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mercredi 22 juillet 2015

Le Docteur Thorne

Anthony Trollope, Le Dr Thorne (1858)
traduction Alain Jumeau
Editions Points, 2014, 781 p.
Dans la vie tout est une question de moment, et je ne pouvais choisir pire que le mois de juin pour m'attaquer au Docteur Thorne de Trollope, un joyeux pavé de 780 pages consacrées aux circonvolutions du mariage contrarié à l'époque victorienne.

Je m'étais donnée 3 semaines, il m'en a fallu le double, et encore... y serais-je parvenue sans une semaine de repos forcé ?  Rien n'est moins sûr.

C'est ainsi que j'ai suivi les aventures de la douce Mary Thorne, à la fois déterminée et tolérante, amoureuse et généreuse, loyale et sincère (avec un prénom pareil, peut-elle vraiment être autrement?). Cette pauvre Mary donc, sans naissance ni fortune, est la nièce du Dr Thorne, mais surtout l'amoureuse de Franck Gresham, l'héritier désargenté du domaine de Greshamsbury, qui doit nécessairement "épouser une fortune" pour sauver la propriété hypothéquée de son père ruiné. 

Typiquement dans la lignée de littérature victorienne, chez le Dr Thorne, on trouve des roturiers en mal de reconnaissance, des aristocrates imbus d'eux-mêmes, des parvenus anoblis qui ne se sentent pas à leur place, des amours contrariés. Evidemment, c'est long, Trollope aurait pu faire plus court, plus concis, il aurait pu largement alléger son roman de quelques centaines de pages. Bien sûr, toutes ces réflexions autour du mariage, sur ce qu'il apporte, et ce qu'il implique peuvent paraître complètement datées en 2015. Sans surprise, on a une happy-end convenue qui arrange les problèmes de tout le monde.

Et pourtant...malgré les répétions de danse, la chorale de l'école, les auditions du conservatoire, les réunions d'entrée au CP, la perspective d'avoir 9 semaines avec les enfants, la canicule soudaine et perfide, je ne l'ai pas lâché.  Certains soirs, alors que je m'endormais au bout de quelques pages, j'arrivais à rester attachée aux personnages, bien que le dénouement ne constituât aucun mystère. Car, au delà des codes convenus, je dois dire qu'on trouve chez Trollope des scènes absolument délicieuses qui n'épargnent en rien le genre humain (dont on s'aperçoit qu'il y a quand même des choses qui ne changent pas à travers les siècles : la cupidité, la lâcheté, la mesquinerie, la vénalité, l'arrogance. A ce titre la scène du dîner chez le duc d'Omnium  est vraiment un morceau d'anthologie).

J'y ai retrouvé aussi ce qui me manque chez Austen: l'irréversible tragique,  qu'on retrouve ici concentré chez les Scatcherd. Même s'il s'agit de personnages secondaires, pas tant que cela finalement, puisqu'il s'agit d'un maçon anobli en baronnet, qui ne se remet jamais vraiment d'intégrer la haute société et qui finit littéralement dévoré par l'alcool. D'ailleurs la description de l'alcoolisme chez les Scatcherd n'aurait presque rien à envier à Zola, tant c'est juste et poignant. Plus encore, les réflexions sur la famille Scatcherd sont d'une modernité assez géniale: "Si l'on souhaite trouver dans le monde des prénoms royaux (...) il faut orienter les recherches en direction des familles de démocrates. Personne n'a la même déférence servile jusque pour les rognures d'ongle de la royauté" (p.182). Il est de ces paradoxes qui ne changent pas avec le temps.

Plus important encore, Trollope nous parle du "squire" (père ruiné de Franck), ce titre de l'entre deux classes, entre la noblesse et la roture, mais dont toute l'histoire tourne autour de sa ruine. Il est finalement question  essentiellement d'argent dans ce roman, qui il y a 150 ans comme maintenant, dirige le monde, fonde et défait les réputations, inspire le respect ou le mépris, fait basculer une élection dans un sens ou dans l'autre : "Il y a peu d'endroits où un homme riche ne peut se payer des camarades" (p.394) . Un constat finalement amer quand on referme ce livre, car au delà de la fin joyeuse, il est la clef de résolution de l'intrigue, et c'est finalement assez déprimant. 

Au final, ce que réussit le mieux Trollope, c'est ce qu'il invente autour  du médecin irréprochable et de notre couple d'amoureux. Tous les trois restent définitivement beaucoup moins intéressants que Miss Dunstable (roturière excentrique sans beauté mais richissime, entre deux âges, courtisée de toutes parts par des prétendants cupides), Lady Arabella (mère de Franck, aristocrate amère parce que pauvre, sans doute très malade, hypocrite et vénale et qui tente de sauver le reste de prestige du domaine qu'elle habite),  le père de Franck (dépressif, adorant son fils, accablé par les dettes, tiède et sans volonté réelle), Sir Louis, fils dépravé du baronnet Scatcherd, l'arrogant Dr Fillgrave ou bien le furtif Mr Moffat absolument délicieux dans son genre : "Il avait passé sa vie à calculer comment tirer le maximum de lui-même. Il ne s'était laissé aller à commettre aucune folie par suite des inadvertances de son coeur: aucune erreur de jeunesse n'avait gâché ses chances dans la vie. Il avait tiré le meilleur parti de lui-même" (p.307)

Avec cette galerie de personnages, Jullian Fellowes, (oui, oui celui de Downton Abbey) devrait pouvoir faire une adaptation tout à fait réjouissante, ne serait-ce qu'en reconstituant la famille de Courcy (une caricature de l'aristocratie anglaise du XIXe siècle). 

Je remercie le fournisseur officiel de ce billet: Notre Titine nationale qui me l'a fait gagner l'an dernier dans un concours qu'elle a organisé sur son blog grâce aux Editions Points. Une Titine au top de sa britannitude puisqu'elle a rallongé son mois anglais en A Year in England dont ce billet est ma première participation.

C'est également ma participation au challenge de Brize pour le pavé de l'été, et là pardon mais avec 760 pages je pense m'en vanter encore quelques temps ;-) (oui, je ne suis que vanité)

mercredi 24 juin 2015

Sur la plage de Chesil

Ian McEwan Sur la plage de Chesil (2007)
Folio, 2012, 178 p.
(oui c'est bien le fond de tasse d'un mug qu'on
voit imprimer sur la première de couverture. Vous
êtes prévenus: ne me prêtez jamais de livres)
Bon, je m'étais dit que ce serait une valeur sûre, qu'avec McEwan je n'avais aucune chance d'être déçue, en plus on m'avait dit que ce titre-là était sans doute son meilleur (quand je dis "on" c'est quelqu'un qui se reconnaîtra) , il y avait eu le clin d'oeil de ma libraire à la caisse "excellent choix vous allez vous régaler"

C'était sans compter l'immense perditude de mon mois de juin (je vous en reparle bientôt).

Sur la Plage de Chesil c'est l'histoire d'un très jeune couple, tout juste marié, qui s'apprête à vivre sa nuit de noce dans une chambre d'hôtel du bord de mer.

Voilà. J'ai tout dit.

Ah si pardon, ils sont vierges tous les deux. Lui il a faim qu'il n'en peut plus (si vous voyez ce que je veux dire), et Elle est très moyennement portée sur la chose.

Mon Dieu, je n'aime pas les huis-clos, je n'aime pas les histoires de couple, je ne crois pas qu'une nuit de noce (ratée ou réussie) soit un élément fondateur de ce que sera notre vie plus tard. Désolée je n'y crois pas du tout. En plus vraiment, je ne suis pas friande de ce genre de détails techniques. Elle m'a énervée la violoniste qui se croit frigide, il m'a gonflé le jeune puceau qui essaie de ne pas précipiter les choses. Je n'aime pas entrer dans cette intimité là, sauf quand McEwan en fait quelque chose de très émoustillant comme dans Expiation (magnifique scène de la bibliothèque). 

