Pages

dimanche 14 mai 2023

Yoga, Emmanuel Carrère et moi

 Je suis tombée dans le yoga comme d'autres entrent en religion: avec ferveur et certitude.

Comme beaucoup de yogis, j'attends avec impatience le moment où quelqu'un écrira sur le yoga. Car je fais partie de l'équipe qui a supporté sa crise de la quarantaine et le gouffre du confinement grâce à lui.

Je suis celle qui étale son tapis au milieu du salon et qui, en dépit de toute dignité, se ridiculise dans des postures improbables et pas toujours accessibles, sous l'oeil consterné de l'Homme et des girls. Je me lève à 6h du matin et je pratique sur ma micro-terrasse, comme d'autres font leurs ablutions. À 6h30, le voisin du balcon d'en face m'observe, vaguement gêné. Avec sa clope, son café et son air embrumé, on sent qu'il ne se lève pas de bonne heure par choix. Il y a toujours un moment de malaise quand je me mets à souffler comme un vieil âne asthmatique (kapalabhati pour les initiés). En gros, mon entourage trouve que j'ai un peu mis les doigts dans la prise. 

Beaucoup d'hérétiques (oui, je n'ai pas d'autres mots) pensent que le yoga se pratique comme une petite routine pour rester en forme et garder la ligne. Une sorte de loisir pour bourgeoise à queue de cheval. PAS DU TOUT. Le yoga c'est une manière de vivre et de comprendre le monde. 

Yoga d'Emmanuel Carrère
Emmanuel Carrère, Yoga, POL 2020, 
folio 2022, 438 p. 
Voilà pour le contexte. 

Donc, quand Carrère a sorti Yoga, je l'ai pris personnellement. 

Moi aussi, si j'étais romancière, j'aurais pour projet d'écrire un livre "souriant et subtil" sur le yoga. Moi aussi j'aimerais trouver les mots sur les vertus des guerriers, la prise de conscience de la respiration, l'effroi de l'inversion. Bref, vu que je ne suis pas auteur, j'attendais vraiment que quelqu'un de qualifié s'y colle.

"J'ai essayé d'écrire un petit livre souriant et subtil sur le yoga" (p.14)

Pourtant, je n'aime pas trop Carrère. Je fais partie de l'infime minorité qui n'a pas aimé D'autres vies que la mienne (contrairement au Roman russe). Et puis globalement, comme toute personne aigrie, j'ai du mal avec ceux qui réussissent mieux que les autres. Malgré tout, je pressentais qu'il saurait parler de cela. Je subodorais que de ce côté, ça pouvait coller entre nous.

Mais, dans Yoga, il n'est pas du tout question de yoga

Mais alors pas du tout. Vraiment rien à voir avec la pratique du yoga. Et pourtant, dès le début entre nous deux, j'ai senti le souffle de la réconciliation. 

Cela commence avec le récit de son séminaire de méditation. J'ai tout aimé. Comment il décrit l'ambiance du séminaire; quand il tente de resquiller pour écrire ; lorsqu'il détaille les autres ; combien il galère à rester silencieux. Je ai lu avec euphorie, les passages où il écrit son livre dans sa tête, où il sélectionne mentalement ses chapitres. Celui sur l'inspiration et l'expiration est brillantissime, et ne pouvait être écrit que pas un yogi.

Et puis le 7 janvier. 

Et puis la découverte de sa "folie". 

Là je me suis dit qu'il allait me perdre. 

Finalement, un roman sur tout ce que le Yoga n'est pas.

Yoga vient de Yuj qui signifie, en sanskrit, la réunion entre le corps et l'esprit (en gros hein!). Et là il est question de la déconnexion des deux, de l'errance de l'un et du déclin de l'autre. C'est une prouesse que fait Carrère de parler de yoga à travers ce qu'il n'est pas. Le Yoga c'est l'alignement, et le narrateur s'éparpille (dans tous les sens du terme). L'hospitalisation en psychiatrie où il croise les dépressifs riches de Paris a failli m'excéder ; mais ça a juste failli. Parce que quand Carrère regarde son oeuvre avec ses yeux de bipolaires, c'est vraiment troublant. 

Un livre sur le déracinement.

Un autre principe du yoga réside dans l'ancrage (la terre, l'homme et le ciel quoi).  Et tout à coup, Carrère nous plonge dans le déracinement le plus profond. On se retrouve sur une île grecque aux côtés de jeunes réfugiés (une sorte de thérapie de la dernière chance d' l'intellectuel perdu qui pense que frôler les désespérés du monde apaisera ses maux). Et là il est bon Carrère! 

C'est comme quand il parlait des surendettés ou des sans-dents de Russie. Il sait mettre les mots sur ces très jeunes adultes qui ont déjà traversé l'enfer et qui n'en sont pas encore sortis (et qui n'en sortiront peut-être jamais). Les irréparables. Ce qu'il dit des jeunes exilés qu'il rencontre là-bas, c'est juste. Ni trop. Ni trop peu. Vraiment. 

