mardi 29 septembre 2015

Dernière nuit à Twisted River

John Irving, Dernière Nuit à Twisted River (2009)
Traduction: Josée Kamoun
Le Seuil, 2011, 562 p.
Je peux le dire les amis: Irving m'a sérieusement sauvé mon mois de septembre (qui s'annonçait fatigant et qui a été bien pire que cela, et seule une vraie fiction qui ouvre les horizons du coeur et de l'esprit pouvait me faire du bien).

Et pourtant, soyons honnêtes, un roman qui commence dans le New Hampshire avec un jeune ouvrier qui se noie sous des troncs d'arbres au dégel, vraiment j'avais peu de chance d'accrocher. Les ambiances âpres et rugueuses, les histoires gonflées de testostérone, les coins reculés d'Amérique où les femmes sont bâties comme des hommes, et où les hommes se comportent comme des bêtes... bof...tout ça avec un style décomplexé à l'américaine (que j'ai découvert à 20 ans avec Roth) un peu trash (description d'un membre amputé après un accident) , un peu sexuel (avec certains détails pas spécialement excitants), un peu gore (dépeçage et fumage d'un ours) ...franchement pour la bourgeoise urbaine et chochotte que je suis, ce n'était pas gagné.

Mais ça a marché quand même.

En trois mots, c'est l'histoire d'un père et de son fils de 12 ans, qui après une nuit tragique à Twisted River, sont contraints de fuir pendant 50 ans...Et le lecteur les suit tous les deux, du New Hampshire à Boston, en passant par le Vermont ou Toronto. Ils changent, vieillissent, se dissimulent, réalisent certains rêves et renoncent à d'autres, tout en arpentant ce Nord-Ouest américain âpre et rigoureux, non sans quelques péripéties.

Mais ce n'est pas un roman d'aventure ...Faut pas croire, c'est bien plus profond.

C'est un roman sur les hommes : le père, l'ami, le fils, le vague cousin. Une testostérone bienveillante et fragile, avec un père boiteux et un fils chétif , pas franchement les mâles dominants. Oh que je les ai aimés ces deux là, avec leurs espoirs, leur fantasmes, leurs femmes, leurs angoisses et leurs changements d'identité. Ils étaient, l'un et l'autre, parfaits et attachants, dans ce qu'ils sauvent et dans ce qu'ils perdent. 

Et si on dit frontière canadienne on pense forcément bucheron. Ca tombe bien, j'en ai un, l'ami du père: Ketchum. A priori pas le genre de personnages auxquels je m'attache. Grand partisan des armes à feu, analphabète converti sur le tard, massif comme un arbre, jurant toutes les cinq minutes, convaincu, brutal, sans délicatesse ni tendresse et dont on peu supposer une hygiène dentaire douteuse. Sauf qu'il y a chez lui une grandeur d'âme, une beauté de l'esprit, de ces sortes de loyautés qui réconcilient avec le genre humain. (On a aussi son pendant dégoutant, dit le cow-boy, le nommé Carl, un enfoiré de première qui fait peur tellement la bêtise et la bestialité l'agitent, mais dont je n'en dirai pas plus pour ne rien dévoiler)

La place laissée aux femmes est proprement ahurissante, toutes des molosses, sauf une junkie complètement désaxée et folle à lier, et la mère du fils, Rosie trop tôt disparue. Toutes les autres sont immenses, rassurantes, puissantes et maternelles. Elles traversent, telles des géantes, le récit en égrenant leur gentillesse et leur efficacité. 

Et puis la grande, l'immense réussite du livre, c'est que le père est cuisinier et le fils écrivain. Les mots et les mets, bref, tout ce qui rend la vie belle. Il y a de vraies réflexions sur la littérature, sur la fiction, sur le métier d'écrivain, sur la mise en abîme, vraiment c'est du beau travail qu'il nous rend là Irving, la genèse du romancier en somme. Et du début à la fin de ce long roman, on goute les descriptions de plats, le détail des ingrédients, les sauces qui réduisent, l'assaisonnement des viandes, les condiments italiens ou le farces qui mijotent ... tout cela ne peut avoir été écrit que par un très grand amateur de cuisine. Parce qu'au fond, Dernière nuit à Twisted River est un long roman sur la perte, l'accident et la disparition, et sans doute, n'y-a-t-il que ces nourritures (spirituelles et terrestres) pour nous apprendre à vivre avec.

C'est mon unique (et méritante) participation au mois américain de l'incontournable Titine.

Fournisseur officiel de ce billet: Laure qui nous avait offert à toutes un livres quand les Bibliomaniacs étaient venues se perdre sous mes rivages méditerranéens l'année dernière, j'avais choisi Irving car les autre me faisaient peur. Merci à elle.

vendredi 25 septembre 2015

LGL du 24 septembre 2015: le Bien, le Mal, l'Histoire et le Monde


Ca y est. J'ai récupéré l'Homme, tout droit rentré de sa Bretagne, un peu chiffonné par la route, un peu fatigué par la distance, un peu bousculé par les événements. Bref. Un Homme qui sent encore les embruns de chez lui, et qui a ramené du sable sur les galets. Bougon comme à son habitude, il demandait déjà hier matin "s'il aurait le droit à François ce soir", ce qui m'a permis de tenter un "ça va sans doute te plaire "...J'aurais pu parler de dystopie, d'orientalisme, d'absurde ou de fiction historique mais je l'aurais perdu en route. Alors j'ai joué la sécurité. 



Je lui ai donc promis un roman d'anticipation bien flippant (ça l'Homme, il aime en général), les dernières heures d'un dictateur fou (ça aussi ça peut lui plaire), un regard décalé et absurde sur les camps (bon là, je n'ai pas trop insisté) et une histoire d'amour sur fond de rencontre entre Orient et Occident...présenté comme ça, j'avais peut être une chance qu'il soit réceptif.

Mais la soirée commençait mal avec une présentation des auteurs complètement ratée, l'Homme est rentré tard du travail, les filles se sont battues pendant le générique  et étaient encore au coin pendant que François nous promettait "4 romans formidables" (et moi une punition terrible si elles ne se taisaient pas). Bref, notre soirée commençait mal (d'autant que je rêvais d'une bière, de toasts salés et d'une cigarette).

L'Homme est malgré tout arrivé juste à temps pour entendre le portrait d'Enard : "wahou, la classe le type quand même, ça sent un peu un génie non ?" . Oui l'Homme. Bon je vous passe la réflexion sur les favoris : "il me fait penser à quelqu'un" me dit-il de la cuisine (il nous a fallu toute l'émission pour comprendre qu'il ressemblait à un portrait de Balzac). L'Homme est reparti in extremis me faire à manger sur le portrait de Martin Amis et revient pour le Sansal, c'était juste, mais on était dans le timing. 

François a attaqué direct par 2084 de Boualem Sansal chez Gallimard. Sansal qui restera le bout-en-train de la soirée (humour). De 2084,  j'ai le billet de Marilyne en tête et je confie à l'Homme "qu'il est question de radicalisme religieux, de dictature intégriste, de manipulations des esprits et de l'information, de propagande et d'embrigadement, d'Etat policier..". 

L'Homme me répond que sans forcément se la jouer à la Mind The Gap, il craint que ce soit un peu réservé aux intellectuels, ce genre de lecture. D'autant qu'il sait qu'une libraire provençale trouve que c'est un grand livre , mais pas très accessible, alors qu'un autre libraire alsacien (de notre presque connaissance) a attendu tout le roman qu'il se passe quelque chose et n'est pas loin de crier à l'imposture. Je sens l'Homme dubitatif au fond du canapé, et plus ça avance, plus on s'inquiète.

