflexions sur la création, des introspections fréquentes, et cette peinture de la solitude urbaine japonaise qu'il réussit admirablement. 

L'incolore Tsukuru Tazaki c'est l'histoire d'un adolescent blessé qui va devenir adulte à la quarantaine, rien que pour cela, il ne pouvais que m'enchanter cet opus.

lundi 9 novembre 2015

Leïlah Mahi 1932

Didier Blonde, Leïlah Mahi 1932
Gallimard, 2015, 123 p.
Parmi les moments de grâce que je connais depuis l'ouverture de ce blog, il y a eu ce livre, arrivé sans prévenir  un soir d'octobre, expédié par mon parrain personnel (musique de Nino Rota) qui voulait me consoler de ne pas avoir été retenue pour une opération dont il est le parrain officiel et méritant (musique de Nino Rota).

Et là, mieux que n'importe quelle box, et sans avoir besoin de remplir de questionnaire, il a choisi LE livre de cette rentrée littéraire à côté duquel je ne pouvais décemment pas passer: j'ai nommé Leïlah Mahi 1932 de Didier Blonde, qui réussit en peu de pages, à rassembler à peu près toutes mes névroses, obsessions et blocages divers. Didier Blonde c'était l'auteur qui manquait dans ma bibliothèque. Ce billet sans aucune objectivité ne vise à convaincre personne qui ne soit pas déjà bien attaqué sur la question de la mémoire, de l'oubli et des enquêtes inutiles ou obsessionnelles. 

Point de roman ni de fiction, un récit plutôt, une enquête nous précise Gallimard, celle d'un auteur ou journaliste (on ne sait trop) qui développe une obsession à partir d'une pierre funéraire du Père-Lachaise sur le fronton duquel une photo fascinante convainc Didier Blonde de partir à la recherche de la personne qu'elle fut. On n'est pas très loin de la démarche de Dora Bruder.

Didier Blonde se dépeint dans cet essai comme un auteur de l'ombre, à la culture désuète et aux passions d'un autre temps (ma sympathie lui a été immédiatement acquise): "On pensait toujours à moi pour ressusciter le temps d'une projection devant un public clairsemé quelques actrices disparues dans l'indifférence" (p. 24). Comment ne pas m'émouvoir de cette anti-branchitude? Il est entouré dans son enquête par des amis, éditeurs ou spécialistes tout aussi décalés que lui, qui prodiguent des conseils qui gagneraient à être répétés (JdcJdr): "Pour faire entendre sa voix, il n'est pas nécessaire d'employer le "je", on peut dire souvent beaucoup plus à la troisième personne" (p.15).

Cet immeuble fut la dernière adresse connue de Leïlah Mahi.
En 1932, c'était une construction moderne, parmi ce qui se faisait
de mieux entre les deux-guerres (et encore aujourd'hui, ça a quand même pas mal d'allure.
C'est avec émotion que Numérobis
et moi avons été à sa recherche.
Et finalement, dans la digne file de Dora Bruder, on ne saura pas grand chose au final de Leïlah Mahi, mais un peu quand même, disons que l'intérêt de l'essai, c'est l'enquête plus que son dénouement. Je comprendrais d'ailleurs que cela ne suscite pas tous les engouements. Parce qu'il parle surtout de la recherche des traces du passé, des moyens réduits que nous avons pour faire ressurgir des individus enfouis dans l'oubli. Je pense à mes collègues de labeur (Eliza et Mathilde par exemple), que chaque phrase de Didier Blonde saura toucher : "Méthode policière. Je suis un détective de la mémoire" (p.52). J'ai rarement lu de passages aussi justes et poignants sur la vacuité de la recherche, sur la découverte désolante d'un immeuble enfoui sous une construction moderne (dont Proust et Modiano parlent si bien aussi). Il décrit remarquablement bien comment l'enquêteur, qu'il soit écrivain, historien ou journaliste, se raccroche péniblement aux états civils et autres reliques administratives pour tenter de récupérer ce qu'on peut d'un passé qui de toutes manières nous échappera, parce que c'est sa vocation. Et comme dans la plupart des oeuvres de Modiano, ce sont les bottins et adresses caduques qui ont le dernier mot.

Son enquête est aussi un prétexte à parler de la littérature, de l'objet-livre  et de ce qu'il renferme : "Chaque livre est un lettre adressée poste restante. Il referme un nom codé, une phrase secrète, un message crypté, destiné à être déchiffré par une seule personne" (p. 64). Je suis totalement enthousiasmée par l'idée que chaque livre contienne une bouteille à la mer destinée à une personne qui ne le lira peut-être même pas.

Je lance d'ailleurs un message personnel à Lux l'insulaire: pour Noël, je veux bien avoir L'Inconnue de la Seine de cet auteur au pied du sapin...(de ce qu'il en dit, j'y ai senti une accointance avec les noyées de la Seine chez Aurélien).

Je remercie du fond du coeur le parrain (musique de Nino Rota) pour la justesse de son cadeau et sa fidélité aussi discrète qu'indéfectible (c'est pas comme ça que je vais arrêter de me comporter en sale gamine trop gâtée mais bon). Et j'ai le grand plaisir de partager avec lui cette lecture commune enthousiasmante.

Ce billet est une participation au challenge A Tous Prix  d'Aspho la délicieuse, car en plus, les jurés des prix divers ayant une goût extrêmement sûr cette année, Leïlah Mahi 1932 a obtenu le prix Renaudot de l'essai, et c'est amplement mérité.