Pages

vendredi 31 janvier 2014

Cherchez la femme

Alice Ferney, Cherchez la femme, 
Actes Sud, 2013,  528p.
Alors, déjà, « Le gâchis de nos vies » ou bien « né pour souffrir »  auraient été des titres bien plus appropriés pour ce roman.

Passons.

Dans Cherchez la femme, on nous parle d’un homme  : Serge qui rate lamentablement sa vie …et plus précisément ses amours (l’amour de soi, l’amour de l’autre, l’amour des siens…tout quoi).

Franchement, elle écrit vraiment bien Alice Ferney.
Mais beaucoup trop.

Avec un traité psychologique par page, la narration est, disons, globalement ralentie. Chaque ligne, déconstruit la précédente, avec une explication de ce qui se passe dans le cerveau des personnages. Le moins qu’on puisse dire c’est que l’auteur ne parie pas sur l’intelligence de son lecteur. Il faut ainsi 60 pages pour que les parents du personnage principal se marient (histoire qu’on comprenne bien d’où est issu Serge). Tout est commenté et expliqué, absolument tout, chaque phrase, chaque action. 

Parce que chez Ferney, personne n’a aucune chance d’échapper à quoique ce soit, et surtout pas à ses parents ni à ce qu’ils ont fait de nous. D’ailleurs, pour quiconque aurait quelques doutes sur la manière d’élever son enfant, Cherchez la femme me paraît incontournable, vous y apprendrez que quoi qu’on fasse, nos enfants ne s’en remettront pas.

Dans Cherchez la femme (derrière Serge donc), on trouve deux modèles féminins. Nina est la mère de Serge. Fille de mineur pauvre, elle est donc forcément courte sur pattes, dénuée de grâce. C’est une épouse mégère et mère hystérique. (spoiler) Elle finira alcoolique comme son père et son grand-père, le visage couvert de dartres, grosse et édentée.

La deuxième femme de Serge, c’est son épouse Marianne : grande bourgeoise, donc longue, fine, élégante, talentueuse, épouse aimante et sacrificielle, mère fusionnelle et amoureuse transie (à qui on se retient de mettre des gifles tellement elle s’auto-flagelle en permanence- faute à sa mère évidemment, on l’aura compris). Quiconque penserait qu’une femme peut échapper à son milieu d’origine, doit lire Cherchez la femme et reprendre une activité normale (la télé pour les prolétaires et le piano pour les classes aisées). Les bourgeois meurent d’un arrêt cardiaque (proprement donc), les pauvres d’une maladie qui dure et qui dégrade. 

A vous qui croyez au libre-arbitre, passez votre chemin !

Ce livre n’est pas seulement hautement déprimant, il est aussi peu vraisemblable. Tous les personnages  trouvent Serge très intelligent, à commencer par ses parents qui sont certains d’avoir engendré un enfant extraordinaire : « au lieu de comprendre la détresse de leur enfant, les géniteurs extasiés l’avaient transformé en génie » (p.87). Avouons que c’est bien vu le coup de la mère désœuvrée et du père complexé qui fabriquent un surdoué pour donner du sens à leur vie. Elle m’a eue, à ce moment-là.

Le problème c’est qu’absolument rien dans ce roman n’atteste qu’il le soit. Hormis son entrée à Normale Sup. (qui reste assez peu crédible), rien de ce que nous raconte Ferney ne montre l’intelligence, ni même la finesse, et encore moins la complexité du personnage. On a d’ailleurs du mal à comprendre comment une femme peut se mourir d’amour pour lui, avec tous les défauts dont l'a chargé Ferney. 

Donc pour conclure, j’ai le sentiment qu’Alice Ferney règle des comptes dans ce roman. Avec l’ENS (elle a un sérieux problème avec Normale Sup. cette romancière), les riches, les prolo, les femmes aimantes, les femmes qui n’aiment plus, les brillants, les menteurs, les ratés, les alcooliques, les trop gentils, les pathétiques, les doués, les très doués, les imposteurs, les lumineux….personne n’échappe à cette narration sans issue.

