On en a été privé tout l'été, on a glosé sur la pilosité de François, on avait déjà fait nos pronostics...bref la rentrée de La Grande Librairie, on l'attendait de pied ferme. Que fallait-il retenir de ce premier plateau de la saison ?
La réponse dans ce billet. Galéa, à votre service, toujours avec bonne foi, impartialité et honnêteté intellectuelle (Val c'est tout pour toi copine, vu que tu ne regardes jamais cette émission).
Pour m'accompagner dans cette tâche difficile de rapporteur (j'aime ce mot, ça fait jurée de thèse, ça me donne de l'importance), j'ai nommé l'Homme: la grosse trentaine (quasi quadra quoi), avec 12 livres par an à son actif (10 de cuisine, 1 polar, 1 SF). LGL c'est son compromis conjugal, sa corvée à lui. Son émission préférée (no comment notre mariage a failli ne pas s'en remettre), est Storage Wars (j'ai dit no comment).. Il sera donc notre caution "Grand public-Petit lecteur-Liens du mariage". J'espère que vous mesurez l'exigence intellectuelle de notre démarche.
En quelques mots impartiaux, voici donc ce qu'il fallait retenir de cette émission de rentrée.
Le point Busnel (look et posture)...
ma Comète si tu passes par là, poursuis ta route, notre amitié vaut plus que ça (et tu nous manques aussi). François nous revient donc, le cheveu plus brillant que jamais, brushing impeccable, teint frais et bronzé, l'oeil profond et joyeux, et, détail non négligeable, il a rasé son malheureux bouc de vacances (il le fallait François, ce bouc ce n'était pas vraiment toi). La posture est toujours aussi étudiée (il doit s'entraîner devant sa glace le matin), quoique cette année on notera une vraie volonté de ne plus passer pour le journaliste complaisant du Service Public.
On commence par une jeune auteur belge, inconnue du grand public, qui a mis 10 ans à écrire un premier roman de 1 000 pages, publié chez un éditeur régional sans visibilité: j'ai nommé Amélie Nothomb avec Le Crime du comte de Neuville chez Albin Michel. Merci à Busnel de prendre de tels risques....
Oh ça va je rigole. Amélie c'est comme la liste des fournitures scolaires, ça fait partie du package de la rentrée : incontournable.
Une Amélie moins fantasque que d'habitude, sans chapeau, ni extravagance (certes avec des gants). Mais même si elle a tenté d'être un peu bouillante avec un "entre vous et moi François, tout est possible", elle dégageait une impression de tristesse. Sans être l'une de ses ferventes lectrices, je la trouve néanmoins toujours aussi sympathique et bien élevée, et j'aime l'écouter parler de ses livres, nous présentant cette fois "un policier à rebours", où son père aurait inspiré le principal personnage, tout en nous évoquant Wilde en contrepoint.
En face d'elle, un Busnel qui tente un peu de subversion, en relayant les reproches habituellement faits à Amélie, en se cachant derrière "les autres" avec un "
Combien de livres en trop dans votre bibliographie?", puis "P
ompez un grand auteur pour écrire un livre, ça ne vous choque pas?". Mais Amélie, qui en a vu d'autres et qui ne s'émeut pas de cela, élude les questions sans trop s'en formaliser (et quelque part on la comprend, car son lectorat existe et elle n'a besoin d'aucune émission pour vendre des livres, et tant mieux).
Pourtant on ne va pas se mentir, cet opus-là n'est pas des mieux accueillis. L'un dans l'autre, on ne peut pas faire le carton plein tous les ans. Même Laure, ma référence Nothombesque, a été assez déçue, (oh
Laure ne te cache pas va), mais à la limite qu'à cela ne tienne. C'est toujours un plaisir de voir Busnel survendre un roman "fantasque" et "drôle", avant de se lancer dans une psychanalyse un peu inquiétante, sur le mal-être, la dépression et l'envie de mourir. Le coup de la petite musique de Schubert pour éventuellement faire monter les larmes de la romancière, était vaguement en trop (mais on pardonne, hein, il faut bien lancer la saison). Remarque de l'Homme : "
Elle n'a pas l'air en forme Amélie". Oui, une Amélie en sous-régime, toujours aussi attachante, aussi sincère aussi touchante, moins exubérante qu'habituellement, mais il y avait quelque chose de beau et de fragile chez elle hier soir.