Ici ce n'est pas le cas.

Et surtout, surtout, j'ai attendu jusqu'à la dernière page le twist de McEwan, que j'étais habituée à retrouver, ou finalement la littérature triomphe de tout parce qu'elle a tous les droits. Où le vrai est faux, et le faux n'est que fiction, quand McEwan retourne son lecteur comme une crêpe. Rien du tout. (je n'en avais lu que deux de lui, je pensais qu'il faisait ce coup à chaque fois...et bien non).

C'est juste un livre déprimant sur (j'imagine) le sexe, l'amour, le désir, le destin, les divergences sociales etc....bref au secours.

Je vous le dis, ce mois de juin ne m'est pas hyper propice (j'ai du faire des trucs pas terribles terribles dans une autre vie en juin quand même).

C'était une lecture commune avec Aspho, ma grande prêtresse préférée à qui je souhaite que du bon pour les temps à venir.


Fournisseur officiel de ce billet: ma gentille libraire indépendante, dont je ne partage pas tous les goûts, mais à laquelle  je resterai fidèle quand même.

vendredi 19 juin 2015

La Galerie des maris disparus

Natasha Solomons, La Galerie des maris disparus
Calmann-Lévy, 2014, 348 p.
Et si je vous parlais d'une femme, Juliet, abandonnée par son mari qui disparait (of course...rapport au titre). Si je vous dis que c'est une femme juive, qui évolue dans une communauté où la femme n'existe pas sans son mari (à moins qu'il soit mort...bref il aurait mieux valu qu'elle soit veuve). Et si je vous promet que Juliet va aller au delà de cela et s'émanciper en tant que femme en créant sa propre galerie à Londres?

Tentant non ?

Alors sur le papier, franchement ça fait rêver : on nous promet de l'intrigue (mais pourquoi a-t-il donc disparu dis donc ?) , du destin de femme qui sort du carcan de la communauté, la saveur des années 60 (et d'un certain accès à la liberté), de la description d'une société juive repliée sur elle-même,  tout cela mêlé de peinture, de galerie, de peintres maudits...

On se dit "oh punaise, le bon moment que je vais passer, surtout après le Manoir qui m'avait enchantée".

La je dis: "doucement Galéa, attention".

Car hormis la description de la communauté juive orthodoxe (drôle, tendre, piquante et bien menée), tout le reste est absolument raté.

Le personnage de Juliet déjà, auquel on ne s'attache pas deux minutes (comment apprécier quelqu'un qui collectionne des portraits d'elle-même ? je pose la question). Elle n'est pas drôle, n'a aucune consistance, et manque autant de faille que d'aspérité, elle est assez ennuyeuse, en tant que mère c'est un peu difficile de s'y identifier, en tant que femme elle est bizarre, en tant que fille, éventuellement, on aurait quelque chose à sauver....peut-être...

L'histoire ensuite qui ne tient pas tellement debout. Il y a plus ou moins la quête du mari disparu ...enfin plutôt moins en fait, avec un roadtrip américain globalement sans intérêt, on ne sait pas bien où ça va nous mener (réponse : à une révélation assez molle).

La veine "romance" est assez pathétique aussi, autant Elise dans le Manoir avait quelque chose d'assez sensuel avec le père et le fils, autant là franchement, le Max, (peintre maudit et ermite qui ne s'est jamais remis de la guerre, parce que la guerre c'est dur, des gens meurent) dont Juliette est amoureuse,  ne fait fantasmer personne.

L'histoire de la peinture enfin, qui aurait du fournir une toile de fond convenable (jeu de mots!!!)  ne présente qu'un intérêt assez limité. La description des toiles (dont Juliette est l'éternel sujet) n'est pas à proprement parler très intéressante, ni très ludique. Hormis le suicide d'un peintre figuratif qui est plutôt bien trouvé, tout le reste m'a profondément ennuyée (les peintres, les galeries, les soirées dans un manoir).

Quant à la mention spéciale en fin d'ouvrage, intitulé Note de l'auteur,  sur la grand-mère du mari de Solomons, dont elle se serait inspirée, avec la petite anecdote du couple avant son mariage (je jure sur l'honneur que c'est vrai)  bon franchement, c'est simple, ça fait de la peine.

Voilà, on peut réussir un roman, et même deux,  et en rater complètement un troisième. 

Où alors, la pauvre Natasha a du répondre à une commande de son éditeur, où bien elle avait sa toiture à refaire, où (dernière possibilité) elle s'être prendre son identité par quelqu'un qui la déteste...

Sinon, c'est officiel Natasha Solomons est une romancière inégale qui est capable de faire de la soupe.

C'était une lecture commune avec Hélène (qui a tiré le bon lot avec Jack) et Fleur (qui partage ma déception).

Fournisseur officiel de ce roman : Aifelle, la merveilleuse, qui a toujours une petite attention pour ses amies virtuelles, et qui me gâte plus souvent qu'à mon tour. J'espère qu'elle me pardonnera ce billet un peu sévère.

samedi 13 juin 2015

Pourquoi la série Dowton Abbey devrait-elle être remboursée par la Sécu.

Comment faire un mois anglais sans parler de Downton Abbey ?

Le château au fond , la famille Crowley à droite, les domestiques à gauche.
C'est tout bonnement impossible, c'est pourquoi aujourd'hui, je dégaine l'article de fond (Bernard de La Villardière n'a qu'à bien se tenir) et je pose LA question qui brûle à Marie-Sol Touraine notre ministre de la santé: Pourquoi la série Downton Abbey n'est-elle pas prise en charge par la Sécurité Sociale?

Car oui Downton Abbey devrait être reconnu d'utilité publique, et en voici les 5 raisons essentielles (en direct de mon canapé devant mon lecteur de DVD, Galéa reporter de l'extrême: pour vous servir)

Raison 1: l'indéniable effet anti-dépresseur

Qu'y a-t-il de plus efficace que Dowton Abbey quand on a eu une semaine pourrie, une déception sentimentale, une dispute sans retour avec une amie chère, quand on a eu la lâcheté de dire oui à la vendeuse de Sephora,  quand on a eu la faiblesse de visionner un reportage de chez M6 sur la drogue, la prostitution et tous ces restaurants qui arnaquent le client?

Je pose la question : qu'y a-t-il de plus efficace qu'un épisode de Dowton Abbey?  Hormis une énorme cuite, 2 Lexomyl ou 400g de chocolats industriels, la réponse est : RIEN.

Les Anglais tapent direct dans le costume, le château, le domaine. Nous, en France, le seul château célèbre qui ait fait l'objet d'un suivi attentif du public c'est celui de Dammarie les Lys pour les Star Ac' (dont le même registre de langue n'est pas exactement le même que celui de Dowton Abbey).

Lady Grantham, Lord Grantham,
Lady Edith, Lady Sybil et Lady Mary
Soyons clairs, dans tous ces cas de figure de perditude, déprime, grosse gaffe, faillite, rupture, Downton Abbey est LA solution. Une étude scientifique sérieuse (réalisée par le CFR l'an dernier) a montré que de se plonger dans l'Angleterre des années 1920 et de suivre la chiquissime famille Crowley, avec à sa tête l'emblématique comte de Grantham entouré de sa mère, sa femme et ses trois filles, diminuait le taux de dépression, permettait de mieux dormir et améliorait la qualité des relations sociales et professionnelles.