Parce que Ferney ne livre pas un moyen d’échapper à nos ratages, mais nous explique pourquoi et comment ils démoliront nos vies. Et à ceux qui pensent que la peinture du mariage que brosse Alice Ferney est terrible, ce n’est rien à côté de celle qu’elle fait du divorce et de l’adultère. Pas de salut quand on quitte son foyer (à se demander quand même s’il n’y aurait pas un petit fond réactionnaire dans tout ça…). En plein hiver, et pour peu que notre couple ait un petit coup de mou, c’est LE livre à lire pour se remonter le moral !


Seuls sont épargnés les enfants du couple Serge-Marianne, sur lesquels je ne miserais pas vu l’horreur qu’ont vécu leurs parents. Le petit bonus de ce roman, c’est qu’il se termine dans le futur (enfin je suppose), vers 2030....

Un roman qui assassine le moral, qui annihile tous nos efforts pour accepter nos parents tels qu’ils sont, qui rend inutiles les manuels d’éducation, qui ne laisse aucune chance aux femmes finalement, puisque même celle qui est belle, intelligente, créatrice et chanceuse meurt seule dans son lit, délaissée par l’homme qu’elle aime…et oui, c’est ça la vie !

N’essayons pas d’être heureux, le bonheur est impossible.


Merci Alice (le pire c’est que je ne peux même pas dire que j’ai détesté ce roman…ce qui le rend d’autant plus toxique). Après, on a aussi le droit de voir la vie autrement...

C'était Galéa, en direct du prix Elle, qui en a profité pour participer aux critiques odieuses chez Mina...(ça fait du bien d'être méchant...je vous laisse aller lire les autres)

samedi 25 janvier 2014

Fille de la campagne

Edna O'Brien, Fille de la campagne,
Wespieser, 2013, 478 p.
Quel étrange document que ce Fille de la campagne,  que Lire a quand même  élu document de l'année 2013  (bref).

Edna O’Brien entreprend de raconter sa vie avec un début très prometteur :  une vieille dame, qu’on suppose dans sa dernière ligne droite , décide de se raconter à elle-même. 

Oh surprise! O’Brien n’a conservé en mémoire que des souvenirs malheureux. Il y a donc beaucoup d’amertume et peu de chaleur. Du coup, elle peine à créer des ambiances, les descriptions sont longues et souvent redondantes. Toutes les étapes de sa vie sont aigres : son dépucelage sinistre,  son mariage sans joie, sa maternité trop rapide, son premier livre mal accueilli par le siens, l’achat de sa maison pleine d’embûches. Rajoutons à cela, la pauvreté de ses parents, la pingrerie, l’hypocrisie...et on a le carton plein.

Sa vie a été triste et fatalement, ça se ressent. 

Ensuite, Edna O’Brien reste à distance d’elle-même mais aussi de ses autres personnages, qui n’ont ni consistance, ni physique. Aucune figures secondaires, seulement des ombres qui passent. Cette autobiographie est d’une solitude pratiquement totale. C’est une éternelle amoureuse abandonnée, mais on peine à saisir ses amants. Dommage.

Enfin, il y a un vrai problème d’écriture ou de traduction. L’emploi des temps est absolument anarchique. On passe dans une même phrase, du passé simple au présent, parsemé d’imparfait ou du futur antérieur. C’est grammaticalement contestable et franchement difficile à suivre pour le lecteur moyen que je suis (très beaux spécimens p.292 et p.431). Je suis plus qu’étonnée que cela n’ait choqué personne chez l’éditeur. 

Mais je l'ai bien aimé quand même, parce que j'en retiens la vie triste d’une romancière seule dans son  succès, et qui s’est davantage égarée qu’elle ne s’est trouvée. C’est long, sans être inintéressant. Mais bon, éventuellement, s'il y avait eu un fil rouge, ça aurait été bien aussi. 

Ses longues recherches d’elle-même chez des psy de tous genres m'ont rappelé que j' ai autour de moi pléthore de femmes comme ça, (d'où le cadeau de mon père à Noël qui connaît ma passion pour ce genre d'introspection).

Et c'est vrai que quand elle parle de sa vie de romancière, elle sauve le livre. Le chapitre intitulé «Livres » est formidable. En plus, elle a de très belles phrases d’anticipation historique « Le Nord était une région sur une carte […] je pressentis qu’un jour il assombrirait nos vies. » (p.52). Je me suis attachée à elle et ses fils, mais c'est vrai que je me suis un peu ennuyée quand elle raconte sa vie à New York, pourtant parsemée de personnages célèbres,  mais que j'ai trouvé fastidieuse. 

