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dimanche 27 décembre 2015

Le Livre de Dina

Herbjørg Wassmo, Le Livre de Dina (1989)
10/18, 2014, 606 p.
En novembre, avec les événements que l'on sait, il me fallait un grand bol d'air, quelque chose qui m'emmène ailleurs tout en me gardant bien accrochée, parce que bon, je n'étais attentive à rien. Il me fallait LE livre qui m'attende le soir, il fallait qu'entre nous il y ait une relation durable et solide, quelque chose de pas trop introspectif (ça m'ennuie), ni trop politique (ça me hérisse). Pas une histoire d'amour ni de guerre non plus, car je n'ai pas de coeur et plus de nerf. Je ne pouvais pas me lancer dans quelque chose de trop ardu littérairement (parce que de ce côté là soyons honnête je ne vais pas vers le mieux, je sème mes neurones à mesure que mes cheveux épaississent), ni de trop indigent (car je reste snob). On en était là quand j'ai trouvé la solution.

Heureusement, j'avais Le Livre de Dina de Herbjørg Wassmo offert par ma co-parturiente Léo l'année dernière pour Noël. Malgré sa couverture un peu inquiétante (genre romance du XIXe siècle) et un titre, de mon point de vue, ambivalent, ce roman attendait patiemment son tour sur l'étagère des livres à lire (un meuble IKEA, anciennement meuble de couture, devenu bancal et poussiéreux, destiné à bientôt accueillir du matériel de puériculture, si je parviens à retrouver le  bon carton quelque part entre le dessus des l'armoire des filles, la cave de ma mère et le garage de mon père).

Effectivement, Le Livre de Dina était  mon antidote personnel, sachant que (Léo ne faisant pas les choses à moitié) j'avais les 3 volumes d'un coup. J'ai donc lu d'une traite et sans césure les tomes de la saga (je suis du coup incapable de dire quand finit l'un et commence l'autre). Soyons clair, Herbjørg Wassmo m'a offert, au coeur de cet automne triste et tragique, une Dina très romanesque (sans romantisme effréné), dans une Scandinavie du XIXe siècle (totalement imparable pour le dépaysement). Dina,  c'est une héroïne un peu à la sauce des celles des Fletcher: seule, inmaîtrisable, moyennement sociable, en fusion avec la nature et entretenant un rapport étrange à la mort .

Bref, je m'éparpille. Le Livre de Dina, c'est l'histoire d'une héroïne que l'on découvre enfant tragique et traumatisée et que l'on va suivre jusqu'à l'âge adulte dans le premier tome, "Les Limons vides". On chemine alors à côté d'une Dina, qui, telle ces femmes puissantes, est bâtie comme un homme (pour moi qui ai toujours été une demi-portion, il y a quelque chose d'assez fantasmatique là dedans), qui n'a peur de rien ni de personne,  qui bouscule toutes les conventions sociales (et moi qui pensais que j'exagérais parfois, franchement j'ai carrément de la marge), tout en se hissant dans la hiérarchie de la notabilité de sa région. Dans le second livre, "Les Vivants aussi", elle s'affirme de manière assez exceptionnelle et il faut attendre, la toute fin du troisième livre "Mon bien-aimé est à moi", pour comprendre complètement la terrifiante scène d'ouverture lue 600 pages auparavant.  Rien à dire.

Le Livre de Dina c'est aussi un décor splendide : la mer évidemment (qui serpente entre les fjords), les grandes demeures norvégiennes, des forêts à perte de vue, des rivières où tout peut arrêter, le froid, des nuits et des jours qui n'alternent pas comme ailleurs. Des animaux en veux-tu en voilà. Bon moi les animaux ce n'est clairement pas mon truc (et la nouvelle lubie de l'Homme et de Rayures de nous faire adopter un iguane me désole plus qu'autre chose). Mais là, l'animal, le cheval de Dina, fait partie d'un tout, et ça fonctionne car ce cheval est presque un personnage à part entière.

