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samedi 27 avril 2013

Faux départs


Je le sais pourtant qu'il n'y a pas de réseau dans les montagnes. Mais disons que je comptais sur deux ou trois barres intempestives pour tenir mon blog à jour et aller sur les vôtres. Peine perdue: une semaine de sevrage blogosphérique. Bien sûr, Apple a eu la bonté de me laisser quelques ouvertures, j'ai pu lire un ou deux billets, la plupart du temps sans pouvoir laisser de message... 


J'ai aussi retrouvé les joies des vacances sans l'Homme. J'ai conduit une voiture qui n'était pas la mienne dans des routes sinueuses; personne n'a vomi (en soi c'est une exploit personnel) mais un lacet de plus et Rayures succombait à ma conduite aléatoire. Elle était tellement pâle qu'on y voyait presque à travers. 

Je devais partir à Paris, mais j'ai reculé au dernier moment. Faux départ. Je devais profiter d'une semaine ensoleillée, mais à part un arbre en fleurs, l'hiver est encore là. Faux départ. Ceci dit, maintenant que j'arrive à capter une radio française (oui, là bas nous sommes tellement proches de la frontière qu'on n'a accès qu'aux ondes italiennes), je me dis que si j'étais le printemps, ce n'est pas certain que je viendrais par ici.  

Entre le record du taux de chômage, les scandales judiciaires et politiques, le fait que tout le monde nous prenne pour des imbéciles, le beau temps se cache un peu et je le comprends (à défaut de l'approuver). La croissance devait remonter. Faux départ. Même avec une conscience politique aléatoire et influençable, pour le moral, toutes ces nouvelles sont quand même assez toxiques. 

Heureusement, je suis partie en vacances avec une valeur sûre: Villa triste  qui se déroule en Savoie, (près de chez mon amie ZAP) en face de la frontière suisse; c'était raccord, vu que moi aussi je touchais une frontière montagneuse... 

Nous avons donc repris le chemin du littoral au moment où les Parisiens arrivaient sur la côte d'Azur. Et comme dit ma sœur (qui a le don pour les phrases courtes et efficaces): "La vérité, ça fait de la peine!". C'est vrai qu'ils sont touchants ces Parisiens en quête de soleil, qui ont payé à prix d'or une location sur la Riviéra, et qui descendent de voiture, après 10 h de route, en espadrilles et caraco en coton, pour découvrir un temps digne de la baie d'Audierne au mois de novembre. Ils vont devoir supporter des commerçants méditerranéens dépressifs dès la première goutte de pluie, une circulation anarchique, des parcs trempés, des chaussées glissantes. J'habite une région totalement inadaptée aux intempéries (ex: pas de préau dans les cours d'école, quand il pleut, la récréation des enfants consistent à regarder la télé ...no comment).


Je file défaire les valises,  lancer des machines (qui seront sèches dans deux jours), ranger la maison, sortir les devoirs que nous ferons demain, comme ça aucune chance que ça se déroule sereinement (je candidate actuellement au poste de la mère la plus indigne de la région; il paraît que j'ai de bonnes chances). Ensuite je reviens sur vos blogs...


Je ne peux pas m'empêcher de faire plusieurs choses en même temps, ça doit être pour ça que je ne fais rien à fond. Hauts les coeurs les amis!

samedi 20 avril 2013

La mer et le silence-Peter Cunningham

Dans La Mer et le silence de Cunningham, forcément on entend Le silence de la mer de Vercors.

C'est le deuxième livre voyageur que m'a envoyé Fransoaz. Rien que le titre m'emballe...parce que forcément j'ai pensé au somptueux Silence de la mer de Vercors. Et j'avais raison. La Mer et le silence est un livre en deux parties...précisément deux manuscrits que l'héroïne, Iz, a rédigés puis transmis à son notaire après sa mort.

La première partie intitulée, Hector, s'ouvre en 1945, sur l'arrivée d'un jeune couple devant le phare dans lequel il va habiter. Rien que cela, je me délecte. Iz, d'une beauté troublante, n'a que 23 ans, et découvre l’extrémité d'un monde. "Pour dire le vrai, je fus ébahie par tant de mer et si peu de terre" (p.17). C'est dans ce phare qu'elle va vivre avec son époux: Ronnie Shaw. Elle est déjà enceinte de son fils: Hector.

On a tous un Ronnnie Shaw dans notre entourage. 