Surtout quand Boualem Sansal nous annonce que nous sommes en chemin pour que notre planète devienne l'Abistan de son roman, qu'il ne s'agit plus de conditionnel mais de certitude, que le processus de totalitarisme est en marche. L'Homme marmonne "faîtes des gosses", alors que moi j'ai du mal, c'est sans doute mes hormones. J'ai le moral qui dégringole. Il n'y a donc plus d'espoir possible ? Busnel lui demande si "le bien est-il une ruse du mal?"  et invoque le "dialogue entre l'ignorance et le savoir"...quelque chose m'échappe, c'est moi qui décroche. Je sens bien qu'il est question du pouvoir politique, des totalitarismes tels qu'on les apprend en 3ème année d'histoire à l'Université.

L'islam est-il compatible avec la démocratie? "Bien sûr que non" répond Boulem Sansal. L'Homme sursaute en manquant de s'étouffer avec le fromage "...mais les musulmans sont compatibles avec la démocratie...à condition qu'ils fassent des concessions". On sent bien qu'il y a quelque chose de brûlant sans cette fin d'entretien, quelque chose de l'ordre de courage politique et de la désespérance idéologique. C'est alors que Yasmina Khadra, intervient, modère et transige avec son propos. On est loin de la littérature quand deux romanciers francophones d'origine algérienne se demandent finalement si la foi et l'exercice d'une croyance (en l'occurrence l'islam) ont leur place dans la société à laquelle on aspire.  Il y a quelque chose de beau et triste dans leur échange, on laissera à Khadra l'avantage de l'espoir.

"Un livre qui n'apporte pas de réponses mais qui bombarde de questions", résume Busnel, alors qu'au fonde notre canapé, l'Homme et moi nous demandons vraiment si 2084 est une fable ou une prophétie. Pas bien sûr que je finisse mon yaourt.

Busnel passe abruptement à Enard, alors qu'on s'attendait à une transition vers Khadra. L'Homme et moi partons avec un apriori favorable, son portrait nous a conquis (oui parfois, on est d'accord). Boussole de Mathias Enard chez Actes Sud a été très peu chroniqué sur les blogs, et le peu que j'en ai lu à droite à gauche, me fait craindre qu'il faille un solide bagage pour rentrer dans le livre et ne pas s'y ennuyer. "Un bagage dans quel domaine?" me demande l'Homme, vaguement plein d'espoir (le titre l'induit en erreur, il pense que c'est en géographie et navigation qu'il faut avoir un pré-requis).  "Disons en musique, orientalisme, et XIXe siècle au moins"...Je sens que je risque de le perdre, mais ça ne dure que quelques secondes.
Parce qu'il y a chez Enard la bienveillance de l'érudit, l'enthousiasme de l'amoureux des ailleurs, le débit de celui qui cherche à être compris. Dans sa manière de parler de l'Orient, il y a une beauté rare. On assiste à un vrai moment de grâce télévisuelle avec cet auteur qui nous parle de Vienne, de Balzac et de l'Arabe, dans une même phrase. Enard, il nous raconte deux pôles réconciliés en quelques sortes.

Même en étant totalement ignorant de la musique, on aurait presque hâte de découvrir l'histoire d'un type qui a passé sa vie a étudié les passerelles musicales entre l'Est et l'Ouest. Le Franz, on l'aime déjà. Et quand Enard parle de Palmyre, on s'en va avec lui en Syrie antique. Du coup, François ne fait pas trop le poids, ses questions ont déjà été plus inspirées, il faut bien le reconnaître. Enard, il aurait fallu le laisser parler tout le temps. Réflexion de l'Homme "Actes Sud tu les connais bien ? Ils ont souvent le type qu'on a envie de lire sur le plateau" (l'Homme et ses éclairs de lucidité). Enard est merveilleux, et méritait vraiment ces minutes télévisuelles, "je voulais faire un livre d'espoir" nous confie-t-il, il a réussi Mathias à nous en donner un petit peu et, bien que ce ne soit pas l'idée la plus répandu, car Boussole a été peu chroniqué sur la blogo et pas toujours dans des termes réjouissants, mais je choisis de retenir le billet de notre Mina  belge qui a fait de Boussole une pépite. 

Après un petit intermède en librairie, on retourne à La dernière nuit du Raïs de Yasmina Khadra chez Julliard. L'Homme vient de comprendre qu'on parle de Kadhafi. Regard interloqué :"il parle du type à la tente? Celui des infirmières bulgares? Mais dis donc, ça ne s'est pas terminé dans un bain de sang cette affaire?". 
"Si mais bon Jérôme....
" Jérôme? Le Jérôme-de-la-blogo-qui-a-3-filles-et-qui-t'-a-offert-le-Toulmé (entre autres)?
" Oui celui-là même, il dit que c'est le crépuscule d'un dictateur au bord de la folie, (ça je sens que ça lui plait, et pour enfoncer le clou, je rajoute) tu sais au Masque ils ont trouvé ça vraiment raté". Je ressens une vague d'intérêt, sur ce coup, il peut rester assis à écouter à côté de moi (je ne lui dis pas que Fleur est nettement moins enthousiaste, gênée par le choix de narration et par les élucubrations diverses qui l'ont ennuyée).

L'Homme me confie qu'il sent un peu un postulat commercial de base et me demande (avec la tête du type qui connaît déjà la réponse) si ça ne me dérange pas qu'on fasse parler un personnage historique, mort depuis peu, en nous racontant ce qui se passait dans sa tête. Si. Un peu. Je me souviens des pages de Kepel sur la jeunesse de Khadafi. "Vous marchez sur la corde raide" dit Busnel à Khadra. Et c'est vrai que les expressions "au fond de lui-même", "il sait que", me mettent assez mal à l'aise. "Ce n'est pas un génie du mal selon vous ?", demande Busnel, Khadra répond qu'exercer la terreur permet d'échapper au pire qui guette toujours ceux qui la mettent en place : "Tout ce qui s'arrache par la force, se reprend par la force", L'Homme fait la moue, moi je valide. 

Après je m'énerve toute seule, Busnel lance une réflexion sur l'intervention en Libye. Ca me gonfle, ce n'est pas à des romanciers de répondre à cette question. L'Homme adore et insiste "Mais si, c'est ça la vraie question", il se croit à C'est dans l'air.  Je prends ostensiblement un air hautain et détaché. Intérieurement, je continue à m'énerver, punaise, on parle de littérature les gars, pas de géopolitique. Je ne veux pas savoir ce que les auteurs pensent de l'intervention libyenne. Et puis, Khadra une fois de plus a le mot de la fin. Il parle de la langue et de l'humanité, Khadra il émeut et l'Homme qui trouve ça "beau ce qu'il dit". Pas bien sûr qu'on lise le livre en question, mais on en lira d'autres, c'est certain.


On termine avec un moment un peu gênant Zone d'intérêt de Martin Amis chez Calmann-Lévy, "une sorte de farce sur les camps de concentration". Bon. Je parle à l'Homme du billet de Laure et de la "vie quotidienne d'un camp de concentration poussée à l'extrême du burlesque". "Pourquoi faire ? Pour prouver quoi? ". Je n'en sais rien en fait. Même Laure dit que c'est un livre qui ne peut que susciter le rejet. En plus Martin Amis n'a pas une posture sympathique, il paraît même un peu prétentieux et carrément torturé. Busnel parle d'un "marivaudage entre SS dans un camp d'extermination d'Auschwitz", j'ai vaguement envie de vomir. Amis répond que c'est son subconscient qui lui a soufflé l'idée "l'Amour peut-il survivre dans le pire contexte humain?".

