lundi 28 avril 2014

Bilan de pause virtuelle

Coucou, me revoilà.

De retour après 8 jours sans connexion, il va me falloir un peu de temps pour répondre aux commentaires et rattraper tous les billets en retard de vos blogs. Donnez moi une petite semaine, et tout devrait reprendre son cours....


Mais je ne peux m'empêcher de m'adonner aux réflexions profondes que suscitent chez moi d'interminables trajets en voiture et les longues, voire très longues, phases d'attente, caractéristiques des rendez-vous sportifs qui rassemblent parents et enfants pendant 8 jours et au sein d'un périmètre très limité. (Tout ce que j'aime était donc réuni : compétition et promiscuité).  



1: Première fois en 18 mois que je suis coupée pendant une grosse semaine de la Toile. Ca ne ferait pas un peu la fille nolife quand même? Si. 

D'ailleurs merci à la blogueuse qui m'a tenue au courant par texto de la finale de Top Chef.

2: J'ai gagné des points en tant que mère sacrificielle, gérant les déceptions d'un mauvais résultat (en étouffant des hurlements) ou l'euphorie un peu excessive d'un bon (en étouffant des hurlements). J'ai été présente de jour comme de nuit (surtout de nuit d'ailleurs et elles ont intérêt à s'en souvenir le moment venu...dans 10 ans par exemple, quand elles feront leur crise d'adolescence et qu'elles me détesteront).

3 : J'ai fait preuve de sociabilité, j'ai parlé avec des gens que je ne connaissais pas (surtout ceux qui, comme moi, sortaient fumer en traînant un de leurs enfants dans le froid, parce qu'on n'allait pas non plus les laisser seuls). Mon bilan est mitigé: certains parents font peur (parfois j'avais l'impression que leurs enfants passaient le bac) et d'autres étaient bien à côté de la plaque (je me dis même qu'il y en avait des pires que moi...enfin disons au moins un).

4: J'ai été trahie par mon propre GPS après 800 Km pendant lesquels une relation de confiance s'était installée entre nous (je me suis alors dit que j'avais le droit de pleurer au volant, tout en hurlant contre contre les filles sur la banquette arrière). Après cette perte totale de dignité automobile, je travaille sur l'estime de soi et le self-control.

: J'ai crû réserver un gite en France...mais une fois sur place, j'ai découvert qu'on était en Suisse (coucou Alphonsine). Mon forfait n'étant pas international, je n'ai pas pu appeler l'Homme pour m'en plaindre. En revanche, j'ai découvert une très belle région (c'est l'avantage de s'y être prise au dernier moment, j'étais à trois quarts d'heure de route de la salle, j'ai donc pu totalement apprécier le paysage, le matin et le soir et vu que je me suis perdue à plusieurs reprises, je crois maintenant très bien connaître la région franche-comtoise frontalière de la Suisse).

6: Je me suis habillée 4 jours de suite avec les mêmes vêtements et finalement, j'ai envie de dire que ça passe (le linge a mis 3 jours à sécher et je n'avais pas anticipé ce paramètre). Sinon j'ai failli arrêter de fumer...et puis non finalement (je crois que le moment était mal choisi).

7: J'assume le fait d'avoir supplié ma mère de m'accompagner après le désistement de l'Homme (à mon âge ce n'est pas facile de se rendre compte qu'on ne sait toujours pas se débrouiller toute seule, donc soyez indulgents).

8:  Enfin, et c'est le plus important : je suis en pleine Britannitude littéraire, c'est sans doute l'effet post-partum du prix ELLE (ou une crise d'adolescence tardive après le traumatisme d'Allemand première langue). Je sens que je vais m'en faire un festin, entre Maisie Dobbs, Natasha Salomons, McEwan et d'autres, je suis en pleine immersion anglo-saxonne, je vais sans doute enchaîner sur Orgueil et préjugés...Tout cela couvait depuis ma subite passion pour Downton Abbey, mais disons que là c'est officiel (et ça tombe en même temps que le voyage à Londres d'une blogueuse anglophone).

Il n'est pas impossible que ce blog chante God save the Queen dans les semaines à venir, ni que je me fasse appeler Lady Galéa...

Je vous laisse, j'ai des valises à défaire et refaire (encore une semaine de vacances chez nous....no comment ), une douche ne me ferait pas de mal (un shampooing et une épilation non plus d'ailleurs).

Je reviens très vite...

mercredi 23 avril 2014

Ainsi se tut Zarathoustra

Nicolas Wild, Ainsi se tut Zarathoustra, 
La boîte à bulles, 2013, 221 p.