En fait, je l'ai bien aimé alors que j'ai passé mon temps à relever les défauts....(contradiction quand tu nous tiens).

Je terminerai sur une phrase qui devrait donner à réfléchir aux blogueurs (si tant est qu’on considère le blog comme un journal personnel) « je lus avec inquiétude que seuls les très jeunes et les très fous tenaient leur journal » (p.319)...voilà, voilà, vu que je suis vieille depuis toujours, donc je vais me ranger dans l'autre catégorie. C'est fait.

J'intègre ce billet au rendez-vous non-fiction chez Marilyne de Lire et Merveilles.

Je vous laisse aller voir ce que mes collègues jurées en ont pensé....Fleur a un avis assez proche du mien (nous sommes souvent d'accord), Enna et Awa n'ont pas aimé du tout (et je les suis sur cette histoire de traduction bancale), il a manqué à Pascale une dimension historique un peu plus fouillée, Meelly et a été littéralement emballée (son billet est très beau) et Laure, Virginie et  Valérie-leader l'ont beaucoup apprécié aussi..
Mais pour être honnête,  certaines jurées ne l'ont pas fini et d'autres n'ont pas eu envie de le chroniquer...Il n'a donc pas plu à tout le monde...

J'en profite pour leur adresser un message personnel : chères jurées, nos échanges sont ce qui me plaît le plus dans cette aventure féminine, même si certaines ont délaissé Passion Arabe, même si le Kasischke enthousiasme la majorité d'entre vous, même si Adèle et Lady Hunt se sont faits sortir, même si je pense être la seule à avoir été déçue par Attentat Express, même si je déteste le Nikitas... 


Je reste avec plaisir le vilain petit canard de cette aventure qui aurait été tellement moins bien  sans vous les filles...

C'était Galéa qui se sert honteusement d'Edna O'Brien pour  faire passer un message  à la de Gaulle  (quand je vous dis que j'ai vécu les années 1940)
scrthh....scrtchh....Les jurées parlent aux jurées....le navire prend l'eau mais je ne déserte pas...scrthh...

lundi 20 janvier 2014

Petites scènes capitales

Sylvie Germain, Petites scènes capitales
Albin Michel, 2013, 250 p.
Me revoilà, jurée hypocondriaque et  mal fichue comme on peut l'être au mois de janvier, avec le dernier Germain, et j'espère qu'Aspho et Margotte me pardonneront de ne pas être aussi enthousiastes qu'elles sur ce livre (bien que je l'apprécie quand même).

Grosso modo, Sylvie Germain nous déroule la vie d'une certaine Lili/Barbara, qui, on peut le dire, n'est quand même pas la plus chanceuse du monde (donc a priori je l'aime déjà). En trois mots, sa mère l'abandonne quand elle est bébé, son père se remarie avec une femme qui a déjà des enfants, et Lili/Barbara se sent, disons, un peu seule dans cette nouvelle grande famille.

Elle écrit remarquablement Sylvie Germain, et j'ai trouvé de vrais moments de grâce dans ce livre, pour Coralie c'est la scène de la balançoire, pour moi cela a été celle des fenêtres éclairées « ces rectangles de lumières qui s’ouvrent sur l’obscurité » (p.57). J'aurais vraiment aimé écrire cet extrait du livre, c’est très beau ce que Sylvie Germain décrit des destins possibles que proposent au passant les fenêtres éclairées. J'en garde un souvenir ému (et finalement je dois avoir gardé mes yeux d'enfant puisque je continue d'imaginer ce qu'il se passe derrière une fenêtre éclairée).


Mais, j’ai été gênée par le fait que ce soit une romancière du malheur, de la mort, de la tristesse et de la solitude. Même si elle décrit tout cela avec beaucoup de talent, la lire en plein mois de janvier, là où les jours sont les plus courts et le temps le plus triste, c’est assez dévastateur (d'autant que je n'ai pas non plus une forme olympique en ce moment ...et par nature). En mois de 300 pages, elle arrive à nous parler d'un bébé abandonné par sa mère (qui s'est sans doute suicidée ensuite), d'une adolescente qui meurt bêtement d’une chute, d'une jeune femme qui accouche d’un bébé malformé, d'une soeur orpheline de sa jumelle et qui ne fera jamais son deuil, d'une femme qui n’aura jamais d’enfant, des gens qui meurent seuls….