Et pour la première fois depuis le début de cette émission, on parle de "personnages et d'intrigues", ça nous ferait presque bizarre. Amis tient au terme de satire et nous confie qu'il a été assez bouleversé de découvrir qu'il y eut une vie sociale à Auschwitz. Finalement il s'est interrogé sur quelque chose de vraiment profond, de ces questionnement qui peuvent nous rendre fous : la banalité du mal d'Arendt, mais aussi la possibilité qu'un Homme puisse être médiocre ou monstrueux selon les circonstances où le régime. Je suis moi complètement bouleversée par la conclusion de Martin Amis "pas un seul historien ne peut comprendre Auschwitz, je ne l'ai pas écrit pour cela". Pas un seul citoyen du monde ne le peut non plus. 

Au final, une émission qui n'a pas tellement donné envie de d'aller acheter des livres, hormis le Enard pour ma part. Une émission qui sonne comme l'aveu d'impuissance de la littérature à répondre aux questions profondes de la face sombre de notre humanité. Beaucoup de questions, peu de réponses, mais une belle émission malgré tout, tout en intelligence. On notera que l'Homme l'a regardée jusqu'au bout sans sortir sur le balcon, ni pris un livres de Rayures, le mot de Storage Wars n'a même pas été prononcé. "J'aime bien aussi quand ça parle d'un peu autre chose que de littérature tu vois... d'actualité, de politique, de civilisation". Bon, l'Homme et moi, on va dire qu'on se complète alors, hein. 

Et vu qu'il y a encore des gens qui croient en un monde meilleur, où du moins pas pire que le notre, mon mot de la fin sera "bienvenue à toi, petite Madeleine qui a vu le jour hier, juste avant LGL, que ta vie soit longue et douce".

A la semaine prochaine les amis (si tout va bien, parce qu'il y a du lourd à l'affiche).
A vous les studios.

lundi 21 septembre 2015

La Maison-Guerre

Marie Sizun, La Maison-Guerre
Arléa, 2015, 267 p. 
Bon, il faut bien reprendre le chemin du blog quand même, surtout que je n'ai pas pu chroniquer LGL jeudi dernier, abandonnée par mon binôme. Et regarder François sans l'Homme qui souffle, qui râle, qui grince, qui fait des commentaires inappropriés tout en vidant son paquet de cigarettes sur le balcon, c'est comme skier dans le brouillard: on ne voit pas les reliefs.

Du coup, pour que ce blog résiste à l'espèce d'engourdissement qui le guette, je reviens à sa mission première: parler des livres que j'ai lus. Aujourd'hui La Maison-Guerre de Marie Sinzun. C'est l'histoire d'une petite fille que sa mère confie à des vieilles personnes, dans leur maison (on le suppose) de la banlieue parisienne en pleine Occupation.

Une fois adaptée au style narratif, avec l'utilisation d'un "tu" qui m'a d'abord  un peu désorientée, j'ai tout aimé.

J'ai aimé les propriétaires de cette Maison, ce trio improbable et stérile, un vieux couple et cette vieille fille, sans oublier la grand-mère malade et sénile, à mi-chemin entre le fantôme et l'ex-diva grabataire. Ces gens finalement rugueux du point de vue d'une petite fille de 5 ans, mais qui en fait sont techniquement des Justes, de ceux qui prenaient le risque de cacher chez eux les enfants indésirables de Vichy. J'ai aimé la solitude de cette petite fille,  cette capacité d'émerveillement propre aux très jeunes enfants, malgré les circonstances.

"Tu viens de voir à la fenêtre passer des papillons et tu cours au jardin, lassant la tante à sa nostalgie, un peigne inutile à la main" (p.69)

J'ai aimé l'image idéalisée qu'elle a de sa mère (de ces mères qui ne vieillissent pas et qui resteront toujours jeunes et joyeuses), j'ai adoré que les hommes ne soient pas en reste. C'est vraiment un livre sur l'amour filial et parental (ou sur ce qui s'en rapproche), sans sucré, sans pathos, sans déballage ni grandiloquence. Et plus que tout cela, il y a l'ingratitude de l'enfance, qui rend le don de l'adulte encore plus beau, car on ne vit jamais assez longtemps pour remercier les Anciens de nous avoir choyés et protégés à leur manière. Et le personnage de la "tante" Mathilde (qui n'en est pas une) a quelque chose d'infiniment triste et beau.  

" J'aurais voulu pouvoir  encore l'embrasser , me faire pardonner la froideur dont j'avais souvent usé avec elle. Me revenaient des gestes  de tendresse maladroite qu'elle avait eue pour moi, des mots que je n'avais pas su entendre" (p. 253)

Mais surtout j'ai relevé l'indéniable côté modianesque de ce roman, je suis même étonnée de n'avoir pas lu Marie Sizun plus tôt, quand je vois les liens qui la rapprochent de mon chouchou. Parce qu'effectivement, il y a cette saveur de l'enfance,  mais aussi le retour sur des choses qui n'existent plus. Les pages sur la visite de ce qu'est devenue la maison-guerre quelques décennies plus tard sont, de mon point de vue, vraiment très poignantes. Le personnage même de l'amie de Véra, vénéneux et vulgaire, qui transmet de faux secrets non vérifiés à la fille devenue femme, a quelque chose de vraiment très réussi, parce qu'elle met le doute. 

Mais il n'y a pas que cela, il y a le poids du tragique: de l'antisémitisme tiède et ordinaire à la déportation auquel il était difficile d'échapper. Il y a tout cela dans ce roman, de ces choses monstrueuses que des gens ont évité à une petite fille par affection qu'ils avaient pour son père. De ces gestes dénués de la moindre idéologie, dictés par des impératifs plus intimes.

"Le bonheur de la maison-guerre, je n'aurais pas su l'expliquer. Mais il était là, en moi. Inoubliable" (p. 222) 

Fournisseur officiel de ce billet: une non-blogueuse qui souhaite rester anonyme et qui tenait à ce que mon repose forcé en soit vraiment un.  Je la remercie d'autant plus qu'elle est toujours là dans mes tempêtes tout en combattant les siennes. Livre lu la dernière semaine avant la rentrée des classes, entre parcs, jardin et achats de fournitures scolaires...pile ce qu'il me fallait avant de revenir avec difficulté à l'incontournable vie sociale de septembre. 

mardi 15 septembre 2015

Passion(s) : photo du mois #9

Le thème du mois de septembre pour la photo du mois était passion(s) choisi par DelphineF . Jusqu'à 9 heures ce matin, j'ai hésité entre la danse (pour laquelle il me manquait un peu de grâce et de rythme), la navigation (alors que je ne peux pas monter sur quoique ce soit qui flotte sans vomir), l'affaire Seznec (rappel de ma volonté farouche à 20 ans de le faire réhabiliter), l'architecture des années 20 (bien dans son époque à un siècle d'écart)...et puis les choses étant ce qu'elles sont aujourd'hui, j'ai choisi une fleur.

Rien de ce qui est végétal ne survit entre nos mains, ni géranium, ni plantes grasses, encore moins l'hortensia qui s'est suicidé l'année dernière. Sauf cette passiflore, transportée  du golfe du Morbihan dans le coffre de la voiture pendant 1300 km, elle n'avait aucune chance de survie, ma belle-mère nous l'avait confiée sceptique, dans un sac en plastique humide et un peu de terreau. Et pourtant, cette fleur qui tire son nom des jésuites qui en faisaient le symbole de la passion du Christ s'est accrochée malgré tout à notre volet décrépi en attente de ravalement (imminent selon le syndic). Sa floraison cet été était aussi réjouissante qu'inespérée (j'en ai peu profité vu que j'ai arrêté de fumer).

Sans faire ma Laura Kasischke, un peu de Bretagne nous a suivi jusque sur notre balcon méditerranéen, et aujourd'hui un peu plus qu'un autre jour.