Il fallait qu'à un moment je me frotte à la Bande-Dessinée parce que j'en vois fleurir partout sur le Toile et peut-être que je passe à côté de quelque chose en ignorant ce genre.


J'ai donc profité du marrainage de mon leader personnel pour commander Ainsi se tut Zarathoustra de Nicolas Wild pour l'opération Price Minister (et c'est là que j'ai regretté l'absence d'Olivier Moss, parce que pour le coup, je n'ai aucune connaissance des délais...).

En trois mots Nicolas Wild nous raconte et nous dessine son voyage en Iran en 2006 suite à la rencontre parisienne et fortuite de la fille d'un zoroastrien, assassiné à Genève.

J'ai été très séduite par son coup de crayon (suffisamment sobre et figuratif pour que je comprenne l'ensemble) et par le choix du noir et blanc (oui les couleurs m'agressent, c'est mon côté "j'aime la vie"). Le héros (et néanmoins narrateur) est plutôt très sympa et ne manque pas d'humour. La galerie de personnages est assez attachante, parce que haute en couleur.

Evidemment, vu mon inculture, je n'avais jamais entendu parlé du zoroastrisme (une religion ancienne, orientale et ultra minoritaire), mais je dois dire que j'ai plutôt apprécié ce petit voyage entre l'Iran, Genève et Paris. C'est évidemment la partie sur l'Iran qui m'a le plus intéressée,  il y avait un petit côté exotique et aventureux qui m'a séduite. Mais je crois que je manquais de connaissances préalables pour tout comprendre. Par conséquent, je ne suis pas certaine d'avoir saisi tous les tenants et aboutissants de l'histoire et en particulier concernant la résolution du meurtre de Cyrus Yazdani.

J'avouerai aussi qu'au début j'ai été un peu gênée par la masse de dialogues dans l'album (et quand j'ai vu la tête de l'Homme lors de cette réflexion, je me suis dit qu'il fallait que j'évite d'émettre mes avis à voix haute à l'approche de la quarantaine masculine). Je crois que le fait que je ne sois pas  encore bien familiarisée avec ce genre de littérature m'a empêchée d'entrer complètement dans l'histoire. 

 Je ne m'avoue pas vaincue pour autant, et je tenterai une nouvelle fois sans doute cette expérience. Finalement, je dois dire que j'ai plutôt apprécié cette lecture, bien que je n'aie aucun point de comparaison (hormis Tintin, Largo Winch et Papyrus).

C'était une lecture commune avec Valérie.

PS: quand vous lirez ce billet, je serai loin, dans un endroit sans réseau, ne m'en veuillez pas, je ne pourrai sans doute pas venir sur mon blog répondre aux commentaires, ni aller sur les vôtres...(mais je marque des points pour être une bonne mère).



samedi 19 avril 2014

Ma vie de jurée Elle: clap de fin

Voilà, c'est terminé, je me sens un peu comme à la fin d'une colonie de vacances; contente de rentrer chez moi mais déjà nostalgique de ce qui est terminé.

Presque 10 mois de lecture sous la contrainte, 28 livres reçus à domicile, par paquet de 3, tous les mois, 1 recalé acheté par rébellion. Parce que je reste quelqu'un de très scolaire, je les ai tous lus, je n'ai sauté aucune ligne, aucune page, ce prix je l'ai bu jusqu'à la lie....et je ne regrette RIEN. 

C'est donc l'heure du bilan:

1: Force est de constater que je ne suis pas tout à fait dans la cible du jury Elle. Ma soeur ainée avait surjoué la perplexité quand j'avais été reçue ...et je comprends pourquoi :  "la jurée du Prix des lectrices de Elle incarne l'idéal-type de Elle (femme "haut de gamme", 35-40 ans, aisée, mère de famille active, aimant la mode, curieuse, en phase avec son époque, un rien pionnière et émancipée)." ( La littérature à quel(s) prix p.122).

Si certaines jurées se sont reconnues dans cette description, je suis forcément restée dubitative. A l'époque je n'avais que 34 ans (pardon mais c'est important). J'ignore à partir de quel salaire est-on quelqu'un d'aisé (donc passons). Mais si "mère de famille active" signifie travailler en élevant ses enfants, je dis oui, si c'est parvenir à tout faire sans être en retard ou à côté de la plaque, bon, ben non alors. Faire les boutiques est pour moi une punition. Ma curiosité reste quand même limitée (puisque je ne monte pas dans un avion). J'aurais aimé vivre dans les année 20' et je suis contre le jean slim ce qui ne me met pas très en phase avec mon époque. Quant à mon "rien pionnière et émancipée", il faudrait d'abord que mon patron ne soit pas mon mari, niveau girl-power il y a encore du boulot....