Dans les livres concentrés sur un héroïne, en général ce qui pêche ce sont les hommes. Pas là. Herjbjørg Wassmo nous offre des hommes, des vrais, pas des figurants. Il y a le père (procureur norvégien qui mérite le détour par son impossibilité totale de contrôler sa fille), il y a le professeur de violoncelle (un être malingre et généreux qui m'a émue profondément), Jacob le mari (dépassé par sa jeune épouse fougueuse), le fils (aussi sombre et rentré que sa mère), le beau-fils (ambigu, complexe et complexé), Thomas, le Russe, je n'en dis pas plus pour ne pas déflorer l'intrigue...mais vraiment, il y a de magnifiques personnages, travaillés, complexes, ambivalents. Pas de bons ni de méchants.

Sans compter un rapport merveilleux à la maternité et à l'enfantement, toutes les autres femmes du roman sont des mères nourricières, sacrificielles, magiciennes. Wassmo touche finalement à quelque chose qui confine à la magie et à une rudesse vraiment étonnante.

Et puis, il y a la mort et la foi qui rodent tout le roman, les versets de la Bible en exergue des chapitres, les fantômes, des scènes sensuelles (et un peu plus que ça même) sont très réussies, assez crues sans jamais être vulgaires. Avec en fond musical les cordes des violoncelles, des phrases russes et des mots norvégiens, le poids des embruns, l'odeur du printemps et le bruit de la neige.

Le Livre de Dina c'est une fresque formidable et réussie, antidote formidable aux périodes troublées, de ces merveilleuses embarcations littéraires qui finalement nous emmènent ailleurs, dans une autre mesure du temps et des gens. Très clairement, c'était le livre à lire cet automne. 

Fournisseur de ce billet: Miss Léø, mon binôme hormonal depuis le mois de mai (que je remercie et à qui je souhaite de belles dernières semaines)

35 commentaires:

  1. oh il a l'air vraiment bon ! mais un pavé tout de même, ça me fait toujours hésiter

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  2. Si ça se trouve, je vais etre la première à répondre !!! Quoique vu le débit que j'ai, pas sûr. On est 4 sur la wifi fatiguée. Mais ce n'est pas le sujet ! Revenons en à Dîna. Ton mot est passionnant, tu me donnes presque l'envie et peut être qu'un jour... Mais pas tout de suite. Pas envie d'une saga pour le moment... Alors "je te bise" ainsi que ta co-parturiente (excellent comme mot😄😄😄) et attends ton prochain post et te souhaite du courage pour la fin de ta grossesse.

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  3. Je réserve généralement les séries/pavés aux vacances. Pour ma trilogie hivernale, j'ai opté pour La Croisée des Mondes de Pullman. Je ne connais pas du tout celle présentée ici mais ce que tu en dis me plaît.

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  4. Pffiou ! Le défi était particulièrement difficile à relever, compte tenu du contexte... et de tes hormones ;-)
    Tu as donc trouvé LE livre qu'il te fallait, c'est une chance ! Ceci dit, s'il est si bien que ça, on doit bien pouvoir le tenter au printemps et pas enceinte, non ?
    (PS : bonne chance avec l'iguane :-) )

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  5. Mais en voilà une super idée lecture! D'autant plus que tout le monde me vante le talent de Wassmo et que je ne l'ai jamais lue !
    Par contre faut que je me calme tu écris "sans césure" je lis " sans césarienne !!

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  6. Pour moi aussi le livre à choisir ne m'a jamais paru tant difficile ; heureusement pour moi, j'avais commencé Manderley for ever et du coup j'ai pu le reprendre. C'était la lecture parfaite.
    Pour en revenir à Dina, d'accord pour dire que la couverture n'est pas folichonne mais la critique donne bien envie. L'essentiel est d'être dépaysé ou de partir loin cérébralement parlant grâce à l'auteur.

