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dimanche 30 novembre 2014

Ce n'est pas toi que j'attendais

Fabien Toulmé
Ce n'est pas toi que j'attendais
Editions Delcourt, 2014, 245 p.

Je lis une BD par an (sauf les Légendaires évidemment) et cette année, c'est Jérôme qui a décidé celle que j'allais lire, parce qu'il en a fait une pépite et parce qu'il me connaît mieux que je ne le pensais. 


Parce que franchement c'était pas gagné, pour moi il y a trop d'images et de dialogues dans les albums et en plus je ne suis pas très à l'aise  avec ce qui tourne autour des bébés, des maternités difficiles etc, et puis dès qu'un sujet est lourd, généralement, je pars en courant (courage quand tu nous tiens).

Donc une BD qui raconte l'histoire d'un couple qui se retrouve avec un enfant trisomique par surprise, sans que rien n'ait été détecté pendant la grossesse...c'était risqué quand même. Pire encore, c'est une BD témoignage, qui ne se cache pas derrière l'auto-fiction, les personnages portent leurs vrais noms et les situations se sont vraiment produites.

Mais, contre toute attente, ça a marché (il est fort ce Jérôme).


Déjà parce que c'est une BD qui visuellement me convient. Pas de débauche de couleurs (oui ça m'agresse sinon, ma couleur préférée est le gris #boutentrain). Chaque page est en camaïeu d'une seule teinte, en général en rapport avec le ton de l'histoire, et cela me plait infiniment. La sobriété dans les couleurs et le dessin m'a semblé très appropriée vu le sujet.


Ensuite, Fabien Toulmé se met en scène et ne s'épargne pas.  Je me suis sentie vraiment proche de lui et je comprends que Jérôme, en tant qu'homme et père, ait été à ce point séduit. Toulmé est très loin de l'archétype du père des années 50': il pleure beaucoup, se désespère sans honte, se désole sans pudeur. Il est aussi assez inconstant, versatile, inquiet, pessimiste et finalement un peu égoïste. C'est un père sensible et complètement dépassé (et horrifié) par la situation.


Enfin, cet album porte un regard formidable sur la trisomie. Le trisomique, c'est l'enfant anormal, celui qui subira la cruauté des autres (l'histoire s'ouvre la dessus d'ailleurs), celui dont les parents supporteront les regards inquiets, malveillants, désolés ou emphatiques sur un enfant qui fera tout plus tard et moins bien que les autres ("vous ne méritiez pas ça punaise"). Avoir un enfant trisomique, c'est être regardé différemment à mesure que le temps passe, c'est avoir un enfant pour toute la vie, un enfant qui ne sera jamais un adulte totalement autonome, un enfant qu'il faudra protéger tout le temps.

Si Jérôme a été gêné par le rôle effacé que Toulmé donne à la mère, moi, au contraire, j'y ai vu le coeur du propos. Ce que j'ai compris de cet album c'est qu'en tant que père, Toulmé a, lui, le choix d'aimer ou non sa fille, de s'en occuper ou non, de l'accepter ou pas dans son coeur. Bref, c'est le récit d'un type qui doit se décider sur le père qu'il va être, qui doit accepter qu'on n'attend pas un enfant comme on achète une voiture, qu'on ne choisit pas le modèle, et que défier les statistiques a parfois l'effet d'une douche froide. Toulmé nous dit qu'être parent, c'est accepter l'enfant qui arrive. Et quand je dis qu'il ne s'épargne pas, ce n'est pas un euphémisme, car il ne cache rien: la répulsion devant le nourrisson, l'impression qu'elle n'est pas "normale", l'espoir secret qu'elle ne survive pas à une opération, le refus de la prendre au bras ou de lui donner son bain. Tout cela, il le dit, avec humour, avec douceur, sans forcer le trait, mais il le dit. C'est à la fois courageux et émouvant.

Ainsi, la très grande réussite de cette BD, c'est de montrer que l'enfant trisomique n'est pas que cela. Toulmé fait surgir une galerie de personnages émouvants:  une généticienne qui rappelle que ces enfants-là ont une propension au bonheur, une joie de vivre et une faculté de rire hors du commun, les Brésiliens qui ont font des enfants "spéciaux" plutôt qu'handicapés, ou une femme voilée qui y voit un don de Dieu. Le problème de la trisomie c'est la norme, et Toulmé rappelle finalement qui si on fait fi du regard des autres, on s'attache plus que de raison à ces enfants joyeux, et en ces temps moroses, peut-être que oui, c'est un vrai don. Ca n'enlève rien à tout le reste, à la difficulté qui attend les parents, mais ça parle de l'amour inconditionnel des pères pour leurs filles ;-)

Finalement, il y a quelque chose d'éminemment moderne dans cette histoire qui prend aux tripes, qui fait ressurgir chez chacun de nous les vieux démons des grossesses (et si mon bébé n'était pas normal?), mais surtout qui montre (je le crois) que la paternité est probablement ce qui a le plus évolué depuis un siècle. Il y a encore 50 ans, un père était viril, protecteur et distant, dans l'album de Toulmé, le père prend ses responsabilités en donnant le bain à sa fille.

Cette BD a été lue et validée par l'Homme qui comme moi manque de courage vis-à-vis de ce sujet, et qui a été emballé aussi (il est resté bloqué un long moment sur les photos rajoutées en fin d'album, en marmonnant des trucs incompréhensibles).

Ce n'est donc pas Julia qu'il attendait Toulmé, mais il est content qu'elle soit venue (rien que ça, ça peut me tirer les larmes).

