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samedi 30 novembre 2013

Une Part de ciel


Claudie Gallay, Une Part de ciel
Actes Sud, 2013, (445 p.)
Claudie Gallay est la romancière préférée d’une amie-libraire chère à mon cœur, donc quand Sylire a proposé de parrainer quelqu’une pour l’opération Price Minister, je me suis précipitée sur l’occasion et j’ai commandé Une Part de Ciel quasiment les yeux fermés.

Une Part de ciel fait parler Carole, une looseuse comme je les aime. La quarantaine, fraîchement abandonnée par son mari, elle revient dans son village de montagne, un endroit dont on ignore si elle se sent chez elle ou chez les autres. Elle revient parce qu’elle pense que son père va y revenir aussi. C’est donc l’histoire d’une attente qu’elle partage avec son frère Philippe (une sorte de notable forestier) et sa sœur Gaby (un quasi cas-social dont on ne prononce pas le nom).

Effectivement, Une Part de ciel c’est un roman sur l’attente. Absolument tout le monde attend dans ce livre. Les montagnards attendent la neige, la fratrie attend le retour du père, Gaby attend que son Homme sorte de prison, Diego attend que son puzzle délivre son image, la Baronne attend une réponse pour son chenil, Carole attend tous les matins que la serveuse batte ses draps dehors, Frankie attend son nouveau Juke-box, la Môme attend de partir, le petit Marius attend sur le tourniquet, sans savoir quoi exactement…

Bref, tout le monde attend. D'habitude, ça m’exaspère... mais pas  là. On le sait un livre sur l’attente, c’est un livre sur le passé. Quand l’action n’avance pas, c'est qu'elle a déjà eu lieu. Les événements ne se produisent pas, ils se sont déjà produits dans Une Part de ciel. Cela ne marche pas toujours (genre…, le Kasischke par exemple - humour-), mais là c’est une belle réussite.

J’ai aimé l’ambiance, la lenteur, j’ai aimé qu’il ne se passe pas grand-chose au présent. J’ai été touchée par les aspérités rurales des montagnards, par l’ambiance de village en huis-clos, par cette communauté de l’entre-deux, encore dans les coutumes du passé. J’ai aimé la rudesse du climat, la rusticité des habitants, les histoires passées. J'ai été touchée par ce qu’il reste de l’enfance, et par les stigmates des traumatismes familiaux.

J’ai beaucoup aimé les arrière-plans et les second rôles : Diego est un personnage merveilleux (un cuisinier qui écoute Mozart, qui cherche le beau partout, un patient généreux), Jean (le plus ou moins premier amour de Carole, plus ou moins séducteur, plus ou moins franc), Sam (le vieux quincailler)…bref c’est très réussi.

Malgré tout cela, ce n’est pas un coup de cœur absolu.

A cause de style d’abord. Trop de passé-composé nuit à la beauté d’une phrase, il faut le savoir. Et là, il y a beaucoup trop de passé-composé. Ce n’est pas parce que l’histoire se déroule chez les gens simples qu’on est obligé d’écrire « la serveuse à Frankie » , ou du finir certaines phrases par « j’ai dit ». Ce n’est pas nécessaire et ça heurte certains psychorigides dans mon genre.

Ensuite, il y a deux ou trois invraisemblances…. bon des détails. Comment l’Oncle, qui a globalement l’âge du père, c’est-à-dire au moins une bonne soixantaine d’années (voire plus, vu que c’est l’aîné), peut-il avoir trois garçons dont le dernier n’a que 7 ou 8 ans ? Pourquoi Carole dort-elle dans un gite et non pas chez son frère ? En ville, cela se comprend, mais en campagne, c’est rare de ne pas accueillir une sœur chez soi.

Détails, détails… ça ne gâche rien.

Sans dévoiler la fin, qui est vraiment poignante, je me demande si Claudie Gallay a pensé à Modiano et Rue des boutiques obscures quand elle a imaginé la chute de son livre. Moi, cela m’est immédiatement venu à l’esprit, et c’est naturellement un compliment dans ma bouche (sur mon clavier plus exactement). Soit c’est un hommage à Modiano, soit c’est une idée talentueuse partagée par hasard…

Les deux me conviennent. C’est un beau roman que La Part du Ciel.

Merci à ma marraine Sylire qui l'a chroniqué aussi, à l’opération Price Minister (livrée avec les messages délicieux d’Olivier Moss), et aux éditions Actes Sud.

Cette lecture se voulait commune avec Enna et Jérôme, vu comment nous étions un peu pressés par le temps (surtout Jérôme et moi), nous l'avons rebaptisée : lecture commune des pieds nickelés (il est donc possible que tout ne soit pas instantané...)





jeudi 28 novembre 2013

Lettre aux membres du prix Renaudot

Ce matin, je ne savais pas que j'allais écrire ce billet.

