Il y avait, bien avant la guerre, sur la Méditerranée, un casino construit sur la mer, une superbe plateforme de fer et de bois qui avait su renaître de ses cendres déjà une première fois.
Depuis dix ans, parce que je suis monomaniaque, je traque partout les livres et les vieilles cartes postales; en fait tout ce qui ce rapporte à cette jetée arrogante et somptueuse qui fut entièrement démontée en 1943 par les Allemands qui avaient besoin des matériaux. La jetée-promenade est ma grande passion.
Je vous parle d'un autre temps où le casino, ce grain de beauté de la Méditerranée, trônait ici, somptueux. Toutes les grandes personnalités de l'entre deux guerres y sont passées : le couple Fitzgerald est venu y danser, Joseph Kessel enfant y joua 6 francs, des poètes tuberculeux sont venus en convalescence se divertir ici, Colette après son mariage avec Jouvenel y passa; ils ne sont qu'un échantillon. Avant 1943, les sombres collaborateurs constituèrent la période lugubre de la Jetée. C'était un temple du luxe, du beau, du grand, tout en démesure et arrogance. La jetée a fait rêver les riches, les bourgeois, les gens modestes et les nécessiteux du littoral.
Aujourd'hui, il ne reste rien de ce monument.
Notre littoral s'est enlaidi en l'espace de deux générations, et je cherche encore à me souvenir de ce que fut la baie des Anges d'avant les années 1960.
Depuis dix ans, j'essaie de me convaincre qu'un petit ponton (que je photographie inlassablement à chaque saison) est ce qu'il en reste. Mais je me fourvoie probablement, puis son emplacement ne correspond pas exactement à celui du Casino. Chaque année, ce ponton disparaît un peu, le portillon a été déposé et maintenant, comble de la vulgarité, une plage s'est permise d'y mettre des drapeaux et une atroce banderole en plastique. Heureusement, en hiver, le ponton réapparaît, dépouillé de publicité.
Depuis dix ans, j'essaie de me convaincre qu'un petit ponton (que je photographie inlassablement à chaque saison) est ce qu'il en reste. Mais je me fourvoie probablement, puis son emplacement ne correspond pas exactement à celui du Casino. Chaque année, ce ponton disparaît un peu, le portillon a été déposé et maintenant, comble de la vulgarité, une plage s'est permise d'y mettre des drapeaux et une atroce banderole en plastique. Heureusement, en hiver, le ponton réapparaît, dépouillé de publicité.
J'ai l'impression d'être la seule en cette ville ostentatoire à conserver la mémoire de ce qui fut la Belle de nuit méditerranéenne.
Et si j'avais été écrivain, j'aurais écrit un roman historique sur elle.