2: Du coup, j'ai trouvé la sélection vraiment très moyenne, pas vraiment médiocre, mais pas enthousiasmante non plus.  Aucun coup de coeur en roman si ce n'est  Adèle et moi (chouchou du leader dont j'étais la fayote principale). Il méritait le prix parce qu'il parle des femmes, parce qu'il est littéraire, parce qu'il m'a bouleversée. Lady Hunt aurait pu l'emporter aussi, mais il a également été recalé. Je mise tout sur le Ozeki (qui a quand même une petite chance semble-t-il).

Je n'étais pas fan des policiers au départ, je ne le suis pas plus maintenant. J'en ai lu de très médiocres, des acceptables et des trop violents. Disons que si la Maison des absents ou Témoin de la nuit (billet à venir) l'emportent, ça m'ira...

Et puis, il y a eu les documents qui ont déchaîné les passions plus que les autres catégories, si Tout s'est bien passé remporte le prix en document, c'est parfait, Ailleurs et Passion arabe le méritent aussi de mon point de vue même si je crois que ce dernier n'avait pas sa place dans cette sélection.

Je me suis sévèrement coralisée pendant ce prix puisque je ne supporte plus les gens qui parlent d'eux, à moins qu'ils n'aient un talent littéraire indéniable. J'aime que les auteurs racontent une histoire mais pas nécessairement la leur (surtout si elle concerne leurs parents, leurs enfants, leur mari etc...). Je crois que j'ai eu mon compte de récits intimes et familiaux et de faux-documents pour les années à venir. 

A défaut d'un trio gagnant, je vous donne donc le pire résultat pour moi:  Esprit d'hiver, Attentat Express, et Longue division. S'ils sont lauréats, très clairement, cela prouvera j'étais l'intruse absolue du jury...et je dois dire que je trouve cela drôle, parce qu'au fond, je me moque un peu de qui va remporter le prix, je n'ai pas eu suffisamment de coups de coeur pour être vraiment sur la brèche...

3:  Ce qui est certain c'est que si j'avais eu à lire tout cela toute seule, je crois que ça aurait été une gageure. Mais heureusement, nous étions une petite quinzaine à partager nos colis (oui nous avons perdu certaines jurées en cours de route: par manque de temps, par fuite de nos éternelles digressions ou par désintérêt total envers nos discussions). Notre groupe a largement compensé mon absence réelle d'enthousiasme. 

J'ai découvert qu'on pouvait défendre un livre comme on prendrait le parti d'un ami d'enfance, et qu'on peut détester un roman autant qu'un candidat prétentieux dans une émission de cuisine. Par exemple (à tout hasard bien sûr), si Sulak l'emportait, ce serait comme si Alexis était finaliste de Top Chef (spéciale dédicace à Marjo et Leila, mes trinômes du lundi soir). Je me suis aussi rendue compte à quel point le lien aux livres était viscéral, et je me suis prise à détester quelqu'un qui disait du mal d'un livre que j'ai aimé, ou bien à mépriser celle qui encense ce que je jugeais médiocre. 

Mais ça, c'était avant. 


Je pense être devenue une lectrice plus tolérante et plus ouverte, j'ai appris qu'il n'y avait pas de bonne ou mauvaise littérature et que l'unanimité et le bon goût en cette matière n'existait pas. Le jugement sur un livre reste un point de vue personnel, et on peut aimer quelqu'un qui n'aime pas les mêmes auteurs que nous (je crois que ma grande découverte c'est celle-ci en fait, il m'a fallu 35 ans pour arriver à cette conclusion). 

Je retiens aussi de cette petite année les hauts et les bas de notre vie en collectivité littéraire, ses disputes finalement assez violentes et ses moments de grâce et d'empathie. Nous avons eu notre lot de choses de la vie: la naissance d'une petite Alice, la disparition de la maman de l'une d'entre nous, des nouvelles douloureuses, des bonnes aussi, l'arrivée sur la Toile de trois nouveaux blogs, la création d'un petit groupe de parisiennes passionnées, la préparation d'un marathon, la soutenance d'une thèse, des changements de boulot, un déménagement, des déplacements en République Tchèque, des vacances en Inde, en Australie, au Japon...bref toutes ces petites et grandes choses qui ont donné à ce groupe une consistance affective qui a fait, pour moi, toute la différence.

Comme à la fin de chaque colonie, on se promet de rester en contact et on y croit dur comme fer, on tente de trouver un créneau pour se revoir, et on craint de se perdre de vue...l'avenir nous dira combien d'entre nous maintiendront un lien (et je me dis que si Internet avait existé quand j'avais 10 ans, peut-être que tout aurait été différent).