Je dois reconnaître que sur la fin, sa réflexion sur le cœur, le corps et l’art est très juste, le ton est magnifique et elle cite Yves Klein, mon plasticien préféré entre tous. 

Mais je suis restée à distance quand même, justement parce qu’il n’y a que des scènes capitales, toutes petites soient-elles, et qu’il m'a manqué quelques scènes quotidiennes, les menus plaisirs et les routines ordinaires...l’odeur du tabac dont meurt Viviane par exemple (2014, j'arrête hein).


Cela reste néanmoins un beau moment littéraire et pour l'instant l'un des deux romans que j'ai lus avec le plus de plaisir dans le prix Elle, comme Valérie-leader d'ailleurs...(j'ai définitivement le rôle de fayote auprès du leader de notre groupe, que ce soit dit)

PS: je dédie ce billet à une libraire chère à mon coeur qui se reconnaitra. 

jeudi 16 janvier 2014

Quand souffle le vent du nord

Daniel Glattauer, Quand souffle le vent du nord
Le livre de Poche, 2010, 348 p.
J'ai honte de l'avouer, mais j'ai ce livre depuis plus de 6 mois chez moi, je l'ai lu il y a 4 mois, et je ne l'ai pas chroniqué, alors qu'il ne m'appartient même pas. Il est à la Comète, qui a d'autres occupations en ce moment, mais ce n'est pas une raison.

J'ai donc reçu ce roman via Evalire, et je vais m'empresser de dire ce que j'en pense ou plutôt ce qu'il m'en reste, alors que je suis accablée de lectures qui ne m'emballent pas plus que cela en ce moment.

Daniel Glattauer nous raconte l'histoire de deux trentenaires (presque quadra en fait) qui se rencontrent virtuellement par hasard (suite à une erreur d'adresse électronique). Peu à peu, ils s'apprivoisent, échangent, se confient l'un à l'autre...et se désirent. Oserais-je dire qu'ils tombent amoureux l'un de l'autre à travers leurs adresses mail?

Oui.

Si je ne bloguais pas, je dirais que c'est hautement improbable de s'attacher à quelqu'un juste à travers un clavier d'ordinateur. Mais voilà, je blogue, donc je sais que c'est possible d'avoir l'impression de connaître une personne juste en échangeant des mails avec elle. De là à dire qu'on puisse tomber en amour d'une adresse électronique, je ne sais pas. Parce que mine de rien, la beauté intérieure ça compte, mais bon, pour être attirée par un éventuel partenaire, l'apparence ça joue aussi (oui, jetez moi la pierre, je suis terriblement superficielle, je sais, d'ailleurs mon Homme est une authentique bombe atomique ...et oui! la chair est faible)

Et justement, et c'est là que ça coince quand même, c'est que nos deux tourtereaux deux-point-zéro sont aussi très beaux. Ils le savent parce que petit à petit ils se décrivent, ils se croisent sans le savoir et que l'amie de l'une découvre le physique de l'autre. Bref, ils sont beaux, jeunes (ou presque), intelligents, cultivés et un peu portés sur l'alcool aussi (ce qui pour moi n'est pas nécessairement un défaut).

Mais quand même, c'est une drôle de coïncidence de jouer à Cyrano de Bergerac quand aucun des deux n'est moche ou avec un grand nez. Et ça, ça m'a un peu gênée, parce que c'est un peu facile de fantasmer sur quelqu'un qui est attirant voyez-vous. Je crie à l'improbable là. Si l'un d'eux avait été obèse, boutonneux, borgne ou sale, la partition aurait été très différente...

Mais après tout, pourquoi pas. Je l'ai lu d'une traite, et je me suis faite avoir, la montée du désir est drôlement bien écrite (traduite donc), c'est souvent drôle, j'avais hâte hâte de savoir la fin qui ne pouvait être différente finalement, bien qu'elle nous laisse sur notre faim justement. Ce n'est certainement pas un chef d'oeuvre, mais quand on est content de tourner des pages ce n'est déjà pas si mal...