On enchaîne avec l'un des chouchous de cette rentrée (le mien en tous les cas ...et celui de ma clique aussi) : le très attendu Laurent Binet avec sa Septième fonction du langage chez Grasset (intervention de l'Homme : "le titre ne me tente pas des masses". Mon Homme quoi), mais ça c'est sans compter Delphine Olympe et bien d'autres qui en ont fait un coup de coeur absolu.
A la question : peut-on réussir sa vie avec un nom aussi peu glamour à porter que Binet? le réponse est oui..surtout si on est beau gosse avec une chemise rose, qu'on répond à toutes les questions sans se démonter ni s'écouter parler.
Bon moi qui adore les complots, les histoires à double fond et les manuscrits cachés, les allusions méchantes qui s'en prennent à des icônes, je me languis de le lire. On sentirait presque notre François un peu jaloux, un peu taquin de l'assurance du romancier et de ses réponses. Il a même relevé une petite erreur, comme quoi Téléphone n'a pas pu chanter "Ca c'est vraiment toi" en 1981, puisque la chanson n'est sortie qu'en 1982. Mouaich. c'est un peu mesquin ça François. Alors clairement, on arrête de dire que c'est un type complaisant Busnel, c'est un punk en fait!!! Il dénonce quoi.
Binet entre dans mon panthéon personnel grâce à quelques mots : "En France on a le droit de se moquer de Dieu, on peut-être aussi se moquer de Philippe Sollers". C'est une phrase qu'on gagnerait tous à méditer. On notera néanmoins à la mi-temps de l'émission, quelques minutes de grâce avec une Amélie, transformée d'enthousiasme, qui vend le livre de son collègue, avec un engouement communicatif. On a beau dire ce que l'on veut, Amélie quand elle dit qu'elle aime un livre, elle sait dire pourquoi.
"Tu veux vraiment le lire ce livre?", dixit l'Homme (autant il va me l'offrir, allez on peut rêver).
La question qui subsiste, faut-il avoir une sacrée culture germanopratine pour saisir toute l'ironie de Binet? Sans avoir lu tout Barthes, Deleuze et Derrida, ai-je une chance d'être à la hauteur du roman? Réponse tout bientôt, car je n'attendrai sans doute pas Noël pour le savoir.
On poursuit avec un peu d'exotisme outre-atlantique, parce que la littérature ce n'est pas que de la francophonie avec une interview du grand
Jim Harrison qui sort
Péchés capitaux chez Flammarion. C'est donc la séquence magnéto avec Busnel en voix off et l'auteur en gros plan, dans son chez lui s'il vous plait. On a eu le droit aux beaux paysages du Montana (
Keisha a du se régaler), ce qui compense (visuellement) les dents qui manquent à Jim Harrison quand même (pardon mais je bloque sur les dents, c'est mon TOC à moi). Bon au moins, il est crédible concernant la ruralité profonde américaine.
Finalement, c'est plus un portrait d'auteur, d'un type au seuil de sa vie, un peu cabossé, vaguement repenti, qu'une présentation du livre mais l'intérêt de cet entretien était ailleurs, même si on sait qu'il s'agit, dans ce roman, d'une vieux policier à la retraite...Mais la beauté du discours d'Harrison, son recul sur la société, son regard très acéré sur la civilisation américaine, son environnement dépouillé et sans ostentation, avaient quelque chose de particulièrement troublants. Harrison nous parle de la fracture américaine, quelque part il a renoncé à un certain sens de l'esthétique pour s'approcher d'une réalité finalement assez crue, il définit ce qu'il appelle le 8ème pêché capital de l'histoire de l'Amérique (et sans doute de l'histoire de l'Humanité en général): la violence. Un beau moment de télévision de mon point de vue.