4: En bonne looseuse, je suis bien sûr dans les premières à descendre du bus, puisque  je ne vais pas jusqu'au terminus: le 5 juin à Paris.  C'est vraiment regrettable, vu comment je suis bout-en-train et détendue par nature, j'aurais mis une ambiance du tonnerre (entre deux coupes de champ' et une cigarette fumée à la va vite sur le trottoir). Inutile de préciser que les cocktails un peu chics avec des journalistes de presse féminine, des éditeurs et des auteurs, sont par définition des moments que j'affectionne et dans lesquels je suis dans mon élément : habillée de lumière, maquillée à la truelle, avec mon rire gras, mon talent de l'à propos, mon sens de l'orientation et ma ponctualité inégalables...je me serai sentie comme un poisson dans l'eau. Malheureusement, je resterai chez moi, parce que j'ai beau être très pénible à vivre, mine de rien, c'est quand même très compliqué quand je m'absente...(oui, je suis indispensable).

Plus sérieusement, je regrette de manquer ce rendez-vous, car je crois que je me suis fait un peu plus que des copines parmi les jurées, sans avoir la présomption de parler d'amies, je crois quand même qu'avec certaines, je n'en suis plus si loin.

Si la même équipe recommence l'aventure dans trois ans, je pense que j'en serai (pour peu que je ne manque pas la date... et qu'ELLE veuille encore de moi ...rien n'est gagné non plus de ce côté là). Et vu qu'on ne se refait pas, j'ai une petite pointe de jalousie envers les futurs jurées 2015... A celles qui hésitent encore, tentez votre chance les filles...c'est un moment important dans la vie d'une lectrice...

C'était Galéa en direct de la route retour du jury ELLE.
Clap de fin, j'arrête mon cinéma
A vous les studios!

jeudi 17 avril 2014

Un livre mystère....


Je suis quelqu'un d'influençable, une suiveuse force 10, depuis l'enfance c'est ça...je suis de toutes les sorties, du moment que je ne mène pas la danse.


Du coup quand Jérôme a parlé d'une lecture à l'aveugle, évidemment je me suis inscrite (alors que je me plains de ne pas choisir mes lectures depuis 8 mois). J'adore l'idée,  c'est un beau partage entre blogueurs. Finalement, c'est comme faire une sortie run en découvrant un itinéraire que quelqu'un (qui vous veut du bien) aurait choisi pour vous. 

Et jeudi dernier, tatadam, je reçois un petit colis avec mon livre mystère mais pas que. J'ai la chance de tomber sur LA blogueuse qui sait que je suis tout le temps fatiguée, et qui m'y joint du chocolat et des sachets de thé au jasmin et à la menthe (au début j'ai cru que c'était ma mère; c'est dire).


Je l'attaque dans la foulée, et je me retrouve en Sardaigne après la guerre. Je découvre une narratrice sans prénom, qui me parle de sa grand-mère,  à l'époque où elle ne l'était pas encore,  où elle n'avait pas d'enfant et des calculs dans les reins. 


Je découvre vite que je ne lis pas  un roman linéaire. Il commence par le point de rupture, la rencontre  de Grand-mère avec le Rescapé. Pendant 150 pages, on remonte ou avance dans le temps; mais avec une narration fluide et forte dans cette ambiance méditerranéenne que j'affectionne (labeur, chaleur, proximité). 

Rapidement, je comprends que tout s'articule autour de la Grand-mère chez qui on sent bien qu'il y a quelque chose d'un peu différent. Mais on y trouve aussi un grand-père, sans patronyme, mutique, généreux (malgré tout) et à l'appétit sexuel féroce (tellement j'ai cru que c'était écrit par un homme),  une famille rude, un Papa musicien de génie, asocial et solitaire; et puis un Rescapé... 

J' ai adoré ce que la narratrice fait de cette grand-mère, d'une beauté indiscutable et saisissante. Elle revient sur le destin d'une femme pas tout à fait comme les autres dont la narratrice en fait un Christ rédempteur qui concentre sur elle les malheurs, et sauve le reste de sa famille de la fatalité...C'est très sarde comme vision du monde...

La fin est une clé comme je les aime, qui donne des réponses. Et finalement, l'auteur dresse le portrait d'une femme qui aurait pu être une grande artiste... J'y ai retrouvé quelque chose d'Expiation de McEwan, pas dans le style, pas dans l'intrigue, mais sur ce que la littérature peut faire de la réalité, sur le pouvoir de l'imagination...

Il ne m'a manqué que quelques pages de plus pour en faire un vrai coup de coeur, j'ai du mal avec les formats courts qui m'empêchent de m'immerger dans une histoire...