Un récit du creux

En Yoga, il y a le yin et le yang, la lune et le soleil, la lenteur et le dynamisme, la souplesse et la force. Le Yoga c'est la complémentarité des choses : le féminin et le masculin. Dans ce roman, il n'y a toujours que la moitié. C'est assez rare chez Carrère, mais les femmes sont ici des fantômes. Hormis son ex-épouse qui passe de temps à autre, toutes les autres femmes sont des silhouettes un peu floues. L'amie dont le nom est tronqué. Sa fille à peine citée. La sulfureuse amante yogini qui semble être là que pour la dose de sexe nécessaire à chaque roman de Carrère. La "collègue" américaine, insaisissable en Grèce, amputée d'une partie d'elle-même, dont le personnage est noyée dans les soirées très alcoolisées. La jeune fille en poirier du dernier chapitre sort d'on ne sait où. Une soeur qui surgit vaguement à un moment. Mais sans doute manque-t-il LA femme. Celle du Roman russe. 

Parce que Yoga est le roman de l'incomplétude.

"On continue à ne pas mourir, tant qu'on peut" (p. 430)

Yoga est un livre sur la perte de ceux qu'on aime, la perte de contrôle. De la Polonaise de Chopin à la petite marine de Dufy, c'est un livre sur ce qui finira fatalement par nous rattraper. 

Carrère réussit la prouesse d'écrire un livre dont le contenu est exactement l'opposé du titre. 

Pour parler de la vacuité de l'humain et de la misère de notre condition, il ne s'est servi de personne d'autres que de lui-même (il a laissé tranquilles les autres vies que la sienne). Il est l'objet de son observation âpre, franche et désespérée.

Bref, dans chaque yogi confirmé sommeille un type et ses démons ; et c'est bien de s'en souvenir.

"Est-ce que la méditation est possible avec une boule d'angoisse au plexus, deux paquets de cigarettes fébrilement fumées chaque jours dans la poumons et la conscience traversée par un flux ininterrompus de pensées toxiques?" (p. 294)

En Yoga, on dit que le chemin est plus important que la destination. Carrère n'a pas réussi à écrire le petit "livre souriant et subtil" qu'il voulait, mais le chemin qu'il a pris pour échouer mérite qu'on l'emprunte avec lui.

Bref, je me suis réconciliée avec Carrère.

mardi 9 mai 2023

Quel lecteur est-on après 40 ans ?

Tout change avec le temps, même la manière de lire, il faut bien le reconnaître.

Comment lit-on quand on est passé dans la deuxième moitié de sa vie ?

On lit avec des accessoires.

Enfin pas pour tout le monde, je sais bien. Disons que la presbytie rôde tranquillement autour de moi (saluons ici la grande revanche des myopes qui sont touchés plus tard que les autres). Il est terminé le temps où on pouvait bouquiner ici ou là, un peu à l'improviste, sur un coin de table, dans la cour du collège, dans un train couchette, dans une file d'attente, à l'arrêt de bus. Maintenant, à moins de tenir le livre à bout de bras, je dois chausser des lunettes (des trucs un peu cheap que l'Homme m'a trouvé dans un super marché du Morbihan, parce que je lui faisais pitié). 


C'est à dire que quand mes taupes de filles posent les leurs pour voir de près, je sors mes loupes pour pouvoir lire mieux. Je sens que se rapproche le moment où j'achèterai un cordon pour ne pas avoir à les chercher (et j'entendrai la chair de ma chair ricaner:  "tu ressembles de ouf à Mamie purée"). 

Finie l'époque où on lisait dans toutes les positions, en fonction des meubles que l'on croisait. Voici venu l'âge du "confort de lecture": les yeux cerclés, le dos protégé, la nuque bien longue et les jambes surélevées. Quand je pense que j'ai englouti les Rois Maudit assise sur une valise près des toilettes dans un train bondé où les gens avaient le droit de fumer entre les compartiments...elle est loin ma rock'n roll attitude!

A 20 ans, je pouvais restée toute une nuit réveillée pour finir  un roman passionnant; là je lutte de toutes mes forces, vers 22h, pour finir ma page en gardant les yeux ouverts. La fatigue m'attaque au meilleur moment de la journée (le soir dans mon lit) ; mais le sommeil me fuit quand la nuit est bien profonde (évidemment).

 Après 40 ans, on est encore plus snob qu'avant

Si certains vont rechercher avec l'âge la légèreté ou le divertissement, moi j'appartiens à l'équipe qui a peur de mourir inculte, de perdre mes neurones avant d'avoir lu les incontournables du patrimoine littéraire. Je dévore mon tome annuel de la Recherche, comme si Proust ne l'avait écrit que pour ma décrépitude à venir. Je fais le tour des classiques que j'avais laissé de côté quand j'étais jeune et belle, je me noie dans la littérature russe (à ce sujet, sommes nous tous d'accord pour dire que le personnage principal d'Anna Karénine est en fait Lévine ?).  Bref je sens Lady Violet grandir en moi, comme si vieillir avec élégance ne supportait pas vraiment certaines lacunes et qu'être snob était le seul destin possible pour moi (évidemment j'aurais préféré vieillir riche, célèbre et adulée, mais on fait avec ce qu'on a). 

Je chemine doucement vers l'idée de relire mes romans préférés de l'adolescence (Lili des Bellons est passée avant moi pour Aurélien). Je prends le risque d'être déçue par la jeune fille ingrate que j'étais à l'époque. 

