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vendredi 30 août 2013

Ma vie de jurée Elle 2014

Voilà, voilà...

quelques mots de mon nouveau rôle de jurée que je prends, bien entendu, très à coeur (je me rends compte qu'en disant cela, j'assume ma vie palpitante).

Alors, d'abord je fais partie de la sélection de décembre, et je m'aperçois que c'est une sacrée chance, puisque j'ai reçu des livres fraîchement sortis (fin août) et ...recommandés par les Inrock's dans leurs 40 livres de la rentrée... s'il vous plait. Oui, je sais, être sur un terrain commun aux Inrock's et à Elle, c'est un peu avoir le fromage et le dessert. Je pars donc extrêmement confiante, ça doit être intello, branché, glamour, exigent et accessible...

Oui, oui, oui...sauf que bon.


A la base Laura Kashichke me tente très moyennement. Les billets sur Les Revenants m'avaient carrément fait fuir l'année dernière (pardon pour les fans). Mais il paraîtrait qu'Esprit d'Hiver est du bon, voire du très bon (c'est Miss Léo qui le dit), même si ça ne m'a pas l'air follement gai (j'ai lu un extrait dans les Inrock's justement). Je vais tenter de lire L'échange de princesses sans traquer la faute historique; c'est une déformation professionnelle qui me poursuit, surtout quand il s'agit de l'Ancien Régime. Quant à Lady Hunt, je lui laisse toutes ses chances...je n'ai pour le coup aucun a priori (assez rare pour être noté).


En document, Le Garçon incassable semble être du lourd et Passion Arabe est le journal d'un grand reporter...rien que pour ça, j'y vais la fleur au fusil (qui l'aurait cru? à la base je n'aime pas les documents!)

Mon problème va situer aux environs des polars. Déjà que je ne suis pas suffisamment mature pour avoir un minimum de second degré sur les histoires un peu glauques, mais là il paraît que Nikitas est super violent (ouai youpi!!!) et que Les Lumineuses risquent aussi d'ébranler la petite chose névrosée que je suis. Donc je les lirai en journée (entre le café d'un touriste chinois et la salade de la manucure) , pour ne pas cauchemarder dessus. Mais globalement je dis "halte à la violence littéraire gratuite"!. Il est très possible que je me Lamberterise, et que l'Homme lise les polars avant moi, pour me conditionner (l'Homme aime la violence littéraire, enfin disons que cela ne le dérange pas...oui les opposés s'attirent...)

Je noterai ces 7 livres sur 20, 3 d'entre eux, ceux qui auront les meilleures moyennes, partiront chez les jurées des autres sélections.

Je dois aussi confier qu'un petit groupe de jurées s'est organisé autour de notre leader Valérie (qu'on ne présente plus) qui a trouvé sur la toile quelques participantes. Et ça c'est un coup à se réconcilier avec Facebook. Nous sommes une petite vingtaine, blogueuses (blog -roll ici), non blogueuses et blogueuses en devenir (je ne vise personne et surtout pas Marjorie ou Natalie). Derrière notre leader, disons qu'il y a les très bavardes, les motivées, les consciencieuses, et quelques très discrètes dont les goûts et les inspirations me sont encore mystérieuses.

Notre échantillon va de la toute petite vingtaine d'années à la soixantaine assumée. Il y a de la parisienne, de la provinciale, de la Canadienne expatriée. La Bretagne et la Normandie sont très bien représentées...pas mal de profs et d'étudiantes aussi. Je ne sais pas ce que c'est d'être jurée toute seule, mais échanger avec plein de co-jurées je dois dire que c'est assez exaltant. J'y passe un temps fou, nous apprenons à nous connaître et nous reconnaître (en jonglant entre les noms, les pseudos etc...)

Et le grand avantage du groupe de Valérie, c'est que toutes les mois sont représentés, nous connaissons donc même les livres qui ne sont pas retenus. Nous ne parlons pas seulement des 28 livres que nous lirons toutes, mais également des 32 qui sont exclus chaque mois. Ce qui est à la fois palpitant et désespérant...et justement...


