Pages

lundi 17 décembre 2012

Mon enfant à rayures

J'ai un enfant à rayures.

Un enfant pas exactement comme les autres, mais pas fondamentalement différent non plus. Bref, j'ai un enfant sorcier dans un univers de moldus (certains me comprendront). Il n'existe pas dans notre monde d'école Poudlard, mais il faudra bien qu'elle infiltre ses rayures quelque part.

J'ai une enfant qui a appris à lire à 4 ans mais qui ne parvient pas à retenir ses tables et qui peine à écrire convenablement. J'ai une enfant qui chaque jour cherche sa place dans sa classe, avec ses amis, dans ses activités. Un enfant à rayures calcule mentalement à une vitesse prodigieuse, mais ne comprends pas le fonctionnement des autres enfants.

J'ai une enfant qui saute des classes mais qui est moins confiante, moins sûre d'elle que les autres.

Bref j'ai un enfante qui comprend tout différent, j'ai une enfant que certains adultes détestent et à qui une institutrice a trouvé tous les défauts du monde. Ma meilleure amie m'a demandé comment je trouvais le courage de la supporter.

 Je sais depuis les premières minutes que son histoire sera passionnante et compliquée. Mais j'ai déboursé 280€ pour savoir qu'elle avait des rayures (ah d'accord c'est pour ça !).

Je me bats tous les jours pour trouver une place juste, une attention mesurée. Pour ne pas en faire trop... ni trop peu. Moi qui déteste les livres autres que les romans, j'ai lu J.C Terrassier, A. Adda, J. Siaud-Fachin.  J'ai pris des notes, j'ai tenté de synthétiser, de comprendre, d'élaborer une stratégie. J'ai été sur des forums, dans des associations. Tous les 15 jours, je supporte les conseils d'un pédo-psy ou d'un psychologue spécialisé. J'ai été tour à tour taxée de mère trop sévère ("vous êtes très exigeante "), trop laxiste ("vous laissez passer trop de choses"), trop dépassée ("il faut vous reposer"), trop fusionnelle ("laissez vous respirer"), parfois même négligente ("il faut rassurer l'enfant angoissé", non ?! Sans blague !).

Bref, la mère d'un enfant à rayures est toujours une mauvaise mère. Je m'y suis faite!

Je ne suis pas la seule à me battre tout les jours pour que l'intelligence soit une chance et pas un handicape. Mais la masse des écueils qui m'attendent me décourage certains jours.

Aujourd'hui en est un puisque ce soir nous recevrons le bulletin scolaire qui j'attends avec plus d'appréhension que si elle était cancre.  Ce soir, j'en voudrai à l'Education Nationale dont je suis pourtant le produit le plus "normal". J'ignore encore à quelle variante aurais-je le droit entre "enfant perturbateur", "intelligente mais dispersée", "ne sait pas gérer son ennui", ou bien l'incontournable "immature et insolente".

Aujourd'hui, plus que les autres, les cases, les catégories, les petites étiquettes m'exaspèrent. Un enfant reste un enfant, et le rôle des adultes est de l'accepter tel qu'il est. J'en ai assez d'entendre qu'il n'y a pas de solution pour des enfants comme elle.

C'est bien plus facile d'en parler sur la blogosphère, parce que l'anonymat (relatif) de la toile, protège les rayures. Dans la vie normale, je ne peux pas faillir, je ne peux pas me plaindre. 

Voilà, c'est dit ça va mieux. C'était juste pour vider mon sac...comme ça en passant.

Je crée donc un nouveau libellé "rayures" parce que j'adore les rayures, parce que ça parlera aux parents concernés et surtout parce que toutes les autres appellations barbares et "siglesques" ne sont pas très poétiques.

Je ne sais pas comment de temps va-t-elle pouvoir rester dans le système "normal", mais en attendant j'ai décidé qu'une belle vie l'attendait ...malgré tout

P.S: Sans doute n'aurais-je jamais fait ce billet si je n'avais pas échangé, avec Mme Zèbre à pois, des mails sincères et amicaux. Je la remercie de sa franchise et de ses mots.