Merci encore Jérôme, c'est un cadeau qui m'a beaucoup touchée ;-)

lundi 24 novembre 2014

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

Patrick Modiano,
Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier,
Gallimard, 2014, 146 p.
(merci Numérobis, tu as vraiment géré l'urgence!)

Le jeudi 2 octobre dernier, j'ai couru comme une dératée à ma librairie, avec Numérobis sur mes talons, je me suis jetée sur Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, j'ai pesté contre mon libraire qui l'avais mis derrière d'autres livres de la rentrée littéraire, je suis arrivée en retard au cours de danse de Rayures, mais j'avais accompli ma mission: j'avais le dernier Modiano.


Une semaine plus tard, il était nobelisé.

J'avais envie d'attendre un peu pour parler de Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, attendre que l'effet Nobel retombe, qu'il ne soit plus à la mode ni premier des ventes, ni dans aucune polémique politicienne, attendre que des libraires populistes ne se moquent plus de lui, bref j'avais besoin de retrouver l'intimité (complètement unilatérale) entre Modiano et moi. 

Alors soyons clairs: surtout n'offrez pas ce livre pour Noël à des gens qui n'ont jamais lu Modiano, même s'il est court, même s'il y a le bandeau du Nobel, même si le titre résonne comme du Gavalda (bon d'ailleurs, il a fait mieux quand même, Villa Embiricos est un titre qui m'aurait moins étonnée, mais bon ça aurait fait doublon), . Bref, il est possible qu'un lecteur n'y voit que du flou et en ressorte avec une impression bizarre, et, il faut bien le dire, une certaine incompréhension générale. Ce n'est certes pas son roman le plus accessible. Ce dernier opus est une pièce supplémentaire dans l'oeuvre de Modiano, et c'est l'une des plus petites, des plus minimalistes, expurgée à l'extrême, dans lequel résonnent tous ses autres livres.

En revanche, si vous avez un ou une modia-fan dans votre entourage, surtout n'hésitez pas. Si vous connaissez quelqu'un qui a adoré Dimanches d'août ou Remise de peine, vous pouvez y aller franchement, parce qu'il est en droite ligne, et je dirai même, dans la continuité de ces deux titres-là.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier c'est l'histoire d'un romancier de 65 ans, un peu ermite, un peu craintif, un peu résigné, qui reçoit un soir l'appel d'un homme qui a retrouvé son carnet d'adresses et qui veut le lui rendre, en mains propres évidemment. Ca commence comme ça: par le coup de téléphone d'un type inquiétant.

"Presque rien" (incipit)

Presque tout. Parole de modianette, je vous promets de retrouver dans ce roman presque tous les ingrédients modianesques.

- Je vous garantis d'abord du papier sous toutes ses formes : un carnet d'adresses , celui-là même qui amorce l'intrigue, des brochures publicitaires de villages , des livres épuisés, un petit mot glissé dans un endroit improbable, des coupures de journaux, des procès-verbaux d'une autre époque, un photomaton des années 50.... Modiano c'est l'auteur du papier jauni qui traverse le temps.

- Je vous promets une intrigue angoissante aussi, chez Modiano, il y a des énigmes plus ou moins résolues,  des gens vraiment malveillants, des types à l'identité douteuse, à la capacité de nuisance inquiétante. On retrouve ici l'homme dangereux de Dimanches d'août, dont on ressent immédiatement sa propension à fomenter un truc terrible. 

"Le visage était mince, aussi coupant de face que de profil" (p.16)

C'est une composante incontournable de l'univers modianesque, mais toujours dans la suggestion. Chez Modiano, il y a des meurtres en filigrane, des complots, des escroqueries, des maîtres-chanteurs, le fantôme de criminels malgré eux, des faits divers oubliés...mais tout est suggéré, il ne faut pas manquer une phrase sinon on passe à côté de la résolution de l'énigme. Modiano parie sur la concentration du lecteur.

- Je peux aussi vous assurer que les personnages féminins ne sont pas en reste.  Modiano parle des femmes, toujours jeunes, toujours étranges, parfois ambiguës, souvent perdues, à chaque fois sensuelles...Les femmes ne vieillissent pas chez Modiano, elles disparaissent. C'est l'éternel portrait de la femme mystérieuse, métisse improbable, prise dans un engrenage qui la dépasse.  Dans n'importe quel autre roman, l'ambiance serait glauque, mais jamais chez lui. Et ces femmes, à l'état civil fluctuant, il les aime et les désire.

"Son rire et le bruit de leurs pas résonnaient dans ces rues dont l'une portait le nom d'un écrivain oublié" (p.106)

- Je peux aussi gager sur les errances dans le temps. Un roman de Modiano parle toujours du passé, avec des allers-retours , et ici entre l'enfance, la jeunesse et l'âge mûr. C'est rare que les trois soient réunis dans un même livre, mais là c'est le cas. Il y a le narrateur, Jean Darragane presque au crépuscule de sa vie (et qui ressemble à s'y méprendre au narrateur de Quartier perdu qui aurait vieilli), mais il y a aussi le jeune homme qu'il fut, errant à 20 ans dans les rues parisiennes, et surtout l'enfant, le jumeau de celui de Remise de peine, un enfant de 7 ou 8 ans, emmené à droite à gauche, qui observe sans comprendre, et qui on le sait, se retrouvera tout seul. Je suis encore saisie par l'ultime phrase de ce livre que je trouve absolument splendide.