Les avis enthousiastes de la Comète et d'Evalire...et d'autres un peu partout sur la Toile....

C'était Galéa (en plein dépression littéraire de janvier)

PS: ce livre voyage, si vous êtes intéressés faîtes moi signe, sinon il repartira chez notre Comète nationale.

vendredi 10 janvier 2014

Tout ce que je suis

Anna Funder, Tout ce que je suis
Editions Heloïse D'Ormesson, 2013, 492 p.
Avant de vous parler de Tout ce que je suis d'Anna Funder, il faut que vous sachiez que nous sommes peu à l'avoir aimé (trois à ma connaissance), que In Cold blog a été tellement déçu qu'il n'en a même pas fait de billet, et que je suis convaincue, depuis l'âge de 14 ans, d'avoir vécu la Seconde Guerre Mondiale dans une vie antérieure et d'y avoir beaucoup souffert (peut-être même que j'y suis morte).

Donc j'ai été emballée par la démarche d’Anna Funder. Quelle belle idée de lever un coin de rideau de l’histoire et de rendre justice aux Allemands qui, avant 1939, ont été victimes du nazisme, et d’une certaine manière, le brouillon des méthodes à venir.

Théoriquement, on ne peut qu’être séduit par ce roman à deux voix qui raconte une période disparue.  Un homme à New York et une femme en Australie, tous les deux au crépuscule de leur vie, expatriés et aux antipodes, qui tentent de se souvenir, de recoller les pièces d’un puzzle et d’une personne disparue: Dora. 

Ces narrateurs, Ruth et Toller, sont de beaux personnages, bien campés, leur récit  a de la force et du désespoir. Le personnage de Hans, que l’on croit secondaire mais qui ne l’est pas du tout, est une totale réussite. Il permet d’avoir une idée de ce qu’est la peur, la panique de sentir une situation sans issue, et ce que cela peut faire entraîner même chez des gens de bonne volonté. 

La description de la vie des exilés allemands en Europe, à une époque où le pacifisme était de mise, où lutter contre Hitler ressemblait à de l’agitation politique, est vraiment poignante et a postériori, accablante. J’ai trouvé la montée dramatique très réussie, la peinture de l’époque crédible. J’ai été bouleversée de voir que cela a été inspiré d’une histoire vraie. 

La peinture de cette Allemagne qui se précipite dans la Seconde Guerre Mondiale, qui met en place sa Machine de guerre devant une Europe qui ferme les yeux, est très bien retranscrite (de ce que je me souviens de ma vie antérieure - humour- ). L’épisode de l’incendie du Reichstag est particulièrement terrifiant. L’élimination progressive des opposants préfigure ce que deviendra l’Europe 10 ans plus tard. 

Bon, certains y ont vu quelques longueurs. 

Après, on ne va pas se mentir, il a manqué quelque chose à ce livre pour qu’il soit vraiment réussi. Peut-être est-ce dû à la traduction, mais on peut regretter une certaine mollesse, une absence d’énergie, et la fin est sans doute un peu trop bavarde. 

Surtout, il y a un problème sur l’un des personnages principaux : Dora. Pourtant punaise, avec un prénom pareil, la modianette que je suis était pleine d'espoir. Dora est d’une certaine manière la clef, et même l'épicentre de ce roman historique. Elle est décrite par Toller (son amant) et Ruth (sa cousine presque sœur), mais l’un et l’autre semblent garder une distance. 

Dora incarne la figure de la résistance, une femme qui peut mourir pour des idées, une femme libre, inflexible, à la fois extrêmement sensuelle et débarrassée des convenances féminines. Et là quelque chose ne prend pas. Difficile de savoir quoi. Est-ce mon girl-power inexistant ou bien les répétitions sur le fait qu’elles se rongent les ongles ou que son chemisier est à l’envers ? Dora reste insaisissable et cela nuit au livre (pas insaisissable comme Dora Bruder, plutôt insaisissable parce qu'on n'a pas envie de la saisir). Le lecteur ne craint pas pour elle, ne s’y attache pas, ne s’attarde pas. Elle devrait être au centre et reste à la périphérie. 

C’est probablement voulu par Anna Funder, mais cela empêche de rentrer complètement dans ce livre, pour lequel je conserve néanmoins une grande tendresse. 


