Comment faire un mois anglais sans parler de
Downton Abbey ?
 |
Le château au fond , la famille Crowley à droite, les domestiques à gauche. |
C'est tout bonnement impossible, c'est pourquoi aujourd'hui, je dégaine l'article de fond (Bernard de La Villardière n'a qu'à bien se tenir) et je pose LA question qui brûle à Marie-Sol Touraine notre ministre de la santé:
Pourquoi la série Downton Abbey n'est-elle pas prise en charge par la Sécurité Sociale?
Car oui
Downton Abbey devrait être reconnu d'utilité publique, et en voici les 5 raisons essentielles (en direct de mon canapé devant mon lecteur de DVD, Galéa reporter de l'extrême: pour vous servir)
Raison 1: l'indéniable effet anti-dépresseur
Qu'y a-t-il de plus efficace que Dowton Abbey quand on a eu une semaine pourrie, une déception sentimentale, une dispute sans retour avec une amie chère, quand on a eu la lâcheté de dire oui à la vendeuse de Sephora, quand on a eu la faiblesse de visionner un reportage de chez M6 sur la drogue, la prostitution et tous ces restaurants qui arnaquent le client?

Je pose la question : qu'y a-t-il de plus efficace qu'un épisode de
Dowton Abbey? Hormis une énorme cuite, 2 Lexomyl ou 400g de chocolats industriels, la réponse est : RIEN.
Les Anglais tapent direct dans le costume, le château, le domaine. Nous, en France, le seul château célèbre qui ait fait l'objet d'un suivi attentif du public c'est celui de Dammarie les Lys pour les Star Ac' (dont le même registre de langue n'est pas exactement le même que celui de
Dowton Abbey).
 |
Lady Grantham, Lord Grantham, Lady Edith, Lady Sybil et Lady Mary
|
Soyons clairs, dans tous ces cas de figure de perditude, déprime, grosse gaffe, faillite, rupture,
Downton Abbey est LA solution. Une étude scientifique sérieuse (réalisée par le CFR l'an dernier) a montré que de se plonger dans l'Angleterre des années 1920 et de suivre la chiquissime famille Crowley, avec à sa tête l'emblématique comte de Grantham entouré de sa mère, sa femme et ses trois filles, diminuait le taux de dépression, permettait de mieux dormir et améliorait la qualité des relations sociales et professionnelles.
Cette même étude atteste que c'est particulièrement efficace le dimanche soir, surtout quand il pleut. On a d'ailleurs remarqué que certaines passages concernant la vie et les amours des domestiques rendaient le sourire aux plus sombres d'entre nous (le désormais célèbre dialogue entre la gouvernante et le majordome à la fin de la saison 5 a sauvé récemment deux personnes du suicide).
Et surtout qu'y-a-t-il plus rassurant que de constater que dans la vie personne n'est noir ou blanc?
Raison n°2: l'effet d'identification à l'aristocratie (excellent pour soigner les blessures d'égo, selon le Pr. Dranem, ancien interne des hôpitaux de Marseille)
 |
Mrs Patmor |
Et pour cela les filles Crowley restent quand même des valeurs sûres. A part Lady Sybil (bouhhhhhhhhh la plus belle, la plus franche, la plus altruiste de toutes.... ), aucun personnage n'a le coeur vraiment pur, et du coup ça laisse à la téléspectatrice un boulevard de possibilités pour savoir à laquelle s'attachera-t-elle.
 |
Mr Carson, Mrs Hugues, Miss O'Brien |
De Lady Mary (vénale mais sensible) à Lady Edith (envieuse mais avant-gardiste) en passant par Cora (l'Américaine devenue comtesse et dont la beauté se fane avec bienveillance), on a un peu toutes les figures possibles et inimaginable sur toutes les classes sociales. Si l'on préfère moins de chichi, de rubans et de protocole, il y a aussi la bouillonnante et généreuse cuisinière Mrs Patmor, ou bien la loyale et rigide gouvernante Mrs Hugues. Et si vraiment on veut de l'amour et du drame, il y aura toujours Anna, une femme de chambre indéfectiblement amoureuse de son valet de mari et intrinsèquement attachée aux ladies de la maison. Mais quand on veut de la nuance de gris, il y aura encore la comploteuse au grand coeur (si si) Miss O'Brien. Et pour celles qui auraient un petit complexe intellectuel (genre celles qui se sont toujours vues comme la nouille de la famille) pas de panique, il y a Daisy, l'aide cuisinière, qu'on croit un peu simplette alors que non, pas tant que ça (mais il faut attendre la saison 5)...
Evidemment pour n'importe qui d'à peu près mon âge, l'idole entre toutes est l'incomparable Lady Violet, de très loin la figure la plus moderne, la plus digne, la plus lucide et la plus drôle de la série.
 |
Matthiew Crowley |
Mais dans Dowton, il y a de l'Homme, du vrai. Bien sûr, il y a le comte de Grantham qui nous offrira un personnage paternaliste, bienveillant, réactionnaire mais rassurant, j'ai envie de dire de la valeur sûre dans le style. Mais bien sûr, il faut un beau gosse, le héros gagné au mérite, j'ai nommé Matthew (qui perso me laisse froide par tant de perfection et à cause d'une couleur de cheveux totalement improbable qui semble être subventionnée par Gifrer). Mais, il reste le futur lord Grantham (enfin je me comprends parce que bon...paie ta fin de saison 4..oh my god), amoureux de Lady Mary, héros de guerre, qui cumule à peu près toutes les qualités du gendre idéal (donc globalement ce qui me fait fuir).