Il y a 24 heures, je ne savais pas qui avait reçu le prix Renaudot catégorie essai (qui a été décerné en début de mois). Et puis, deux ou trois blogueuses ont tiré une petite sonnette d'alarme.

Le fameux jury du prix Renaudot -qui a déjà eu la clairvoyance de décerner le prix du roman à Yann Moix -a élu comme essai vainqueur un certain Gabriel Matzneff.

Dans Séraphin, c'est la fin, l'auteur rassemble les chroniques qu'il a rédigées depuis 1964 dans divers journaux. Et Matzneff de penser qu'il été récompensé "pour l'ensemble de son travail". 

Gloups! 

Le problème ce n'est pas Séraphin, c'est la fin,  le problème c'est le personnage: ce qu'il revendique, ce qu'il assume, ce qu'il défend. Le problème c'est ce que ce monsieur a écrit AVANT (et je ne parle pas de ce qu'il a fait, restons dans le domaine de la littérature). Ce type, qui se définit comme politiquement incorrect (le must-have du moment), est évidemment bien perçu par la plupart des intellectuels de notre pays (Jérôme Garcin ou F-O. Giesberg  par exemple qui sont justement membres du jury avec l'immense Beigbedder dont le talent n'est plus à prouver).

Ce qu'il défend, c'est  la p&dophilie, et pas en filigrane, pas en allusion, pas en sous-entendu.

Je vous laisse aller lire les extraits c'est par là ou par .

Et vous, jurés du Renaudot, vous nous dîtes qu'il faut récompenser cela?

Vous savez, Messieurs les jurés, que nous les blogueurs et lecteurs, nous gargarisons des prix littéraires, on les attend, on les espère et on le commente. Donc là, je m'interroge. Ce type a-t-il vraiment sa place dans le patrimoine des prix littéraires? N'aurait-il pas été plus adéquat de le laisser dans son rôle d'auteur maudit?

Comprenons-nous bien. Que les livres de Gabriel Matzneff existent, c'est une histoire entre lui et son éditeur (qui s'arrange avec sa conscience). Je suis absolument contre toute forme de censure, quelle qu'elle soit, même si le propos est à vomir, même si c'est mal écrit, même si ça flatte ce que l'Homme a de plus laid.

Mais décerner un prix à un auteur qui a pu écrire des phrases qu'un parent ne peut pas lire sans une vague nausée, et quand on sait à quel point les prix sont prescripteurs, quand on sait combien un prix ancre, qu'on le veuille ou non, un écrivain dans son siècle, ça laisse dubitatif.

Ai-je le droit d'être scandalisée ?

C'est oublier qu'il y a certaines valeurs avec lesquelles on ne transige pas...et s'il y en avait qu'une ce serait celle-là, celle qui protège nos enfants, et ceux du reste du monde. J'espérais qu'on était tous daccord pour considérer qu'abuser d'un enfant (même si ce n'est pas le nôtre hein!!!) c'est mal.

Mesdames, messieurs les jurés du prix Renaudot, par ce prix (qui était né pour réparer les injustices du Goncourt), vous déshonorez ceux qui vous ont précédés, ceux qui ont récompensé des auteurs importants de notre patrimoine littéraire (Aragon, Ernaux, Le Clézio...). Vous aviez des essais de qualité comme Sept femmes La première pierre ou le Dictionnaire de Proust...Il est difficile de comprendre et d'accepter un tel choix (même si je sais qu'être subversif est tendance)

 Ne me parlez pas de Nabokov, Lolita a 15 ans et est dans un jeu de séduction, ce n'est absolument pas comparable à un petit garçon d'un pays sous-développé qui se plie aux fantasmes d'un monsieur qui a payé pour ça. Ne me parlez pas non plus des artistes maudits comme Rimbaud et Verlaine qui étaient CONSENTANTS. Ce n'est pas le cas d'un enfant mineur des Philippines.

Pardon, je sais que la bien-pensance révulse beaucoup d'intellectuels radicaux, mais ça a du bon quand même!!

Pour nos enfants, ceux qui l'ont été, et ceux à venir, vous me permettrez de marquer mon désaccord et d'enjoindre ceux qui le souhaitent à signer une pétition contre l'attribution de ce prix à un p&dophile déclaré et assumé.

PS: moi aussi j'adore la figure du poète maudit, du génie trouble, de l'écrivain possédé par ses démons...mais les vrais, ils ne reçoivent jamais de prix, ça les rendrait fréquentables.

Je ne fais que suivre modestement un mouvement timide qui s'ébauche sur la Toile.