Milena Agus, Mal de pierres,
Livre de Poche, 2009, 153p.
Et j'avouerai aussi que je crois savoir le titre de ce livre, parce qu'une amie qui me connaît depuis 25 ans m'en a offert un, il y a très peu de temps, qui semble être le même. Cela voudrait dire que je l'ai eu en double sur ma table de chevet pendant une semaine. Deux lectrices qui pensent au même livre quand il s'agit de me l'offrir...je dois dire que ça me touche infiniment...

Est-ce à cause de cette phrase qu'elles ont pensé à moi: "Et la nostalgie, c'est de la tristesse, mais c'est aussi un peu du bonheur" (p. 112) ?

Je suis une lectrice vraiment très gâtée....Merci à Jérôme pour cette idée intelligente et généreuse et merci à ma blogueuse mystère (qui ne l'est pas restée longtemps avec les indices énormes qu'elle m'avait mis dans sa lettre - à nous deux les codes nucléaires seront bien gardés Sandrion...)

mardi 15 avril 2014

Le parfum de ces livres que nous avons aimés

Will Schwalbe
Le parfum de ces livres que nous avons aimés
Belfond, 2013, 415 p. 
Ce document, j'aurais pu en dire le plus grand mal et à dire le vrai, c'est ce qui a failli se produire.

Déjà parce que j'en ai assez (et même plus) des gens qui racontent leur vie, et ça m'exaspère encore plus quand ils ne sont pas écrivains parce que littérairement parlant, c'est souvent assez médiocre (écrire est un métier, je pense que c'est une base de départ). En plus, la traduction française du titre est d'une mièvrerie à peine croyable.

Le parfum de ces livres que nous avons aimés...mais qui chez Belfond imagine cette traduction à partir de The End of your life book club ? Même moi avec Allemand en première langue, j'aurais trouvé mieux...bref...

Donc en trois mots, Will nous raconte la fin de vie de sa mère, au dernier stade d'un cancer du pancréas dont on sort rarement vainqueur. Il nous décrit les séances de chimiothérapie pendant lesquelles lui et sa mère parlent ensemble de littérature, et fondent leur cercle de lecture privée, dernier instant d'intimité (livresque mais pas que) entre une mère et son fils.

A l'inverse de Russo, Will Schwalbe commence son livre par : "ma mère, ce héros des temps moderne". Et alors là, inutile de regarder autour de vous, plus parfaite que Mary-Anne, ça n'existe pas, et surtout pas dans sa propre famille! Mais bon, j'aurais détesté avoir cette mère pour génitrice. 

Parce que Mary-Anne est un savant mélange de Mère Thérésa, Wonder Woman et Margaret Thatcher. C'est à dire qu'elle est d'un altruisme aussi rare que stupéfiant, qu'elle a traversé des pays en guerre et partagé le quotidien des réfugiés, et qu'elle organise de manière autoritaire la vie de ses enfants quadragénaires.  Bon, en plus elle est tolérante, acceptant sans le moindre problème l'homosexualité de deux de ses enfants (dans les années 80' ce n'était pas gagné non plus). Enfin, elle est dure au mal, ne se plaint jamais et supporte stoïquement les épreuves que son corps malade lui inflige.


Cette image d'Epinal de la famille parfaite américaine n'a rien pour me plaire, je n'aime pas les gens lisses (ils me complexent trop), et je préfère voir poindre un peu de sens critique de temps en temps (même et surtout envers ceux qu'on aime).


Oui mais voilà, ce témoignage (le dernier heureusement de la sélection ELLE), je l'ai lu avec mes deux yeux mais aussi avec ceux d'autres lectrices qui y ont entendu une résonance différente. Alors j'ai dépassé mon aversion pour cette famille intellectuelle, aisée et aimante, et j'y ai vu d'autres choses.

J'y ai vu un fils qui pleure à chaque page la femme de sa vie, sa mère. Un fils qui se demande s'il y avait une autre issue possible. J'y ai vu l'avancée irréversible d'une maladie qui gagne presque à chaque fois: "j'étais en train d'apprendre que vivre avec quelqu'un qui est sur le point de mourir implique dans le même temps de célébrer le passé, de vivre le présent et de pleurer l'avenir" (p.166). 