- Enfin, comme toujours, je parie que la géographie modianesque, aussi envoutante qu'approximative, plaira aux amateurs du genre. On dit de Modiano qu'il est l'auteur de la topographie parisienne dans toute sa précision, c'est très réducteur voire peu faux. Les adresses qu'il donne correspondent rarement à des lieux réels (et on s'en moque parce que c'est de la fiction). Mais  surtout, Modiano est le conteur de la banlieue, celle entre rivière et forêts, avec des maisons couvertes de lierre dans des villages de bord de Marne ou en lisière de bois. Ici c'est à Saint-Leu-la-Forêt que ça se passe, dans une maison décrépie après son heure de gloire, fascinante demeure qui impressionne l'enfant. 
Et Modiano reste l'auteur de la côte d'Azur vénéneuse, cette Riviera baignée de soleil et mensongère, dans laquelle ses personnages pensent se protéger de quelque chose qui les rattrapera inévitablement. Les rivages méditerranéens sont marqués chez Modiano par le sceau de l'implacable destin. Comme dans Dimanches d'août, la Côte d'Azur a des allures de terminus tragique. 

...et puis j'aurais pu vous parler de cafés fantomatiques, de trains qui font le Paris-Nice, d'une petite robe noire, de l'éternelle sentinelle, des réminiscences de l'univers hippique...

"c'était un morceau de réalité qu'il avait fait passer en fraude, l'un de ces messages personnels qu'on lance dans les petites annonces de journaux et qui ne peuvent être déchiffrées que par une seule personne" (p. 71)

C'est un absolu coup de coeur pour moi, je l'ai lu le plus lentement possible car chez Modiano, il ne faut pas manquer un mot ou sauter une phrase:  rien n'est appuyé ou répété, il y a de tout, mais c'est suggéré, dit une fois au milieu d'autre chose. Mais je vous rassure, je suis dans une phase où je n'essaie plus de convaincre qui ce soit, car je crois qu'il fait partie de ces rares écrivains  qui font de leur oeuvre est un grand roman discontinu (c'est lui qui le dit), on ne lit pas toujours le même livre mais tous ses opus n'en forment qu'un seul finalement, avec des personnages qui se rappellent au souvenir les uns des autres. Peut-être que Modiano est un auteur qu'on doit lire entièrement pour vraiment l'apprécier.

Peut-être.

Vu que je n'ai absolument aucune objectivité sur mon chouchou, je vous conseille d'aller vous faire une idée chez Un autre endroit et Noukette qui ont trouvé ce roman assez flou (sans rancune les filles), chez Jérôme qui partage mon attachement modianesque, chez l'Irrégulière qui a elle aussi été séduite, et chez Laure qui l'a aimé passionnément bien que ce soit son premier (et que j'envisage d'introniser dans le club des modianettes).

Belle semaine à tous ;-)

mardi 18 novembre 2014

Un livre, un lieu (ou plutôt des livres, des lieux)

C'est Romanza qui a créé ce tag la semaine dernière, et depuis je guettais frénétiquement le blogueur qui me taguerait pour pouvoir dire hypocritement "oh non, encore un tag, rho la la, décidément, pfff ça m'ennuie de parler de moi mais, bon d'accord, c'est l'esprit de la blogo, ça m'ennuierait de rompre la chaîne !". La semaine est passée et personne ne m'a taguée. J'ai pleurniché sur Facebook comme à mon habitude, et puis je me suis dit que j'allais faire comme Jérôme, répondre au tag juste pour me faire plaisir. Mais heureusement entre temps, la délicieuse et gourmande Sandrion a pensé à moi, juste avant que la grande prêtresse Aspho ne me prenne en pitié.

Je peux donc m'étaler en toute bonne conscience autour du thème: un livre, un lieu. (et vu que mes névroses sont profondes, tous mes livres sont marqués de l'endroit et de la date où je les ai lus, donc j'ai carrément de la matière).

(à toi qui cherches du succinct et du concis, passe ta route).

Printemps 1990, Avignon, dans le salon tout juste redécoré par ma mère dans les goûts de l'époque (du saumon partout, des halogènes en laiton et une table basse en verre), je lis Moonfleet sur un canapé bariolé dans un patchwork étrange de bordeaux, marron et orange, dont ma mère affirme à mon père, complètement circonspect, que c'est chiquissime. Moonfleet c'est ma révélation à moi, parce qu'il y a des bateaux mais surtout à cause du Y. J'harcèle ensuite tout le monde pendant des mois sur l'importance du Y qui symbolise les deux chemins que peut prendre notre destin : je suis définitivement une enfant inquiétante.  Depuis 25 ans, je garde Moonfleet au chaud dans ma bibliothèque. J'enchainerai ensuite avec les Mc Orlan (dans une ferme angevine) et le Stevenson (dans un studio des Alpes).

Été 1992, Nice, je m'ennuie comme un rat mort pendant les grandes vacances dans cette ville que je trouve vulgaire  et par désoeuvrement j'achète à Carrefour (enfin... je fais un caprice à mon père qui fait le plein de courses) Le Crime de l'Orient express. Lu d'une traite sur une terrasse plombée par le soleil, sur laquelle ma soeur et moi dormons la nuit, tellement il fait chaud dans les chambres (la clim n'est pas encore installée partout et tout le temps et ce n'est pas plus mal). Je me prends de passion pour Agatha Christie qui restera mon antidote éternel des pannes de lecture.

Juillet 1996, Privas, j'ai eu mon bac de français par surprise et de justesse, je m'enfile Aurélien recommandé par ma prof de français de Seconde, et reçoit sur le canapé du salon, mon premier grand choc esthétique.