PS: la photo est mal cadrée, mal centrée, prise depuis mon téléphone pour frimer devant mes copines qui ont la main verte sur Facebook, j'espère que mes camarades se sont davantage appliqués ;-).

Lavandine, Lecturissime, Noz & 'Lo, Céline in Paris, Christophe, Loulou, Krn, ratonreal, Philisine Cave, Julia, Renepaulhenry, Laurent Nicolas, CécileP, François le Niçois, Iris, KK-huète En Bretannie, Guillaume, Rythme Indigo, Tuxana, Fanfan Raccoon, Chloé, El Padawan, Les Bazos en Goguette, Akaieric, Thalie, Mamysoren, MyLittleRoad, Sandrine, Homeos-tasie, Cricriyom from Paris, Milla la galerie, Morgane Byloos Photography, Pilisi, Eva INside-EXpat, Voyager en photo, Koalisa, Cocazzz, Nanouk, Josette, Lau* des montagnes, La Fille de l'Air, Nicky, Pixeline, Xoliv', J'habite à Waterford, A'icha, magda627, Arwen, Dame Skarlette, Galéa, Frédéric, Laulinea, DelphineF, Sinuaisons, Marie, Autour de Cia, Alexinparis, Kenza, Luckasetmoi, Dom-Aufildesvues, Gilsoub, Les Filles du Web, Chat bleu, BiGBuGS, Lavandine83, Dr. CaSo, Carole en Australie, Isaquarel, princesse Emalia, Champagne, Blogoth67, Loqman, Giselle 43, Estelle, Les bonheurs d'Anne & Alex, Cara, Testinaute, Lyonelk, Aude, MauriceMonAmour, Alban, Rosa

dimanche 13 septembre 2015

Non-challenge de pépites 2015-2016 : coup d'envoi


Je déclare ouverte (à la bourre, suante et transpirante, alors que septembre est largement entamé, que l'on a déjà beaucoup parlé de cette rentrée), je déclare ouverte donc la troisième saison du non-challenge des pépites, pour l'année 2015-2016.


Je sais que déjà, le Chalandon, le Vigan et le Binet ont leur adeptes et leurs détracteurs, je sais aussi que d'ici un mois, des pépites moins visibles et généralement étrangères, vont surgir sur les blogs. Comment tout le monde je m'interroge sur les inconnus que nous découvrirons ensemble, mais également sur les romans qui resteront après la fébrilité de cette période.

L'an dernier, 25 blogueurs ont participé au non-challenge (pour quelqu'un comme moi qui ai la dispute facile, c'est de l'ordre de l'exploit), 40 titres ont été pépités avec en tête Ferrari, Melandri, Tesich, Toulmé, Mauvigné et Sorman.  Une sélection pour le moins hétéroclite et qui faisait cohabiter du roman français médiatisé avec de la BD plus confidentielle, de la jeune romancière italienne avec un vieil auteur américain,  de l'ultra réalisme au conte loufoque. 40 titres c'est moins de 10% de la production de la rentrée dernière, mais qui va néanmoins au delà de  ce que nous proposent les médias  et prix traditionnels. On retiendra qu'à part Ferrari aucune des stars de la rentrée dernière n'est apparu dans le palmarès, pratiquement aucun primé non plus (si ce n'est le Zenatti qui a reçu le prix Inter). A nous d'observer sur l'année qui nous attend comment ces livres auront une deuxième vie chez les lecteurs, chez les librairies lors de leur sortie poche, dans les trains et RER, sous les plaids de l'automne, au fond des lits et aux terrasse de café (pour ceux qui habitent au soleil...).

C'est toujours avec une petite émotion que cette année, on a vu sur ici ou là se balader les pépites de l'année 2013-2014; comme ce Au-Revoir là-haut de Lemaître étendu sur une serviette de plage cet été, le Kinderzimmer de Goby qui a serré la gorge d'un compte Facebook au printemps, le Confiteor de Cabré se rappeler au bon souvenir d'une blogueuse à l'hiver, le Réparer les vivants de Kerangal bouleverser un photo Instagram en décembre, et le Quatrième mur de Chalandon débarquer en poche de l'automne dernier. On pourra dire quand même, que la blogosphère a sacrément eu le nez fin sur ce coup.

Je rappelle les petites règles du non-challenge pour cette troisième saison : 

- le livre en question doit être sorti après le 20 août 2015, en première parution française (les sorties poche sont exclues, mais les premières traductions d'un roman ancien étranger sont acceptées).
- l'avoir aimé d'amour évidemment et s'être bien posé la question de son indispensabilité littéraire.
- me mettre le lien ici en commentaire du billet (ou sur le groupe Facebook des pépites) avec si possible la manière dont on l'a obtenu (oui je sais, je suis pénible, mais je pense que l'objectivité n'existe pas en sciences humaines et en littérature moins qu'ailleurs).
- mettre le logo et faire le lien vers mon blog sont bien sûr optionnels (j'ai renoncé à toute forme de notoriété), mais c'est quand même plus simple pour moi d'avoir cette confirmation à la lecture du billet (j'en ai manqué deux l'an dernier qui n'avaient mis ni l'un ni l'autre et dont je me suis dit que je les avais confondus avec d'autres).
- Je prends 5 participations maximum par blogueurs, dont seulement 3 avant Noël (pour ne pas épuiser ses cartouches avant la rentrée d'hiver qui réserve souvent de jolies surprises). 

Je fais théoriquement un point à chaque vacances scolaires, mais je suis la blogueuse la moins fiable de la Toile, donc il n'y aura aucune certitude dans ce domaine, je m'astreindrai néanmoins au plus de régularité possible.

Je vous souhaite à tous une palpitante année littéraire; qu'elle soit riche de découvertes inattendues, de discussions passionnées, d'engloutissement de pages et d'interminables débats.

A tout bientôt les amis. 


vendredi 11 septembre 2015

Ce qu'il faut retenir de LGL #10/09/15


Au moment où notre François revenait d'une semaine à Capri, bronzé et détendu, j'annonçais à l'Homme le programme de LGL d'hier soir. A toi, lecteur qui a raté l'émission, si tu voulais de la fiction, de l'imagination ou l'invention de monde, ne regrette rien. On n'a eu que du vécu, et c'était douloureux.


Au programme:  Christine Angot qui revient nous parler de....(tadadam) l'inceste (what a surprise!!!), l'Homme prend son air un peu dégouté "Encore!". "Attends, oh, elle est sur la liste du Goncourt quand même", l'Homme souffle, le Goncourt il s'en fiche. 

J'essaie ensuite de lui vendre Simon Liberati qui parle de sa femme (vaguement people puisque fille de feu Ionesco) "Celui du Rhinocéros qu'on a eu au bac de Français ?", oui. Je sens une ouverture, voire une lueur d'intérêt (bien qu'il n'ait pas eu la moyenne à l'oral du bac), j'enchaîne plein ed'espoir: "Et ben, il parle de la fille de Ionesco dont la mère aurait usé et abusé de son image de Lolita quand elle était gamine". Mine dégoutée de l'Homme, il trouve que ça fait beaucoup de fillettes malmenées par des gens malsains (faut le comprendre, il ne me fait que des filles et n'est pas très friand sur ce type de sujets). 

J'enchaîne avec Eric Faye qui nous raconte sa rencontre avec une arnaqueuse à la petite semaine dont tout le monde a oublié le nom depuis, une fille qui séduisait les hommes pour leur escroquer de l'argent...L'Homme se décompose "C'est que sur des gens qui ont vécu et qui étaient malhonnêtes et perverses ou quoi?"...C'est là que je le supplie que laisser une chance à Isabelle Monnin. "C'est le magnéto de l'auteur étranger ?", non l'Homme c'est l'histoire d'une fille qui imagine l'histoire de gens à partir de photos trouvées dans une enveloppe. Ouaich....pas convaincu mon Homme....Y a des jeudis plus durs que d'autres. 