A lire l'excellent article de Dom Bochel Guegan
et les billets suivants:
Chez Secrète Louise
Cher Marion
Chez Manu
...et sans doute d'autres...


vendredi 22 novembre 2013

Mes états d'âme de jurée Elle

C'est l'heure de mon billet mensuel de jurée, je ne doute pas une seconde que chacun l'attende avec ferveur...(je suis quelqu'un d'absolument lucide sur les attentes de la blogosphère).

Bref, nous sommes à peu près à mi-parcours du prix Elle 2014. Il ne reste que deux sélections à découvrir. Pour dire le vrai, je m'estime assez heureuse jusqu'à présent des catégories romans et documents, je n'ai jamais lu autant de livres de la rentrée littéraire que cette année, je me sens au cœur de l'actualité intellectuelle, punaise que c'est bien!!

Bon, je ne suis pas emballée par les policiers et , sans parler pour les autres (ce n'est pas mon genre), j'ai le sentiment que c'est un point-de vue assez général dans notre groupe. Un seul m'a plu jusqu'à présent, sans pour autant espérer qu'il ait le prix... mais peut-être le meilleur reste-t-il à venir (je nourris beaucoup d'espoir sur La Théorie du chaos).

Bon.

Il faut quand même que j'avoue que je suis en pleine remise en cause littéraire.

D'abord, il y a l'affaire K (comme Kasischke) qui semble quand même séduire le plus grand nombre, surtout chez les moins de 30 ans. Sur l'état civil je n'en ai pas beaucoup plus, mais comme je le dis souvent, en réalité, j'en ai presque le double. Bref, qu'est ce que je n'ai pas compris dans ce livre ? Je déteste le terme "efficace" en littérature mais c'est le seul adjectif qui me vienne à l'esprit (on notera le jeu de mots). Il a de grandes chances d 'être primé, bien sûr je m'inclinerais si c'était le cas, mais je serais extrêmement déçue quand même.

Ensuite, il y a l'affaire des bandeaux. Comme se fait-il que je ne saisisse pas le génie des chefs d’œuvres qui arrivent dans ma boîte aux lettres? Même si j'ai bien aimé un livre, je ne le trouve pas nécessairement "d'une force exceptionnelle", et on m'avait promis d'adorer un polar que j'ai détesté. On me vend de la poésie dans un roman qui en manque cruellement, et on me jure d'être tenu en haleine quand je m'ennuie misérablement...Je travaille sur moi, mais franchement je m'interroge...

Enfin, je ne suis évidemment pas la seule jurée à travailler, ni la seule à avoir des enfants...mais je dois être l'une des moins bien organisées parce que je suis constamment débordée. Je lis les sélections dans l'urgence, et Olivier Moss m'a gentiment rappelée à l'ordre pour PM alors que je n'avais pas encore commencé La Part du ciel. 

Et pourtant, je suis habituée à lire vite, à respecter des délais et même à faire des synthèses dessus. J'ai été formée pour ça. Mais là, je le vis plutôt mal. Parce que je me demande, dans ce contexte, où les livres un peu plus exigeants vont-ils trouver leur place. Il faut qu'un livre séduise dès les 40 premières pages au risque de se faire abandonner, le livre doit plaire et se lire vite. Un pavé de 600 pages a peu de chance d'être plébiscité, quand on n'a qu'une semaine pour le lire. Je sais que c'est le jeu dans les prix littéraires attribués par des lecteurs et non des "professionnels de la littérature"...ce n'est de la faute de personne, mais c'est comme ça.

Lire sous la contrainte implique forcément une précipitation.

Il m'a fallu 6 mois pour m'en rendre compte.

Le problème c'est que  je suis une lectrice aux antipodes de tout cela. Je ne cherche pas à lire vite, ni à lire beaucoup. Je ne suis pas une boulimique de littérature, je ne cherche pas l'abondance ni la performance. Je ne lis que le soir avant de m'effondrer de fatigue (oui, bon, je travaille dur la journée et je me lève très tôt...et je rappelle que je suis proche de l'âge de la retraite en réalité). Forcément, ça ne fait qu'une cinquantaine de livres par an (les bonnes années).

J'aime lire en prenant mon temps. J'aime faire traîner les livres que j'aime, je retarde le moment où je les termine. Les livres qui ont le plus compté dans ma vie sont ceux qui j'ai lu longtemps.

Alors je m'interroge.

Un gros pavé a-t-il une chance de passer ? Aurélien, une Belle du Seigneur, quelques Disparus auraient-ils eu  une chance d'être lauréats? (je rappelle que Valérie et moi ne nous sommes toujours pas remises de l'éviction d'Adèle, et j'ai encore de la peine que Lady Hunt -et même L'Echange des princesses-se soient faits devancer par le K.)