Cette même étude atteste que c'est particulièrement efficace le dimanche soir, surtout quand il pleut. On a d'ailleurs remarqué que certaines passages concernant  la vie et les amours des domestiques rendaient le sourire aux plus sombres d'entre nous (le désormais célèbre dialogue entre la gouvernante et le majordome à la fin de la saison 5 a sauvé récemment deux personnes du suicide).

Et surtout qu'y-a-t-il plus rassurant que de constater que dans la vie personne n'est noir ou blanc?

Raison n°2: l'effet d'identification à l'aristocratie (excellent pour soigner les blessures d'égo, selon le Pr. Dranem, ancien interne des hôpitaux de Marseille)

Mrs Patmor
Et pour cela les filles Crowley restent quand même des valeurs sûres. A part Lady Sybil (bouhhhhhhhhh la plus belle, la plus franche, la plus altruiste de toutes.... ), aucun personnage n'a le coeur vraiment pur, et du coup ça laisse à la téléspectatrice un boulevard de possibilités pour savoir à laquelle s'attachera-t-elle.

Mr Carson, Mrs Hugues, Miss O'Brien
 De Lady Mary (vénale mais sensible) à Lady Edith (envieuse mais avant-gardiste) en passant par Cora (l'Américaine devenue comtesse et dont la beauté se fane avec bienveillance), on a un peu toutes les figures possibles et inimaginable sur toutes les classes sociales. Si l'on préfère moins de chichi, de rubans et de protocole, il y a aussi la bouillonnante et généreuse cuisinière Mrs Patmor, ou bien la loyale et rigide gouvernante Mrs Hugues. Et si vraiment on veut de l'amour et du drame, il y aura toujours Anna, une femme de chambre indéfectiblement amoureuse de son valet de mari et intrinsèquement attachée aux ladies de la maison. Mais quand on veut de la nuance de gris, il y aura encore la comploteuse au grand coeur (si si) Miss O'Brien. Et pour celles qui auraient un petit complexe intellectuel (genre celles qui se sont toujours vues comme la nouille de la famille) pas de panique, il y a Daisy, l'aide cuisinière,  qu'on croit un peu simplette alors que non, pas tant que ça (mais il faut attendre la saison 5)...

Evidemment pour n'importe qui d'à peu près mon âge, l'idole entre toutes est  l'incomparable Lady Violet, de très loin la figure la plus moderne, la plus digne, la plus lucide et la plus drôle de la série. 

Matthiew Crowley
Mais dans Dowton, il y a de l'Homme, du vrai. Bien sûr, il y a le comte de Grantham qui nous offrira un personnage paternaliste, bienveillant, réactionnaire mais rassurant, j'ai envie de dire de la valeur sûre dans le style.  Mais bien sûr, il faut un beau gosse, le héros gagné au mérite, j'ai nommé Matthew (qui perso me laisse froide par tant de perfection et à cause d'une couleur de cheveux totalement improbable qui semble être subventionnée par Gifrer).  Mais, il reste le futur lord Grantham (enfin je me comprends parce que bon...paie ta fin de saison 4..oh my god), amoureux de Lady Mary, héros de guerre, qui cumule à peu près toutes les qualités du gendre idéal (donc globalement ce qui me fait fuir).

Mr & Mrs Bates
Avec Mr Bates, la valet de pied sombre mais droit, on aura enfin l'exemple du type estropié, au physique moyennement avenant,  mais qui fait tomber les coeurs (il n'y a que les Anglais qui peuvent se permettre ça quand même, depuis Charles et Diana), et dont on suppose qu'il aurait des ressources moyennement légales, si vraiment on le cherchait trop (mes origines populaires me le font apprécier avec une grande tendresse). Avec le valet Thomas par contre, on découvrira comment quelqu'un qui a souffert plus que de raison peut devenir fondamentalement tordu (et ça nous permettra de se souvenir qu'il y a 100 ans, dans des pays dits civilisés, l'homosexualité était non seulement un crime mais une pathologie qu'il fallait soigner, et peu d'entr'eux sortait indemne  de ce joug social). Avec Mr Carson, nous retrouverons The majordome emblématique , l'âme du château, le gardien de la demeure et du protocole.

Lady Sybil et Tom son mari (quand il était encore mince)
(Tom, si tu reviens j'annule tout
Oh ça va je rigole....)

Je ne peux pas ne pas parler de Tom et ses yeux bleus (avant sa légère prise de poids de la saison 4, marque ultime de son embrigadement dans la classe dominante). Tom, Irlandais, socialiste, chauffeur de la famille Grantham qui épouse Lady Sybil, et qui est le seul vrai personnage qui évolue de manière remarquable sur 5 saisons et qui dit à tous les spectateurs :
"I don't believe in types, I believe in people" 
(je ne vous ferai pas l'offense d'une traduction, à partir du moment où je comprends, je considère que le sens est à la portée de tous).

S'il se surveillait un petit peu plus et perdait cet embonpoint gênant pour une type qui travaille sur la lutte des classes, je dirai qu'il est de loin mon absolu chouchou, le personnage entre deux mondes, entre deux époques, en deux pays, et son comportement est une leçon de loyauté pour nous tous (je suis extrêmement sérieuse).

Raison 3: le souci du détail et le sens de l'auto-dérision (un aspect qui aidera grandement les fouineurs psychorigides et tous ceux qui manquent de recul sur eux-mêmes )

Car dans Downton, tous les personnages, les décors, les répliques sont remarquablement travaillés, les dialogues sont d'une grande intelligence. Rien est laissé au hasard, en série Tv comme en Marine et navigation, les Anglais travaillent tous les paramètres et ne laissent rien au hasard (pas souci de loyauté patriotique, je ne me prononcerai pas sur la comparaison avec nos séries françaises).

Mrs Levinson et Lady Violet
dans l'une de leur nombreuses joutes verbales
Mais surtout, dans Dowton, les Anglais se regardent droit dans les yeux, et se servent d'une certaine Mrs Levinson, américaine et mère de Lady Grantham, pour se moquer d'eux-mêmes. A chaque saison les dialogues entre les deux belle-mères que sont lady Violet et Mrs Levinson sont absolument délicieux, parce qu'ils parlent de la tradition, de la modernité, d'un monde qui change et qui société qui mute....et on sent bien que les Anglais sont critiques sur eux-mêmes (peu de nations peuvent en dire autant). L'auto-dérision étant pour moi la marque ultime du savoir-vivre , je plébiscite totalement les saillies de Mrs Levinson.

Raison 4: le règne de l'élégance (extrêmement important pour ceux qui sature du bling-bling, des motifs léopards, des gens qui parlent fort dans la rue, des sonneries de portable agressives). 

On a trop souvent tendance à l'oublier, l'élégance, ça fait tout passer : la boucherie de la première guerre mondiale, une femme qui meurt en couche, des mois d'emprisonnement, une femme abandonnée au pied de l'hôtel, un viol, un accident de voiture, une fausse couche, une bonne qui fait le trottoir, des russes qui meurent de faim, une société fondamentalement antisémites, un meurtre, une mort inavouable, des traitrises, des problèmes d'argent, des adultères.

L'élégance c'est ce qui maintient le monde supportable quand la situation ne l'est pas. C'est de mon point de vue ce que les britanniques auront toujours comme avantage sur nous. Dans Downton même pour se dire des choses affreuses, les femmes sont corsetés, le cheveux propres et coiffés, et avec un vocabulaire convenable. Et ça , c'est totalement rebelle à l'époque de la téléréalité, des politiciens qui jurent, des personnages publiques qui jouent à qui sera le plus déglingos.

Raison 5: Downton Abbey est moderne. 