Par soucis d'honnêteté (qualité qui me caractérise entre toutes), je vous mets les liens de mes copines (oui, elles le sont encore bien que je me sente de plus en plus le vilain petit canard des jurées Elle): Coralie qui ne l'a pas trouvé abouti,  Valérie qui a été déçue, Enna qui l'a abandonné, Eva qui s'est ennuyée, Mior qui l'a trouvé très mauvais, seule Fleur et Mathilde ont eu un sentiment proche du mien...

Terminons par ma référence mensuelle à présent: "Ne pensez pas au pire, reléguez-le plutôt hors de votre esprit." (p.113)
Ok, je vais faire ça alors....(ce type ignore tout de ce que j'ai vécu dans les années 1940)

mardi 7 janvier 2014

Mon blog, un swap et Liliba

Quand Liliba m'a proposé de swaper avec elle, j'ai dit oui...et pourtant..

1: je n'avais qu'une très vague idée de ce qu'était le swap.
2: j'ai une réputation familiale assez solide sur ma capacité à offrir des cadeaux à côté de la plaque même à des gens que je connais depuis toujours (comme...tiens à ma petite soeur à Noël dernier par exemple)

Ainsi, je dédis ce billet-conseils aux futurs blogueurs débutants qui feraient leur premier swap.
 Conseil n°1: Le swap est organisé par un(e) blogueur(euse) sur le site duquel il est plus poli de sa manifester pour dire qu'on participe. Pardonne-moi Stephie, j'en ai pris conscience très tard...et ensuite je me suis dit que c'était trop tard...Mea Culpa.

Conseil n°2: Le swap a parfois un thème, une ligne directrice, c'est mieux de trouver des petites choses qui répondent un peu à l'idée générale. Ici la liste des ingrédients que devaient combiner le colis était : "doux, chaud, piquant, à poil, à plume, vibrant, lisse, sucré sexy, torride". Je ne sais pas comment je me suis débrouillée pour ne remplir aucun de ces critères...

Conseil n°3: Le swap permet de mieux connaître les goûts et les envies de notre binôme swapeur. La encore, je le rends compte après coup que non seulement j'ai raconté ma vie dans le questionnaire mais qu'en plus j'ai eu beau lire celui de Liliba une quinzaine de fois, j'avais toujours peur de tomber très loin. 



Conseil n°4: C'est implicite, mais si le swapé a des enfants, il est d'usage de penser à mettre une petite bricole pour eux. La encore, cela ne m'avait même pas traversé l'esprit (ce qui montre quand même à quel point je crains). Heureusement, j'ai été informée en dernière minute...mais pour moi qui n'ai ni de fils, ni d'ado à la maison..autant dire qu'une demi journée, ce fut court pour trouver des idées. Sachant que l'Homme, voulant bien faire, ayant lui-même été un ado de 15 ans, enchaînait des suggestions plus inquiétantes les unes que les autres.

Conseil n°5: IL NE FAUT PAS SUIVRE LES INSTRUCTIONS DU SWAP. Quand il est écrit : 2 livres, 1 gourmandise, 1 objet...ça ne veut pas dire qu'il faut offrir 2 livres, 1 gourmandise, 1 objet.

Voici donc ce que Liliba comprend quand elle lit 2 livres, 1 gourmandise, 1 objet.

2 livres = Retour à Killybegs de Chalandon (coups de coeur des certaines jurées Elle chères à mon coeur), Un bûcher sous la neige de Fletcher (depuis Avis de tempête je l'adore), La Femme de l'Allemand de Sizun (mais pas que...mais je vais rester discrète sur la suite, parce qu'il y a une suite...pour l'instant).

1 gourmandise: un bocal de terrine à l'ail, des aperigauffres à la bière, des bêtises de Cambrai, des bonbons au café, des gaufres sucrées.

1 objet: Un mug (élu depuis mug du petit déjeuner), une boule à thé, une chaufferette, une boîte de messages quotidiens anti-déprime (...oui je suis victime de mon personnage)...mais aussi une écharpe rayée bleue et grise et un petit sac...

Enfin les filles ont eu chacune 1 CD de contes, deux livres et un paquet de stickers...Hystérie, jubilation et hurlement de joie dans la maison...

Voilà ce que Liliba comprend quand elle lit les consignes du SWAP...