En fait, pour l'Homme, et c'est bien là le problème, toute vie ne mérite pas d'être racontée, et encore moins dans un livre qu'ailleurs (je rappelle que son grand truc ce sont les mondes imaginaires), il s'est néanmoins résigné à regarder l'émission avec cette phrase désormais collector :
- "Quand je pense que tu vomis sur Confessions Intimes et consorts des faits divers, on en est quand même pas bien loin de tout ça, tu sais ma Galéa" (il est parti fumer sur le balcon...)
- "Laisse leur une chance, ce sont des écrivains" (je sens l'odeur de tabac et je me dis que dans quelques mois, je m'y remets, c'est pas si long que ça)
- "C'est pas pour ça qu'on peut tout se permettre..." (il s'éloigne pour m'éviter le tabagisme passif)

C'est dans ses dispositions que nous avons attaqué notre jeudi soir, à 20h35, l'ambiance était au beau fixe à la maison, et je voyais dans les yeux de mon Homme qu'il aurait préféré regarder des types en jogging et casquette vider des box dans le fin-fond du New Hampshire et y trouver des vieilles machines à barbapapa et des santiags des années 40...

(Pardon de ne mettre peu de liens vers les blogs, mais j'ai trouvé beaucoup de billets dithyrambiques suite à des envois de l'éditeur aux blogueurs, j'avais peur que ça fasse doublon avec l'enthousiasme de François.)

Générique. L'Homme découvre que la plupart des invités sont des journalistes, ça y est je l'ai perdu "Ton François il a invité tous ses copains quoi".

On attaque fort et directement avec Un amour impossible de Christine Angot chez Flammarion. L'Homme a sorti un BD pendant que François demande à Christine Angot de parler de sa mère.
 "On ne peut pas écrire sur sa mère", bon on va aller dire ça à Cohen et Gary, en attendant, j'essaie de comprendre le propos d'Angot. Sont-ce mes hormones qui font des leurs ou Angot qui est incohérente mais je ne comprends absolument rien, on joue avec le mots "on ne peut pas écrire sur, mais peut-on écrire avec?", non plus. Je suis perdue, je ne vois pas bien où ils veulent en venir. François propose à Angot de décrire son "projet littéraire", et ben non car Christine "ne se pose aucune question quand elle écrit"...bon bon bon...
C'est officiel, la littérature du nombril n'est pas pour moi, ça ne m'intéresse pas. J'attends vaguement que ça se termine. Il est question de la "création", la "fiction" n'appartient à personne, elle s'interrompt, repart, "moi", "ma mère", "moi", "la vérité est dans le roman"....oui, bon, je ne suis pas le public cible je le sens bien.
"Elle a du vraiment souffrir Angot quand même tu sais", l'Homme a levé les yeux de la BD (offerte par ma Mirabette d'amour). Effectivement, on sent quelqu'un d'un peu démoli, qui sera grave pour toujours, on se croirait un peu dans une séance collective de psychanalyse...Se remet-on jamais de ses blessures ? Alex avait bien aimé mais sans plus, Busnel lui demande si "ça répare" un tel roman...franchement on voit bien que non. Et on n'est pas très à l'aise avec cette enfant qui a été brisée, on se croirait à "Bas les Masques"


On continue avec les petites filles cassées, cette fois avec l'Homme de la vie de l'une d'entre elle:  Simon Libérati et son Eva chez Stock. L'Irrégulière en a dit du bien, pas suffisamment pour m'avoir donné envie de le lire, mais assez pour que j'accorde le privilège du doute à Liberati sur la sincérité de sa démarche. Je me reconcentre. Non ma soirée n'est pas fichue. Bunsel passe bien vite sur le procès de la mère d'Eva au sujet du livre (et c'est heureux), et hop, séquence souvenir : récit de la rencontre entre Eva (13 ans) et Simon (19), l'Homme vient de sursauter dans son canapé. On enchaîne avec les boites de nuit des années 70, les photos de petites filles dénudées dans des journaux tout à fait légaux (on est un peu au bord de la nausée quand même), même Liberati est mal à l'aise vis à vis de sa campagne "ce n'est pas le sujet de mon livre les photos". Bon. tant mieux.
On parle alors d'Eva, toujours vivante, d'un projet de livre qui couvait depuis de longues années chez Liberati. On retiendra qu'une héroïne de Proust comme Albertine est aussi réelle que des femmes vivantes. Bon. Quelque chose coince chez moi, Liberati avoue qu'Eva avait du mal avec l'idée qu'on lui vole sa vie (tu m'étonnes, c'est pour ça que j'ai épousé un type qui a passé un bac S). Je commence à saturer sévèrement, pour moi on ne parle plus de littérature, pas de celle de j'aime en tous les cas. C'est là qu'avec l'Homme on se dit vraiment que notre éducation pudique et en retenue, ou l'intimité est précieuse, nous empêche d'adhérer au postulat de base de cette émission. "moi" "elle"  "moi"...vaguement envie de vomir quand il avoue qu'Eva IRL réprouve certains passages d'Eva-papier. J'ai l'impression d'être voyeuse, finalement 15 ans après Loft Story, le déballage de l'intime a colonisé la littérature. Le niveau de vocabulaire est plus élevé, mais l'esprit reste le même..

On en est à la mi-temps, le temps de visiter une librairie, on hésite à poursuivre.

"Les gens dans l'enveloppe" d'Isabelle Monnin chez J-C. Lattès, remporte tous mes espoirs...je croise les doigts...le projet est original et prometteur: raconter la vie de gens dont les photos ont été trouvées dans une enveloppe, inventer leur vie avant d'enquêter sur qui ils étaient vraiment. On n'échappe pas à la question "ou est la vérité?", personnellement je m'en fiche, je ne regarde pas un reportage sur les faits divers, ni un document historique, mais passons.
Démonstration des preuves, avec état de l'enveloppe, et déballage de photos. Une fois de plus, on est mal. Ces photos c'est nous, nos souvenirs...on en a des tas d'albums comme ça chez nos parents. Est-ce utile de montrer cela si les gens existent encore? J'ai de la peine pour la jolie petite fille de la photo qu'elle décrète abandonnée par sa mère. Quelque chose tout au fond de moi rugit. Salir cette gamine qui a existé et qui existe toujours, ça me démange, ces photos offertes en pâture sur la première de couv....on vole la mémoire et les souvenirs de qui dans ces cas là ?
 "A qui sont-elles ces photos au final?" demande François, c'est vrai ça, ce qu'il reste du temps passé ensemble à un moment, est ce que ça s'achète?. Et là, le coup de Laurence, me laisse pantoise, perplexe. Je comprend que l'enquête confirmerait l'invention. Alors là, il faut que je le lise. Je ne suis pas certaine de l'aimer ce livre mais il faut que j'en ai le coeur net (et je veux sauver cette soirée).

On termine cette émission plus proche du fait divers qu'autre chose avec Eric Faye Il faut tenter de vivre chez Stock. C'est à lui de s'allonger sur le divan. Et de nous raconter sa genèse depuis 15 ans de ce roman sur cette femme qu'il a rencontrée...encore quelqu'un qui a existé, encore quelqu'un dont il faut parler "moi", "je", "mon projet", "son enfance". Il n'y a pas de personnages dans cette émissions, il n'y a que des personnes...Trop de psychologie pour moi, trop d'introspection, de récits, de témoignages...Busnel nous exhorte de "comprendre", il est question de grandes solitudes, d'enfance brisée, ça y est j'ai perdu mon Homme qui a ressorti un livre de Rayures...je suis fatiguée...Il est 21h46.