On tente de ne pas juger les autres lecteurs , surtout si ce sont ses enfants (en vain)

Risque bien réel quand je regarde, consternée, Numérobis se bâfrer de fan fictions, mangas de tous horizons ou romance à l'eau de rose. Ma fille (ma blonde, ma bataille, ma beauté) a des posters de groupes k-pop au dessus de son lit!! Oui. Ma merveilleuse enfant du milieu  se pâme devant des ado coréens maquillés et épilés. Dire que j'ai presque dû vendre un organe pour lui acheter un violoncelle digne de ce nom! Comprenez moi bien :  je lui donne l'opportunité de jouer correctement la Sonate ancienne de Blainville et elle nous supplie de l'emmener voir Black Pink pour ses 14 ans ! (Poke Félicie). Immanquablement, l'Homme et moi nous demandons ce qui nous a échappé et quand. 

Alors on tente des choses, on propose des trucs. Ça a marché pour Blackwater (c'était toujours ça de pris), ça a foiré pour la Saga des Cazalet  qu'elle a trouvé un peu glauque (Edward a eu raison de sa motivation). Cela n'empêche pas ma poissonnière préférée d'avoir un avis tranché sur tous les livres imposés au collège. Cela ne l'empêche pas non plus d'en informer sa prof de français (quelle belle idée l'année du brevet!)

Quant à Rayures, elle ne lit plus aussi avidement qu'avant. Le fruit des mes entrailles s'est tournée vers les chiffres, les équations, les nombres complexes et toutes ces choses peu accessibles au commun des mortels (je le vis un peu comme le jour où elle a délaissé ses skis pour faire du surf). Entre deux périodes de lecture compulsive, elle nous explique à quel point les matheux devraient dominer le monde car ils ont tout compris à la beauté de l'univers (WTF?! 3 ans sans nuits complètes pour entendre ça). Pour ne pas devenir une vieille conne étroite d'esprit, je lis ses romans sur les échecs (dans lesquels, en général, les personnages sont tous cinglés et connaissent une fin tragique). J'en reparlerai le moment venu, je ne vous priverai pas de cela, il n'y a pas de raison !

Quant à Lady Duracell, je ne sais pas bien quelle lectrice deviendra-t-elle. Avec l'expérience des deux grandes, je sais que dans la vie, il ne faut préjuger de rien, les cartes sont constamment rebattues (d'autant qu'elle a un énorme potentiel dans l'imprévisibilité). Pour l'instant, elle "lit" tranquillement Les Légendaires dont les tranches ont survécu aux manipulations frénétiques de ces aînées.

On donne une deuxième chance à certains auteurs

Les choses n'étant donc jamais figées, parfois, un doute assaille la vieille dame que je vais devenir. La peur d'avoir mal jugé un romancier ! Dernièrement je me suis réconciliée avec un auteur avec lequel j'étais fâchée depuis des années. Oui. J'ai redonné une chance à Emmanuel Carrère, au cas où il aurait besoin de moi pour sa visibilité médiatique. Et j'ai eu raison. Yoga , le livre qui aurait du être subtil et souriant et qui s'est transformé en long récit dépressif, m'a beaucoup plu. Sans doute parce qu'il s'en prend d'avantage à lui-même qu'aux autres (pour une fois). Peut-être parce qu'il a laissé en paix sa belle-soeur et la petite-fille du Tsunami. Peut-être aussi parce qu'il est bipolaire et que j'aime bien les gens tout cassés. Peut-être par solidarité entre Yogis. Bref. Lui et moi sommes réconciliés. Du coup, il est possible que lors de ma vieillesse je redonne une chance à d'autres, que, peut-être, je n'ai pas lus au bon moment. Qui sait? Peut-être même qu'à l'âge venant, je vais me mettre à aimer l'auto-fiction, que je vais me délecter des récits d'auteurs nombrilistes et bourgeois qui racontent aux gueux leurs soucis existentiels ou leur enfance difficile ? 

On ne peut pas savoir.

On trie sa bibliothèque, on se débarrasse, on ne garde que l'essentiel

Dans tous les cas, à mesure que les années passent,  la mémoire s'abîme et la place se fait rare. Je ne croyais pas que ce moment arriverait, mais si. J'y suis. Un jour, on se réveille et on manque de place. On doit se débarrasser de certains livres pour faire de la place aux autres. Un jour, on s'aperçoit qu'il y a des romans qui encombrent nos rayonnages, qu'on a oublié leur histoire ou qu'un vague sentiment de "pas top" nous est resté. Quand je pense que longtemps j'ai gardé absolument tous nos livres et que maintenant, je me déleste. C'est ça aussi la vieillitude. Je conserve en meilleure place l'intégrale de Modiano, que je regarde amoureusement chaque fois que je passe devant (même les titres en double). Je prépare un peu de place supplémentaire sur l'étagère pour ses prochains titres (en redoutant le moment où il ne publiera plus rien). Je donne les vieux Mary Higgins Clark que les filles ont déjà lus, je laisse dans des boîtes à livre la plupart des polars du prix Elle, je dis adieu a certains titres trop obscures ou érudits pour moi, aux romances qui ne font pas battre mon coeur, aux couvertures que j'ai déjà oubliées.

J'ai un peu l'impression de préparer ma succession.

Mais je ne me laisse pas abattre. A défaut de me faire remonter les paupières pour me donner un air à la fois jeune et perpétuellement étonnée, j'avance dans la quarantaine avec dignité. Une pile de livres m'attend patiemment, mon thé aux clous de girofle ne me déçoit jamais, mon tapis de yoga ne me juge pas (imaginez si en plus j'avais un chat). 

Je reste malgré tout fidèle à mes principes. N'oublions pas que le secret d'une vieillesse flamboyante passe par quatre alliés qui ont fait leur preuve : le running qui sabote les articulations, le café qui bousille le foie, la bière qui donne du ventre et le tabac (qu'on ne présente plus). 