Quand j'ai ouvert le paquet avec l'Homme et les enfants, nous nous sommes dits que les gens du Nord sont très généreux, ce n'est pas une légende...(et que ce serait  un peu juste pour envoyer un deuxième paquet avant le 7 janvier).

Aujourd'hui est donc pour moi un immense moment de solitude.


Car de mon côté j'avais compris les consignes un peu au pied de la lettre...Une amie (qui me veut du bien) m'avait néanmoins prévenue qu'on allait un peu au delà  des instructions (mais bien sûr je croyais que ça ne s'appliquait qu'aux livres). J'ai donc offert Instinct primaire Petersen (aucun risque: Liliba l'avait mis sur sa liste), Danse noire de Houston (pas trop risqué : elle est dans les auteurs qu'elle aime bien), Dimanches d'août de Modiano (un peu risqué : mais c'était suite à son challenge video-blog), et Les Disparus de Mendelsohn (carrément risqué parce qu'elle n'aime pas forcément les pavés...mais je pense que cela peut lui plaire quand même).


En "gourmandise", je m'étais contentée d'offrir trois petites conserves de tapenade, pesto et anchoïade et une tablette de chocolat.
En objet...une trousse dans le genre Kenzo....(no comment)
Et 1 bricole pour chaque enfant...

A la question : Peut-on rater son premier SWAP?

La réponse est : Oui, il suffit de faire comme moi...Je prépare actuellement un 2ème colis (dont je vous parlerai peut-être)


L'un dans l'autre, et malgré mes maladresses et tout le stress que cela a généré dans mon cerveau déjà mal en point, je me suis régalée à correspondre avec Liliba, à rigoler et à commenter nos vies respectives (nous avons d'ailleurs un nombre élevé de vices et de points commun).


Donc merci de tout coeur Liliba de m'avoir autant gâtée...nous t'avons adorée lorsque nous avons pris notre dernière petite bière.

Et je conclurai avec un dernier conseil tiré  de la référence du mois : "Je ne crois pas en la défaite". Proclamez cette phrase jusqu'à ce qu'elle finisse par dominer vos attitudes subconscientes. (p.135)

Voilà, voilà...

mercredi 1 janvier 2014

Eloge de la loose (happy new year)

Chers Aminautes, en ce lendemain de réveillon bien arrosé, je vous souhaite une merveilleuse année 2014 : santé, amour, réussite et argent...
....
Personnellement, je n'ai pris aucune bonnes résolutions.

En revanche, je me suis rendue compte que j'en avais assez du diktat de la réussite, du meilleur, du succès etc...

La loose n'est pas à la mode et je le regrette.

Qui n'a pas supporté (par exemple hier soir) le récit d'un combat de judo remporté en 1988 (wow, déjà un grand sportif à 15 ans!!!)? Ou le concours de poésie gagné en 1995 (déjà très jeune, elle avait cette fibre), ou l'exceptionnel bulletin scolaire du petit dernier de CP (réservé aux enfants dotés d'un patrimoine génétique hors-norme)?

Qui n'a pas supporté l'arrogance  et les conseils avisés d'un couple qui fête ses 10 ans de mariage  quand deux ou trois autres divorcent à côté (ah oui, d'accord, c'est ça le secret)? Qui n'a pas du faire semblant d'être admiratif devant l'achat d'une voiture presque neuve acquise à un prix imbattable (a-t-on vraiment réussi sa vie si on ne conduit pas un 4x4 en ville)? Qui n'a pas fait mine de s'intéresser aux fonctions d'un nouveau robot-mixeur de la ménagère parfaite (le cadeau dont je rêve pour la fête des mères)? Qui n'a pas simuler une grimace jalouse devant l'achat d'un corsage Zadig et Voltaire qui place indubitablement son propriétaire dans la catégorie branchée ( en fait je n'ai pas fait mine, j'étais vraiment jalouse)...

Moi même, j'ai bien deux ou trois anecdotes valorisantes qui pourraient faire de moi une gagnante: une vendeuse qui m'a donné du mademoiselle (elle essayait de me vendre une crème anti-rides), une nouvelle brosse à dent électrique (spéciale dédicace à Séverine et Mirabette), la découverte de BB crème (bah justement),  ...