17 commentaires:

  1. je suis une enfant à motif, pas des rayures, mais des motifs quand même, et dans se monde uni; j'ai eu mal que l'on essaye par tous les moyens de me passer à la javel afin de me normaliser. Mais aujourd'hui je suis une adulte, j'ai toujours mes motifs, mais aujourd hui c'est une force, je pense differement donc j'enrichie les autres, j'ai eu mal donc je suis forte, j'etais à motifs donc je laisse mes enfants etre à pois, a rayure, uni ou arc en ciel si ca leur chante ...
    enfin bref tout ca pour dire que ca va etre dur, mais que grace a ton combat Elle sera une adulte plus forte et plus tolerente que la moyenne, que ton combat n'est pas vain; qu'en laidant à devenir qui elle est, en la tirant vers le haut, tu en sortiras toi meme plus forte ...
    http://vettdj.canalblog.com/tag/dys
    plein d'onde ++++++++

    RépondreSupprimer
  2. Je compatis, enfant à rayures ici aussi, d'où le nom de l'Albatros...Mais les choses ont tendance à se "normaliser " en ce moment, une pause pour respirer en attendant la prochaine bataille. Certaines journées peuvent être épuisantes...La chance que j'ai c'est qu'en classe elle est de ceux qui font peu parler d'eux. A la maison, c'est une autre histoire...

    RépondreSupprimer
  3. Je ne peux pas rester indifférente à cet article...un livre nous a aidé même si lu un peu tardivement; mais si instructif pour comprendre notre école d'aujourd'hui et qui laisse nos enfants "différents" sur le carreau... "l'école des illusionnistes" d’Élisabeth Nuyts.. de tout cœur avec vous dans ce combat quotidien si difficile mais si grand !

    RépondreSupprimer
  4. c'est très touchant la manière dont tu parles de ta petite fille...je n'ai pas l'expérience de ces rayures, donc je ne peux malheureusement pas partager avec toi sur ce sujet, mais juste être touchée par son magnifique regard, et te dire que l'amour et l'attention que tu lui portes ne peuvent être vains. Cela ne réglera pas tout, mais sera un précieux bagage pour elle, aux rayures arc en ciel :)
    je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  5. « La faute à maman », c’est l’argument de dernier recours de ceux qui sont complètement dépassés par une situation… ;)
    Heureusement, les neurosciences viennent maintenant à notre secours…
    Côté lectures : c’est certain que Terrassier, même s’il est une référence solide, n’est pas le plus palpitant à lire… un roman existe, que je te conseille si tu ne l’as pas déjà lu, c’est « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery. Il reprend bien le fonctionnement des profils à rayures ; Jeanne Siaud-Facchin l’avait utilisé pour illustrer une conférence sur la précocité à laquelle j’avais assisté il y a quelques années.
    Sinon,et surtout, merci pour cet émouvant témoignage…

    RépondreSupprimer
  6. On ressent à la fois le trouble, le tourment et la lucidité dans tes propos. Mon fils a sauté aussi une classe mais il peine encore, passé 10 ans, à faire ses lacets. Il est capable de créer des raisonnements mathématiques complexes mais est incapable de dominer sa colère toute simple. Un enfant à rayures, et à tiroirs aussi. En tant que parent, on n'est pas préparé à cela, alors, on apprend, un peu, tout les jours et parfois, à défaut de reculer : on avance.

    RépondreSupprimer
  7. "Enfant à rayures" ? Jolie expression. Chez moi, je le qualifierais plutôt d'enfant-emmenthal : des trous partout, et la nécessité de les contourner pour arriver au but. C'est dur, c'est comme un labyrinthe, il faut avancer, reculer, recommencer... inlassablement. Et comme c'est très difficile pour les parents, ils sont gênés par tous ceux qui veulent les aider (la psychologue qui demande devant le 6ème : vouliez-vous autant d'enfants ? et qui s'étonne de son peu de coopération ultérieure, la neuro-psychologue qui a pour seule référence l'éducation nationale et les clis, ulis... qui mènent à des impasses, l'orthophoniste agréable qui décide d'un coup que l'enfant doit être scolarisé, tout en reconnaissant qu'il progresse de façon incroyable, la famille qui se réjouit de ce que cet enfant soit arrivé dans ma famille et pas dans celle de ma soeur.....)
    Il faut se souvenir qu'on est seul, non deux, et que l'amour qu'on porte à ces enfants si sensibles et toute l'aide même maladroite et peut-être pas toujours adaptée sera porteuse de fruits. Chaque être humain a sa place sur la terre, et celle de nos enfants sera belle. A nous de poursuivre envers et contre tout. La Victoire nous appartient !