Bien vieillir, ça se décide !

mercredi 12 avril 2023

La préménopause : nouvelle étape victorieuse du blog

 Il faut bien le dire, à 30 ans j'étais déjà vieille.

Mais quand même, c'est différent de se sentir vieille et de le devenir vraiment. Quand j'étais jeune et belle, j'étais vaguement mélancolique sur le temps qui passe  ; maintenant je compte sur mes photos de mariage les gens qui je n'ai pas enterrés ni perdus de vue ces 19 dernières années. Avant je me soignais avec Modiano, maintenant je me console avec Proust. 

Avant je dansais sur du gros rap en faisant mon ménage; maintenant je fais des Yogas vinyasa sur les Nocturnes de Chopin.

Quand j'ai ouvert ce blog, je subodorais que je ne serai jamais danseuse étoile ou chanteuse de rock alternatif ; disons que maintenant je sais que je n'ai plus aucune chance dans ces domaines.

Bref, je ne suis pas encore vieille; mais je le deviens. Mes gencives se rétractent, mes varices se réveillent, mes cernes se creusent, mes rides s'installent.

Alors qu'honnêtement, on m'avait vendu la quarantaine comme une sorte de kiff absolu. Je me voyais traverser cette dizaine à la Sophie Marceau : avec fraîcheur et élégance, un brushing toujours impeccable, des dents bien alignés et un teint de pêche. Alors que là mes cheveux n'ont jamais été aussi déglingués, mes incisives font manifestement leur vie en toute autonomie, et on a toujours l'impression que j'ai pris un coup de soleil sur le nez. 

Même mes copines IRL m'avaient juré qu'elles ne s'étaient jamais senties aussi bien qu'après 40 ans. Une sorte de "libérée, délivrée" des quadra-de-la-win. Certaines se sont mises à la danse ou à la salle de sport, d'autres se sont débarrassées de leur mari, sans compter celles qui savourent le départ des grands enfants et leur liberté retrouvée. Et moi, je fais partie de l'équipe qui ralentit tout le monde: je cours de moins en moins vite, j'ai gardé l'Homme (et réciproquement), et je pleurniche comme une gamine parce que ma grande Rayures quitte la maison en septembre.

J'ai l'ovale du visage qui s'affaisse, je traque mes cheveux blancs, je me prépare à prendre rendez-vous pour la mammographie, je surveille mes grains de beauté, je fume en cachette, j'ai mal au coeur quand je mange trop gras, je ne supporte plus les chaussures trop serrées, à partir de deux bières je suis ivre...je ressemble de plus en plus à ma mère. La quarantaine des losers.

Du coup, je me suis dit que c'était le bon moment pour revenir me plaindre par ici. La blogosphère littéraire (ou ce qu'il en reste, car je ne
sais pas trop où on en est de ce côté-là 4 ans après avoir fermé la porte et éteint la lumière), la blogo donc demeure, je crois, le meilleur endroit pour attendre avec sérénité cette préménopause qui rôde (et à laquelle on n'échappe que si on meurt avant, finalement).

Bon, et puis j'avais nulle part ailleurs où aller...

samedi 6 avril 2019

Eloge du lecteur insignifiant

A un moment, il faut bien venir éteindre la lumière et fermer la porte de ce blog. Une copine, qui sait de quoi elle parle, m'a quand même sorti "il n'y a que quand on est mort qu'on est sûr de ne plus jamais bloguer" (et techniquement ça se tient, la preuve je suis là). L'habitude est de faire les bilans d'anniversaire de blog (genre ma PAL, mes billets, mes SP, mes amis, mes concours...), là je vous propose le bilan des losers: l'anniversaire des 3 ans de coma du mien (malgré ses petits sursauts sans lendemain).

Déjà soyons clairs, depuis l'arrêt du blog, j'ai lu; mais pas tant que ça. Le temps que j'ai dégagé a essentiellement été consacré au linge, aux devoirs, au travail, au ménage et autres joyeusetés des mères de famille sans domesticité qui travaillent à plein temps (#MinuteInstagram #MaVieVendDuRève).

J'ai quand même avalé mon tome 2 de la Recherche quand j'allaitais encore Duracell 
(qui mettrait ensuite 3 ans à faire ses nuits). 

J'ai découvert Irène Némirovsky au coeur d'un été caniculaire au moment où Rayures est passée du stade d'enfant survoltée à celui de l'ado lymphatique. Maintenant on la reconnait à ses lunettes, son sourire métallique et son air blasé.

Après avoir fini Suite française, j'étais convaincue qu'il y avait une suite qui est morte avec son auteur dans les camps.

Quand  Elif Shafak est entrée dans ma vie, Numérobis devenait végétarienne, féministe et hurlante. Il y a quelque chose de raccord entre mon enfant du milieu et cette romancière. J'ai lu Illska pendant les funérailles d'un cousin plus jeune que moi qui n'avait aucune chance de s'en sortir. Je n'aurais pas du choisir un livre aussi laid dans de telles circonstances. 

Et puis j'ai eu 40 ans, j'ai failli faire une fugue, m'engager dans un groupe de rock, reprendre la danse classique, me teindre en blonde, régler mes comptes avec les méchants; mais je suis lâche donc j'ai lu L'Homme qui savait la langue des serpents, comme ça. C'était mon truc fou de la quarantaine, l'Homme m'a offert un bijou coûteux pour me consoler de n'avoir pas vu ma moitié de vie arriver si vite.