J'ai encore plein d'espoir pour les sélections à venir, mais honnêtement si un Confiteor devait joyeusement surgir dans notre sélection, je ne donnerais pas cher de sa peau.


C'était Galéa en pleine introspection littéraire, en direct du prix des lectrices Elle 2014 
(pour la peine je vais m'en griller une...dehors évidemment... parce qu'il y a les enfants et que je dois montrer l'exemple, sinon c'est inutile de les forcer à manger des légumes)

L'Homme (qui n'en rate jamais une) m'a quand même rappelé que j'ai aimé (et parfois plus que ça) la majorité des romans lauréat décernés par les lectrices Elle. Ce serait vraiment pas de chance que ça ne se produise pas l'année où je suis jurée....Hein!!

PS: j'attaque ma récap de décembre du non-challenge des pépites (ce qui me remonte le moral je dois dire), je n'ai pas tous les liens, même si j'ai lu attentivement les billets, je n'ai pas pu prendre les adresses de mon téléphone (tout génial qu'il soit, je ne peux rien faire sur blogspot avec lui...je sais, la loose toujours), merci de me les mettre en bas du billet, pour que je n'en oublie pas (même si c'est Kasischke évidemment)

lundi 18 novembre 2013

L'échange des princesses

Chantal Thomas, L'Echange des princesses
Le Seuil, Fiction et Cie
2013 (348 p.)
Un bon historien fait-il un grand romancier historique ?

L'échange des princesses était un peu le outsider de la sélection de décembre du prix Elle, face à Esprit d'hiver et Lady Hunt...Bien qu'il ait été vendu par les médias et présenté comme le livre préféré d'Amélie Nothomb, le roman historique n'a pas su gagner les faveurs des lectrices (qui lui ont préféré un huis-clos sinistre). Bref...

Moi, je suis cliente des romans historiques, surtout ceux sur l'Ancien Régime. En plus la couverture est belle, le sujet plein de promesses (il ne manque que Sofia Coppola au Festival de Cannes et on est bon). 

Chantal Thomas a suivi une démarche réjouissante pour les amateurs d’histoire et de littérature: romancer un épisode mal connu de l'histoire franco-espagnole. Son roman raconte l'échange entre Mlle de Montpensier (fille du Régent de France, âgée de 12 ans) et l'infante d'Espagne (fille du roi d'Espagne qui n'a que 4 ans) qui vont respectivement  épouser le prince d'Espagne (sur le point de devenir roi) et le roi de France (encore mineur). Bien sûr, le propos de Chantal Thomas est de relever l’absurdité et la cruauté de la situation (échanger une fillette contre une adolescente pour la paix franco-espagnole). 

Tout se passe au lendemain de la Guerre de Succession d'Espagne (la guerre de trop du règne de Louis XIV) au sujet de laquelle Chantal Thomas fait dire une phrase magnifique au roi d'Espagne qui espère grâce à cet échange « expier le crime des treize années de guerre de succession, crime dont il est lui, Philippe V, né duc d’Anjou, responsable devant le Seigneur «  (p.68). Quand un romancier met à ce point l’Histoire en poésie, je suis en transes. Je suis moins d'accord concernant la description du cardinal Dubois mais... je me souviens subitement que je suis sur un blog...donc je me ressaisis et j'arrête de m'attarder sur des détails qui n'intéressent que moi.  

Il m'a plu ce roman...mais j'aurais aimé qu'il m'enthousiasme davantage. 

D'abord, comme nombre d’historiens Chantal Thomas a une plume dense, précise et peu aérée. J’ai surtout été gênée par ce réflexe d'historiens de citer leurs sources sans moderniser le langage, comme on le fait dans les mémoires et thèse, comme pour attester d’une vérité, alors que ce n’est pas nécessairement ce que l’on recherche dans un roman, tout historique qu’il soit. Le roman historique doit se mettre à la portée du lecteur néophyte selon moi, et des citations d'époque le maintiennent à distance.

Ensuite, je trouve que toute la partie sur Mlle de Montpensier est extrêmement réussie, le calvaire de son voyage atroce est remarquablement retranscrit. Sa découverte horrifiée de la cour espagnole est particulièrement poignante (avec une mention spéciale pour le Grand Inquisiteur), sa sexualité précoce et débridée ne manque pas de panache non plus (c'est le moins que l'on puisse dire). Bon était-ce vraiment nécessaire d'écrire que Mlle de Montpensier « rote à la gueule » de son futur époux (p.92)? Pas sûr si ce n'est pour marquer la dysmétrie avec la délicieuse infante d’Espagne. Pour être honnête, j’ai trouvé Luis et Elisabeth plus intéressants que Louis XV et l'infante. Et pourtant, le couple espagnol semble tenir le second rôle du roman. 