Downton Abbey, c'est la série de la modernité (et c'est ça qui est fort quand même pour un film en costume) car c'est l'histoire d'une société qui change parce que le monde change. Dans Downton Abbey on rentre dans la période qui précède la plus grande crise économique du XXè siècle, le crash de 29, cet événement historique et sans précédent qui a secoué toutes la planète, qui a redistribué l'ordre social du monde, qui a donné le pire et le meilleur...Downton, c'est un regard sur un monde qui change fondamentalement, dont chacun essaie de sauver ce qu'il pense être acquis, quand les plus conservateurs comprennent qu'il faut sortir d'un certain entre-soi pour rester dans la course.... 

Il est possible qu'on ait beaucoup à réfléchir là-dessus, car sans doute vivons-nous aussi une période de grande mutation aussi. 

Alors chère Marie-Sol, soyez un ministre responsable, et rendez Downton Abbey accessible à tous.


De mon point de vue, la prescription de base consisterait en cures régulières (de 2 épisodes par soir pendant 15 jours) avec un traitement de fond (le visionnage d'une saison par an plus un suivi sur IG me paraît suffisant).

Luttons contre la dépression, la vulgarité et la sinistrose ambiante.
Militons pour la généralisation de Downton Abbey (au delà de TMC).

C'est ma troisième participation au mois anglais (certes totalement foutraque mais j'ai de bonnes raisons de partir dans tous les sens) et c'est un billet commun avec my dear Tiphanie et Natiora.



mercredi 10 juin 2015

Un bûcher sous la neige

Susan Fletcher, Un bûcher sous la neige (2010)
J'ai lu, 2013, 475 p.
Un Bûcher sous la neige c'est l'histoire d'un clerc qui rend visite à une sorcière en prison, et combat sa répulsion en espérant tirer d'elle des informations pour chasser du trône d'Angleterre Guillaume d'Orange, le Hollandais protestant qui a renversé Jacques II.

Du coup, la sorcière dont le bûcher attend le dégel pour la brûler, lui raconte toute sa vie, et termine par la période pendant laquelle elle vivait dans les Highlands.

Pour moi les Highlands c'était l'endroit où les Crowley partaient chasser. Mais ici les Highlands c'est tout à faire autre chose (what a surprise ?!).

Je l'ai aimé sans m'en rendre compte ce roman, alors que j'étais épuisée, toujours à droite ou à gauche, entre deux courses, en train de râler, de me plaindre de tout ce que je n'ai pas le temps de faire...bref, là il en fallait pour me tenir attentive.

Peut-être est-ce à cause de Corrag, la jeune sorcière emprisonnée qui raconte sa vie, parce qu'elle ressemblerait presque à une elfe ou à une fée, dans la description que Mr. Leslie (l'homme d'église) en fait à sa femme dans ses lettres. Je me suis retrouvée dans le début du film Molière d'Ariane Mnouchkine, avec les cris des sorcières sur les bûchers. Parce que la sorcière qu'on brûle c'est so XVIIe siècle, c'est l'époque, des poisons, des intrigues, et des morts suspectes. C'est l'époque où on saigne les gens plutôt que de recourir aux plantes. 

Et franchement Fletcher a drôlement bien travaillé son sujet mine de rien, elle montre bien qu'être sorcière ne tient finalement pas à grand chose: une allure, une maladresse, l'amour des plantes. La sorcière c'est l'autre, la marginale, celle qui ne se plie pas aux codes. Parce que le XVIIe siècle, c'est mon domaine, la période que je connais le mieux, et franchement je me suis complètement régalée, la rudesse quotidienne, l'absence d'hygiène, la manière de vivre, tout est terriblement crédible.

Ensuite, comme toujours chez Fletcher, la nature est sauvage, grandiose et évidente. Comme toujours il y a la contemplation, la rugosité. Moi qui n'ai jamais vécu que dans des villes bruyantes, il y a quelques choses de l'ordre du fantasme dans la manière dont elle parle des arbres, des collines, des rivières et des forets. Il n'y a pas à tortiller, Fletcher sait créer une atmosphère, un lieu, moi, je m'y suis vue à Glencoe avec ses hameaux disséminés d'Est en Ouest, j'ai regardé les montages et entendu la mer. Et pourtant, franchement je ne suis pas une contemplative, il m'en faut pour me tenir en haleine sur 500 pages, avec une forêt traversée à dos de jument.

Et puis bien sûr toute la partie politique (par le bas) m'a passionnée, parce qu'il est question du mythe de Guillaume d'Orange (que je verrai toujours comme l'ennemi le plus prégnant de Louis XIV), du serment des clans écossais au roi d'Angleterre, des dégâts collatéraux des décisions, des parties du royaume qui reste récalcitrantes. On n'est pas dans les antichambres des palais royaux mais bien dans les endroits reculés d'une nation qui se divise. 


Bref, sans être un authentique coup de coeur (probablement par trop d'âpreté à certains endroits...et encore je n'en suis pas certaine car j'aime ce qui gratte), j'ai une vraie tendresse pour ce roman (que je garde au chaud pour ma grande fille qui l'adorera l'âge venu).


 Hormis le fait que son écriture me parle et me convienne, il y a la question des religions (catholicisme avec Mr Leslie, protestantisme avec tous les Anglais, et paganisme avec Corrag la sorcière), et avec Fletcher il reste toujours, au bout du compte, quelque chose qui ressemble à la phrase convenue, "en son âme et conscience", et il est vraiment question de cela finalement dans Le Bûcher sous la neige, de ces petites choses qui restent malgré tout dans un coin du coeur et de la tête et qui donnent encore foi dans le genre humain. 

Ce billet devait s'intégrer dans la journée "roman historique" du mois anglais, mais je me suis, avec mes collègues, complètement ratée, c'est donc ma seconde et poussive participation.

 Fournisseur officiel de ce roman : Liliba, ma première swappeuse, (une blogueuse que je regrette pour sa bonne humeur, son esprit potache et sa bienveillance). 

jeudi 4 juin 2015

Agatha Christie de A à Z

Anne Martinetti, Guillaume Lebeau
Agatha Christie de A à Z
Editions Télémaque, 2014, 499 p.
Agatha Christie a sauvé mon adolescence ombrageuse de l'ennui, puisque durant un interminable été entre deux classes  de collège, j'inaugurais (sans le savoir) "la fameuse panne de lecture", tout à fait raccord avec l'ado désespérante que j'étais devenue, qui ne s'intéressait à rien ni personne (si ce n'est aux sacs-à-dos Chevignon et aux baskets Nike Pump Air qui déjà attestaient d'une vie réussie ou pas).


C'est ainsi qu'au détour d'un supermarché (ouh que c'est vilain !! ) puis d'une fouille approfondie de la bibliothèque parentale, Dame Agatha sauva de justesse ce qu'il me restait de curiosité et d'entrain. Les quelques mois suivants, je n'ai lu qu'elle (que je mixais avec un peu de  McOrlan - pour des raisons obscures) devant mes parents qui n'en finissaient pas de me trouver bizarre et excessive.

Bref, c'est donc tout naturellement que ma binômette-poissonnette, la délicieuse et attentive Marjorie, m'a offert, pour mes 28 ans mon dernier anniversaire, l'encyclopédie Agatha de A à Z, d'Anne Martinetti et Guillaume Lebeau.  Avec Rayures, nous avons donc procédé à l'examen minutieux et critique de cet ouvrage qui nous promet "Tout l'univers de la reine du crime".