 J'y ai compris la nécessité de lire, même un peu, pour rester vivant. J'y ai vu aussi un très bel hommage aux livres qui restent quand les lecteurs partent. Je ne connaissais pas la majorité des titres dont il était question (parce que je suis inculte en littérature anglo-saxonne), mais j'ai aimé cette lectrice en sursis qu'est Mary-Anne, qui commence les romans par la fin pour mieux en comprendre le déroulé. Je l'ai presque aimé cette femme qui raconte à son fils qu'élever des enfants en travaillant à temps plein l'avait habituée "à être tout le temps fatiguée. Si j'avais attendu d'être reposée pour lire, je ne l'aurais jamais fait" (p.309). Moi ça m'a fait un bien fou de lire cela. 

J'ai été heureuse de retrouver Millénium et L'Elégance du hérisson (avec le fantasme de l'appartement de M. Ozu qui, moi aussi, m'a fait entrevoir la possibilité d'une autre vie).  J'y ai vu aussi l'entêtement d'une mère qui insiste (quand même lourdement) pour que son fils lise quelques ouvrages importants (à ses yeux) avant qu'elle ne meure. J'ai adoré que Will Schwalbe confesse n'en avoir pas lus certains jusqu'au bout.  Et j'en retiens cet amour immodéré pour les livres imprimés qui "ont un corps, une présence" (p.59). 

En écrivant ce billet (qui sans mes amies jurées aurait été bien plus sévère) j'ai une pensée pour celles d'entre nous qui ont déjà traversé cette épreuve et à celles qui la traversent maintenant.

Ce témoignage  rappelle  que lire, même peu, c'est vivre encore (je ne cacherai donc pas que j'ai pleuré en cachette de l'Homme sur les dernières pages).

Une fois n'est pas coutume: discuter d'un livre au moment où on le lit modifie ce qu'on en pense...j'assume, je suis une lectrice influençable.

vendredi 11 avril 2014

En même temps, toute la terre et tout le ciel

Ruth Ozeki,
En même temps, toute la terre et tout le ciel
Belfond, 2013, 605 p. 
C'est mon roman chouchou de la sélection ELLE, celui qui (j'espère) l'emportera dans la catégorie roman...pas véritablement un coup de coeur, mais de loin celui que j'ai pris le plus de plaisir à lire parmi les 10 romans.

Alors, oui, il a deux ou trois défauts c'est sûr, c'est un premier roman, sans doute un petit peu trop bavard et un tantinet trop long, mais En même temps toute la terre et tout le ciel reste vraiment très abouti. Il y a tellement de choses dans ce livre que ce billet promet d'être absolument foutraque.

Ruth Ozeki raconte une histoire double: deux voix, deux époques, deux espaces. On suit Ruth qui lit le journal intime de Nao, qu'elle a trouvé échoué sur le rivage. Ruth, romancière quinquagénaire et solitaire, retirée avec son compagnon sur une île, est la voix américaine, celle du présent, celle de l'après Fukushima. Nao, adolescente retournée au Japon contre son gré et qui s'est mise à tenir un journal, est la voix du passé, celle d'avant 2011. Pendant tout le livre, Ruth se demande si Nao a échappé au séisme-tsunami (et à d'autres choses aussi). L’alternance des deux récits fonctionne, de mon point de vue, vraiment bien. 

C'est donc une histoire qui passe d'un continent à l'autre avec l’Océan Pacifique en trait-d’union. Les deux femmes appartiennent à la fois aux cultures japonaise et américaine.  Au fond, Ozeki nous parle de cette histoire d’amour (et de haine) compliquée entre le Japon et l'Amérique, avec une Seconde Guerre Mondiale qui a tout changé. De quoi se rappeler que l'Europe n'est pas le centre du monde...et ça ne fait pas de mal en ces temps de chauvinisme...(passons). J'ai eu une phase japonisante il y a quelques temps et depuis je reste complètement perméable aux influences nippones (enfin ce que j'en imagine): culture zen, technologie de pointe, fleurs de cerisier, sagesse du silence et portes coulissantes...

Ensuite, Ruth Ozeki, a touché ma corde sensible (oui j'ai un coeur), parce qu'elle parle remarquablement bien de l’amour filial: entre Nao et son père,  aussi décalé, âpre que tendre ; et entre Ruth et sa mère dans une tonalité plus touchante et douloureuse (Alzheimer quand tu nous tiens).

Mais surtout (et là c'est ma partie) les personnages de grandes ratés sont extrêmement réussis. Dans le désordre on a:
- Nao en collégienne martyrisée (et pas qu'un peu) qui ne se remet pas d'avoir quitté les Etats-Unis.
- Le père de Nao en ancien informaticien déchu et suicidaire (qui rate en permanence sa mise à mort malgré les sites spécialisés en suicide qu'il fréquente).
- Ruth en romancière sans inspiration, qui a choisi de vivre sur une île mais qui n'est pas certaine de supporter cet ermitage.
- Olivier, le compagnon de Ruth, en paysagiste incompris et artiste-ès-arbres maudit.