Août 2001, Cargèse, dans le golfe de Sagone, les 7 tomes des Rois maudits, lus à 4 , avec l'Homme, ma petite soeur et mon cousin. Sur la plage, au bord de la piscine, à l'apéro, nous nous passons les volumes, et c'est moi qui ouvre le bal (car je lis le plus vite que les autres et je suis la plus pénible) : les garçons se réjouissent des scènes de torture, de violence et de sexe, ma soeur et moi discutons du destin d'Isabelle et des manipulation de Mahaut, mon père (un peu lourd pour l'occasion) nous apporte des précisions historiques qu'on ne lui demande pas. Un grand moment de bonheur. Nous sommes tous les 4 déçus par le 7ème tome, mais ça a ensuite été un code longtemps entre nous.

Mai 2005, Lorient, je suis hébergée chez une amie, je tue mes journées de libres à arpenter la Fnac (qui a remplacé le cinéma le Royal) et la librairie l'Imaginaire. Je trouve Dora Bruder (dont j'ai vaguement entendu parler), et le lis un samedi soir pluvieux dans le salon encore encombré de cartons de ma copine qui est à un mariage. Je ne sais pas encore que les 6 mois qui vont suivre, je vais écumer toutes les librairies, point Relay des gares et aéroports pour trouver toute l'oeuvre de Modiano.

Septembre 2005, Vol Nice-Nantes, je viens d'apprendre que je suis enceinte et ne trouve rien de mieux (les hormones que voulez-vous) que d'acheter à l'aéroport Un Heureux événement que je commence en salle d'embarquement et que je finis pendant le vol. Funeste idée: l'héroïne a mon âge, fait le même métier que moi, a la même belle mère. Identification garantie. Sauf qu'elle vit une grossesse affreuse, un accouchement sinistre et finit par se séparer du père de son bébé. Je passe ma semaine de travail en pleine crise d'angoisse.

Mai 2006, chez la sage-femme qui suit ma grossesse, sur une table d'auscultation en imitation cuir marron clair, ventre à l'air car monitorée tous les jours (Rayures dépasse dangereusement le terme),  je lis Travail soigné. Un super polar certes. Mais Alerte rouge!!! LE livre à ne pas lire enceinte, suite à cette lecture traumatisante, je bloque tout, on est obligée de me déclencher l'accouchement.

Mars 2009, dans une clinique sur les collines, service maternité, dans une chambre individuelle, et face un tableau franchement bizarre, je viens d'accoucher de Numérobis qui semble ne jamais dormir dans son petit berceau en plexiglas. Je lis L'Ombre du vent, offert par une amie chère, entre têtées, visites, soins et coups de téléphone aux copines pour raconter tous les détails de mon accouchement (les hormones nous font vraiment faire n'importe quoi). Je suis emballée, ravie, scotchée. J'offre ce livre à ma mère, mes soeurs, et mes copines en sortant de la clinique.

Mars 2012, un chalet sous la neige dans les Alpes du Sud, j'avale Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, c'est une révélation, je me mets à intellectualiser le fait de courir, je deviens définitivement flippante.

Août 2013, une jardin dans le golfe du Morbihan, juste au dessus d'un chantier ostréicole, zéro wifi, allongée dans un transat sur l'herbe, un thé bouillant, une cigarette, chapeau et lunettes de soleil, l'Homme et les filles sont à la pêche (j'ai toujours détesté me ruiner le dos), j'engloutis La Grande course de Flanagan, je me prends pour Nancy Sheridan (surtout quand j'écrase mon mégot) et je pleure comme une gamine à la fin du roman. Un moment de grâce.

Avril 2014, Montbéliard, devant une salle multisports située au dessus d'une bretelle d'autoroute,  dans le froid et le vent, je lis le Manoir de Tyneford, avec Numérobis qui se repose sur moi et qui se plaint de mon odeur de tabac froid. Mais la semaine est si joyeuse pour Rayures que j'aime tout: le Doubs où c'est encore l'hiver, ma mère qui conduit comme dans les années 70 (sans ceinture ni regard sur la route), la salle sans fenêtre où on est les uns sur les autres, le café infect et surtout ce roman qu'on dit sentimental mais que je trouve formidable.

Et enfin, septembre à novembre 2014, dans mon salon, la chambre des enfants, sur mon lit, dans la salle de bain, Les Légendaires ont envahi notre maison (heu pardon notre T3), je lis un chapitre tous les soirs à Numérobis, c'est le principal sujet de conversation à table le midi: la pierre de Crescia, les faucons d'argent, l'accident de Jovénia... l'Homme et les filles sont archi fans, mêmes les insultes en cas de disputes ont évolué : "Sale Ténébris", "je te déteste, tu es encore plus méchante que Darkhell", "jamais tu ne seras aussi forte que Jadina", "ouai c'est bon, va voir Elysio". Nous vivons à présent dans un monde parallèle où les super-héros ne cessent de mourir puis de ressusciter. Numérobis s'est fabriquée un bâton-aigle, la chambre est un champ de bataille, on se bat à la médiathèque pour trouver les volumes qui nous manquent. Je crains le pire pour la liste du Père-Noël

Pour conclure,
1: une lecture c'est : un livre + un lecteur + un lieu + un moment + un entourage.
2: bloguer me permet (je pense)  d'économiser de substantielles séances de psy, je pense donc que mon blog est excellent pour ma santé mentale.

Je tague Valérie, Clémence, Félicie, Marjo, Anne, Estelle et Mind the Gap. 

A votre bon coeur ;-)



vendredi 14 novembre 2014

Constellation

Cela ne tient à rien une lecture en fait.
Adrien Bosc, Constellation,
Stock, 2014, 193 p.

Constellation était dans la LAL  de Valérie et du coup, influençable comme je suis, je l'ai commandé aux matchs de Price Minister (c'est le problème des gens indécis). En plus je venais de finir L'année des volcans qui traite aussi de ce monde et de cette période, donc vraiment, je me disais qu'entre Bosc et moi ça collerait.