Mais, pas sûr que ce soit suffisant

Je n'ai pas envie de commencer l'année 2014, en me disant qu'il faut ressembler à la femme idéale.

Elle est active, sportive, aisée, avec une tripotée d'enfants, consommatrice fashion et hi-tech, cultivée mais pas trop (sinon elle serait snob), hyper indépendante de son mari...Cette femme en tailleur escarpins, qui travaille dans une boîte glamour, mange végétarien dans les restos branchés et prend des vitamines naturelles.

A 16h30, elle vole de son cours de yoga à la sortie d'école (elle ne laisse évidemment pas ses petits à l'étude) AVEC le goûter des enfants (sans graisse saturée), elle rentre ensuite chez elle et met au four la quiche aux courgettes faite par ses soins le matin. Après avoir fait un don à une société caritative (parce qu'en plus elle a un coeur), elle fait les devoirs sans hurlement (parce qu'elle est patiente et qu'ils sont géniaux), elle les couche en leur rappelant à quel point elle est fière de leur excellence.

Le samedi, après avoir bu un jus de goyave, le femme parfaite prend sa voiture hybride (donc écolo) pour retrouver ses copines de prépa -hyper diplômées- pour aller visionner en VO un film d'un réalisateur d’Azerbaïdjan très prometteur, elle finit chez des amis drôles et délicieux à danser toute la nuit -sans jamais être ivre ou indigne et sans pocher sous les yeux le lendemain....

Soyons sérieux deux minutes.

Cette femme existe; je la connais (et je dirais même que je la compte parmi mes amies, et pour tout dire j'étais avec elle hier soir).

Mais en ce qui me concerne, je m'autorise, en 2014, à ne PAS être:

- une jurée Elle "un rien pionnière et émancipée" et surtout pas "en phase avec son époque" (private joke aux collègues)
- une runneuse qui sort même quand il pleut des cordes
- une mère en admiration béate devant les exploits de sa progéniture (même au gala de danse)
- une femme qui prend soin d'elle et qui reste pas mal (pour son âge)
- une blogueuse influente
- une amie sur qui on peut TOUJOURS compter
- une fille qui s'entend bien avec toute sa famille
- une épouse qui ne râle jamais contre le remplissage du bac à linge sale
- une trentenaire toujours partante pour sortir le samedi soir
- une employée satisfaite de son sort
- une consommatrice toujours aisée après les fêtes
- une fumeuse aux dents blanches


Non, cette année, je veux être moi : pénible, hystérique à ses heures, éternelle insatisfaite, criant à des injustices imaginaires, je veux assumer varices, cernes, cheveu blanc et vergetures, je veux savoir dire non quand on me demande un 4ème service dans la même semaine, je veux disputer mes enfants quand je suis convoquée chez la directrice de l'école et les adorer même -et surtout- s'ils ne sont pas meilleurs que les autres, souffler quand je reçois les impôts, sentir le tabac froid, échapper au frottis annuel, rouler dans une voiture plus vieille que mon aînée, boire une bière le soir et me coucher à 22h avec une tisane à la camomille ...

Toutes ces petites choses qui me séparent de la femme idéale que je ne serai jamais...

2014 sera mon année de la loose assumée, je ne veux pas être quelqu'un de meilleur, je crois que je n'ai pas tant envie que ça de réussir ma vie...(serait-ce encore la mienne le cas échéant? Mon père aurait du y penser quand même)...

Soyons moches, fauchés, aigres, de mauvaise foi, égoïstes et égocentriques, insatisfaits et revendicatifs, geignards et défaitistes, casaniers et solitaires, fatigués et susceptibles, de mauvaise foi et de mauvais poil

 en 2014...
Soyons des loosers heureux!!

Tout le monde n'est pas obligé d'adhérer non plus 
(on a le droit aussi d'être sympa avec ceux qu'on aime bien...et même de réussir sa vie)

HAPPY NEW YEAR 2014 les amis virtuels 
(plus si virtuels que ça d'ailleurs...je pense à vous même quand j'éteins l'ordinateur)



La phrase du jour de mon nouveau livre de chevet:
"Le secret d'une vie meilleure et réussie consiste à se débarrasser de toute pensée malsaine et stérile"
p.200

Punaise, c'est pourtant clair franchement!! Le prochain qui rate sa vie va m'entendre...