Hey, les gars, pourquoi vous ne faites pas des histoires avec tout ça? On se doute hein que les écrivains écrivent à partir du réel, de leur passif, de leur vécu, de leur entourage....C'est d'ailleurs la différence entre un journaliste et un romancier, l'un parle du réel, l'autre invente un monde. Ceci expliquerait peut être cela.

Mais pourquoi vous n'inventez pas une intrigue avec laquelle vous auriez toute la liberté possible, il n'y aurait que vous et vos proches qui seriez au courant, ce serait vos affaires quoi (et celles de votre psy), nous on se contenterait d'être des lecteurs pas des voyeurs. Et vous viendriez nous parler de personnages crées par vous ...punaise les gars prenez-vous pour Dieu, un écrivain a tous les droits, peut tout se permettre...pourquoi vous nous déballez vos états d'âmes en première partie de soirée. Pourquoi renoncer à ce qu'il y a de plus beau dans la littérature : L'IMAGINATION et l'INVENTIVITE

C'était Galéa, envoyée spéciale de la clique des sales gosses de la blogo pour la La Grande Librairie. A la semaine prochaine (peut-être)

Edit de 11h29 du vendredi 11: grâce à des Internautes vigilants et plus cultivés que moi, j'apprends qu'Eva Ionesco n'a aucun rapport avec Eugène le dramaturge, preuve (s'il en fallait une) qu'en termes de culture générale et de bottin mondain, l'Homme et moi ne sommes vraiment pas au point #CestTristeDetreProvinciaux. Nos excuses pour cette méprise.

vendredi 4 septembre 2015

Ce qu'il faut retenir de LGL #03/09/15

On en a été privé tout l'été, on a glosé sur la pilosité de François, on avait déjà fait nos pronostics...bref la rentrée de La Grande Librairie, on l'attendait de pied ferme. Que fallait-il retenir de ce premier plateau de la saison ?

La réponse dans ce billet. Galéa, à votre service, toujours avec bonne foi, impartialité et honnêteté intellectuelle (Val c'est tout pour toi copine, vu que tu ne regardes jamais cette émission).

Pour m'accompagner dans cette tâche difficile de rapporteur (j'aime ce mot, ça fait jurée de thèse, ça me donne de l'importance), j'ai nommé l'Homme: la grosse trentaine (quasi quadra quoi), avec 12 livres par an à son actif (10 de cuisine, 1 polar, 1 SF). LGL c'est son compromis conjugal, sa corvée à lui. Son émission préférée (no comment notre mariage a failli ne pas s'en remettre), est Storage Wars (j'ai dit no comment).. Il sera donc notre caution "Grand public-Petit lecteur-Liens du mariage". J'espère que vous mesurez l'exigence intellectuelle de notre démarche.

En quelques mots impartiaux, voici donc ce qu'il fallait retenir de cette émission de rentrée.

Le point Busnel (look et posture)...ma Comète si tu passes par là, poursuis ta route, notre amitié vaut plus que ça (et tu nous manques aussi). François nous revient donc, le cheveu plus brillant que jamais, brushing impeccable, teint frais et bronzé, l'oeil profond et joyeux, et, détail non négligeable, il a rasé son malheureux bouc de vacances (il le fallait François, ce bouc ce n'était pas vraiment toi). La posture est toujours aussi étudiée (il doit s'entraîner devant sa glace le matin), quoique cette année on notera une vraie volonté de ne plus passer pour le journaliste complaisant du Service Public.


On commence par une jeune auteur belge, inconnue du grand public, qui a mis 10 ans à écrire un premier roman de 1 000 pages, publié chez un éditeur régional sans visibilité: j'ai nommé Amélie Nothomb avec Le Crime du comte de Neuville chez Albin Michel. Merci à Busnel de prendre de tels risques....

Oh ça va je rigole. Amélie c'est comme la liste des fournitures scolaires, ça fait partie du package de la rentrée : incontournable.

Une Amélie moins fantasque que d'habitude, sans chapeau, ni extravagance (certes avec des gants). Mais même si elle a tenté d'être un peu bouillante avec un "entre vous et moi François, tout est possible", elle dégageait une impression de tristesse. Sans être l'une de ses ferventes lectrices, je la trouve néanmoins toujours aussi sympathique et bien élevée, et j'aime l'écouter parler de ses livres, nous présentant cette fois "un policier à rebours", où son père aurait inspiré le principal personnage, tout en nous évoquant Wilde en contrepoint. 

En face d'elle, un Busnel qui tente un peu de subversion, en relayant les reproches habituellement faits à Amélie, en se cachant derrière "les autres" avec un "Combien de livres en trop dans votre bibliographie?", puis "Pompez un grand auteur pour écrire un livre, ça ne vous choque pas?". Mais Amélie, qui en a vu d'autres et qui ne s'émeut pas de cela, élude les questions sans trop s'en formaliser (et quelque part on la comprend, car son lectorat existe et elle n'a besoin d'aucune émission pour vendre des livres, et tant mieux).

Pourtant on ne va pas se mentir, cet opus-là n'est pas des mieux accueillis. L'un dans l'autre, on ne peut pas faire le carton plein tous les ans. Même Laure, ma référence Nothombesque, a été assez déçue, (oh Laure ne te cache pas va), mais à la limite qu'à cela ne tienne. C'est toujours un plaisir de voir  Busnel survendre un roman "fantasque" et "drôle", avant de se lancer dans une psychanalyse un peu inquiétante, sur le mal-être, la dépression et l'envie de mourir. Le coup de la petite musique de Schubert pour éventuellement faire monter les larmes de la romancière, était vaguement en trop (mais on pardonne, hein, il faut bien lancer la saison). Remarque de l'Homme : "Elle n'a pas l'air en forme Amélie". Oui, une Amélie en sous-régime, toujours aussi attachante, aussi sincère aussi touchante, moins exubérante qu'habituellement, mais il y avait quelque chose de beau et de fragile chez elle hier soir.

On enchaîne avec l'un des chouchous  de cette rentrée (le mien en tous les cas ...et celui de ma clique aussi) : le très attendu Laurent Binet avec sa Septième fonction du langage chez Grasset (intervention de l'Homme : "le titre ne me tente pas des masses". Mon Homme quoi), mais ça c'est sans compter Delphine Olympe et bien d'autres qui en ont fait un coup de coeur absolu.

A la question : peut-on réussir sa vie avec un nom aussi peu glamour à porter que Binet? le réponse est oui..surtout si on est beau gosse avec une chemise rose, qu'on répond à toutes les questions sans se démonter ni s'écouter parler. 

Bon moi qui adore les complots, les histoires à double fond et les manuscrits cachés, les allusions méchantes qui s'en prennent à des icônes, je me languis de le lire. On sentirait presque notre François un peu jaloux, un peu taquin de l'assurance du romancier et de ses réponses. Il a même relevé une petite erreur, comme quoi Téléphone n'a pas pu chanter "Ca c'est vraiment toi" en 1981, puisque la chanson n'est sortie qu'en 1982. Mouaich. c'est un peu mesquin ça François. Alors clairement, on arrête de dire que c'est un type complaisant Busnel, c'est un punk en fait!!! Il dénonce quoi.

Binet entre dans mon panthéon personnel grâce à quelques mots : "En France on a le droit de se moquer de Dieu, on peut-être aussi se moquer de Philippe Sollers".  C'est une phrase qu'on gagnerait tous à méditer. On notera néanmoins à la mi-temps de l'émission, quelques minutes de grâce avec une Amélie, transformée d'enthousiasme, qui vend le livre de son collègue, avec un engouement communicatif. On a beau dire ce que l'on veut, Amélie quand elle dit qu'elle aime un livre, elle sait dire pourquoi.

"Tu veux vraiment le lire ce livre?", dixit l'Homme (autant il va me l'offrir, allez on peut rêver).   