Allez, jouons la transparence. Notre groupe est inquiet, voire très inquiet. En effet, jusqu'à présent nos choix et pronostics ont été contrariés. Nous nous sommes énervées de concert...Seulement deux sélections sont closes,(septembre et octobre), mais à chaque fois avec de sacrées déceptions. Plusieurs coups de coeur ont été retoqués. Oui.  Nous nous demandons même si nous sommes représentatives de l'ensemble des jurées. Ne vous inquiétez pas, j'ai bien l'intention d'en reparler dès la semaine prochaine. 

N'est pas Galéa qui ne se plaint pas!!  et puis Zut ! il n'y a pas de petits combats dans la vie.


 J'attends le résultat de la sélection de novembre avec inquiétude; il y a un favori commun à celles qui l'ont lu, celles qui veulent le lire et celles qui sont solidaires...

Je vous tiens informés.

C'était Galéa, envoyée spéciale de la blogo au grand prix littéraire des lectrices Elle 2014
(je sais, j'en fais trop...).

lundi 26 août 2013

Une faiblesse de Carlotta Delmont

Fanny Chiarello,
Une faiblesse de Carlotta Delmont
Edition de l'Olivier, 2013 (183 p.)
Une faiblesse de Carlotta Delmont est mon premier roman de la sélection Elle 2014.


Carlotta Delmont, personnage principal  comme chacun l'aura compris, est une cantatrice américaine de l'entre-deux guerres en représentation à Paris. Elle disparaît subitement à la suite après son récital. Comme Asphodèle, j'ai une tendresse particulière pour cette période folle, surtout quand l'intrigue commence dans une chambre du  Ritz (qui était encore le temple des artistes glorieux de ce monde) et se poursuit sur un Paquebot.... Fanny Chiarello avait donc tout réuni pour me plaire.

Une faiblesse de Carlotta Delmont ne rassemble que de bons ingrédients une trentenaire en plein doute, le milieu de l'opéra et ses loges de diva,  le Paris effervescent qui accueille la bohème des années 1920. On y trouve aussi la question de la féminité du premier XXe siècle (Fitz apparaît fugacement), des allusions aux enfants "différents",  la question du génie, de l'incarnation de la vie d'artiste ... Tout est juste et profond, rien n'est bâclé. Un travail vraiment soigné, jusque dans sa construction.


Il n'y a pas de narrateur dans ce roman, uniquement des extraits de correspondances, de presse, de journaux intimes et même, dans la dernière partie, une petite pièce de théâtre avec personnages et didascalies. C'est un petit bijou d'écriture. C'est très ingénieux, extrêmement artistique, techniquement c'est parfait. Fanny Chiarello construit son intrigue et en révèle les rebondissements avec beaucoup de maestria. En plus, ce roman se lit comme du velours pour des amateurs de musique lyrique avec quelques détails techniques discrets, des allusions aux grands opéras...on aurait presque l'impression d'entendre Norma...


Et pourtant, la lectrice (moi en l'occurrence) est tenue à distance de ce roman, dans lequel je ne suis jamais vraiment entrée ...pour une raison que je ne m'explique pas. J'ai des hypothèse bien sûr. Peut-être est ce dû au fait que c'est un récit à plusieurs voix, mais toujours dans le même style : la domestique, Carlotta, le garçon d'ascenseur, l’imprésario cocu ou le jeune premier s'expriment tous de la même manière. Superbe mais semblable pour tous les personnages. Peut-être manque-t-il des chapitres narratifs qui auraient donné une consistance et une perspective à cette histoire. De tout cela, je n'en suis pas certaine.  Le journal de Carlotta m'a semblé parfois un peu ennuyeux, peut-être à cause de son côté introspectif et même métaphysique, qui n'est pas inintéressant, mais qui ne m'a pas passionnée. 

Pourtant la grandeur et la décadence des génies sont des sujets qui littérairement me fascinent, et là je suis restée sur le côté. Je pense alors à Tendre est la nuit qui se termine de la même manière, au même endroit et presque au même moment. J'avais trouvé les dernières phrases de Fitzgerald bouleversantes...