Sinon je suis partie à Venise avec Claudie Gallay , et c'était juste parfait.

 Après les trois ans de coma du blog, je suis redevenue une lectrice insignifiante, la lambda de base. J'avais arrêté de bloguer parce que, par manque de temps, je ne répondais plus aux commentaires, je ne visitais plus les blogs des autres, je ne faisais plus le job de réciprocité inhérent à la blogosphère. Si je suis complètement honnête (c'est rare profitons), je dois avouer que je regrette l'heure de gloire (toute relative évidemment) qui fut la mienne pendant quelques années, Galéa était tellement moi en mieux, qu'indubitablement, elle me manque.


Comment ai-je pu rester si longtemps sans lire Eliott Perlman

Après le blog, il y a le déblog : tout ce qui se passe derrière l'écran qu'on ne montre pas sur les RS. Il y a bien sûr les amitiés qui se diluent dans le digital, celles qui ne survivent pas à la disparition de notre avatar et puis il y a les autres, les persistantes: les amis qu'on soutient, qu'on console, qu'on félicite et qu'on gâte. Dans mon débloging, il y a eu ma bande de bras-cassés  qui sont restés en embuscade, toujours là malgré tout, des relations faites de pudeur, d'élégance, de générosité. Il y a eu le tragique pour certains et la solidarité pour d'autres. Il y a eu ça, et ça ce n'est pas rien.


Je continue à lire Bello, mais reste convaincue que les Falsificateurs reste son meilleur opus.

Et puis je me suis aperçue que peut-être, je n'étais plus vraiment à ma place sur les RS. Il est bien difficile maintenant de discuter d'un livre français sur Facebook ou IG sans que l'auteur  nous tombe dessus "par hasard". Est ce que j'ose dire que je n'accroche pas avec Julia Kerninon et que j'ai du mal avec Valentine Goby ? Force est de constater que je suis devenue molle, j'hésite sur Facebook ou Instagram  à dire les choses, je ravale ma franchise, parce que même si je suis sans coeur, je n'aime pas spécialement faire de la peine gratuitement  (enfin pas toujours). J'ai toujours peur que l'auteur surgisse (alors que je ne tague jamais les romanciers) , ou bien pire, qu'une fan de l'auteur vienne m'expliquer que je n'ai rien compris (je n'ai ailleurs toujours pas identifié la taupe dans mes amis Facebook qui fait des captures d'écran pour les montrer à des gens que je ne connais pas).

Ma belle-mère m'a offert la collection des Camilla Läckberg, et franchement ça se lit tout seul.

Ceux qui m'avaient donné envie de bloguer ont plus ou moins disparu de la Toile, se sont mis en sourdine, ou publient moins fréquemment, une certaine blogo est moins visible. En trois ans, ont surgi de tous côté des blogs stratégiques, organisés, au top de l'actualité littéraire, consensuels, des blogs qui avaient un objectif à atteindre dès leur création et, en attendant d'avoir un jour ou l'autre quelque chose à nous vendre, étaient des "influenceurs" (censés influencer les lecteurs insignifiants je suppose). Tout à coup, le réseau social de blogueurs littéraires que je fréquentais s'est fait vampiriser par le glamour, le mondain et la complaisance. Impossible d'actualiser un fil sans être saturé de soirées et cocktails, à grand coup de selfies, de coupes de champagne, de hashtag, de lieux branchés. La blogo littéraire (après des années en bout de table, à la place du pauvre, loin derrière les blogueurs mode, culinaire ou lifestyle) est devenue hype; maintenant on n'est plus proche de l'esprit de Beigbeder que de celui de Modiano. Les mêmes livres s'égrènent sur les RS, avec toujours cet enthousiasme suspect, qui ressemble à des renvois d'ascenseur,  avant de disparaitre avec la même constance que l'obsolescence programmée des vieux iPhones. Il est bien difficile maintenant de savoir ce que vaut un livre sur les RS tellement chacun évite de vexer, de dire les choses explicitement. Ce n'est de la faute de personne, mais c'est un fait. Tout le monde est prescripteur mais on transige sur la critique.

Je repense encore souvent à Rester vivant de Blondel.

A se demander même s'il reste ces romanciers de l'ombre, ces laborieux qui ne savent pas se vendre à la télé mais qui écrivent des merveilles, de ceux qu'on verra rarement faire les mondains. Même notre François national dans sa LGL nous fait croire qu'il n'y a en France que des auteurs de best-seller, ou des romancières de moins de quarante ans archi-télégéniques. L'auteur timide, moche, vieux, peu connu ou bafouillant, n'est pas prêt d'avoir sa place sur les plateaux.

Alors aujourd'hui, je crois qu'il est plus que jamais temps de revendiquer notre insignifiance: celle de ceux qui lisent par nécessité selon leur moyen et le temps dont il dispose. Les terrés dans leur trou de province, les malades de longue durée, les mères qui ont plus d'enfants que de bras, ceux qui ont raté leur vie professionnelle, celles qui n'enverront jamais du rêve sur les RS tellement elles sont cernées, les tout-cassés, ceux qui lisent pas réflexe, par habitude, par goût profond, à contretemps de l'actualité, ceux qui n'ont rien à perdre à dire du mal, rien à gagner à penser du bien, qui n'ont personne à convaincre et personne à flatter. Soyons fiers d'être ce lecteur transparent qui achète le livre qu'il a envie de lire. Celui qu'aucun influenceur ne suit sur IG, le timide de FB, celui qui tweete dans le vide sur des livres d'une autre époque.