En fait, si j'avais su qu'Adrien Bosc était journaliste, je ne l'aurais pas commandé, car je peux compter sur les doigts d'une main,  les journalistes qui sont de bons romanciers (à mes yeux). Hormis celle de Sorj, leur écriture est trop formatée pour m'enthousiasmer.

"Ce soir du 27 octobre 1949 sur la piste de l'aérodrome d'Orly, le F-BAZN d'Air France s'apprête à accueillir trente-sept passagers en partance pour les Etats-Unis" (incipit)

Et ça n'a pas manqué. Je suis déçue.

Tout est à l'image de l'incipit: clair, factuel, précis.

Pourtant le thème était vraiment tentant: l'histoire du crash d'un avion dans les Açores, qui transportait les stars des années 40': Marcel Cerdan et Ginette Neveu pour les plus connus.

En plus, la construction est intéressante, puisqu'Adrien Bosc alterne les chapitres sur le déroulement de l'enquête et les portraits des occupants de l'avion. Donc clairement c'est intéressant, très intéressant. J'ai appris des choses bien sûr, je me suis régalée du personnage de Bernard Boutet de Monvel ou des petits Basques partis chercher fortune aux Etats-Unis, j'ai aimé les pérégrinations du narrateur et son enquête auprès des proches des victimes. Donc, ça m'a intéressée.

Oui mais moi ça ne me suffit pas qu'un roman soit intéressant, j'ai besoin d'un supplément d'âme, d'une dimension plus romanesque, d'un ton, d'une patte, oserai-je dire d'un point de vue. Sinon, je lis un document, et je ne m'attends à rien d'autre qu'un déroulement de faits, à une véracité historique.

Et là ce n'est ni l'un ni l'autre.

Ce qu'il y a de plus littéraire dans ce livre ce sont les citations mises en exergue en début de chapitre, qui sont formidables, justes et bien choisies.

Je suis certaine que toutes les informations sont justes, les sources convenablement exploitées, que la reconstitution est fidèle, mais voilà j'en attendais plus, un frisson (surtout pour moi qui ne monte jamais dans un avion), un engouement, une intensité dramatique autour des violons de Ginette Neveu, ce quelque chose d'impalpable qui fait du roman un part de vérité dans la fiction, cette petite étincelle qui permet de rentrer dedans, alors que moi je suis restée dehors (dans le froid et sous la pluie même).

Pourtant tout aurait du me parler: j'ai une vraie phobie des avions et une curiosité assez malsaine pour les crashs, Numerobis a décidé soudainement de devenir violoniste, je suis fascinée par les anciens résistants devenus pilotes grands courriers, j'aime les boxers je connais toutes les chansons de Piaf...je pensais que ce serait dans les seconds rôle de cette histoire qu'il y aurait quelque chose à creuser, à comprendre, à travailler, pour en faire une histoire et pas seulement des informations mises bout à bout. Il manque du liant finalement, qui ferait tenir le tout ensemble.

A certains moments j'y ai cru, quand l'enquête sur les violons de Ginette Neveu progresse, quand une femme se suicide en Allemagne parce que son idole est morte dans l'accident d'avion (avec un exergue de Zweig drôlement bienvenu). Il y avait du romanesque, quelque chose de beau, le frémissement d'un roman.

Mais la dernière partie du livre mêle plein d'éléments qui sans doute ont du sens pour l'auteur mais pas pour moi. Je n'ai rien compris aux recoupements de dates, à la liste des accidents d'avion des années 50', la vie de Blaise Cendrars, la propre date d'anniversaire de l'auteur, la Pape... je ne sais pas, mon univers doit être trop éloigné de celui d'Adrien Bosc pour que j'y trouve mon compte.

Je suis restée complètement à côté malheureusement, je suis même étonnée du retentissement médiatique qu'a  ce livre, il y a quelque chose qui a du m'échapper.

C'est une lecture commune avec mon amie Valérie (qui je crois l'a davantage apprécié), et une participation au challenge A Tous Prix de la grande prêtresse Asphodèle, car en plus, il a reçu le Prix de l'Académie française, ce qui me laisse tout aussi perplexe, car je pensais que ces jurés récompensaient l'utilisation d'une langue. Bref, là, j'en suis à un point ou je m'interroge beaucoup sur moi-même.

Merci à Oliver Moss (qui organise toujours les matchs avec humour) et aux éditions Stock (qui, je pense, vont s'empresser de me proposer un partenariat)

vendredi 7 novembre 2014

Oona et Salinger

Frédéric Beigbeder, Oona et Salinger
Grasset, 2014, 336 p.
Voilà typiquement le genre de livre que je n'achète (car oui je l'ai acheté) que contrainte et forcée par les Bibliomaniacs qui l'avaient mis au programme d'octobre. Mais je leur pardonne (après 10h de train, ça me paraît un minimum).


Je n'aime pas Beigbeder, depuis 99 Francs, ou sous couvert de dénoncer le monde de la publicité, il ne pouvait s'empêcher de noter qu'il marchait "avec un SMIC à chaque pied" (de mémoire hein, mais c'était l'idée). Depuis il incarne tout ce que je déteste: l'argent facile, l'irrespect, la fainéantise, la cuillère en argent... Pourtant, comme lui je pense que les publicitaires sont les nuisibles de notre société, au même titre que les politiques véreux, les assureurs, certains journalistes et les banquiers.

Donc, bien que je n'aime pas trop Beigbeder, je me suis dit, que j'allais quand même lire le livre, sans aucun a priori (oui parfois j'ai des éclairs où je suis en plein surestimation de moi-même).