En gros, on y trouve à peu près tous les personnages et titres de notre romancière. Et c'est avec beaucoup de plaisir qu'on lit les notices de Poirot, Miss Marple, Mme Oliver, qui sont tout à fait passionnantes. Tout comme celle de Hastings (p.219) qui rappelle le personnage qu'Agatha en avait fait : un bel homme, plein d'éducation, sans doute un brin trop léger quoique séduisant. C'est aussi réjouissant de retrouver des figurants récurrents qui évoluent d'un roman à l'autre en arrière-plan (j'ai toujours une passion pour les figures secondaires), c'est le cas d'Albert Batt dont j'ai vraiment aimé la notice (p.57)

Concernant les romans, c'est vraiment un plaisir de se souvenir en quelle année ils ont été publiés, mais surtout de se remémorer qu'à l'époque c'était dans des périodiques que les chapitres étaient d'abord diffusés (ce que je trouve génial, et qui me rappelle, une fois encore, que je suis née au mauvais moment).  Un peu déçue néanmoins de ne pas y trouver La mystérieuse affaire de Styles, qui est quand même l'acte I d'Hercule Poirot qui fait écho au dernier opus du détective avec Poirot quitte la scène qui n'apparaît pas non plus.

En revanche, on a tous son Agatha Christie peu connu qu'on préfère aux autres, le mien c'est Mr Brown dont je garde un souvenir assez flou hormis une histoire de rideau que j'avais trouvé géniale et qui m'avait donné a posteriori la chair de poule pendant 2 jours (j'étais jeune et en mal d'émotions fortes). J'ai relu le résumé avec plaisir, retrouvé le couple Beresford avec bonheur, et redécouvert l'identité de Mr Brown avec gourmandise. 

Par contre, ce qui me gêne beaucoup dans cette encyclopédie, c'est la trop grande place laissée aux objets dérivés, inspirés ou copiés d'Agatha Christie. Pour moi tout ce qui est postérieur à son oeuvre n'appartient pas à son univers et ne m'intéresse pas vraiment. Les jeux vidéos (!!!!!!), séries télévisées, adaptations diverses et variées (qui parfois n'ont quand même plus rien à voir avance l'ambiance initiale) sont de mon point de vue beaucoup trop nombreux et récurrents dans ce livre.

D'autant que c'est au détriment d'entrées thématiques qui auraient toute leur place ou d'autres que j'aurais aimé plus développées. Ainsi, j'ai beaucoup apprécié l'article sur l'antisémitisme présumé d'Agatha Christie, tout comme celle des pianos. Je regrette néanmoins, l'absence de notices sur le "train" qui est très présent dans son oeuvre, et si l'avion apparaît, je déplore aussi qu'il ne soit pas davantage mis en perspective avec ses romans (combien de morts mystérieuses ou prétendue en avion a-t-elle mises en scène ?). 


Attention néanmoins c'est une encyclopédie qui déflore beaucoup (ne pas lire par exemple la notice de Brown, Mr, avant d'avoir lu le roman, au risque de ne plus avoir de suspens en le lisant). 


Le gros supplément d'âme reste le complément iconographique avec photo de notre Lady des polars de l'enfance à l'âge adulte ainsi que des images représentant l'hôtel des Dix petits nègres ou la maison qui servit de décor pour celle de Styles. Les livres d'Agatha auront toujours pour moi cette saveur, cette atmosphère, ces personnages qu'aucun film ni série ne pourra jamais reproduire comme dans mon imagination.

C'était la participation de Galéa à la journée polar du famous english month ;-) avec Marjo comme fournisseuse officielle ;-)

dimanche 29 juin 2014

L'opération Sweet Tooth

Ian McEwan, Opération Sweet Tooth
Gallimard, 2014, 439 p.
Et voilà, je termine mon mois anglais de justesse avec le dernier McEwan, juste sur la limite (heureusement qu'il pleut aujourd'hui, j'ai pu rédiger un billet). Je suis très fière d'avoir réussi à honorer ce rendez-vous difficile à tenir en ce mois de juin surchargé (en pleine phase d'auto-congratulation).

Soyons honnête, je suis tombée en amour de McEwan l'année dernière avec Expiation , donc ce billet ne sera pas nécessairement des plus impartiaux (je suis une lectrice à la Cabrel "quand j'aime une fois c'est pour toujours").

En trois mots: c'est l'histoire de Serena, recrutée dans les années 70' par le MI5, pour s'ingérer dans la vie d'un romancier en devenir et vérifier qu'il rédige des oeuvres du bon côté idéologique de la guerre froide. 

Et comme dans Expiation, je suis une fois de plus sous le charme des personnages féminins de McEwan. Cette fois, il nous a campé une splendide Serena, belle et intelligente (bien plus que sa soeur Lucy visiblement assez moche, moins futée et limite un peu paumée). J'ai retrouvé avec plaisir la sensualité  et même la sexualité que McEwan sait manier avec brio (franchement la scène de la première fois avec Jérémy est très réussie). Et puis c'est toujours aussi drôle. Drôle comme j'aime, c'est à dire sans gros sabots, sans grosses blagues, drôle et un peu triste, drôle et un peu cruel...bref à l'anglaise. 



J'aime comme toujours tout ce qu'il sait mettre en périphérie du livre, l'ambiance d'un Londres pluvieux en économie permanente d'énergie (Serena qui déambule à Londres, vraiment je m'y suis crue). La colocation avec des avocates pas très fun formait une toile de fond idéale (être seule même à cinq c'est crédible). Le pasteur pas communicatif du tout, à l'ombre de sa cathédrale, c'est génial. La mère qui force sa fille à faire des mathématiques à l'université, c'est avant-gardiste. Les longues journées d'amour à Brighton ont un merveilleux goût d'iode. L'amie Shirley est parfaitement réussie (délicieuse prolétaire, renvoyée du MI5 qu'un destin plus joyeux attend ensuite), tout autant que le presque amoureux Max (dont je ne dirai rien pour ne pas déflorer).



Alors oui Attila, je sens que tu t'énerves là derrière ton écran, ce n'est pas le plus réussi des McEwan, je te le concède (d'autant plus facilement que ce n'est que mon deuxième). Je te jure de lire Sur la plage du Chesnil qui est bien mieux (je te fais confiance tu le sais bien). C'est vrai qu'il est moins rythmé, c'est vrai qu'il est un peu plus étalé, un peu délayé même parfois. Oui Attila, ce n'est pas le meilleur, c'est un diesel de chez diesel...


Mais quand même (écoute moi ne t'énerve pas), je vais t'avouer que j'ai pleuré à la fin (et tu sais bien qu'il m'en faut - vu que je n'ai pas de coeur). Le livre dans le livre, c'est toujours aussi magistral. Admets que tout s'emboîte merveilleusement bien, qu'il a bien travaillé McEwan, le puzzle est parfait. 

Reconnais aussi la belle réflexion qu'il fait sur la littérature. Rappelle-toi la scène où il parle de l'opération Mincemeat sur les plages espagnoles , là "où l'inventivité et l'imagination ont pris le pas sur l'intelligence" (p.434).

Et puis franchement, l'arroseur-arrosé ça reste une valeur sûre.


Je quitte ce mois anglais à regret, je me suis vraiment bien amusée, merci aux organisatrices, Lou, Titine et Chryssilda dont j'admire la patience, l'organisation et la constance.


Je finis juin sur les genoux et entre, complètement dépitée, dans juillet. A propos  de juillet, c'est ma première participation au challenge du leader sur la rentrée d'hiver (oui je sais, un 29 juin, c'est limite, mais Valérie est très indulgente avec moi).

Une chose est sûre, l'été arrivant : vous n'avez pas fini de m'entendre me plaindre...

(mais c'est aussi comme ça qu'on m'aime, isn't it?)

mardi 24 juin 2014

Orgueil et préjugés

Jane Austen, Orgueil et préjugés (1813)
10/18,  1982, 380 p.
Pendant longtemps, j'ai cru que je ne pouvais pas être une lectrice de Jane Austen.