Et tout à coup, je me suis dit qu'il fallait découvrir Dorgelès dont la postérité n'a pas survécu au changement de siècle.

Parce qu'au bout du compte, je me demande quand même si ce n'est pas ce lecteur insignifiant-là qui alimente le circuit du livre. Les éditeurs, attachés de presse, journalistes ou auteurs ne le courtisent  pas, mais c'est bien lui qui fait vivre tout ce petit monde quand même. Nous n'influençons personne (si ce n'est notre voisin, notre mère ou notre vieille copine de fac) mais nous lâchons 20€ pour un broché qu'on lira en deux jours, nous continuons d'offrir en poche un roman qu'on a aimé, en dépit du dernier dont tout le monde parle. Quelque part, loin des événements parisiens, il reste des lecteurs qui se souviennent avoir été celui qui restait dans son coin dans la cour en primaire, celui qui ne brillait pas par sa popularité au collège, qui lisait en cachette dans son lit. Longtemps les lecteurs ont été des solitaires, des gens qui n'aimaient pas spécialement la lumière, celui dont on disait tendrement "qu'il était un peu bizarre toujours plongé dans ses bouquins", celui qui trouvait sa place dans le monde avec les mots des autres et à qui cela suffisait.

Il n'y a que J-K Rowling pour pouvoir parler de l'échec comme cela.

Le vrai pouvoir, c'est nous qui l'avons, restons anonymes, restons insignifiants, peut-être est-ce nous qui distribuons les lettres de noblesse de la littérature quand on rentre dans les librairies. Et peut-être bien que cela nous autorise à penser et écrire ce que l'on veut.

Il est bien possible que la plupart des critiques honnêtes qui circulent sur la Toile soient celles des lecteurs insignifiants.


vendredi 1 décembre 2017

My November



Un mois de novembre qui tient toutes ses promesses: premiers virus hivernaux et le cortège des mauvaises nouvelles / Tu pars de chez toi, il fait nuit; tu rentres chez toi, il fait nuit / Bonne ambiance /  Survivre au crépuscule de l'année 2017 / Numérobis, un dimanche midi qui nous annonce, devant ses côtelettes d'agneau, qu'elle ne veut plus rien manger qui ait été vivant "avant" / Merveilleuse Odyssée de Daniel Mendelsohn, une lecture aussi éblouissante qu'érudite, et si tout était une histoire de filiation finalement ? / Qu'y a-t-il donc dans le tome 2 d'Eragon pour que Rayures nous demande aussi de ne plus lui proposer de viande ? / Accepter -par lâcheté- d'intégrer un équipe de courses en relai avec du dénivelé : perdre son honneur, sa dignité et un poumon / Le boulet qui a du mal à suivre / Une escapade parisienne forcée / La splendeur des Amberson pour mes 6 heures du trajet aller / Se réveiller entre la Sorbonne et le Panthéon et mesurer l'ampleur d'un renoncement / Un dîner entier où ça parle anglais: solitude quand tu nous tiens / Allemand LV1 évidemment / Traverser tout Paris pour fêter le livre et ne pas décoller du bar / Radio France et le syndrome de l'organisation d'un autre monde, n'est ce pas Sophie ? / Réussir à ne voir aucun auteur alors qu'on est là pour ça / "on peut passer monsieur ? " "Oui oui, vous redescendez, vous retraversez tout , et vous remontez les escaliers pour arriver par le 104" / Le moment du bug / Un thé à la menthe sans thé / Un jus d'abricot qui vient trop tard / Des rencontres qui sont en fait des retrouvailles : les évidences amicales / Team Elle 2014/ 4 ans déjà / Un dos de cabillaud dans le 5ème avec ma binômette / "The" jogging proustien dans les jardins du Luxembourg, et au lever du soleil, sentir surgir un vague sentiment d'éternité/ 7 Km dans un froid de gueux / Retourner plein Sud avec La légende du dormeur éveillé offert par mon irremplaçable leader Rentrer et découvrir dans sa boîte au lettres, l'attention de la délicate Aifelle, toujours présente malgré tout / Un mois pendant lequel j'ai perdu la blogosphère en route / Le temps de rien / Un jour, même moi j'oublierai que j'ai blogué à un moment / Pas le temps de faire une vidéo / Décembre et ses fêtes qui nous tendent les bras / L'espoir improbable de pouvoir rédiger un billet / Duracell toujours en grève du sommeil / What did we expect ?
A tout bientôt les amis ;-)




dimanche 5 novembre 2017

Compte rendu de vacances #ToussaintForEver

J'ai testé pour vous : les vacances inratables.

Pour, nous les vacances constituent une vraie réflexion philosophique (parce qu'on en a très peu et du coup on a bien le temps d'y réfléchir en amont). L'Homme et moi considérons qu'en août, c'est risqué de partir en vacances : la canicule, le rythme ralenti, les bouchons sur l'autoroute, les beaufs en vadrouille, non vraiment on est au dessus de cela, du coup on travaille les 9 semaines des vacances scolaires et on joue la sécurité (#SecondDegré). Par conséquent cette année et on a privilégié novembre.