Et bien malgré mes efforts, je n'ai pas été emballée par Oona et Salinger, pour tellement de raisons que j'ai peur d'en oublier.

- Déjà, de quoi parle-t-on? d'un type d'à peine 20 ans qui tombe amoureux d'une fille de 15 avec laquelle il ne se passe rien. Doit-on vraiment faire un roman là dessus ? Même si le garçon en question c'est Jerry avant Salinger et que le père de la jeune fille a reçu le prix Nobel (non parce que sinon, moi je peux faire un roman sur mon année de seconde pendant laquelle j'étais transie d'amour pour le beau gosse de la classe qui n'a jamais su que j'existais).

- Comment parle-t-on? Comme les malheureux participants d'une téléréalité. Sauf que ça se passe dans les années 1940 entre des gens globalement éduqués dont on peut imaginer qu'ils avaient un peu plus de trente mots de vocabulaire en stock.

"-Finis ta bière Oona, commande une vodka martini et dis-moi des choses importantes. Je ne veux pas bavarder, j'essaie de te connaître. Que s'est-il passé putain?" 
(Loft Story 2000 était à peu près du même acabit)

- De qui parle-t-on? Officiellement d'Oona, future Mme Chaplin, de Salinger, futur auteur de l'Attrape coeur, de Truman Capote et même d'Hemingway.

"Truman Capote n'avait d'yeux (bleus) que pour le serveur, un jeune Antillais aux dents écartées qui ressemblait à Yannick Noah bien avant la naissance de Yannick Noah" 
(p.35 Au secours !!! c'est trop avant-gardiste pour moi cette écriture)


Mais le problème c'est qu'on parle aussi de Beigebder qui aime les très jeunes femmes et qui s'en justifie misérablement. Il nous raconte sa rencontre avec sa femme, dans un récit à la fois pathétique et déplacé, qui a le mérite d'être honnête à défaut d'être littéraire.



- Quel est le propos de fond? Bon, je pourrais dire la littérature, l'amour, le couple,  la désillusion par ce qu'on a quand même la chance d'avoir des conseils pour séduire une fille et une réflexion sur l'importance de la télécommande dans un couple d'aujourd'hui. Disons que c'est...déroutant 

"sa façon de résister à ses avances était mille fois plus érotique que n'importe quelle nuit avec une salope à gros seins prénommée Samatha" (p.111). 
(oh que j'aime l'élégance surannée de ce style)

Enfin, on y trouve en peu de psychologie de comptoir aussi, car au fond, Beigbder se sert de son roman pour justifier sa passion pour les jeunes femmes 
"Un corps neuf et une âme confiante, c'est tout ce dont un vieillard a besoin" 
(p.296, Voilà voilà...je sais donc que je n'ai aucune chance avec Fredo.)

Dans sa grande bonté, Beigbeder nous rappelle que la guerre c'est mal et que le débarquement fut une boucherie ...et là je dis "merci Frédéric!" punaise, je croyais que ça avait été propre, moi le débarquement en Normandie (comme l'attestent les kilomètres de croix blanches qui ont été installées depuis).

Et pourtant je n'ai pas envie de descendre entièrement ce livre, j'ai envie de sauver quelque chose, sûrement parce que j'ai un coeur, une conscience, que ce mois de novembre est bizarre...bref...ce livre a néanmoins une qualité. 

Je reconnais à Beigbeder une belle introduction, dans un pur esprit de loose, autour d'une non-rencontre avec Salinger, parce qu'il se défile. Je ne peux rester insensible à cet acte manqué, de la même manière que je ne peux rester insensible à ce que j'ai lu entre les lignes. L'incipit sur son jeunisme est drôle et sincère, et  je crois que Begbeider reconnaît dans ce roman (qui n'en est pas vraiment un) qu'il ne sera jamais un grand écrivain, qu'il restera toute sa vie du côté de ceux qui les admirent sans jamais les égaler, qu'il sera plus célèbre pour sa vie dissolue, ses histoires avec les filles de, ses rails de cocaïne, ses interventions au Grand Journal que pour ses romans. Beigbeder a compris qu'il n'écrira jamais le livre qui change la vie d'un lecteur, je n'ai pas d'extraits pour en attester, mais sa manière de se présenter à l'opposé de l'ermite Salinger en dit long pour moi...

...

Et peut-être a-t-il tort (enfin un peu...). J'espère qu'il est allé faire un tour chez Malika qui a aimé Oona et Salinger et surtout chez mon ami MTG qui a adoré ce roman ET qui a mis une citation de Beigdeber sur sa bannière.

Rien que pour ça, pour une fois, je vais respectueusement fermer ma bouche pour ne pas gâcher le bonheur des autres...

lundi 3 novembre 2014

Pépites 2014-2015: le point de Toussaint

Voici venu le moment, au milieu de cette rentrée à la fois tonitruante, plombante et polémique,  du premier bilan des pépites. Il sera long et je m'en excuse, mais quitte à faire un bilan, je le veux le plus complet possible (il y a un résumé en fin de billet, pour ceux qui ne veulent pas se coltiner extraits de billets et réflexions galéesques)


Contre toute attente, alors que nous n'en sommes qu'aux balbutiements des découvertes de la rentrée, c'est La peau de l'ours de Joy Sorman chez Gallimard qui prend la tête provisoire de ce non-palmares. Surprise et perplexité en ce qui me concerne, puisqu'il s'agit DU livre que je n'avais pas envie de lire cet automne, sûrement parce que l'histoire d'un type né du viol d'une femme par un ours, je ne sais pas, disons que j'étais moyennement tentée. Mais ça c'était avant, et surtout c'était sans compter les billets d'Eva et de Margotte, valeurs sûres de la blogo. Maxi Vav' qui nous parle "d'un récit très beau", "d'une langue belle et pure" bref "d'un vrai petit bijou", et Margotte qui en rajoute une couche quand elle nous crie son "enthousiasme des découvertes type coups-de-coeur" et nous raconte "une atmosphère qui baigne dans l'indétermination du conte". Alors voilà, je range mes a priori et me réjouis de voir pépité un roman qu'on a finalement peu vu sur les blogs jusqu'à présent.