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  7. C'est quoi une co-parturiente?
    bien envie de lire ce livre moi aussi

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  8. Tiens, pour le coup, malgré tout le bien que tu dis de ce roman, je ne me serais pas sentie m'y risquer cet automne/hiver (un peu printemps) (on ne sait plus avec ces dérèglements climatiques...), période trouble. Trop pavé, trop romanesque... Moi je me suis rabattue sur des BD et du thriller. Bon, tant que ça marche.;-) En tout cas, je note tout de même parce que bon, Scandinavie du XIXè siècle, c'est pas tous les jours qu'on y va, et si en plus c'est formidable et réussi. Bonnes fêtes de fin d'année en passant ! :-)

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  9. Comme j'aime ce que tu écris je me dis que je devrais aimer ce que tu lis. (Même si tu es snob :) Or il se trouve que je suis un peu fâchée avec la littérature nordique, mais qu'une bonne saga est toujours bonne à prendre pour une vidange de tête lors d'événements comme ceux que tu esquisses et que je n'en ai pas lue depuis un bon moment (Tolkien?). Je pense donc me procurer l'ensemble et le garder pour les jours où j'en aurai besoin, ça a intérêt à être bon !Sinon gare !-) Autrement moi j'ai tendance à dire une héroïne mais les choses évoluent tellement de nos jours ;-) Bises.

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  10. Je pense avoir lu le premier tome, il y a longtemps, mais je ne m'en souviens plus. J'aimerais m'y remettre, avec n'importe quel titre de l'auteure. Pourquoi pas en 2016 ?

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  11. Bon il m'a été conseillé maintes et maintes fois et je n'ai jamais réussi à rentrer dans cet univers mais ton billet me donne envie de retenter...

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  12. Depuis que j'ai lu Cent ans de cette auteure, je me suis promis de lire Le livre de Dina... Ce n'est pas encore fait et tant mieux ! C'est bon de savoir qu'il y a encore de belles choses à découvrir.

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  13. Il est dans ma PAL depuis quelques mois. J'aime vraiment beaucoup cette auteure et je compte bien lire tous ses romans, mais pas trop vite, pour profiter! Je n'ai donc lu ton article qu'en diagonale, mais cela me donne bien envie de le sortir! Je te souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année!

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  14. Bah dis donc ! Toi tu sais donner envie de lire un livre !
    J'avais une opinion assez négative de ce roman dont le titre est un peu bidon, l'illustration de couverture trop évocatrice d'autre chose et le nombre de pages rébarbatif pour moi en ce moment. Et néanmoins, après la lecture de ton billet, je crois que je vais le mettre dans mon panier quand je le verrai à la librairie (où il est toujours en bonne place sur une des tables !).

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  15. Ah ouiii, j'avais beaucoup aimé cette trilogie lue d'une traite comme toi. Une sacrée force vitale et magique en émane ; c'est fort, c'est fougueux et ça fait du bien !

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  16. Un coup de cœur pour moi aussi... quel souffle, quelle héroïne... bref, un texte durablement marquant.

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  17. Whoah ! tu donnes vraiment envie, dis donc ! D'autant plus que je n'ai lu aucun roman de cet auteur. Une lacune à combler vite fait !

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  18. Moi qui aime le romanesque, ce pavé a l'air fait pour moi...! (bon, à réserver pour l'été par contre, je suis incapable d'engloutir des pavés en hiver, allez donc savoir pourquoi...)

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  19. C'est un cadeau de Noël ... de l'année dernière ! Il faut que je le lise très vite !

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  20. J'évite les sagas , mais visiblement ce livre t'a charmé, tu en parles bien et tu donnes envie de le lire. j'aime les épopées qui se passent au dix neuvième siècle mais j'en suis encore resté à l' Angleterre.
    Cela n'a rien à voir mais de mon côté, les animaux c'est mon truc, beaucoup plus que les hommes !
    Bisous et belles lectures à toi.