Et c'est là que se situe mon gros problème. L’infante d’Espagne a 4 ans, et on a l’impression qu’elle en a au moins 7 ou 8. Vu que j'ai une enfant de 4 ans à la maison, deux solutions s'offraient à mon cœur meurtri de mère:
a) Ma fille est complètement retardée.
b) Les futures reines faisaient au XVIIIe siècle leurs apprentissages à la vitesse de l'éclair et comprenaient tout, vite et bien.

Vous l'aurez compris, j'ai trouvé que l'infante manquait de crédibilité.

Malgré tout, le roman est sauvé parce que la seconde moitié  prend une réelle intensité dramatique. Chantal Thomas donne aux deux princesses  une belle ampleur romanesque, la cruauté du monde à leur égard est à peine croyable mais sublime. 

Je resterai sur ce sentiment, et sur l’impression d’avoir levé un coin du rideau historique. Je rappelle que cette épisode n’est pas enseigné (Mlle de Montpensier n’apparaît pas dans le Viguerie - le livre de référence des modernistes du XVIIIe siècle). 

Donc L'Echange des princesses reste roman historique agréable, de facture quand même très classique, qui ne réussit pas la prouesse littéraire de La Chambre de Chandernagor ou l'accessibilité et la mise en suspens des Rois Maudits.

Je vous renvoie à Dominique qui l'a beaucoup aimé et à Estelle qui émet aussi quelques réserves...

Bon l'un dans l'autre,je ne suis pas la meilleure personne pour parler des romans historiques...

 mais je ne suis pas certaine qu'un historien soit le mieux placé pour romancer l'histoire...parce que son travail consiste justement à échapper à cela.

mardi 12 novembre 2013

Les Lumineuses

Me revoici avec un nouveau mauvais polar; oups non, pardon, un polar que je n'ai pas trop apprécié.
Lauren Beukes, Les Lumineuses, 
Presses de la cité, mai 2013 (379 p.)

Bon, le mélange des genres, ça ne fonctionne pas à chaque fois (ça je le sais depuis mon mariage). C’était tentant pourtant de mettre dans un même livre du fantastique, du serial killer, du social etc…

C'est donc l'histoire d'une tueur en série qui profite d'une faille temporelle pour voyager dans le temps et choisir ses victimes dans le passé, le présent et l'avenir. L'une d'entre elles réchappe de la boucherie. C'est tentant hein?

Sauf que ça ne marche pas du tout.

Pour faire simple, Les Lumineuses c'est l'inverse d'Esprit d'hiver. On est tenu en haleine pendant tout le livre (enfin tout est relatif), pour tomber sur une chute ni faite ni à faire.

Pendant tout ce roman où le meurtrier voyage à travers le temps pour trouver ses proies, une multitude de questions surgissent. En quoi cette maison (la faille temporelle en question) est-elle magique ? Qui en était le propriétaire initial ? Ou le meurtrier trouve-t-il sa force, quand, blessé et claudiquant il assassine des femmes sportives et en bonne santé ? Sa canne a-t-elle des pouvoirs? Y-a-t-il un lien entre toutes les victimes ? A quoi servent les « reliques » de la maison ? Pourquoi laisse-t-il aux victimes des objets appartenant à des proies ultérieures ? Comment Kirby arrive-t-elle à échapper à la mort (je rappelle qu'elle est éviscérée quand même) ? Ou même plus simplement qui est Harper Curtis ?

Peine perdue. On n’en sait pas plus à la fin qu’au début, et on se farcit 374 pages pendant lesquelles un psychopathe se balade dans le temps, en cherchant des jeunes filles qui brillent (Les Lumineuses donc), qu’il assassine avant de leur enlever les entrailles (du gore ça ne nuit pas, ça fait partie du genre). Mais on attend une résolution de l’énigme. En vain !

Aucune chute digne de ce nom pour donner un petit d’allant à l’ensemble. Tout cela avec beaucoup de dialogues pauvres et sans intérêt, sans compter de grandes réflexions sociales sur les junkies dont je vous livre la plus profonde sur ces pauvres camées « qui finissent sur le trottoir malgré leurs efforts, pour s’en sortir, parce que la vie ne leur laisse pas d’autres choix » (p.176). Je pourrais en citer des dizaines d’autres sur la drogue, le sexe ou la famille monoparentale…que du convenu et du médiocre.


Il paraîtrait que Lauren Beukes inaugure avec ce polar "le thriller d'un nouveau genre", pourvu qu'elle ne fasse pas trop d'adeptes quand même.

C'était Galéa, la polar-addict, en direct de la sélection de décembre du prix Elle 2014. Je peux vous dire qu'entre le Nikitas et celui-là, le choix a été dur. 
Ne me remerciez pas pour ma bonne foi, c'est quand même la moindre des choses.

vendredi 8 novembre 2013

Le garçon incassable

Un livre sur la différence; c'est une promesse...