La bonne nouvelle de cette rentrée c'est aussi la présence, avec deux titres, d'un petit éditeur : Notabilia. D'un côté Vio s'emballe pour La condition pavillonnaire  de Sophie Divry, avec un billet qui a suscité mon engouement. Pourtant ce n'est que l'histoire de la vie d'une femme, mais pas seulement, parce que Vio nous parle d'une lecture à deux entrées, du fantôme de Mme Bovary mais aussi nous promet de nous "interroger sur nos vies, nos propres conceptions du bonheur, mais aussi l'époque dans laquelle nous vivons et ce qu'elle nous offre à désirer".

De l'autre côté, Aspho la grande prêtresse, s'emballe pour Le Dernier gardien d'Ellis Island de Gaëlle Josse, maintenant éditée chez Notabilia aussi, et Aspho ne tarît pas d'éloge "Dans le tableau contrasté de cette époque si particulière, où des millions d'Européens ont fait de l'Amérique ce qu'elle est aujourd'hui, Gaëlle Josse fait émerger dans la lumière ce gardien taciturne et hanté de souvenirs douloureux".  Je crois que tout est dit non ?

Mais la grande prêtresse est d'humeur complètement pépitante en ce moment et ne s'arrête pas là. Celle qui a été en panne de lecture pendant un petit moment ne livre pas Une pépite mais deux, avec La Lumières des étoiles mortes de John Banville, chez Robert Laffont, qui globalement parle d'un sexagénaire qui se remémore ses jeunes années lorsqu'il aimait passionnément une femme de vingt ans son aînée (oui une cougar!).  Et Aspho de nous dire "J'ai été suffisamment fascinée par cette plongée dans la mémoire, mouvante comme les sables du même nom, cette mémoire qui permet aussi de redonner sens, vie et lumière à ce qui n'est plus en justifiant ce qui est".  Bon, moi c'est le genre de phrases qui me donnent la chair de poule .... 

Le non-fiction sera présent dans ce non-challenge d'abord grâce à Aifelle qui s'enthousiasme pour Une Enfance dans la gueule du loup de Monique Levi-Strauss au Seuil, qui retrace l'enfance d'une petite fille juive en plein nazisme, Aifelle nous dit "J'ai lu son récit quasiment d'une seule traite, passionnée par une expérience que je ne pensais pas possible. Une famille étrangère vivant parmi les civils en pleine guerre en Allemagne".  Nous ne devrions pas tarder à la voir fleurir sur les blogs puisqu'il était dans l'une des pré-sélections du prix ELLE. 

Toujours en non fiction, nous retrouvons, comme l'année dernière, Laurence Tardieu, avec Une Vie à soi, chez Flammarion. Cette année c'est Laurie qui pépite ce livre qui ne fait pas croire qu'il est un roman et qui revendique sa dimension autobiographique. Laurence Tardieu y raconte sa rencontre avec la photographe Diane Arbus et la manière dont elle va affronter ses démons et reconstruire ce qu'elle souhaite ce que sa vie soit. Et Laurie de nous dire "Les phrases ont résonné en moi. Je suis surprise et sûrement admirative de voir à quel point avec ses mots simples, directs, empreints de sensibilité, Laurence Tardieu arrive à m'embarquer, à me mettre dans sa peau, à vivre sa souffrance et sa lente remontée, avec elle".  Chaque année Tardieu fait accoucher les blogueurs de billets magnifiques et celui de Laurie n'est pas des moindres.

Encore dans l'autobiographie, masculine cette fois, c'est avec un gros pavé, encore très peu présent sur les blogs mais qui a été au programme du Masque, qu'Aaliz pépite Un Homme amoureux de Karl Ove Knausgaard chez Denoël. Personnellement, c'est typiquement le genre de titres qui me font fuir dans une librairie (rapport au fait que je n'ai aucun coeur), mais Aaliz est tellement enthousiaste, et précise dans son explication de l'oeuvre, qu'on est immédiatement convaincu, même si c'est le deuxième tome des six qui composent l'autobiographie d'un romancier que je  ne connaissais pas du tout : "Le style est celui d'un écrivain qui ne cherche pas à faire beau. Il ne veut rien d'artificiel. Karl Ove écrit sans fioritures, pour lui la littérature se sublime dans la liberté de ton, dans l'écriture spontanée et s'inscrit surtout dans la réalité. Karl Ove ne veut rien inventer". 

On reste en Scandinavie avec un autre auteur du Nord, pépité par Jérôme avec Je refuse de Per Petterson chez Gallimard. Avec un titre, une première de couv et une histoire qui forcément ne laissent pas indifférent. L'histoire de deux hommes, qui furent il y a longtemps les meilleurs amis du monde, et qui se retrouvent au milieu du chemin, face au temps qui a passé et à ce qu'il reste de chacun. Mais c'est Jérôme qui en parle le mieux "Dans ce récit polyphonique, Per Petterson met en scène des hommes qui s'écroulent. Dans tous les sens du terme. Des hommes seuls, désorientés, en plein doute. Des hommes fragiles, qui pleurent et se cherchent. Des hommes lucides, sachant pertinemment qu'il est impossible de regarder en même temps en avant et en arrière si l'on veut avancer".  Difficile de rester insensible à un tel cri du coeur, n'est-il pas ?

