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Annie Ernaux, Les Années (2008)
Folio, 2013, 254 p. |
C'est le coeur lourd et la gorge un peu serrée que je vous le dis: je n'ai pas aimé
Les Années.
Malgré mes efforts et ma bonne volonté à ne pas suivre Attila et Malika dans leur jugement sévère,
je dois m'y résoudre, vraiment ce livre je ne l'ai pas aimé du tout, il est même possible que je l'aie détesté.
Pourtant, j'aurais du y trouver mon compte.
J'aurais du aimer cette peinture désabusée d'une génération qui a cru à un monde nouveau toute sa vie, j'aurais du être interpellée par ce qu'il reste de 68 et de 81, parce que forcément ça a alimenté les conversations de ma famille toute mon enfance (ce qui m'a appris très jeune la tolérance d'ailleurs). Mais, alors là, j'ai eu le sentiment du remâché, sans supplément d'âme, sans recul. 260 pages qui me replongent dans la cuisine en formica de mes grands-parents ou parents, oncles, tantes et amis de passage débattent et ressassent infiniment leur souvenirs et divergences de jeunesse (pendant qu'avec mes cousins on fume en cachette derrière les voitures).
La seule différence, c'est que dans Les Années, j'ai le propos mais sans les personnages, et vraiment c'est ça qui coince. D'autant que je m'attendais à quelque chose de plus subtil, de moins manichéen, de plus fin de la part de quelqu'un qui se présente, à plusieurs reprises, comme une intellectuelle. Honnêtement, sans entrer dans le détail, j'ai bondi à plusieurs reprises dans ses analyses...mais bon, ça m'arrive souvent et j'aurais pu passer là dessus. Le reste du temps je me suis ennuyée de lire de ce que je savais déjà.
Au delà du discours politique, j'aurais pu être touchée par la peinture sociale (les premiers divorces, la jeunesse des années 90, l'an 2 000 et tout ça). Mais bon, ça n'a pas marché non plus, j'ai eu le sentiment de regarder une rétrospective de France 3 intitulé "de l'Après-guerre à nos jours" dans lequel je n'aurais pas été d'accord avec le choix des dates (la victoire de 98 tient bien peu de place là dedans, et quand on se veut témoin d'une époque, c'est un peu regrettable). Tout y est jusqu'aux marques des céréales de ma jeunesse, mais moi il m'a manqué l'essentiel.
En fait, il n'y a qu'un seul protagoniste dans les Années, c'est l'auteur. Le problème c'est que depuis enfant, on m'apprend que parler de soi tout le temps, c'est inélégant (ce qui expliquerait d'ailleurs pourquoi j'ai ouvert un blog en cachette), que se tourner vers les autres, c'est bien aussi. Et là, j'avais l'impression d'être au téléphone avec la copine (qu'on a tous eue un jour) et qui ne parle que d'elle, d'une voix lente et molle. En plus, ce n'est pas franc du collier cette affaire, parce qu'Annie Ernaux nous le fait à la Delon, à la troisième personne, en nous faisant croire qu'en fait, elle ne dit pas "je" parce qu'elle joue collectif.
En fait non, ce n'est pas collectif. Elle nous présente son album photo pendant 260 pages. Parfois, je peux le dire, j'étais limite gênée dans sa description d'elle-même depuis ses 4 ans jusqu'en 2006. On en est presque au comptage des rides sur le front, scrutation des articulations, de la longueur des cheveux, et cerise de la gâteau, de l'observation rigoureuse de son pubis (bon là je me suis vraiment dit "Annie, mais pourquoi ?"). Parce que si on est bien tous d'accord pour dire que le sexe est important dans la vie, était-ce à ce point nécessaire, de nous en parler de façons aussi intime, sans le filtre de la fiction ou d'une intrigue, et sans que le partenaire en question ne soit présent dans le livre. Je suis née après la libération sexuelle, je suppose que c'est pour ça que je ne saisis pas la portée de tout ça. Mais c'est vraiment gênant d'avoir l'impression de lire un journal intime, sans supplément littéraire.
Et puis pardon, mais la seule chose qui compte dans les années qu'on traverse, ce sont les gens qu'on y croise. Tout le reste, à la limite, ça appartient aux livres d'histoire et aux journaux. Et là, pas un portrait, pas un individu, pas un visage (à part le sien), comme si Annie Ernaux avait traversé plus d'un demi-siècle toute seule. Une vie tient aux gens qu'on a aimés ou détestés, à ceux qui nous ont marqué durablement. Ils sont cruellement très absents.
Je me demande si je suis trop jeune civilement, ou alors bien trop vieille dans ma tête, pour avoir à ce point été agacée par ce livre que je me suis forcée à finir. Ce qu'il m'a manqué c'est de la tendresse, de l'humour et de recul.
Et même sa sublime phrase qui clôt le livre n'a pas rattrapé le reste.
J'ai eu le sentiment d'un constat amer, triste et égocentrique , avec envie de dire à Ernaux "mais regardez autour de vous". Cette sempiternelle description du "soi", de son nombril, enrobée dans des années que j'ai vécues ou dont on m'a déjà beaucoup parlé, m'a laissée au mieux de marbre.
Soyez indulgents avec moi, je sais que la blogo lui est fidèle et enthousiaste, j'aurais vraiment aimé l'apprécier autant que vous, j'ai tout fait pour. Alors, allez plutôt chez Aifelle ou Pasc (dont je sais qu'elle est son amie) et qui l'aiment sincèrement. Je vais devoir dire à ma chère Tante G que je n'ai pas eu le temps de le lire pour ne pas lui faire de chagrin.
Promis je ne recommencerai plus.