L'Univers était de notre côté: beau temps, couleurs d'automne, grand chalet au calme, frigo plein; non là comme ça a priori,  partir tous les cinq ne pouvait être qu'une totale réussite. J'avais même prévu de poster des photos des girls sur Instagram, s'enlaçant avec tendresse sur fond de coucher de soleil, rigolant aux éclats, genre "famille Ricorée". En plus, je n'ai pas vomi dans les virages en montant, présage on-ne-peut plus optimiste pour des vacances réussies, je me suis contentée de chouigner sur Arrivederci de Biolay sous le regard consterné de l'Homme et des girls qui ne comprennent pas ma passion pour les chanteurs dépressifs (ou morts...ou les deux- mais la il est vivant...la preuve il fait la Nouvelle Star, ce qui réjouit l'Homme qui me titille avec cette histoire, bref).

Je suis donc partie avec l'entrain qui me caractérise, bien décidé à mettre ce séjour à contribution pour résorber  les cernes bleues qui me défigurent et ce petit teint grisâtre qui fait ressortir la frange que je me coupe moi-même (coiffeur c'est un métier, mais je n'ai jamais le temps d'y aller). J'étais d'autant plus optimiste sur nos vacances en famille qu'on m'avait toujours dit: un bébé difficile fait un ado tranquille . Dans la mesure ou Rayures a eu ses premiers amis imaginaires dès 2 ans, qu'elle a fait ses nuits à 3 ans, que toute sa scolarité jusqu'à présent a été un long chemin de croix où je passais ma vie dans les bureaux des maîtresses, directrices ou psychologue scolaire, honnêtement, je me suis dit que la puberté couplée à l'entrée au collège serait plus que tranquille (même si bien sûr le fait qu'elle ait été collée dès la deuxième semaine de son entrée au collège aurait du me mettre la puce à l'oreille).

ERREUR

Rayures découvre à 11 ans que le monde est moche et ne s'en remet pas du tout. Elle déplore la déforestation, le racisme, la cruauté des hommes, l'indifférence des pays riches pour les pays pauvres (cf: cours de géographie à réviser pour la rentrer, attention évaluation sur table), les faits divers qu'elle apprend on-ne-sait-où vu qu'elle ne regarde pas la TV et n'a pas Internet sur son téléphone (les copains au collège peut-être, car elle en a...pas ceux que j'aurais espéré mais bon). Elle n'échappe évidemment pas à cette langueur adolescente qui m'exaspère, à l'absence d'enthousiasme dès qu'il s'agit de sortir, elle tente d'échapper à la plupart des corvées domestiques et souffle en déambulant dans la maison, plein de rancoeur contre l'ONU qui ne fait rien contre la guerre, sa prof d'histoire géo qui pratique la classe inversée, les chasseurs qui font du mal aux animaux "juste pour le plaisir", la peste de sa classe qui lui a dit que son idée de roman était bof, et l'ophtalmo (le seul qui accepte de lui prescrire des lentilles) qui arrive toujours à lui glisser une petite vacherie lors de la consultation.

Du coup, pour ne pas garder tout ça pour elle ("parce que Mamie, elle dit qu'il vaut mieux que ce soit dehors que dedans, sinon on s'abîme la santé"),  elle en fait profiter sa soeur de 8 ans (pour qui le dernier drame tient à un rebondissement malheureux du  Royaume de feu), Numérobis donc qui découvre qu'à 9 ans une petite fille peut disparaître lors d'un mariage et pour toujours (ambiance ambiance). Le problème subsidiaire c'est effectivement les capacités vocales de Numérobis dotée d'une voix forte et éraillée. Elle hurle donc sa résistance au monde réel à grand coup de "Elle est méchannnnnnnnnnte, elle dit ça pour que je fasse des cauchemars". 

On m'avait dit aussi "3 filles, c'est cool, bien mieux que 3 garçons, au moins tu évites les bagarres".

ERREUR

L'Homme et moi élevons nos filles comme n'importe quel garçon,  et du coup fatalement, elles se cognent, se menacent de mort, se donnent des coups de pieds, se courent après avec des bâtons. Il y en a une qui souffle et l'autre qui hurle. Chacune est bien sûr convaincue qu'on lui préfère l'autre, c'est délicieux, surtout avec les arbres qui rougeoient et le dégradé des jaunes chaleureux de l'automne.

A cela bien sûr, il a fallu ajouter Duracell dont on pensait qu'une maison avec jardin lui ferait le plus grand bien (le grand air, le calme, la nature....)

ERREUR

Duracell est dangereuse juste dans un salon avec une simple table basse. Quand elle tente de sauter de la table au canapé, je manque de faire une crise de spasmophilie, donc là avec des escaliers partout, j'ai juste passé ma semaine à répéter en boucle "les barrières sont bien rabaissées devant l'escalier ?". Au bout de 2 jours, évidemment plus personne ne me répondait: l'Homme ne m'entendait pas, Rayures soufflait genre "ma mère cette relou" et Numérobis chantonnait l'air des chevaliers du Zodiaque (sa nouvelle lubie ramenée de la bibliothèque grâce à l'influence de l'Homme). Bien entendu, au mieux Duracell a dormi jusqu'à 4h (5h ancienne heure donc presqu'une nuit, yeahhhhhh), au pire elle s'est réveillée toutes les trois heures (à cause de l'altitude, ou parce qu'elle n'est pas dans son lit et toussa quoi; l'avantage des vacances c'est qu'on a des prétextes à la pelle pour justifier qu'à presque 2 ans elle ne dorme toujours pas).