Je ne suis pas friande des histoires d'amour (surtout quand elles finissent bien), des bals, ni des introspections romantiques; et j'associais Jane Austen à tout cela, avec du ruban, de la crinoline, des jeunes filles oisives et amidonnées issues de la bonne société anglaise, qui attendent patiemment le jour de leur mariage, en conjecturant sur celui des autres. 

Mais ça c'était avant ma passion subite pour Downton Abbey (et mon affection profonde  pour Lady Sibylle et Tom - je ne suis pas absolument remise de ce que vous savez). C'était avant aussi que ma libraire préférée m'offre Orgueil et préjugés pour mon anniversaire et que le mois anglais tombe fort à propos pour m'y lancer.

En fait, j'aime Jane Austen...mais pas complètement (Titine pardonne-moi). Mon problème avec Austen c'est que je connais déjà la fin de l'histoire.  Pour moi ce qui fait le sel d'Austen, ce n'est pas la résolution de l'intrigue, mais bien le cheminement narratif.  

Effectivement, l'histoire de la famille Benett s'écrit autour des  cinq filles (pas encore mariées), qui ne sont pas si riches que cela et qui n'appartiennent pas vraiment à la haute société. En plus, et ce n'est pas rien, les filles de Mr Benett n'hériteront pas du domaine de Longbourn à cause de l'entail qui permettra à un obscure cousin, Collins, d'être propriétaire  du domaine après la mort du mâle Benett.

Comme chacun sait l'arrivée de Mr. Bingley et de son ami Darcy, dans une propriété voisine, va bouleverser notre petite famille de province.

Les cinq soeurs sont vraiment réussies: Jane est parfaite de douceur et de bienveillance (même si bon, un peu de lucidité ne lui nuirait quand même pas), Lizzie a toutes les qualités de l'héroïne  puisqu'elle allie beauté, fougue, culture et jeunesse. Les deux dernières filles Benett sont horripilantes, superficielles et fatigantes. Et bien sûr j'ai une tendresse particulière pour cette pauvre Mary (la place du milieu: la pire d'une fratrie), ni jolie, ni talentueuse, qu'Austen laisse un peu de côté et pour laquelle j'éprouve beaucoup d'empathie.

J'ai vraiment (presque) tout aimé: cet humour corrosif contre les bonnes manières, la description des parvenus, le snobisme, le vrai, le personnage de la mère aussi ridicule qu'actuel, le faux mutisme du père. Si j'ai été surprise par la quantité de dialogues, ils étaient si bien écrits qu'ils ne m'ont pas gênée. J'ai aimé combien Austen se moque de certains usages, comment elle dépeint la mesquinerie humaine, les travers et la suffisance des uns et des autres, j'ai aimé son humour et parfois son second degré. Tout est drôle et finalement assez cruel.


Mon problème, c'est le dénouement. Il m'a manqué du tragique. Je ne déteste pas les happy-ends (quoique ....- rapport à mon tempérament joyeux), mais le côté moraliste m'a quand même gênée. Jane-la-douce épouse Bingley-le-tendre, Lizzie l'intègre convole avec le richissime Darcy, Lydia la superficielle se perd avec Wickham l'imposteur (Kitty saura-t-elle en prendre de la graine)? Quant à Mary, elle est destinée dès ses 18 ans à rester vieille fille (pour tout dire j'aurais aimé un destin dramatique pour elle, quelque chose qui me fasse pleurer sur son sort).


Bien sûr, tout cela est rattrapé par un Darcy terriblement séduisant (il faut dire que j'ai une passion pour les hommes qui ne sourient jamais, les beaux ténébreux, les faux orgueilleux, impopulaires par omission de paroles). 

Evidemment Bingley est réussi dans sa faiblesse, sa lâcheté et sa bienveillance versatile. Sans aucun doute, le personnage de Collins est formidable d'auto-suffisance (d'autant que des Collins existent encore, j'en croise un tous les jours). Le père Benett est formidable de résignation et de lucidité sur sa propre famille.

Mais ce sont les femmes avec lesquelles Austen est la plus sévère et la plus délicieuse. Entre Mrs Benett, l'ancienne beauté  perdue dans un flot d'hystérie permanent, les soeurs Bingley aussi creuses, riches que méchantes, ou bien Lady Catherine carrément effrayante de solitude , de certitude et et d'égoïsme, je me suis régalée.

Ainsi, j'aime le regard critique d'Austen sur ses contemporains mais je regrette sa bienveillance romantique envers ses personnages. Je me déclare donc officiellement demie-fan. 

La preuve:  j'ai osé dire sur le groupe anglais (au mépris de toute prudence) que je n'étais vraiment pas fan de l'adaptation de 1995, malgré sa très grande conformité au roman. A part Darcy que je m'imaginais exactement comme Colin Firth, tous les autres acteurs ont terriblement heurté l'image que je m'étais faite de chacun des personnages et de l'esthétique du roman...Et quand on a à ce point une idée précise d'un roman, j'ai envie de dire que c'est que une lecture réussie. 

Ce billet (que j'espère les fans pur-jus me pardonneront) est une participation au challenge de Miss Léo le mélange des genres, pour le classique étranger, et une lecture commune pour le mois anglais de Titine, Cryssilda et Lou avec mes copines Valérie et Marjorie...

Et comme me le conseille régulièrement ma petite soeur, je vais aller m'acheter un coeur...(histoire vibrer à l'unisson) 

vendredi 20 juin 2014

Harry Potter à l'école des sorciers

J-K Rowling, Harry Potter à l'école des sorciers
Folio Junior,  1998, 302 p.
Harry Potter est notre livre familial. Nous l'avons tous lu plusieurs fois, même Boucle d'Or l' écoute en CD, lu par Bernard Giraudeau.

Rayures a son interprétation d'Harry Potter, l'Homme aussi, mais vu qu'ici on est chez moi, c'est moi qui vais parler aujourd'hui du premier tome.

L'école des sorciers est loin d'être le meilleur des sept volumes, mais bon, autant commencer par le premier opus, quand Harry, neveu malheureux d'une famille normale (et qui compte bien le rester ad vitam) reçoit une lettre de l'école Poudlard pour l'informer qu'il a des pouvoirs magiques et qu'il peut intégrer cette prestigieuse maison d'enseignement connue du monde sorcier mais ignoré du monde mordu (normal).

"Mr et Mrs Dursley, qui habitaient au 4, Privet Drive, avaient toujours affirmé avec la plus grande fierté qu'ils étaient parfaitement normaux, merci pour eux". (incipit)


Autant dire tout de suite, que j'ai toujours pensé que J-K avait voulu avec Poudlard et les enfants sorciers nous parler en fait des enfants différents qui ne trouvent pas leur place dans le monde "normal". Je dirais même que pour moi, l'histoire d'Harry Potter, c'est celle d'un enfant surdoué (doué de pouvoirs exceptionnels) qui ne découvre son  identité profonde et réelle qu'à 11 ans, quand il se rend compte que finalement, il existe un autre univers qui n'est pas "normal" au sens ou l'entend sa tante, mais dans lequel il est quelqu'un d'important et qui compte. Il y a finalement cette question de l'image de soi : Harry est un souffre douleur dans le monde moldu mais c'est un héros chez les sorciers.



Harry Potter c'est la revanche des enfants différents et bousculés par les autres, c'est une ode à l'anormalité et une critique hyper sévère de notre monde (punaise, je connais plein de Dursley qui dégouteraient n'importe qui d'avoir des enfants). Et puis, il y a cette blessure, celle qui n'a pas tué donc qui a rendu Harry plus fort et qui est la marque de son exceptionnalité.


Mais J-K Rowling va encore plus loin. Elle parle à des enfants de 10 ans (puisque ça s'adresse à eux le 1er tome), du libre-arbitre. 