Mais si, c'est le type volubile, optimiste, enthousiaste, chaleureux et bavard...celui qu'on aime bien. Vous savez bien, ces garçons toujours avec trois projets en cours.... Les beaux parleurs, finalement un peu mythomanes, qui ratent leur vie en nous faisant croire que demain tout va changer. Ils sont toujours à deux doigts des grandes choses...et ils y restent. En général, ils sont tellement chaleureux qu'ils ne sont jamais contre une petite incartade conjugale. 

C'est un type de ce genre qu'Iz a épousé. Cette première partie m'a fait penser à Une Vie de Maupassant, en version irlandaise du XXe siècle. On se dit que c'est l'histoire d'une très jeune femme, mal mariée qui découvre les affres et les désillusions de la vie conjugale. A la page 123, je me suis dit "Pas mal...mais sans plus".

Mais ça ce n'est que la première partie...

Le second manuscrit est un superbe tour de force. 

On découvre Iz deux ans avant son mariage. Iz, jeune fille anglo-irlandaise, dans une Irlande qui cherche à reconquérir son identité. J'ai découvert ce qu'étaient les anglo-irlandais.
"unis par la lignée, les mariages consanguins, la religion, et par dessus tout, un non irlandisme radical. C'était le point qui nous définissait par excellence. Nous savions ce que nous n'étions pas..." (p.136).

Iz raconte pendant deux ans l'histoire de cette communauté coloniale fin de race, globalement désargentée dont les membres les plus lucides savent pertinemment que leur occupation de l'Irlande est en train de s'achever. Je connaissais assez mal ce sujet, et j'ai adoré découvrir tout cela.

Et bien sûr, Iz qui a à peine 20 ans en 1943, tombe amoureuse. Je n'en dirai pas plus; parce qu'il ne faut rien déflorer pour apprécier ce roman. Ce que je peux dire c'est que cette deuxième partie donne une autre couleur à la première, parce qu'elle lui est antérieure, mais aussi parce qu'elle éclaire tout, parce que les événements sont bouclés, compréhensibles. Parce que les fils épousent, sans le savoir, la cause contre lesquelles les pères ont combattu. Parce que Dublin prend une dimension. Et les désillusions d'Iz, en tant qu'épouse, sont encore plus tragiques quand on connait la jeune fille.

La mer et le silence parle de l'Histoire. 

L'histoire de l'Irlande évidemment, qui se défend de l'emprise de la couronne anglaise, sur fond de Seconde Guerre mondiale. Un conflit qui ne la concerne pas vraiment mais qui l'impacte quand même par les rationnements et les contingents militaires envoyés en Europe.

La Guerre est un personnage à part entière de ce livre; ils sont nombreux les hommes de ce roman à périr, sous l'uniforme britannique, sur des fronts incertains et peu glorieux, presque au pied de chez eux. J'y ai retrouvé avec plaisir, tous les ressorts des amours tragiques et des fresques historiques : la superbe héroïne, le traître, la déchéance des puissants, les convaincus jusqu'à la mort, la raison d'état, les sauveurs en tous genre, le suspens, l'enchaînement fatal des événements...et ce que certains de mes (ex)collègues appellent encore Le cours de l'Histoire.

Ici pas de déferlantes littéraires, comme le sont d'habitude les sagas historiques, au contraire tout est sobre, intelligemment suggéré. Iz est finalement l'héroïne courageuse, banale et dramatique d'un monde qui change.

C'est brillant, bien mené et instructif. On n'apprend pas les détails de l'histoire irlandaise, on devine une atmosphère, et c'est bien mieux. D'une lecture facile, c'est un livre exigeant qui prend son ampleur après sa lecture, quand on se remémore, en miroir, les deux parties. 
 
Je remercie encore Fransoaz et l'enverrai, toujours avec grand plaisir, à celui ou celle qui voudra le découvrir. Et je pense sincèrement qu'il le mérite.
 
Peter Cunningham, La mer et le silence,  Joëlle Losfeld , 2012, 242 p.
 

lundi 15 avril 2013

6 mois, une place dans la blogosphère

Voilà.
Comme chaque mois je fais mon bilan virtuel comme d'autres font le compte de leurs lectures mensuelles. La ce sera un peu en vrac...je cours, je cours...
Six mois que je tente de poster un billet par semaine et je n'ai plus l'impression d'être infiltrée, j'ai à présent le sentiment d'avoir une petite place sur la blogo.