Duracell a également découvert qu'elle a deuxième parent, l'Homme, avec qui tout est plus facile. Miel pops au petit déjeuner, courses sur les épaules, verre en verre pour boire, pas d'obligation de mettre un manteau pour sortir ("Il fait 8 degrés quand même" "mais elle ne veut pas, c'est qu'elle n'a pas froid je te dis" "nan mais à 21 mois, peut-être qu'on sait encore mieux qu'elle?")

Au final, je me suis dit: tiens et si j'allais courir pour évacuer.

ERREUR

Courir à 1000m d'altitude, c'est courir en côte, se bruler les cuisses et les poumons (honnêtement je ne suis pas médecin mais je pense vraiment que je n'étais pas loin de pneumothorax ) . Juste avant que je parte, Rayures m'a rappelé que courir seule dans un chemin désert, c'était risqué, surtout vu les événements récents (moue de connivence et regard appuyé) et évidemment elle sait que je suis peureuse comme tout et que moi aussi j'ai peur de la mort et des gens méchants. Je suis donc partie moyennement rassurée, et pendant que j'écouter System of a down, une idée a germé dans mon cerveau suroxygéné.

J'ai envisagé de simuler ma disparition pour aller faire le plein de sommeil dans un hôtel reculé. Il suffisait que je vide discrètement le Livret A de Duracell (qui s'en rendrait compte qu'à sa majorité), et que je m'organise comme Walker dans le dernier Bello pour me reposer quelques temps (je n'ai besoin que de livres, cigarettes, une ou deux bières, des capsules de café et du pain frais).  Je comptais revenir 3 jours après et dire que j'avais souffert d'une amnésie passagère suite à une chute dans un petit chemin (futée la Galéa!! Plus crédible tu meurs). Au moment où je réfléchissais à la manière dont l'homme pourrait gérer les 3 pendant 3 jours (et l'éventualité de mettre ma mère -qui n'a jamais su garder un secret- dans la confidence pour lui apporter un soutien logistique),  ma playlist a enchaîné les premiers accords follement joyeux de "Ton héritage".

"Si tu aimes les soirs de pluie mon enfant mon enfant" ; bon fatalement j'ai été obligée de reconsidérer la situation. Biolay décidément. "Si tu parles à ton ombre de temps en temps" alors déjà que Rayures est dans un phase compliquée, peut-être n'est-ce pas le meilleur moment pour disparaître, même pas longtemps, sans compter ce que je risque de me prendre si jamais un jour elle attaque une thérapie. "Si tu aimes ce qui est bon, si tu vois des mirages" après, il y a aussi Numérobis qui doit travailler ses saletés de démanchés pour son audition, et honnêtement on n'y est pas, l'Homme est encore plus nul que moi en clef de fa, et je ne suis pas certaine que la table de 8 soit totalement acquise (le 7 X 8 reste un problème récurrent). Enfin il faut bien avouer que vu l'autorité que l'Homme a sur Duracell, je crains quand même qu'elle se prenne pour Dieu  (autant il va lui faire d'une entrecôte maître d'hôtel à midi parce qu'elle ne veut pas de steak haché). "Ce n'est pas de ta faute, c'est ton héritage, ce sera pire encore quant tu auras mon âge"; oui donc là je me suis dit que déjà, vu qu'on vient tous les deux de familles dysfonctionnelles, ce n'était pas la peine d'en rajouter et qu'il fallait mettre toutes les chances de leurs côtés.

En plus j'ai croisé un type bizarre avec un chien et un fusil: 3 éléments qui m'inquiètent toujours quand je suis seule, même en baskets; j'ai regagné la maison mine de rien en fredonnant "il faudra faire avec ou plutôt sans".

J'ai été accueillie par un "déjà?" de Numérobis, par un "j'ai oublié tous mes devoirs à la maison et j'ai 4 évaluations à la rentrée" de Rayures, et par une cascade de Duracell à qui l'Homme tentait péniblement de mettre des chaussettes "elle préfère être pieds-nus je t'assure"

Nous sommes repartis le lendemain de mon projet de fugue, parce que j'avais oublié qu'il y avait un rappel de vaccin pour Rayures (et que l'infirmière du collège m'a mis un mot dans son carnet de santé avec des gros points rouges d'exclamation). 

Une fois de retour à la maison, les filles ont décidé qu'il serait bien mieux pour tout le monde qu'elles dorment toutes les trois dans la même chambre (on a déménagé et fait 6 mois de travaux juste pour avoir une chambre de plus- c'était vraiment une idée géniale, merci l'Homme). Rayures  a eu le rappel de son vaccin, Numérobis a passé une nuit à toucher les 40 de fièvre, Duracell a enrichi son vocabulaire d'un nouveau mot "oh la la". J'ai un jour et demi pour faire les devoirs de tout le monde et 4 ou 5 machines à faire tourner avant lundi.

Belle rentrée à tous.  Je le répète la Toussaint, en termes de vacances en famille, c'est une valeur sûre. Demain je vais afficher une mine réjouie et répondrai avec un sourire éclatant "c'était une semaine merveilleuse".

"Et si tout se déroule jamais comme dans tes plans, si tu n'es qu'une pierre qui roule, roule mon enfant"

mardi 31 octobre 2017

My october

C'est l'heure des petites choses anodines et littéraires du mois d'octobre.

Le bilan d'un mois d'automne en 2 minutes (fait un peu en catastrophe quelque part entre les montagnes françaises et italiennes).


Bon mois de novembre à tous