Les pouvoirs magique, c'est comme l'intelligence, cela relève de l'inné, on l'a ou on n e l'a pas. Mais si on l'a, qu'est ce qu'on en fait? La cérémonie du choixpeau est de ce point de vue merveilleuse. Dans quelle maison ira Harry, seul enfermé dans ce chapeau magique : Griffondor les valeureux, ou chez Serpentard les ambigus? J-K pose la question de ce que chacun veut être et veut faire de son pouvoir.

Et puis il y a cette galerie de personnages merveilleux de sorciers, : Hermione (fille de moldus) l'hyperscolaire travailleuse qui exaspère tout le monde, Ron le maladroit malchanceux (Rayures a une passion pour Ron qu'elle trouve drolissime), Rogue l'éternel adversaire loyal, Malefoy le veule, Neville qui aura besoin de 7 volumes pour découvrir sa valeur, Dumbledore le sage, Mc Gonagall la sévère bienveillante, et toute la série des menteurs toquards (les professeurs de la lutte contre les forces du mal) qui se font passer pour autre choses que ce qu'ils sont en réalité, sans oublier les méchants, nécessaires bras armés du Mal absolu: Voldemort.

Rowling est géniale parce que les 7 volumes ont leur germes dans le premier, elle avait tout imaginé d'avance. Elle n'est pas manichéenne Rowling, elle parle déjà du racisme à de très jeunes enfants, quand elle évoque ces sorciers au sang-pur qui ne peuvent être souillés par le contact des sangs mêlés (tome 6), elle parle de la pauvreté à sa manière avec la famille Weasley. Elle apprendra dans les tomes suivants ce que c'est que résister (avec l'Ordre du Phénix), de s'organiser dans l'ombre...punaise, elle est géniale.

Et tellement imaginative!

Elle intègre brillamment des trolls (dont celui qui scelle l'amitié entre Ron et Hermione), des stars du Quidditch, des bébés dragons interdits mais présents, avec une bibliothèque ahurissante, un château absolument magnifique et labyrinthique, avec un concierge inquiétant, une cape d'invisibilité et des autorisations de sorties, des hiboux voyageurs et des friandises surprises, un arbre qui cogne et des voitures qui volent, des photos qui bougent, un miroir du désir...bref tout un monde génial et cohérent à côté duquel on ne peut pas passer...


Harry Potter est le seul livre sur lequel je manque très clairement de tolérance, pourtant il m'aura fallu les hormones de grossesse pour pouvoir le lire (puisque je trouvais cela assez nul à la base), je trouve qu'il devrait être enseigné au collège, parce qu'il est bien traduit, qu'il est drôle, qu'il est complet, que tout est beau et juste et tellement fin...et terriblement actuel ...



Je suis George qui organise un challenge de relecture d'Harry Potter, à raison d'un tome par mois (il est possible que Rayures se charge du 2ème), et je contribue à la lecture commune avec Val, Marjorie, George, Fanny,  Fondant au chocolat, Virginie et Yoda bot et d'autres sans doute... et tout cela  pendant le mois anglais chez Titine, Cryssilda et Lou.

PS: j'avais oublié que la lecture commune était aujourd'hui, il est 6h38, je n'ai pas le temps de mettre tous les liens, je ne sais plus qui sont les participants de la lecture commune, je ne vais pas pouvoir corriger toutes mes fautes, ni de mettre en ordre ce billet foutraque. Mais, bon, je pense que l'idée générale est quand même claire....

jeudi 12 juin 2014

Pourquoi être heureux quand on peut être normal?

Jeanette Winterson,
Pourquoi être heureux quand on peut être normal?
Editions de l'Olivier, 2012, 272 p. 
Hasard de mes lectures et des événements blogosphériques , je me retrouve à parler sur deux billets de suite des mêmes sujets.

Quand ma grande amie ZAP m'a offert Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, je m'attendais à l'histoire d'une enfant surdouée née dans la banlieue de Manchester, je me suis dit que ça allait me changer des ladies des manoirs.

C'est le moins que l'on puisse dire.

Mais être surdouée, n'est pas le propos de Jeanette Winterson (contrairement à ce que raconte la 4ème de couverture...passons, quoique je compte fonder un mouvement au sujet des 4èmes...).

Son récit est beaucoup plus dur, plus essentiel, beaucoup plus perturbant. Pourquoi être heureux quand on peut-être normal? c'est un peu  En finir avec Eddy Bellegueule, version fille britannique des années 70 et avec le recul en plus. Mais il y a de sérieux points communs. 

Eddy et Jeanette sont tous les deux extrêmement intelligents,  issus pareillement des milieux très défavorisés. Ils ont conscience très tôt de leur différence sexuelle, et se font globalement rejeter par les leurs. 

Chez Winterson, rien, absolument rien n'a été normal, ni sa naissance, ni sa famille, ni son instruction, ni son orientation sexuelle. Toute sa vie, elle a été et reste à la marge de la norme.

Parce qu'être abandonnée par sa mère à la naissance, ce n'est pas normal. Grandir dans un foyer adoptif sans argent ni amour, ce n'est pas normal. Tomber amoureuse d'une fille à 15 ans et se faire exorciser ensuite, ce n'est pas normal. Pas plus que de se faire mettre dehors à 16 et intégrer l'université derrière. C'est un parcours anormal... donc extraordinaire et passionnant.

Cette autobiographie a la violence de celle d'Edouard Louis. On y trouve des autodafés de livres, une gamine qui se fait copieusement cogner,  une secte religieuse qui attend l'Apocalypse et qui bannit livres et gravures de son quotidien. Et il y a un monstre absolu, la mère adoptive, la terrible Mrs Winterson.

Et puis, et surtout, et c'est ce qui diffère d'Eddy Bellegueule,  on y trouve le recul et quelque part une forme sinon de pardon, au moins d'acceptation. Il y a la quête de soi, de ce qu'on est, d'où on vient, la découverte d'une identité biologique et sexuelle. Winterson va très loin dans sa réflexion en s'interrogeant sur l'inné et l'acquis.  L'enfant adopté devient-il fondamentalement différent de ce qu'aurait été l'enfant biologique? Jeanette Winterson s'interroge presque sur le gène de l'homosexualité, sur le sien en tous les cas. 


Et puis, elle parle de ces blessures qui fondent notre individualité (elle évoque même la cicatrice d'Harry Potter), ce chapitre m'a éblouie, j'y pense encore souvent. Jeanette Winterson est d'une certaine manière devenue elle-même grâce à sa douleur, aux auteurs, à la littérature et l'écriture. Pourquoi être heureux ... est un livre qui parle des mots, de ceux qui sauvent une vie et qui lui donnent un sens. 


Mais ce n'est pas un livre joyeux,  au contraire, il se dégage de ce document une immense tristesse. En soi c'est un récit important et poignant, mais d'une telle noirceur et d'une telle désespérance, que je ne suis pas certaine de lire tout de suite ses romans.

C'est ma participation au challenge de Miss Léo, catégorie autobiographie et une participation au mois anglais chez Titine, Lou et Cryssilda

Et je remercie encore mon amie ZAP qui me l'a très gentiment offert il y a déjà un moment.

Il est maintenant possible que je me plonge dans du plus léger ...

mercredi 7 mai 2014

Le manoir de Tyneford

Natasha Solomons, Le Manoir de Tyneford
Le Livre de Poche, 2014,  519 p
The novel in the volia, 2011
(trad. Lisa Rosenbaum)
Pourquoi Le Manoir de Tyneford m'a-t-il plu à ce point?