Florence Seyvos, Le Garçon incassable
Edition de l'Olivier, 2013 (173 p.)
Deuxième document de la sélection de décembre du prix, Le Garçon incassable s'est fait doubler par Passion arabe, c'est pour moi une surprise...une bonne surprise, mais une surprise quand même.

Je dois dire que j'ai tout de suite été séduite par le titre qu'a trouvé Florence Seyvos. Dans ce récit, elle raconte l'histoire de son presque-frère Henri, un enfant "différent". On ignore sa pathologie exacte, mais on le suppose déficient (moteur et mental), suffisamment pour ne pas avoir une vie comme tout le monde, mais pas assez pour ne pas s'en apercevoir.

Le Garçon incassable,c'est donc un plaidoyer . Et moi, j'aime ça.

Les passages qui racontent la relation entre Henri et son père sont parfois d'une tendresse formidable (p.26). Le livre est par ailleurs très juste dans ses réflexions. Jusqu'à quel point doit-on se battre pour qu'un enfant différent devienne normal? Les parents luttent-ils par amour de leur petit ou par orgueil!! "Dans le combat mené par son père pour lui et contre lui, presque toutes les victoires dissimulent une défaite" (p.36). C'est aussi un ouvrage qui dénonce la petite cruauté et les grandes injustices  du monde envers les gens simples. D'ailleurs Florence Seyvos ne s'épargne pas non plus dans sa relation à Henri (les petits accommodements, exaspération  de celle qui est responsable).

Le  seul problème de ce document, c'est que Florence Seyvos met en parallèle Henri et   Buster Keaton. Et là, Galéa perd le fil de la narration. Le récit est émaillé d'extraits de films qui dénoncent ceux qui profitent de celui qui ne sait pas se défendre.

Mais lequel des deux est le garçon incassable?

Parce que vraiment, il n'y a aucun rapport entre Henri et  Buster Keaton. Comment comparer un enfant de la balle, qui va de théâtres en théâtres faire ses cascades, et un gamin relié à des machines, des béquilles et des atèles.... Leur solitude même n'a rien de comparable: Buster Keaton est un gosse de foire, qui, une fois adulte, devient la vache à lait de la famille de sa femme. Henri fut, au contraire, toute sa vie, à la charge de sa propre famille. C'est-à-dire que c'est très audacieux de comparer un comédien et réalisateur américain des années 1930 avec un garçon français des années 70'. 

Tellement audacieux que j'ai eu un peu de mal à trouver cela pertinent......même si Buster Keaton passait pour un imbécile, il a fait des films, mis en place des cascades, fait rire des gens, c'est un artiste qui a eu la reconnaissance de ses pairs.  Henri rêve de faire des trous dans une rondelle avec une machine... et le parallèle met presque mal à l'aise en réalité, avec un dernier  chapitre incompréhensible pour moi (et Julie) ou Florence Seyvos raconte son accouchement sur fond de Wagner. 

Rien ne tient dans cette comparaison et c'est dommage.

C'est dommage parce que  les deux histoires racontées sont passionnantes. ...Et quelque part, on sent que Florence Seyvos a perçu dans le handicap, la différence ou la naïveté, quelque chose qui ressemble à une chance, une faculté de résister au monde....

C'est dommage parce que c'est un livre qui se lit vite et bien, c'est un récit touchant sans être voyeur.

Malgré tout, j'ai de l'affection pour ce témoignage imparfait, mal ficelé, mais très bien écrit (j'ai été particulièrement touchée par son passage sur la plage du Havre p.79).....

Je l'intègre donc au projet non-fiction de Maryline chez Lire et Merveilles.



Et puisqu'on parle de handicap et de maladie, je me permets d'être un peu lourde (parce que tout le monde n'est pas sur Facebook, et que c'est un sujet qui me tient à coeur). Enna courra dans 15 jours un marathon solidaire pour l'AFHA. N'oublions pas que les maladies rares sont les oubliées de la Recherche, parce que l'argent public doit profiter au plus grand nombre (et par principe les maladies rares touchent peu de gens...)

Sans s'infliger 42,195 Km en courant (j'ai repris le tabac depuis qu'on m'a enlevé les points...je sais, c'est mal), il y a moyen de participer un petit peu au combat des familles touchées par l'hémiplégie alternante...

Comme dirait ma Tante C. "A votre bon coeur Messieurs Dames..."

Edit de 9h31: Enna et moi nous renvoyons mutuellement à nos blogs respectifs aujourd'hui, ce n'est même pas fait exprès.

lundi 4 novembre 2013

Esprit d'hiver

Fans de Kasischke, passez votre chemin....