Quelque part,  ils ont tous raté tous leur vie, mais en passant à côté avec poésie, humour et désespoir. Et finalement, les winners et les héros ne sont pas ceux qu'on attend (je dis ça, je dis rien).


Tous  ont cette caractéristique (qui m'emballe) de vouloir vivre hors du monde, avec la nécessité de se replier sur soi. Et il n'y a pas qu'eux, puisque gravitent autour des nonnes zen, des marginaux, des insulaires, des ermites dépressifs, des phobiques, bref des gens, d’une certaine manière,  incapables de vivre en société. 

Et on ne les comprend (enfin moi je les comprends) parce que ce roman, avec un humour très noir, montre bien le danger qu’est l’Homme pour l’Homme (et l’Humanité de manière générale).  Et cela commence tôt, dès le collège (pire période de vie pour les bouc-émissaires de tous les continents), puis la guerre, la lutte contre les siens et contre les autres.

Enfin, c'est le roman 2.0 par excellence (qui va un peu plus loin que le mausolée que K. a écrit pour Steve Jobs dans Esprit d'hiver- pardon je ne peux pas m'en empêcher).  Dans ce roman, tout est numérisé, accessible et aux vues de tous. Il y a un blog, des recherches Google, des concepteurs de logiciels, des sites spécialisés...La Toile compose un monde parallèle qui peut être aussi riche que désespérant "il n'y a rien de plus triste que le cyberespace quand vous êtes  tout seul sans personne pour vous écouter" (p.183). Punaise, comme c'est vrai. 


Et pour terminer (et ensuite je me calme) c’est un livre sur les livres. Ozeki parle de littérature, de romancière, de philosophes, des histoires et de l’Histoire. En même temps, toute la terre et tout le ciel n’est pas parfait,  il n'a pas du tout fait l'unanimité, le rythme est saccadé, le propos un peu décalé, il  peut laisser le lecteur sur le bord, mais moi je m'y suis immergée. J'en retiens un livre généreux, plein d’humour et de tendresse, à la fois grave, drôle et mélancolique. 

C'est mon préféré, il n'a donc aucune chance d'être le lauréat...mais je vous renvoie de mémoire chez Keisha et Lystig qui l'ont aussi aimé...et chez mes collègues-jurées, Laure, Fleur, Coralie, Enna, Mior, Eva ou Valérie qui l'ont apprécié très diversement...

lundi 7 avril 2014

Et tu danses, Lou...

Pom Bessot, Philippe Lefait
Et tu danses, Lou, Stock 2013, 204 p.

C'est officiel, je n'ai pas de coeur, et ce billet, pour ceux qui en doutaient encore, va le confirmer.


J'étais absolument certaine d'aimer Et tu danses, Lou, parce que j'avais lu des billets très élogieux chez des blogueurs dont je partage les goûts, et parce que je suis toujours très perméable aux ouvrages qui parlent des enfants différents. Mais comme Le garçon incassable j'ai été déçue, je crois décidément que j'attends beaucoup trop de ce type de livres et que je suis invariablement déçue.

 Pourtant, c’est un beau projet que Pom Bessot et Philippe Lefait ont porté :  parler de leur Lou, enfant différente et handicapée, montrer le combat contre la normalité, les ravages que cela produit sur un couple, le manque de tact et de sensibilité parfois du monde médical à l’égard des patients et de leur famille...Tout cela m'a touchée forcément.

Le problème de mon point de vue, c'est que ce document, qui alterne journal intime au jour le jour de la mère et réflexions a posteriori du père,  ne parvient pas à aller au delà de la l’histoire intime des narrateurs. Peut-être que le choix des typographies différentes, avec deux, voire trois, points de vue, affaiblit la fluidité de la narration.  Certains passages m'ont semblé un peu trop ampoulés, assez verbeux. Il m'a manqué un peu de simplicité. 

Au final,  j’ai lu une histoire particulière d'un couple (qui se sépare, se rabiboche, hésite sur une autre grossesse, ne se désire plus).  C'est une histoire qui se déroule dans un milieu extrêmement privilégié (entre le Cap Ferret et la belle maison de banlieue), alors que j'attendais un propos plus universel.... Il m’a manqué ce petit plus, ce recul sur soi, un peu d'humour et d'aspérité sans doute, qui permet de donner une dimension plus générale à ce combat quotidien.

J'ai été gênée, et même un peu plus, par la dimension égocentrique de ce récit, même si je ne doute pas qu'elle soit attachante cette toute petite Lou, privée de mots, qui mène sa vie envers et contre tous (ou presque) avec déjà ses goûts, ses lubies et sa volonté de fer.  J’ai aimé cette réflexion sur la dictature de la normalité. 