 |
Mr & Mrs Bates |
Avec Mr Bates, la valet de pied sombre mais droit, on aura enfin l'exemple du type estropié, au physique moyennement avenant, mais qui fait tomber les coeurs (il n'y a que les Anglais qui peuvent se permettre ça quand même, depuis Charles et Diana), et dont on suppose qu'il aurait des ressources moyennement légales, si vraiment on le cherchait trop (mes origines populaires me le font apprécier avec une grande tendresse). Avec le valet Thomas par contre, on découvrira comment quelqu'un qui a souffert plus que de raison peut devenir fondamentalement tordu (et ça nous permettra de se souvenir qu'il y a 100 ans, dans des pays dits civilisés, l'homosexualité était non seulement un crime mais une pathologie qu'il fallait soigner, et peu d'entr'eux sortait indemne de ce joug social). Avec Mr Carson, nous retrouverons The majordome emblématique , l'âme du château, le gardien de la demeure et du protocole.
 |
Lady Sybil et Tom son mari (quand il était encore mince) (Tom, si tu reviens j'annule tout Oh ça va je rigole....)
|
Je ne peux pas ne pas parler de Tom et ses yeux bleus (avant sa légère prise de poids de la saison 4, marque ultime de son embrigadement dans la classe dominante). Tom, Irlandais, socialiste, chauffeur de la famille Grantham qui épouse Lady Sybil, et qui est le seul vrai personnage qui évolue de manière remarquable sur 5 saisons et qui dit à tous les spectateurs :
"I don't believe in types, I believe in people"
(je ne vous ferai pas l'offense d'une traduction, à partir du moment où je comprends, je considère que le sens est à la portée de tous).
S'il se surveillait un petit peu plus et perdait cet embonpoint gênant pour une type qui travaille sur la lutte des classes, je dirai qu'il est de loin mon absolu chouchou, le personnage entre deux mondes, entre deux époques, en deux pays, et son comportement est une leçon de loyauté pour nous tous (je suis extrêmement sérieuse).
Raison 3: le souci du détail et le sens de l'auto-dérision (un aspect qui aidera grandement les fouineurs psychorigides et tous ceux qui manquent de recul sur eux-mêmes )
Car dans Downton, tous les personnages, les décors, les répliques sont remarquablement travaillés, les dialogues sont d'une grande intelligence. Rien est laissé au hasard, en série Tv comme en Marine et navigation, les Anglais travaillent tous les paramètres et ne laissent rien au hasard (pas souci de loyauté patriotique, je ne me prononcerai pas sur la comparaison avec nos séries françaises).
 |
Mrs Levinson et Lady Violet dans l'une de leur nombreuses joutes verbales |
Mais surtout, dans Dowton, les Anglais se regardent droit dans les yeux, et se servent d'une certaine Mrs Levinson, américaine et mère de Lady Grantham, pour se moquer d'eux-mêmes. A chaque saison les dialogues entre les deux belle-mères que sont lady Violet et Mrs Levinson sont absolument délicieux, parce qu'ils parlent de la tradition, de la modernité, d'un monde qui change et qui société qui mute....et on sent bien que les Anglais sont critiques sur eux-mêmes (peu de nations peuvent en dire autant). L'auto-dérision étant pour moi la marque ultime du savoir-vivre , je plébiscite totalement les saillies de Mrs Levinson.
Raison 4: le règne de l'élégance (extrêmement important pour ceux qui sature du bling-bling, des motifs léopards, des gens qui parlent fort dans la rue, des sonneries de portable agressives).
On a trop souvent tendance à l'oublier, l'élégance, ça fait tout passer : la boucherie de la première guerre mondiale, une femme qui meurt en couche, des mois d'emprisonnement, une femme abandonnée au pied de l'hôtel, un viol, un accident de voiture, une fausse couche, une bonne qui fait le trottoir, des russes qui meurent de faim, une société fondamentalement antisémites, un meurtre, une mort inavouable, des traitrises, des problèmes d'argent, des adultères.
L'élégance c'est ce qui maintient le monde supportable quand la situation ne l'est pas. C'est de mon point de vue ce que les britanniques auront toujours comme avantage sur nous. Dans Downton même pour se dire des choses affreuses, les femmes sont corsetés, le cheveux propres et coiffés, et avec un vocabulaire convenable. Et ça , c'est totalement rebelle à l'époque de la téléréalité, des politiciens qui jurent, des personnages publiques qui jouent à qui sera le plus déglingos.
Raison 5: Downton Abbey est moderne.

Downton Abbey, c'est la série de la modernité (et c'est ça qui est fort quand même pour un film en costume) car c'est l'histoire d'une société qui change parce que le monde change. Dans Downton Abbey on rentre dans la période qui précède la plus grande crise économique du XXè siècle, le crash de 29, cet événement historique et sans précédent qui a secoué toutes la planète, qui a redistribué l'ordre social du monde, qui a donné le pire et le meilleur...Downton, c'est un regard sur un monde qui change fondamentalement, dont chacun essaie de sauver ce qu'il pense être acquis, quand les plus conservateurs comprennent qu'il faut sortir d'un certain entre-soi pour rester dans la course....
Il est possible qu'on ait beaucoup à réfléchir là-dessus, car sans doute vivons-nous aussi une période de grande mutation aussi.
Alors chère Marie-Sol, soyez un ministre responsable, et rendez Downton Abbey accessible à tous.
De mon point de vue, la prescription de base consisterait en cures régulières (de 2 épisodes par soir pendant 15 jours) avec un traitement de fond (le visionnage d'une saison par an plus un suivi sur IG me paraît suffisant).
Luttons contre la dépression, la vulgarité et la sinistrose ambiante.
Militons pour la généralisation de Downton Abbey (au delà de TMC).
C'est ma troisième participation au mois anglais (certes totalement foutraque mais j'ai de bonnes raisons de partir dans tous les sens) et c'est un billet commun avec my dear
Tiphanie et
Natiora.