La question qui subsiste, faut-il avoir une sacrée culture germanopratine pour saisir toute l'ironie de Binet? Sans avoir lu tout Barthes, Deleuze et Derrida, ai-je une chance d'être à la hauteur du roman? Réponse tout bientôt,  car je n'attendrai sans doute pas Noël pour le savoir. 


On poursuit avec un peu d'exotisme outre-atlantique, parce que la littérature ce n'est pas que de la francophonie avec une interview du grand Jim Harrison qui sort Péchés capitaux chez Flammarion. C'est donc la séquence magnéto avec Busnel en voix off et l'auteur en gros plan, dans son chez lui s'il vous plait. On a eu le droit aux beaux paysages du Montana (Keisha a du se régaler), ce qui compense (visuellement) les dents qui manquent à Jim Harrison quand même (pardon mais je bloque sur les dents, c'est mon TOC à moi). Bon au moins, il est crédible concernant la ruralité profonde américaine.


Finalement, c'est plus un portrait d'auteur, d'un type au seuil de sa vie, un peu cabossé, vaguement repenti,  qu'une présentation du livre mais l'intérêt de cet entretien était ailleurs, même si on sait qu'il s'agit, dans ce roman, d'une vieux policier à la retraite...Mais la beauté du discours d'Harrison, son recul sur la société, son regard très acéré sur la civilisation américaine, son environnement dépouillé et sans ostentation, avaient quelque chose de particulièrement troublants. Harrison nous parle de la fracture américaine, quelque part il a renoncé à un certain sens de l'esthétique pour s'approcher d'une réalité finalement assez crue, il définit ce qu'il appelle le 8ème pêché capital de l'histoire de l'Amérique (et sans doute de l'histoire de l'Humanité en général): la violence. Un beau moment de télévision de mon point de vue.

Du coup la transition a été rude avec Astrid Manfredi qui publie La Petite Barbare chez Belfond, le coup de coeur absolu de notre François. Rien de moins que  "la révélation de la rentrée littéraire". 

La prestation de l'auteur était pour le moins poussive et difficile, avec tics de langage, alignement de poncifs éculés et déballage de banalités diverses sur la banlieue, les femmes, l'argent. Je fais partie de ceux qui saturent de la phrase convenue :'être né du "mauvais côté du périphérique" et de ce que ça sous-entend.  Cette Petite Barbare qui n'a que sa beauté pour s'en sortir me donne une vague impression de déjà entendu. Je ne vais pas cacher non plus être un peu gênée que ce roman soit inspiré de l'affreux faistdivers dans lequel Ilan Halimi a perdu la vie dans des conditions totalement monstrueuses.

Je n'adhère pas tellement au postulat de base, ni dans le fond, ni dans la forme, mais la littérature a tous les droits de mon point de vue donc peu m'importe. Je ne vais donc même pas m'attarder sur cette prestation, car c'était son premier passage à la télévision, et je serais un peu gênée aux entournures  de dénoncer cela, quand je menaçais de mort ceux qui se moquaient de l'élocution balbutiante de Modiano. Dans la vie, il fait être cohérent et honnête (enfin parfois). 

Non, par contre, mon vrai problème avec Astrid Manfredi est son absence totale d'humilité doublée de son fan club d'acharnés. Si je suis complètement transparente, j'avouerais bien sûr que je l'attendais au tournant, qu'elle avait peu de chance de me plaire parce que j'avais moyennement digéré ce qu'elle faisait des critiques des blogueurs qui n'avaient pas l'intelligence nécessaire pour comprendre son talent. Car oui,  des lecteurs ont osé se plaindre d'une écriture trop relâchée ou de l'absence d'empathie envers ses personnages...Rien de très méchant, mais loin des enthousiasmes des premiers billets. Quand je dis que Facebook est le pire de nous même, je ne pense vraiment pas me tromper. Pas de chance pour elle, mon premier contact fut facebookien et est irréversible. Le fait que les esprits critiques (de mes amis en plus) aient été un peu lynchés par le fan club de Manfredi, et que des blogueurs que j'aiment soient taxés de gens aigris, jaloux, et qui n'ont rien compris à son talent, m'a définitivement refroidie. Et là j'utilise un euphémisme avec "refroidie", parce que si les blogueurs ne peuvent plus émettre de réserves sur un roman sans déclencher de tels posts sur les réseaux sociaux, c'est que notre média à nous, gens de l'ombre et de l'invisible, est vérolé jusqu'à l'os. 

Et la dithyrambe de Busnel n'a pas réussi à sauver l'ensemble. Je sais qu'on peut être un grand écrivain et ne pas savoir parler de son livre, je sais qu'on peut mal se comporter socialement et avoir du génie, je sais qu'on peur être caractériel et prétentieux et envoyer du lourd en littérature...tout ça je le sais. Mais je passerai mon tour sur ce coup. La fin de l'émission a été globalement douloureuse pour moi, à l'image de Nothomb qui semblait affligée ou dubitative, elle qui avait été intarissable sur Binet, elle hochait vaguement la tête quand Busnel tentait de la faire participer. Quant à Binet, on n'a plus eu de nouvelles de lui avant le générique. Alors même si on nous promet avec La Petite barbare "la lumière du diamant quand il est brut", je vais m'en tenir à l'avis de ma copine Philisine, un avis sans excès, sans insulte ni méchanceté, mais un avis sincère qui ne donne pas envie de lire (en espérant ne pas être lynchée publiquement à mon tour pour avoir osé publier cela).

Le mot de la fin sera  "Voilà" qui a été dit 2438 fois en 12 minutes ( à la louche).

A la semaine prochaine (sans doute)

mardi 1 septembre 2015

My darling Third : les Autres

Galéa : 1 - décollement du placenta : 0

Et oui, c'est l'heure de mon point hormonal. Premier point : grâce à la force de mon esprit, j'ai gagné mon combat contre un placenta qui faisait des siennes (grâce aussi à un canapé résistant qui ne retrouvera sans doute jamais une forme digne de ce nom). Je suis donc officiellement valide. 

Du coup, la rentrée est faite et bien faite, et j'ai eu beau raser les murs pour ne croiser personne, les choses étant ce qu'elles sont, la nouvelle est officielle. Par définition, être enceinte c'est s'exposer aux regard, et je dirai même c'est devenir une attraction (surtout si on habite un village rural ou un quartier de centre ville, ou tout autre microcosme propice à la rumeur). J'ai donc eu le droit à ce merveilleux prologue : "Je savais qu'il se passait un truc chez vous, mais en fait je croyais que l'Homme et toi divorciez". Yeahhhhh. Qui c'est qui renvoie une image de couple-Calvin Klein-qui-marche-sur-la-plage-en-pantalon-en-lin? C'est nous!!!

Le Ventre.

La femme enceinte est d'abord un ventre, par conséquent, je ne me définis plus que comme telle aux yeux du reste du monde. L'irréfutable preuve: j'ai coupé ma frange toute seule, et personne ne s'en est rendu compte, même pas ma mère (ceci-dit ce n'est pas plus mal, bien que cela reste vexant). Impossible de croiser une vague connaissance sans avoir son jugement sur ma silhouette de femelle reproductrice. Je me sens un peu comme une jument ou une vache soumise au regard de l'éleveur (plus souvent l'éleveuse d'ailleurs) qui jauge mes capacités de portage. En gros, à 2 mois de grossesse, vu que je n'étais pas obèse (en plus d'être cernée et amaigrie par les nausées), j'ai eu le droit à : "mais bon sang, Galéa tu vas nous le mettre où ce petit ?".  Et à presque 4 mois, après avoir bien profité, j'ai maintenant  le droit à l'incontournable "Mon Dieu, mais dans quel état tu vas finir ma chérie ...il te reste encore 5 mois à tenir", couplé évidemment à la recommandation de base "Mets bien la crème sur ton ventre quand même", sous-entendu "tu as bien assez de vergetures comme ça".  