Dans la même veine, mais sur son versant lumineux, j'enchaîne sur un livre qui traite aussi du temps qui passe, de ce qu'on devient et de ce que nos amis de jeunesse deviennent (à croire quand même que c'est LE thème de cette rentrée), mais avec plus de légèreté, avec Retour à Little Wing de Nickolas Butler chez Autrement, pépité par Estelle qui en fait un gros coup de coeur. L'histoire d'une star qui rentre dans le village de son enfance pour le mariage d'un de ses amis. Ce roman commence à se voir un peu partout sur les blogs et ce n'est pas prêt de s'arrêter vu qu'il fait partie des candidats des matchs de la rentrée littéraire chez PM. Visiblement la construction tient en haleine, puisque chaque personnage est le narrateur d'un chapitre, et Estelle nous promet "un roman frais, les chroniques des aléas de l'amitié, dans un paysage verdoyant qui donne envie de s'y promener. Si vous en avez assez des romans nombrilistes du moment, si vous avez envie de fraîcheur et de simplicité, ce roman pourrait vous plaire".  Bon, j'ai envie de dire: Pourquoi pas ?

Mais Estelle ne s'arrête pas là, et enchaîne sur une deuxième pépite avec L'Ecrivain national de Serge Joncour chez Flammarion avec un billet qui moi, m'a mis l'eau à la bouche. Difficile pour un amoureux de la littérature de résister à l'histoire d'un écrivain parisien, en résidence dans un petit village rural : "Il oscille entre la chronique un peu comique du séjour de l'auteur, la descriptions des relations parfois intrusives de la campagne et le thriller quand Serge commence à fouiner son nez partout. (...) C'est finalement un bel exercice de désacralisation de la figure de l'écrivain. Et en toile de fond, la campagne est décrite avec une plume acerbe".  A titre personnel, j'attends beaucoup de ce roman qui a tout pour me plaire.

Enfin, je termine avec la pépite de la Comète avec Autour du monde de Laurent Mauvignier aux Editions de Minuit, que je me sens incapable de résumer, je vais donc citer notre Comète : "C'est un roman "monde", où plutôt un ensemble de nouvelles, qui va du Japon à Dubaï, en passant par Paris ou Rome, où des dizaines de personnages qui ne se croiseront jamais se trouvent à des moments importants et différents de leur existence".  J'ai été tellement émue du billet des Bouquins garnis, que je ne vois pas bien ce que je pourrais rajouter.

Pour achever ce premier bilan qui compte onze pépites (chiffre pour moi inespéré en ce commencement d'année littéraire), je ne peux m'empêcher de remarquer que s'il n'y a pas que des inconnus parmi les ouvrages pépités, on ne trouve néanmoins point de Carrère, de Foenkinos, de Reinhardt ou autre star de la rentrée de septembre, contrairement à l'an dernier. Bien sûr, cela peut encore évoluer, mais je crois qu'il est réjouissant de voir surgir des auteurs pour la plupart absents des listes et sélection de prix.

J'espère que j'ai bien tous les liens, Blogger est facétieux et je sais que des commentaires disparaissent, j'espère que ce n'est pas le cas pour ce non-challenge, et si cela arrivait, bien sûr je m'en excuse.

Pour terminer, je voudrais rappeler qu'en dehors du fait du rentrer du lien (ce qui est clairement une épreuve pour moi, car je manque d'organisation), ce non-challenge m'a rappelé tout le temps d'un week-end, ce que m'apportait la blogosphère littéraire. La qualité, l'intimité et oserai-je dire, la beauté de certains billets attestent une fois de plus que la blogo a quelque chose que la critique professionnelle n'aura jamais: la dimension intime de la lecture, une sincérité individuelle qui, pour nous lecteurs, seront toujours plus prescriptrices que n'importe quelle émission ou magazine. Il y a des billets qui mettent tripes et sanglots sur la table, et qui, de mon point de vue, sont la raison d'être des blogs.

Merci donc à la poignée de participants, ceux que je connais bien et ceux que je découvre, et qui nous donnent encore et toujours envie de lire davantage...

Asphodèle (la grande prêtresse)
La lumière des étoiles mortes de J. Banville
Le dernier gardien d'Ellis Island de G. Josse

Aifelle (la photographe maritime que je jalouse)
Dans la gueule du loup de M. Levi-Strauss

Aaliz (une petite cerise exigeante )
Mon combat, t.2, Un homme amoureux de. K. Ove Knausgaard

Laurie (que je découvre avec plaisir)
Une vie à soi de L. Tardieu

Margotte (la petite Bretonne sauvage qui se cache dans les bois quand elle le peut)
La peau de l'ours de Joy Sorman

Vio (qui ne lit que sur un banc)
La Condition pavillonnaire de S. Divry

Estelle (entre crochet, pouponnage, train et enseignement)
Retour à Little Wing de N. Butler
L'Ecrivain national de S. Joncour

La Comète (avec ses hommes entre deux bouquins garnis)
Autour du monde de Laurent Mauvignier

Jérôme (avec ses quatre femmes entre deux berges)
Je refuse de P. Petterson

Maxi Vav' (qui n'arrête jamais de s'abîmer les yeux)
La Peau de l'ours de Joy Sorman


Et moi je vous donne rendez-vous à Noël, une fois les prix de novembre décernés, 
pour un nouveau bilan
(d'ici là, profitons de la dépression automnale, car les réjouissances de fin d'année ne vont pas tarder à pointer le bout de leur nez avec leur cortège d'efforts obligatoires)
Je rigooooooole !
(pas tant que ça)