    RépondreSupprimer
  8. Quelle belle expression ! Ici aussi un enfant à rayures, un zèbre, un "pas dans la norme", un fatigant, un attachant, mais surtout surtout un que parfois in n'arrive pas à aider, malgré tout notre amor, toute l'aide proposée. Tu es aimante, optimiste et pleine d'espoir ! Je suis déroutée, lassée, fatiguée car maintenant mes rayures sont ado et ça c'ets une autre paire de manche. Merci +++de ton partage ! Et vive les rayures ;-)

    RépondreSupprimer
  9. J'ai eu une enfant à rayures moi aussi, mais ses rayures étaient un peu différentes. Peu à peu elles se sont estompées, mais pas tout à fait. Je me suis battue, j'ai consulté, j'ai eu peur, j'ai eu froid, j'ai douté, je baissé les bras parfois. J'ai tissé avec elle des liens particuliers. Je l'ai mise dans une école où tous les enfants étaient pris comme ils étaient. J'y ai fait de merveilles rencontres qui ont orienté ma vie. Je me dis souvent, que ces années ont été dures, mais qu'elles m'ont changé et rendue plus forte.
    Je me retrouve dans tes mots. Je suis sure que tu es une merveilleuse maman, ton enfant à rayures et toi allez vivre belle et intense une vie, j'en suis sure
    Douces pensées

    RépondreSupprimer
  10. "à motifs" est mon Grand Ange.
    bosseur, travailleur, enthousiaste, mais dont les lettres s'emmêlent...

    une psy a même dit que la dys, cela n'existait pas.
    non, mais bon, j'aurai bien aimé que cela n'existe pas !

    le plus important : la confiance en soi.
    depuis cette année, cela va mieux. et tout va mieux.

    RépondreSupprimer
  11. Je passe, je découvre , je m'attarde et finalement je reste. Forcément. Parce qu'ici, ce sont 3 enfants à rayures, à pois, à tâches mais surtout à étoiles qui sévissent. Peut-être que pour moi ces rayures sont surtout des étoiles parce que je suis leur maman, leur maman à rayures, aussi. Ici, c'est discussions, rebellions, affirmations à tous les étages, à toutes les heures du jour et de la nuit aussi. 4 forts caractères avec leurs blessures à vif, perpétuelles, leur exaspération et leur lassitude face à ce monde qui ne va pas assez vite, qui décidément ne comprend pas qu'il est agressif. Tout le temps. La chance de ne pas avoir à mettre un nom sur ces fameuses rayures, une compréhension naturelle et une volonté d'en faire un don. Alors peut-être que cela se ressent, pas de conflit scolaire, ni dans l'entourage, la chance, certainement, de toujours être "tombés" sur des interlocuteurs ravis d'une telle richesse à portée de main. Alors même si les étoiles vont forcément avec la fatigue et l'épuisement, les questions et la tête qui ne s'arrêtent jamais, le manque de confiance en soi qui vous asphixie, les rayures sont de bien belles étoiles qu'il suffit d'accompagner dans leur course !

    RépondreSupprimer
  12. J'ai un trésor de petit zèbre à la maison.
    Une vie arc-en-ciel que cachent parfois nos nuages.
    Les regards, jugements, incompréhensions..... alentours et tous ceux que je m'invente sûrement.
    Et puis la "norme" apparente qui parfois masque la différence.
    Enfin bref, les rayures, je connais.......
    Et c'est toujours une bouffée d'oxygène de savoir que d'autres comprennent.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai eu le même sentiment que vous à la lecture de tous ces commentaires réconfortants. Merci de votre passage et de ce gentil mot. J'ai décidé de prendre cela comme une chance et d'en rire aussi parfois. Je prépare un billet sur l'aspect improbable et drôle du quotidien et des réaction ahurissantes de l'entourage plus ou moins proche. Histoire d'en rire un peu.
      Belle Journée Anonyme

      Supprimer
  13. Les rayures de notre petit zèbre ne sont pas les mêmes que celles que vous décrivez, mais les murs qui s'y opposent se ressemblent.
    Il y a peu de temps, j'ai dit au médecin qui examine les petits rayures, que dans tout ce compliqué il y avait beaucoup de richesse.
    Elle a devancé mon propos. J'ai compris que nous étions alors en face d'un professionnel qui connaît et qui comprend. Enfin !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai utilisé le terme de "rayures" sciemment, la différence, quelle qu'elle soit, se voit et pose la question de la norme. Quelle chance d'avoir rencontré un bon professionnel qui y voit la richesse avant le "handicape"! Vous employez de belles expressions pour parler de tout cela.

      Supprimer
  14. bonjour, je tombe devant ton article, je suis aussi maman de trois petits zèbres, comme on dit, et ce n'est jamais facile pour nous en tant que maman, le regard extérieur est toujours difficile, quand on ose le dire aux autres....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas comment tu es arrivée ici...mais bienvenue, je parle de moins en moins de Rayures sur ce blog, sans doute parce que c'est de plus en plus compliqué...Et le regard des autres est effectivement une vraie gageure.
      PS: 3 oh punaise, ce ne doit pas être simple!!

      Supprimer

Les commentaires sont modérés car je n'accepte que les remarques qui encensent mes billets ou qui crient au génie.
Merci de votre passage
(je plaisante!! La modération est activée pour échapper aux vérifications diverses et variées dont tout le monde sature ;-)