Le blog a changé beaucoup de choses. D'abord ma manière de lire. Je suis devenue plus exigeante avec moi même. Je ne consomme plus les romans, je les termine en me posant vraiment la question de savoir si je les ai aimés, et pourquoi. Avant j'étais consumériste, à peine achevé, je rangeai le livre dans ma bibliothèque avec la date sur la page de garde. Avant j’enchaînais les livres, mais ça c'était avant (comme dirait l'autre). Maintenant, le billet que je rédige m'oblige à m'interroger. Non seulement, je lis différemment, mais je lis en interaction avec d'autres blogueurs, j'échange, je partage, je défends le roman que j'ai aimé, j'écoute les arguments des autres. Parfois même, je révise mon jugement, je m'imprègne de diverses sensibilités. 


Le livre voyageur auquel m'a initiée Fransoaz a réveillé chez moi une curiosité, un désir d'échange et de débat. La découverte de Gaëlle Josse a été une expérience émouvante. Le jeu de la PAL qu'a lancé Théoma m'a obligée à me creuser la tête pour mettre en scène les livres qui m'attendent sur ma table de chevet. Un petit jeu, certes sans prétention, mais qui stimule l'imagination et pose une certaine manière d'être ensemble.

J'ai aussi compris (grâce à Facebook essentiellement) que quand je vois fleurir la même semaine une dizaine de critiques positives sur un livre dont j'ignore tout de l'auteur, c'est en général parce qu'une maison d'édition a envoyé en rafale le même roman a plusieurs blogueurs dont certains ensuite jouent le jeu d'en faire un billet élogieux. Les blogs: des relais marketing? L'un dans l'autre... si Gallimard m'envoie le dernier Modiano dans deux ans, je pense que moi aussi j'en ferais une critique positive. Quoiqu'il existe aussi des lecteurs purs et durs, qui assassinent courageusement un roman qu'on leur a offert. Ceux-là ont tout mon respect! Parce qu'en tant que lecteurs, on aime, on admire, on adule les écrivains, alors quand l'un d'entre eux s'intéresse à nous, forcément on est plus complaisant.

Au delà des livres qui occupent une grande partie de ma vie, la blogo m'a été, je dois le dire,d'un grand secours dans une période de profonde incertitude professionnelle. Je me suis lamentablement mise à la couture et au crochet, Fanny m'avait écris un jour que sans son blog elle n'aurait jamais rien fait de ses dix doigts... mais surtout je me suis imprégnée des univers des autres, des talentueuses et des créatrices. Et je traque encore mon romancier-blogueur....en suivant en particulier les plumes d'Asphodèle et autres ateliers d'écriture de la toile.

Enfin, ma place sur la blogo, j'y tiens à cause de tout ce qui se passe en dehors du blog. Je n'aurais pas conservé longtemps mon anonymat puisque une bonne douzaine de blogueuses connaissent mon vrai prénom (le plus donné depuis 2000 ans) et mon adresse. Les liens off qui se tissent entre blogueurs n'ont d'une certaine manière pas de prix, et m'ont apporté un grand réconfort ces dernières semaines; elles se reconnaîtront, je n'ai pas besoin de les citer. Et je n'oublie pas Mme Anonyme qui fidèlement me fait un clin d'oeil à chaque billet et que je remercie de sa fidélité.

Pour conclure sur la blogo: j'y suis, j'y reste...et je mesure ma chance d'avoir cet espace virtuel rien qu'à moi.

mardi 9 avril 2013

Nos vies désaccordées

La blogo a ceci de réjouissant qu'il est des blogueuses, généreuses et confiantes, qui souhaitent faire voyager leurs livres aux quatre coins de la France: histoire de rajouter une histoire à l'histoire. Fransoaz est l'une d'elles. Elle m'a donc très gentiment expédié deux livres. J'avais hâte de lire Nos vies désaccordées parce qu'en plus de la beauté du titre, j'avais lu des critiques très élogieuses de ci de là.


Gaëlle Josse, Nos vies désaccordées
Autrement, 2012, 142 p.

Gaëlle Josse raconte l'histoire de François, un jeune pianiste virtuose, qui découvre un jour qu'une patiente d'un hôpital psychiatrique écoute en boucle ses enregistrements de Schumann. Parce qu'il sait précisément qui elle est, il quitte tout: Paris, sa compagne, son appartement, ses concerts et son agent. Il prend la route des Pyrénées retrouver Sophie, celle qui fut autrefois son grand amour.



C'est un bel ouvrage que ce roman. D'abord parce que c'est une histoire à rebours, qui déconstruit une rupture, qui n'en est pas vraiment une. Le propos est moins sur ce qu'il se passe quand François arrive à Valmezan que ce qui s'est passé avant que le couple se disloque. C'est donc l'autopsie d'une histoire d'amour...mais pas seulement.