Bien entendu, je n'échappe pas aux gens lourds de chez lourds, qui se sentent tout à fait autorisés à me toucher le ventre, donc mon utérus, parce que c'est bien connu, la femme enceinte adore la main d'étranger sur son corps (surtout moi qui ai déjà du mal à communiquer gestuellement avec autrui, un jour je vous parlerai de mon amie américaine qui est beaucoup dans le toucher quand elle parle). Rajoutons à cela des années d'expérience en boîte de nuit (oui j'ai été une cagole dans ma jeunesse), mes réflexes étant restés ce qu'ils étaient en cas de contacts rapprochés non voulus par moi, il y'a eu quelques gestes malheureux de ma part et de regrettables malentendus sociaux.

L'âge.

Vu que je suis plus proche des 40 que des 25 ans, je n'ai pas échappé au désormais célèbre: "quel courage, ma pauvre" . J'ai donc eu le droit à "Tu te rends compte que tu auras 54 ans au moment de son bac (et plus en cas de redoublement) ? Ce n'est pas l'âge qu'avait ta mère quand elle est devenue grand-mère?" . Non Ma mère est devenue grand-mère beaucoup plus jeune que cela. La pharmacienne (ma dealeuse de Maternov des premières semaines-merci Clémence) m'a regardée avec un air de profonde empathie "Ca fait toujours un choc quand ça nous tombe dessus comme ça hein, mais vous verrez vous serez contente après". Je suppose que c'est en voyant les deux filles se battre sous un tabouret réservé aux personnes invalides, qu'elle n'a évidemment pas envisagé que je puisse vouloir sciemment m'y remettre une troisième fois. 

Sinon, on m'a récemment demandé le résultat de mon amniocentèse, si je n'avais pas mal à mes varices, et si je ne craignais pas une descente d'organes ou une distorsion de mon périnée. Bien sûr, la sale tête que je me suis traînée pendant 2 mois a été attribuée à ces grossesses tardives chez des femmes épuisées. J'ai aussi eu toutes les histoires de fausses couche possible, celles de malformations diverses et variées, des grandes prématurités et j'en passe, mais bien sûr à chaque fois "je ne devrais pas te raconter tout ça maintenant ma pauvre" Ben non, tu ne devrais pas, mais visiblement, ça te fait un bien fou dis donc. Il ne me reste plus qu'à reprendre les expressions branchées de ma jeunesse pour faire la bonne mère ringarde dont mes enfants auront honte dans 20 ans (tiens, j'ai bien envie d'écouter Louise Attaque avec un vieux Levi's boot-cut,  tout à coup).

Le nombre.

Il semblerait que quiconque dépasse le cap des deux enfants n'ait pas d'activité professionnelle, ni aucune ambition personnelle. "Mais comment tu vas faire avec ton boulot?", bah comme j'ai fait avec les autres a priori...Bien sûr, pour quelqu'un qui ne sait pas cuisiner, qui vit dans le bazar toute l'année, qui est en retard aux réunions de rentrée, qui oublie le bonnet de piscine, qui conduit de manière approximative et un peu dangereuse,  prétendre à un troisième enfant a un petit côté anachronique. Après m'avoir demandé si c'était un oubli de pilule ou un problème de stérilet, j'ai eu en retour cette réaction résignée : "Comment peux-tu envisager une famille nombreuse alors que tu ne sais pas faire un gâteau au yaourt ?". C'est vrai mais je sais éplucher des carottes (avec un économe). 

Je vous passe les bonnes âmes qui me demandent où nous allons habiter : "Tu crois que vous pourrez rester dans le centre vu le prix des loyers?".  Non effectivement ça va être compliqué...donc on va se serrer comme des sardines. Bien sûr on me prédit des enfants étrangers les uns aux autres "10 ans d'écart avec ta grande, globalement tu en auras une qui passera le brevet quand l'autre quittera à peine la crèche...ce sera un peu un enfant unique quand même". Et surtout cette merveilleuse phrase de conclusion : "Mais comment tu vas gérer l'adolescence de tes grandes avec un bébé dans les pattes". Et de me parler de cette gamine qu'elle a vue grandir et qui maintenant se drogue par désoeuvrement parce que ses parents sont trop absorbés par la rentrée en Petite Section de leur dernier. Avec l'Homme, on a décidé de méditer là dessus quelque temps. 

Et le must: le sexe du bébé

"Tu sais je comprends que tu te lances dans un troisième, l'Homme veut tenter le fils, c'est normal  (puis avec un air entendu-genre je le dis sans le dire) surtout pour la transmission du nom". Ouaich. Le nom de l'Homme existe depuis 5000 ans, est porté sur les 5 continents par des gens de tous milieux. Il a survécu à l'exode d'Egypte, à l'Inquisition espagnole et la Seconde Guerre Mondiale...a priori je pense qu'il supportera aussi qu'on n'ait que des filles. "Quoi?", ou plus précisément, "QUOI ? c'est encore une fille!!!".  Je vois alors passer dans les yeux de mon interlocutrice un mélange de pitié, de triomphe et de supériorité. Visiblement même en 2015, il n'est pas évident que la petite fille soit aussi précieuse qu'un petit garçon, d'ailleurs ma belle-famille (championne de Bretagne en proportion de naissances mâles) n'a pas caché sa déception face à ce nouvel échec. 

Eh les amis, je vous le dis en passant hein, et sans trop me la raconter non plus (mais un peu quand même) :  mes filles sont élevées comme des fils, elles grimpent aux arbres plus vite que les garçons, sont bonnes en math, n'ont pas peur des mulots, n'ont pas peur de grand chose d''ailleurs, ma grande maîtrise les rudiments du football, est une vraie dure au mal, ne pleure presque jamais, et puis je vous le dis, j'ai autant d'ambition et d'exigence pour elles que si j'avais eu des fils. Et franchement, soyons clairs, ma soeur et moi ne transmettrons pas le nom de mon père, en revanche nous donnerons à nos enfants des valeurs, une exigence, un humour de mauvais gout, une asociabilité chronique, une rancune tenace, une loyauté envers les siens...bref, tout ce qu'il nous a transmis depuis l'enfance, et ça pardon, mais ça veut plus cher que quelques lettres collées sur un livret de famille hein...L'esprit d'une "lignée" ne tient pas à un nom, mais à un lien. 

Je conclurai avec cette merveilleuse phrase  que je ne sais toujours pas comment interpréter: "Tu n'as pas peur quand même qu'elle ...enfin, tu vois quoi, qu'elle ...ressemble aux deux autres?" . Dans la mesure où à ce moment précis, nous étions au parc, et que mon aînée venait de se gaufrer lamentablement en faisant une roue sans avoir enlevé ses lunettes alors que ma cadette dirigeait d'un air autoritaire 3 autres petites filles qui n'osaient pas la contredire, j'ai comme l'impression que ce n'était pas hyper positif comme remarque. 

Sinon, bon on est d'accord hein, l'enfer c'est les autres comme dirait l'autre...même si les autres c'est aussi mes copines émues qui m'envoient des textos plein de gentillesse, des services rendus ni vus ni connus pour ne pas que je m'étale en remerciements, des blogueurs qui me laissent des petits messages qui me font pleurer (à cause de hormones), l'Homme qui me gave de rillettes, une non-blogueuse sans coeur qui m'inonde de pavés pour être sûre que mon placenta se recolle...Mais bon, je ne le dis pas trop fort non plus, car je dois rester fidèle à ma réputation : une sale gosse qui dit du mal des autres...

PS: Merci à tous pour vos si gentils mots ;-)

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