Laura Kasischke, Esprit d'hiver
Bourgeois éditeur, août 2013 (276 p.) 
Esprit d'hiver est le roman qui a passé la pré-sélection de décembre, et il a de grandes chances d'être lauréat du roman Elle 2014 (d'après mes sources et l'enthousiasme des co-jurées ;-). En plus de toutes parts depuis le mois d'août surgissent des critiques élogieuses...donc bon, je devrais m'incliner en fait...

Ce billet vise donc uniquement à expliquer pourquoi je suis déçue qu'il ait supplanté ma Lady Hunt et pourquoi je serais en colère s'il remportait le prix.

Vingt pages haletantes peuvent-elles rattraper 230 pages assez ennuyeuses ?

Oui, mais en partie seulement et pas de quoi sauver mon impression générale. 

Globalement, c'est l'histoire d'une mère qui le jour de Noël doit mettre un rôti à cuire mais qui, au lieu de cela, se dispute avec sa fille qu'elle a adoptée en Russie, 16 ans auparavant. Ce roman a l’immobilité d’un train qui n’en finit pas d’amorcer son départ.  J’avais l’impression de relire Univers Univers de Jauffret (que j’avais détesté). Si je ne l'ai pas abandonné à la page 150, c'est uniquement parce j'étais jurée.

Alors bien sûr, je retiendrai d’Esprit d’hiver une jolie réflexion sur le besoin d’écrire, sur le fait qu’une mère semble exister pour culpabiliser, et d’autant plus quand elle est adoptante. Bien sûr, j’ai souri sur toutes les allusions à Apple « Steve Jobs, à l’image de Dieu, lui avait offert tellement plus de fonctionnalités qu’elle ne serait jamais capable d’en maîtriser » (p.79). Le problème c’est qu’il est question de feu Steve Jobs et de l’I-phone toutes les 3 pages, et qu’au bout d’un moment, même pour une Apple-addict comme moi, c’est un peu redondant.

Et franchement, j’ai été exaspérée par les répétitions, les descriptions et les souvenirs des 230 premières pages. L’histoire du bébé qui se cache dans le panier à linge est rétrospectivement émouvante, mais vraiment beaucoup trop longue et appuyée. Ce huis-clos (dont on sent quand même assez vite qu’il n’en est pas vraiment un) entre la mère adoptive et la fille adolescente est d’un ennui profond. Chaque détail est décortiqué, des monceaux de phrases expliqués sous toutes leurs coutures, le temps s’écoule atrocement lentement. Il y a même un moment où les flash-back ne sont plus supportables. Sans compter certaines scènes que j’ai trouvées assez improbables (comme la mère qui explique à sa fille de 15 ans qu’elle a dû se faire avorter quand elle avait son âge parce que personne ne lui avait parlé de contraception... je me vois bien faire ce genre de confidence à ma fille dans 10 ans)

Personnellement dès la page 127 (la preuve par le post-it), j’avais bien compris que certaines choses n’existaient pour lors plus de la même manière (j'essaie de ne rien déflorer parce que je suis sympa). A la page 202, j’ai failli l’abandonner, je saturais du huis-clos mère-fille et du fatalisme facile. 

Alors, oui c'est vrai, le retournement de l'histoire est formidable. Les vingt dernières pages sont vraiment bien, clairement glauques, drôlement bien fichues. On se dit qu'elle nous a bien eue, bravo: clap clap clap, une demie-journée de cafard où on se remémore le roman et.... basta!

Parce que même si de manière rétroactive, on doit saluer l'efficacité du procédé (utiliser ce terme en littérature me donne envie de pleurer), il n'en reste pas moins que les 230 premières pages sont longues, beaucoup trop longues. Même si la dualité mère/poétesse est vraiment très intéressante et touchante, l’écriture de Kasischke manque justement, à mon sens (et contrairement à ce que vend le bandeau), de poésie et de beauté littéraire. 

Voilà c'est dit.

Je serais extrêmement déçue s'il remportait le prix, et je sais que je suis un peu seule sur ce coup (c'est mon côté loose....)

C'était Galéa, l'éternelle ronchon,  en direct de la contre-sélection de décembre du Prix Elle 2014.

vendredi 1 novembre 2013

Non-challenge : nos pépites de l'année (2013-2014)

Elle nous fait causer cette rentrée littéraire. On en parle, on regrette l'absence de certains titres, on déplore l'omniprésence d'autres, on se plaint du trop (ou du trop-peu) de médias...

Pourtant si tout n'est pas sublime dans cette sortie en rafale de romans, documents et polars, il y a forcément sur plus de 500 titres, du très bon, du coup de cœur, du livre qui change un peu la vie. Quoiqu'on en dise, des pépites s'y cachent et les plus chanceux les trouvent. Même si on se dit qu'on s'en fiche, des auteurs émergent, d'autres se renouvellent, et certains nous échappent...