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  21. Co-parturiente... Binôme hormonal... J'adore !!!! :-)
    Tu sais tout le bien que je pense de ce roman. Je trouve que tu en parles très bien !

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  22. Noté depuis longtemps, trop longtemps... Mais je ne désespère pas.

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  23. Ton billet me donne encore une fois envie de lire ce cadeau !!!
    Bises et bonne continuation !
    Sans oublier : Passe un bon bout d'An Galea !

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  24. OK, tu en parles très bien, mais... je ne te suivrai pas cette fois. ça ne me dit rien du tout malgré ton bagou très digeste et goûteux.
    Passe de belles fêtes de fin d'année avec ta tribu

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  25. J'ai adoré cette trilogie, prêtée par une amie chère (IRL), et l'on me conseille rarement des livres (IRL bien entendu ;-)) donc le plaisir a été doublé !!! Une femme puissante, sacrément romanesque, et la nature forte et omniprésente ont suffit pour que je me plonge sans restriction dans cette aventure ! Bisous Galéa :-)

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  26. C'est tout à fait ainsi que je l'ai ressenti moi aussi, mais tu en parles bien mieux que je n'aurais su le faire, enfin surtout en ce moment, avec mes neurones manquantes ;0)Ma dernière opération date de l'année dernière et j'ai toujours cette impression d'avoir du brouillard dans la tête. Ah cette Dina, impétueuse, sauvage, déterminée. Une vraie bonne femme quoi, une battante, comme je les aimes :0) C'est malin, tu m'as donné juste une envie ; les relire immédiatement :0) Depuis j'en ai lu d'autres (comme par exemple Cent ans que j'ai adoré et que je te conseille très fortement).

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  27. Ah ah la réflexion des grands-parents, j'adore ! allez, le mieux est encore de les ignorer, c'est tellement bon de râler, ce serait dommage de s'en priver.
    Ton billet m'a une nouvelle fois fait rire. Je te souhaite une belle année 2016, à toi et à ta petite famille qui va bientôt s'agrandir. Au plaisir de te retrouver sur le web. à bientôt. bises

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  28. Wassmo ça me dit vaguement quelque chose mais ce titre pas du tout, ça a quelque chose d'attirant, mais en même temps, se dire d'emblée qu'il y a trois tomes ça fait un peu peur!

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  29. Je ne connaissais pas du tout, mais il me tente bien... et hop! Un de plus à lire :D

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  30. Il est tentant ton billet mais je n'arrive pas à être tentée. Va comprendre.

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  31. Elle décoiffe ta Dina ! Trop de livres m'attendent, mais peut-être qu'un jour ce livre trouvera le chemin de ma bibliothèque...

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  32. J'avais adoré : Dina, sa fougue, les fjords ... Tout ! Je l'ai justement offert à ma belle-mère à Noël (enfin, le tome 1 avec la chouette couverture de 10/18). J'espère qu'elle va aimer !

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  33. Wassmo, j'ai tenté une fois et ça m'est tombé des mains. Du coup je ne suis pas super chaud sur ce coup-là, surtout que les trilogies, je suis allergique. Bref, tu as beau être enthousiaste et avoir troussé (comme d'habitude) un fort joli billet, je vais rester de marbre.

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  34. Comme tu le sais , une lecture qui m'avait mise totalement à l'envers, il y a déjà plusieurs années, strictement in-oubliable...la scéne inaugurale...la scène finale...entre les deux des centaines de pages de bonheur....la musique, le feu, l'eau des fjords , la solitude fière de ces contrées rudes...le voyage à Arkangelsk pour chercher du grain , coup de génie...Bref vive les maîtresses-femmes, qui "gèrent la fougère" comme disent mes ados (wtf?!) et qui ont aussi un coeur qui bat , et pas qu'un peu :-))

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