Sans doute l'ai-je lu au bon moment (sous une pluie fine et froide dans le Doubs), juste après Maisie Dobbs qui m'avait mise dans l'ambiance britannique de la Première Guerre (il venait presque naturellement derrière). 

Une semaine après l'avoir terminé, j'y repense encore, émue et ravie, et je me retiens de ne pas acheter tous les autres romans de Natasha Solomons. 

En fait je crois que j'ai adoré ce roman parce qu'il réunit tout ce que j'aime de la britannitude (c'est là que je vois que c'est ma nature profonde de lectrice).

Evidemment, l'histoire était faite pour moi (vu que j'ai vécu ma vie antérieure dans les année 40'): Elise est une Autrichienne juive de 19 ans, elle quitte Vienne à la fin des années 30' et part en Angleterre faire la femme de chambre (le temps que les événements se calment). Globalement c'est l'histoire d'un manoir anglais pendant la seconde guerre Mondiale.

 Pour dire le vrai j'en ai lu plein des histoires comme ça (rapport à mon ancienne vie), mais Elise est un merveilleux personnage. Elle est juive mais ne connaît aucune de ses prières (même pas son Kaddish). Elle vient d'une famille intellectuelle viennoise mais son vrai questionnement intérieur, c'est la nourriture. Elise est grosse quand sa soeur et sa mère sont fines et belles. Elise est la seule à n'avoir aucune oreille quand tout le monde excelle en musique. Elise se retrouve seule à Tyneford, et parle un anglais épouvantable ...

En fait Elise c'est l'authentique looseuse des années 40'. Rien que pour cela, j'aurais pu l'aimer ce roman.

Ensuite il y a du Menderley dans Tyneford et du Maurier chez Solomons. L'incipit fait clairement référence à Rebecca (et c'est confirmé page 330). Moi, j'arrive à avoir les larmes aux yeux, rien qu'à la lecture de la première page. Je crois que les Anglais, mieux que les autres, savent parler des belles demeures. J'ai adoré Tyneford, avec bien sûr un majordome qui ressemble à s'y méprendre à Carson de Downton Abbey, l'ambiance est la même. Sauf que Tyneford est au bord de la mer, qu'en contrebas de la maison, il y a les casiers de pêche, des bateaux amarrés, il y a la baie sauvage, la mer et les arbres. 

Et puis, en vrac (parce que ce billet va vraiment être trop long) il y a les deux Mr. River, aussi fantasmants l'un que l'autre (la vingtaine vigoureuse et insouciante pour le fils, la quarantaine sombre et attirante pour le père), un manuscrit dissimulé dans un alto (the novel in the volia), des souvenirs viennois douloureux, un magnifique personnage de mère, des romans brûlés en Europe, une soeur réfugiée aux Etats-Unis. Il y a aussi la question de l'identité, de la communauté, la violence de la haine, des avions qui bombardent, des Anglais qui résistent, des comtesses méchantes, des WAAF hébergées au manoir, des villageois attachés à Tyneford, des soeurs qui correspondent......

C'est un roman qui a le mérite de ne tomber dans aucun excès, pas de surcharge de fiction, ni de rebondissements artificiels pour garder le lecteur en haleine. On nous parle de la fin d'un monde, de la disparition des lieux, de la création, du désir de l'autre, des instants fugaces du bonheur, de la guerre, du deuil, de la peur, de la faim, de la loose...

En plus, je dois dire qu'il est remarquablement écrit et traduit par Lisa Rosenbaum, c'est à la fois grave et drôle
Tout est fin et pesé.

Ce livre, je l'attendais depuis 6 mois, heureusement qu'Aifelle (une fois de plus) et Théoma m'ont mise sur son chemin. Keisha l'aimait déjà depuis l'année dernière. Je n'en reviens toujours pas d'être aussi emballée j'en ai déjà acheté plusieurs que je vais offrir, en espérant qu'il continuera à plaire....en tous les cas, il a eu le prix des lecteurs du Livre de Poche pour l'année 2014. Je l'agrège donc au challenge  A tous prix d'Asphodèle, en me réjouissant que le jury du Livre de Poche ait si bon goût....

samedi 3 mai 2014

Maisie Dobbs

Jacqueline Winspear, Maisie Dobbs
Livre de Poche, 2012, 382 p.

Bon, j'avais prévenu: je termine ces vacances de Pâques en pensant anglais, en dormant brittanique, en réfléchissant insulaire. J'écoute Kensington Square de Vincent Delerm, pleure sur la mort du King Arthur de Purcell, j'infuse mon thé dans une théière, je ne jure plus en public, je soutiens Lady Edith dans son émancipation et je me tiens droite...


En plus, il me fallait un policier pour le challenge de Miss Léo et j'en voulais un qui soit dans l'ambiance Me, Darcy & I. J'avais LE livre ton-sur-ton avec le blog de Miss Léo: Maisie Dobbs de Jacqueline Winspear, offert (entre autres choses merveilleuses) par Valérie qui l'avait aimé.


Maisie Dobbs est une trentenaire des années 20' (what?) détective privée à Londres (Good!) . Oh my God! mais c'est du sur mesure pour la fan de l'entre-deux-guerres que je suis (c'est mon côté branché). 

En trois mots Maisie Dobbs doit enquêter sur une ferme qui accueille les défigurés de 14-18. Alors, on ne va pas se mentir, ce n'est pas l'intrigue qui fait le sel de ce roman, c'est tout le reste. 


On assiste aux atroces événements de la Première Guerre Mondiale, on observe la vie quotidienne des aristocrates et de leurs domestiques, on écoute à la porte d' un obscure cabinet  d'investigations londonien. Un peu de dialogue, quelques flash-backs, des considérations psychologiques (mais point trop n'en faut non plus). 

Tout y est, le compte est bon. 

Une lady qui veut se donner bonne conscience, une fille d'employée brillantissime, un médecin légiste qui fait de la psychanalyse à ses heures perdues, des histoires d'amour socialement impossibles, des passions brisées par la guerre, des éclats de Shrapnel, un assistant dévoué, des rescapés traumatisés, quelques amitiés féminines, des hommes défigurés mais pas seulement .... 

Ce premier opus de Maisie Dobbs c'est aussi et surtout ce qu'il reste d'une époque après de graves bouleversements. La plupart des continentaux ignorent les ravages d'une guerre même dans un pays qui n'avait pas ses frontières attaquées.


Je l'ai aimé Maisie parce qu'elle incarne une génération de femmes et le frémissement d'un nouvel ordre social. Contrairement à l'énigmatique Miss Marple de l'indétrônable Christie, Maisie Dobbs a un passé, des fêlures, des faits d'armes. Ce qu'on découvre dans ce premier opus, c'est comment Maisie Dobbs devient détective privée. 

Et c'est réussi, quoique je n'aie pas trouvé le style très brillant (ou bien la traduction...) ni l'enquête palpitante. Mais les rebondissements sont ailleurs. Il y a cette atmosphère que les fans de Downton Abbey adorent, cette période d'entre deux drames qui marque la fin d'un monde.  Je pense que ce premier tome servait à camper Maisie et les suivants devraient davantage se concentrer sur les enquêtes. J'attends donc avec impatience de lire le deuxième tome traduit en français, il en reste 6 autres derrière. 

Ma Britannitude va crescendo, je vous parle tout bientôt d'un authentique coup de coeur.  Du coup, je me suis carrément fait un logo personnel avec ma nouvelle lubie (j'aurais pu choisir de jeunes filles fraiches et pétillantes, j'ai préféré la comtesse douairière, on ne me changera pas) 

See you soon friends
Lady Galéa



La Quadrature des Gueux : Le sens de la fête

Nouveau point d'étape de la quarantaine : le sens de la fête.  Que reste-t-il de nous quand il s'agit de faire la fête ? Je parle d...