Nos vies désaccordées ne désigne pas nécessairement deux personnes qui n'étaient pas en accord, c'est plutôt la rencontre de deux solitudes, de deux personnages privés d'amour, de deux écorchés finalement. La musique constitue le fond et la forme du roman. Même les personnages secondaires, particulièrement réussis, sont luthier ou violoniste. La sonorité de l'écriture de Gaëlle Josse est particulièrement envoûtante, elle a un rythme particulier, accessible et attachant. Assez triste aussi... sans être glauque. Ensuite la musique est le propos du livre. Pourquoi Sophie en écoute-t-elle? Pourquoi François en joue-t-il? Moi qui suis la seule de ma famille à ne pas avoir d'oreille, je suis toujours fascinée par la maîtrise du son et le plaisir qu'il procure. Gaëlle Josse fait de la musique à la fois un moyen de se comprendre et une finalité dans l'existence. 

Le seul bémol que je pourrais apporter (parce que j'ai été prof et qu'on ne se refait pas) concernerait les passages en italique à la fin des chapitres, qui évoquent, au présent, leur vie de couple d'avant. Ils m'ont plus déstabilisée qu'ils n'apportent une plus-value à l'histoire. Mais c'est anecdotique par rapport à l'ensemble du roman qui nous permet de flotter dans une ambiance qui oscille entre l'espoir de tout pouvoir rattraper et la fatalité de certains destins. D'autant que la fin a ceci de déroutant qu'elle reste en suspend; c'est au lecteur de choisir la tonalité qu'il lui donne.

Je remercie de tout coeur Fransoaz de m'avoir permis de lire ce livre (et le second que j'ai commencé avec plaisir) et j'enverrai avec grand plaisir ce roman voyageur à celui ou celle qui a la chance de ne pas l'avoir encore lu ...à bon entendeur...

jeudi 4 avril 2013

Le tag qui tourne (et qui traîne chez moi)

Patrick Modiano, Dimanches d'août
 
(1986) folio, 2001 (185 p.)
Voici maintenant un petit moment que Laure, Miss Léo et Malika m'avaient gentiment taguée...

Bon mais voilà j'ai eu un soucis avec ma boite mail...il ne m'en faut pas plus pour être débordée (quand on est mal dégourdie c'est pour toujours), c'est vrai aussi que j'ai quand même deux ou trois choses à préparer dans ma vie réelle...mais ça c'est une autre histoire...

Donc voici mes réponses au fameux tag des 11.

1: Quel est ton dernier coup de coeur?
Je n'en ai pas eu récemment (coup de coeur c'est quand TOUT m'a plu). Ceci dit j'ai relu Dimanches d'août de Modiano ce week-end (pour des raisons "professionnelles") et tout m'a plu. Donc je vais dire celui-là, même si c'est une relecture.

2: Et le dernier qui t'es tombé des mains?
Il y a 18 mois L'Art français de la guerre de Jenni (Goncourt 2011).

3: Quel est ton personnage de fiction incontournable?
Aurélien d'Aragon, que j'ai lu à 17 ans et dont je garde un souvenir intense. J'ose à peine rouvrir le roman de peur de ne pas être aussi éblouie. Si j'avais eu un fils....

Aragon, Aurélien  (1944)
folio, 1986, 635 p.
4: Qu'évoquent pour toi les contes de Canterbury?
Kensington Square de Vincent Delerm...(rien à voir. Mais vu que je ne les ai pas lus, c'est à cette chanson que je pense immédiatement).

5: Salé ou sucré?
Salé 

6: Biscuit ou bonbon?
Ni l'un ni l'autre: fougasse

7: Ovin ou caprin?
Etrange question, non? En fait je ne sais pas si je préférerais élever des chèvres ou des moutons. J'ai envie de dire que je n'ai pas d'avis tranché sur cette question.

8: Ou étiez-vous le 13 mars 2013 vers 20h30?
Je pense que j'étais chez moi, en train de boire une bière et manger des toasts d'anchoïade pour me remettre du marathon du mercredi- en plus d'être une petite nature, j'ai un penchant certain pour le tabac et l'alcool...(humour!)....

9: Y-a-t-il de la vie sur Mars?
J'ai atteint mes limites en physique-chimie dès la 4ème, je ne peux pas répondre à cette question en étant 100% sûre de moi, je préfère donc n'induire personne en erreur.

10: Connaissez-vous la grande question de la vie, de l'univers et du reste? Et la question?
Je vais demander aux frères Bogdanov (pardon!)