En fait, je crois que je sature des ces ouvrages où des gens privilégiés, qui ont accès à une certaine visibilité médiatique, parlent d'eux et des épreuves qu'ils traversent. A part la romancière Bernheim qui avait réussi à me faire pleurer sur les dernières phrases, je crois qu'il faut que j'arrête ce genre: j'ai fait le plein de littérature nombriliste pour l'année. 

Malgré tout, parce que je n'assume pas mon manque sensibilité évident, je retiendrai  les petites victoires et les jolis souvenirs d’une vie qui avance à son rythme et surtout la belle conclusion sur la solidarité quotidienne et humble des anonymes, qui sont des pages magnifiques. 

jeudi 3 avril 2014

La Théorie du chaos

Léonard Rosen, La Théorie du chaos
Le Cherche-midi, 2013, 496 p. 
J'ai compris mes limites en maths dès la 4ème mais je n'ai fait mon coming out qu'en seconde, quand il a fallu choisir une filière: je n'étais pas une scientifique. Et j'étais la seule de la famille. Mes parents se sont demandés ce qu'ils avaient raté, ont remis en cause leur éducation, avais-je manqué de rigueur, de limite? On a recherché dans les événements de ma petite enfance ce qui aurait pu expliquer cette défaillance. Mon père a même envisagé un simple refus d'adolescente, une sorte de parenticide symbolique. Et puis, parce qu'ils sont tolérants, mes parents m'ont acceptée telle que je suis :  un boulet familial nul en maths devenu subitement la "littéraire"de la famille.

Donc quand la sélection ELLE m'a envoyé La théorie du chaos de Léonard Rosen, je me suis inquiétée. Un polar, déjà bon, je ne suis pas fan, mais un polar mathématique, préfacé par un spécialiste de la géométrie riemannienne, c'en était trop. Rien qu'avec la couverture,  je n'ai pas échappé à la crise de spasmophilie. 

C'est donc l'histoire d'un génie assassiné dans une chambre d'hôtel à Amsterdam, tellement assassiné, pulvérisé et carbonisé qu'il ne reste rien du corps hormis une trace ADN qui permet de l'identifier. Le génie en question est spécialiste des équations bourrées d'inconnues ET des fractales: une obscure logique qui consiste à penser que le tout petit aurait la même structure que l’infiniment grand (Mme ZAP, horrifiée par cette phrase a tenu à réhabiliter les fractales sur la blogosphère littéraire.... Allez lire son billet, il fait contrepoids au mien)

Malgré mon ignorance crasse, j'ai quand même passé un bon moment. 

Déjà j'ai été très sensible au défunt prodige des mathématiques, traqué par les cupides du monde, qui  a tenté de protéger une équation capable du pire et du meilleur. 

Ensuite, le personnage de l’inspecteur d’Interpol (qui enquête sur le génie déchiqueté), est très réussi et échappe aux traditionnels clichés : il s'appelle Poincaré (...il y a un lien avec le titre....), il est français, marié, et sans névrose apparente (attention, il lui arrive quand même des choses horribles, c'est un roman policier). La description d’Interpol est bien menée, les personnages secondaires sont soignés. En plus, j'aime Lyon.

Côté ambiance:  on  trouve du terroriste intégriste, chrétien et blanc de blanc (ça change aussi, c'est bien), quelques magnats de la finance, des opprimés qui veulent se venger des déséquilibres du monde, des victimes devenues bourreaux, des frères et sœurs séparés par des drames, des convaincus criminels. J'ai envie de dire, il y en a pour toutes les sensibilités....

Donc, j'y ai trouvé une belle réflexion sur l’ordre du monde et je lui reconnais le mérite de ne pas être trop démagogique ni manichéen avec des bons et des gentils. Rosen montre que c’est un peu plus complexe que ça la répartition du Mal sur la planète.

Un bon policier, plus métaphysique que mathématique, avec  une intrigue bien ficelée, un dénouement qu’on ne voit pas venir tout de suite, un drame originel qui a du panache et de la vraisemblance.

Comme toujours, je regrette le volume des dialogues et peut-être l’absence d’un supplément de style et d’âme, ce petit-plus qui permet un coup de cœur. Mais même pour une littéraire, c’est une incursion agréable au cœur du monde mathématique.

Pour un peu je me tenterais presque une 1ère S maths ...je plaisante, c'est ma participation chez Liliba....

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Nouveau point d'étape de la quarantaine : le sens de la fête.  Que reste-t-il de nous quand il s'agit de faire la fête ? Je parle d...