Du coup la transition a été rude avec Astrid Manfredi qui publie La Petite Barbare chez Belfond, le coup de coeur absolu de notre François. Rien de moins que "la révélation de la rentrée littéraire".
La prestation de l'auteur était pour le moins poussive et difficile, avec tics de langage, alignement de poncifs éculés et déballage de banalités diverses sur la banlieue, les femmes, l'argent. Je fais partie de ceux qui saturent de la phrase convenue :'être né du "mauvais côté du périphérique" et de ce que ça sous-entend. Cette Petite Barbare qui n'a que sa beauté pour s'en sortir me donne une vague impression de déjà entendu. Je ne vais pas cacher non plus être un peu gênée que ce roman soit inspiré de l'affreux faistdivers dans lequel Ilan Halimi a perdu la vie dans des conditions totalement monstrueuses.
Je n'adhère pas tellement au postulat de base, ni dans le fond, ni dans la forme, mais la littérature a tous les droits de mon point de vue donc peu m'importe. Je ne vais donc même pas m'attarder sur cette prestation, car c'était son premier passage à la télévision, et je serais un peu gênée aux entournures de dénoncer cela, quand je menaçais de mort ceux qui se moquaient de l'élocution balbutiante de Modiano. Dans la vie, il fait être cohérent et honnête (enfin parfois).
Non, par contre, mon vrai problème avec Astrid Manfredi est son absence totale d'humilité doublée de son fan club d'acharnés. Si je suis complètement transparente, j'avouerais bien sûr que je l'attendais au tournant, qu'elle avait peu de chance de me plaire parce que j'avais moyennement digéré ce qu'elle faisait des critiques des blogueurs qui n'avaient pas l'intelligence nécessaire pour comprendre son talent. Car oui, des lecteurs ont osé se plaindre d'une écriture trop relâchée ou de l'absence d'empathie envers ses personnages...Rien de très méchant, mais loin des enthousiasmes des premiers billets. Quand je dis que Facebook est le pire de nous même, je ne pense vraiment pas me tromper. Pas de chance pour elle, mon premier contact fut facebookien et est irréversible. Le fait que les esprits critiques (de mes amis en plus) aient été un peu lynchés par le fan club de Manfredi, et que des blogueurs que j'aiment soient taxés de gens aigris, jaloux, et qui n'ont rien compris à son talent, m'a définitivement refroidie. Et là j'utilise un euphémisme avec "refroidie", parce que si les blogueurs ne peuvent plus émettre de réserves sur un roman sans déclencher de tels posts sur les réseaux sociaux, c'est que notre média à nous, gens de l'ombre et de l'invisible, est vérolé jusqu'à l'os.
Et la dithyrambe de Busnel n'a pas réussi à sauver l'ensemble. Je sais qu'on peut être un grand écrivain et ne pas savoir parler de son livre, je sais qu'on peut mal se comporter socialement et avoir du génie, je sais qu'on peur être caractériel et prétentieux et envoyer du lourd en littérature...tout ça je le sais. Mais je passerai mon tour sur ce coup. La fin de l'émission a été globalement douloureuse pour moi, à l'image de Nothomb qui semblait affligée ou dubitative, elle qui avait été intarissable sur Binet, elle hochait vaguement la tête quand Busnel tentait de la faire participer. Quant à Binet, on n'a plus eu de nouvelles de lui avant le générique. Alors même si on nous promet avec
La Petite barbare "l
a lumière du diamant quand il est brut", je vais m'en tenir à
l'avis de ma copine Philisine, un avis sans excès, sans insulte ni méchanceté, mais un avis sincère qui ne donne pas envie de lire (en espérant ne pas être lynchée publiquement à mon tour pour avoir osé publier cela).
Le mot de la fin sera "Voilà" qui a été dit 2438 fois en 12 minutes ( à la louche).
A la semaine prochaine (sans doute)