11: Si vous étiez un super héros ou une super héroïne, comment serait votre costume?
Etant une personne âgée dans ma tête, je m'identifie sans hésitation à Miss Marple. Je choisis pour moderniser un peu sa tenue et l'adapter à ma vie sur la côte d'Azur, un petit tailleur Chanel (tout ce qu'il y a de plus classique et intemporel finalement)..avec éventuellement un petit bibi!

Vu que je suis totalement hors délai, je ne tague personne mais toutes celles qui le souhaitent peuvent s'y coller (s'il en reste, je crois avoir vu ce questionnaire partout, c'est d'ailleurs pour cela que je ne tague personne, j'ai trop peur que les taguées y aient déjà répondu et que je sois passée à côté!).

En me relisant je m'aperçois que tout n'est pas très cohérent. Je dors peu en ce moment donc je me bride moins...ça a le mérite d'être sincère à défaut d'être très élaboré.

mardi 2 avril 2013

La Plume de l'ours

La plume de l'ours
Carole Allamand, La Plume de l'ours,
 
Stock, 2013. 391 p. 
Je me suis retrouvée un samedi soir devant "Ça balance  à Paris", fait rarissime puisque je ne peux jamais regarder cette émission qui tombe à une heure incompatible avec les obligations de mère de famille. Bref, la chroniqueuse parlait d'un thriller littéraire...donc forcément je me suis jetée dessus. (en fait on m'a offert le dernier Lévy pour mon anniversaire que j'ai été échanger contre La Plume de l'ours).


La Plume de l'ours raconte l'histoire de Carole Courvoisier qui a fait son doctorat sur Camille Duval, un auteur suisse mythique qui subitement a changé son style d'écriture. L'héroïne Carole concentre donc sa recherche (son post-doc je présume) sur la" rupture duvalienne", en arpentant les Etats-Unis à la recherche des causes profondes de ce brusque changement d'écriture chez un auteur national, aussi mystérieux que génial.

Tout, absolument tout, me plaît dans ce type de synopsis. Et tout,  presque tout, m'a emballée dans ce roman.

D'abord la chercheuse est une figure motivée et solitaire dans sa quête du mystère duvalien. Evidemment, elle m'a été immédiatement sympathique, d'autant qu'elle fume comme un pompier et manque d'embraser un campus universitaire dans un pays franchement réfractaire au tabac. J'ai aimé ses errances dans les fac, des grandes villes aux contrées reculées, avec des étudiants dont la bible est Google et qui manifestent un intérêt plus que modéré pour les études littéraires. 

J'ai aimé aussi les affres des Courvoisier, notables suisses touchés par le scandale. J'ai aimé la critique du petit milieu littéraire, et les atermoiements des éditeurs spécialisés. Bref tout ça me parle; forcément.On ne le lâche pas ce roman, c'est une lecture agréable qui nous emmène jusqu'aux confins de l'Alaska, aux côtés d'une ours femelle qui prend toute la place à la fin. Le surprenant parallèle entre l'ours et le roman n'est pas dénué d'intérêt. Je ne veux rien déflorer, mais il y a aussi une vraie réflexion sur l'amour atypique.

Il y a quelques chose du Joël Dicker dans La Plume de l'ours, parce que c'est la Suisse qui se déplace aux Etats-Unis, parce qu'il y a la question du romancier, de son identité, de sa notoriété et de son imposture. Il y a beaucoup de points commun avec le dernier prix de l'Académie française, avec une mise en abîme réussie et une belle description de l'Amérique.

Un bémol subsiste cependant si je veux être totalement sincère. Carole Allamand écrit bien, mieux que son compatriote Dicker. C'est propre, bien articulé, bien conçu. Mais l'auteur est piégée par son formatage universitaire (c'est fréquent chez ceux d'entre eux qui s'essaient au roman). Son personnage principal, qui porte le même prénom qu'elle et qui semble être son double, manque de chaire et de consistance. Elle est d'une solitude absolue, semble ne s'attacher à personne. Les personnages secondaires jalonnent son récit sans laisser de trace. Je pensais que Jasper (entre autres) resurgirait à un moment; mais non elle traverse seule les 400 pages. Carole n'a pas d'amis, pas d'amants; elle semble être un pur esprit occupé par Camille Duval et le tabac. Probablement l'auteur n'a-t-elle pas su prendre suffisamment de recul sur un personnage qui lui ressemble trop. Et cela, cette absence de supplément d'âme de d'affectif, refroidit beaucoup le récit, je le regrette un peu, c'est ce qui m'empêche d'en faire un coup de coeur (soupir!)

Mais c'est bien le seul point que je regrette dans ce roman palpitant qui pose encore une fois la question de ce qu'il reste des icônes littéraires...et c'est toujours un sujet qui m'enthousiasme...