Une rentrée littéraire c'est un événement plein de promesses

Bien qu'il ne me soit jamais venue à l'idée de créer un challenge, vous savez que cette histoire de roman idéal me perturbe depuis longtemps, alors je me lance. Il s'agit donc d'un challenge qui ne rassemble QUE vos coups de cœur sortis cette année (septembre 2013 et janvier 2014).

Le principe est simple et n'a que deux conditions :

1: Je souhaite un challenge qui rassemblerait que les livres qu'on aime d'amour (comme dirait Valérie). C'est à dire ceux qu'on est chagriné d'avoir achevé, et qui nous manquent dès la dernière page tournée, ceux auxquels on repense les jours qui suivent, ceux qui nous empêchent d'en ouvrir immédiatement un autre.

Je parle des livres qu'on aimerait acheter par cartons pour les offrir à ceux qu'on aime, à ceux qui n'aiment pas lire, et même à ceux qu'on n'aime pas du tout (histoire de leur permettre d'être des gens meilleurs et plus heureux). Il rassemblerait les livres qui nous accompagnent longtemps, qui finissent par faire partie de notre patrimoine affectif.

2: L'unique point commun entre ces coups de coeur est qu'ils soient édités entre août 2013 et juillet 2014.

3: Dernière condition (si tout le monde est d'accord) : j'aimerais que chacun ait l'honnêteté de dire comment il a obtenu le livre en question: acheté en librairie, emprunté à la bibliothèque, reçu dans le cadre d'une opération (Babélio, PM), lu en tant que juré d'un prix (Livre de Poche, Fnac, Elle....), offert par quelqu'un de cher, envoyé par un Service de Presse lors d'un partenariat, dédicacé par l'auteur. Je sais que pour la plupart, cela ne change rien à leur jugement, mais pour ma part je trouve que cela fait partie de la rencontre entre un lecteur et un roman.

Il suffit de me laisser un message sous ce billet et de copier le logo en bas de page (bricolé ce matin). Je ferai de mon côté un récapitulatif le premier dimanche de chaque mois (après mon jogging). J'essaierai d'être au niveau de Maryline qui rédige toujours des synthèses réjouissantes.

L'objectif était d'abord que j'arrête de râler sur la sélection des prix littéraires, mais surtout de pouvoir, au mois de juillet, avoir un petit condensé des livres préférés et importants des blogueurs- amis (et des autres). Ce challenge s'adresse aux blogueurs littéraires mais pas que...en fait, il s'adresse à tous ceux qui dénichent une oeuvre magistrale dans l'année.

Peut-être que cette liste de pépites littéraires ressemblera à celles des prix Médicis, Goncourt, Fémina, Renaudot et j'en passe...et peut-être pas. Ce serait aussi délicieux dans un cas comme dans l'autre. C'est aussi l'occasion de mettre en lumière les oubliés des sélections, des romanciers qui n'ont pas de relais média (ou de SP efficace), de toucher le renouvellement littéraire dans ce qu'il a de plus réjouissant.

Quoiqu'il en soit, nous partirons en vacances avec des "valeurs sûres" ou attendrons fébrilement des sorties poche.

Alors bien sûr, personne n'a exactement les mêmes goûts, mais nous commençons tous à bien nous connaître et nous multiplions nos chances d'avoir des lectures savoureuses. Ce challenge n'est pas sectaire; j'espère qu'on pourra y trouver d'illustres inconnus, des auteurs qui semblent poser, cheveux impeccables, pour une pub de coiffeur, des vieilles jeunes filles chapeautés, d'anciens journalistes devenus romanciers, de jeunes lycéens prodiges, de vieilles retraitées qui ont enfin pris le temps d'écrire...

Evidemment, nous ne serons pas tous unanimes sur les même coups de coeur, mais j'ai envie de croire que certains chefs d'oeuvre mettent parfois d'accord, et tant pis si ce n'est pas le cas.

Aucune catégorie dans ce challenge, je ne vise pas la quantité mais la qualité. Et je ne pense pas qu'on puisse avoir plus de 5 coups de coeur pour une année littéraire (perso, à 3 par an, je m'estime heureuse). Le vrai coups de coeur est celui dont on est certain parce qu'il se démarque immédiatement des autres. Une pépite quoi!!!!

Bref, je vous propose de ne conserver de cette rentrée que ce qu'elle a de plus beau... et surtout de le partager. On passe outre les bandeaux, les émissions littéraires, les magazines spécialisés, les copineries entre auteurs et critiques et on ne se concentre que sur l'essentiel : le livre qu'on aime vraiment.

Qui me suit?