Les joies d'une polémique littéraire
Je ne sais pas avec La Vérité sur l'Affaire Harry Québert ce qui l'emporte entre l'imposture du roman ou sa lecture finalement assez agréable.
Une incontestable imposture
Joël Dicker, La vérité sur l'Affaire HArry Québert |
C'est d'abord une histoire d'amour. Mais la relation entre l'écrivain Québert (34 ans) et la jeune Nola (15 ans) peine à être crédible (n'est pas Nabokov qui veut). Il y manque probablement un petit quelque chose. Mais à la limite c'est plus un policier qu'un roman sentimental, puisque Nola disparaît en août 1675. Ce n'est que 33 ans plus tard que son corps est retrouvé. Québert est inculpé. C'est alors que son ancien élève, Marcus Goldman, revient à Aurora pour disculper son maître.
L'imposture est le sujet ET l'objet de ce roman
Presque tous les personnages sont des mystificateurs, faux romanciers, policiers menteurs et j'en passe. Tout le monde triche. Et ça, même mal écrit, j'aime bien. J'aime encore plus le livre dans le livre lui-même dans le roman.
Dicker s'interroge sur l'écrivain version américaine : ce personnage médiatique, égocentrique qui veut le succès et l'argent. L'écrivain veut être star. Nous sommes très loin d'un Patrick Modiano ou d'un Jean Echenoz; et bien plus proches d'un Dan Brown finalement. Toutes les histoires de ce livre (celle de 1975 et celle de 2008) commencent avec le syndrome de la page blanche, maladie des écrivains, rempart au succès et à l'argent. Il faut dire que Dicker donne à la littérature une dimension essentiellement marketing, financière et sociale; ce qui explique sûrement le manque de beauté littéraire du livre.
On s'attache à cet ensemble étrange, imparfait et laborieux.
Les "31 conseils à l'écrivain" ne sont pas dénués de sens, finalement. Certains critiques ont crié au cliché, mais moi, j'adore l'idée du romancier tourmenté qui habite une belle maison en pierre sur les bords de l'Atlantique à la lisière d'une forêt...d'autant que la présence de la maison, de la forêt et de l'Océan est loin d'être anecdotique dans l'intrigue.
Finalement La vérité sur l'affaire...est une belle partition jouée par un instrumentiste médiocre. Joël Dicker étant à la fois l'une et l'autre, compositeur génial et piètre musicien, et vu son très jeune âge, je suis bien obligée de reconnaître qu'il a réussi un vrai tour de force. Je dirais que l'imposture de ce succès pas forcément mérité répond au thème général du livre...alors, pourquoi pas, après tout?
Chacun jugera si le fond l'emporte (ou pas) sur la forme...
Joël Dicker, La Vérité sur l'Affaire Harry Québert,
Editions de Fallois, l'Age d'Homme, 2012, 665 p.