Alors vraiment la rencontre entre un auteur et un lecteur ne tient pas à grand chose...parce que ce roman a des qualités évidentes qui ne m'ont pas emportée comme j'aurais pu m'y attendre. 

Je pense néanmoins sincèrement que Carlotta a trouvé son public.

lundi 19 août 2013

Zone de non-droit

Alex Berg, Zone de non-droit
Edition J. Chambon, 2013, 285 p.
Monopole de la violence légitime.

Je ne sais plus en quelle année j'ai appris ce terme qui glace le sang. Mais disons que la lecture du polar d'Alex Berg m'a bien rappelé ce que cela signifiait. A vrai dire, je m'en serais bien passée. Alex Berg démarre sur B. Franklin et sa réflexion sur la liberté et la sécurité...ce qui promet du lourd; et on n'est pas déçue. 

Le monopole de la violence légitime, c'est ce qu'un état ou une institution peut, en toute légalité, infliger aux individus pour la raison d'état. C'est ce que va découvrir l'héroïne, Valérie Weymann un jour de décembre à l'aéroport d'Hambourg, et ensuite dans une prison officieuse d'Europe de l'Est. J'ai lu tout ce livre en réprimant une sérieuse nausée.

Alors d'accord, c'est extrêmement documenté et argumenté. Nous sommes dans les arcanes des Services de Sécurité des puissances occidentales qui veulent, à tous prix, éviter un attentat ou un complot terroriste. Bien sûr, ce livre a le mérite
de bien nous faire comprendre la question du renseignement, le pouvoir de la peur, les dégâts collatéraux de la lutte. Oui, on en apprend beaucoup sur la diplomatie. Bien sûr, c'est un livre haletant, qu'on lit vite, qui reprend les codes et rebondissements du genre (même si on devine quand même un peu la fin). Mais c'est surtout extrêmement éprouvant.  


Le problème c'est que c'est une lecture qui réveille tous les instincts claustrophobes. En général, les policiers démarrent sur des scènes de vie à peu près normales jusqu'à la découverte d'un crime...pas ici. Au bout de deux pages, l'héroïne est enfermée, isolée, suspectée et coupée du monde. Et ça, ce n'est rien par rapport à la suite.

Ce qui m'a gênée, c'est aussi la ribambelle de clichés. Valérie est riche, belle et brillante, c'est une avocate qui "tente de combattre" les vices de la mondialisation "dans la mesure de ses moyens" (p.27). N'en jetez plus. Si tout l'aspect politique est très fouillé, la galerie de personnages ne m'a pas emballée : un tortionnaire de métier qui a quand même une éthique, un psychopathe de la CIA,  un agent secret allemand seul au monde, un mari dépassé et notre héroïne brisée....mouai!!

Moi je lis pour fuir l'actualité et je me retrouve avec Al-Q****, des Syriens et des femmes en postures plus que délicates (je vous jure c'est un euphémisme). C'est très clairement beaucoup trop violent pour moi. Les scènes de tortures, sans être détaillées, sont suffisamment explicites pour que je les déteste. En bref:  Valérie vit, dans cette prison américaine d'Europe de l'Est, le cauchemar que redoutent toutes les femmes.

Sans compter que toutes les explications geo-politiques sont souvent longues et ennuyeuses, même si j'ai bien compris qu'elles étaient nécessaires. Le style est assez froid et surtout beaucoup trop didactique. Certaines scènes m'ont paru improbables (comme rentrer et sortir d'un consulat en toute clandestinité). J'ai en plus trouvé une très grosse coquille page 174 : ce n'est sûrement pas Marc qui "pousse un soupir" mais bien Mayer. Je sais,  c'est un détail. En plus, la fin est beaucoup, beaucoup trop longue. 
0 Challenge Thrillers & Polars 2014 Liliba 4

Finalement, ce que je me demande au terme de ma première lecture Elle 2014:  la fin justifie-t-elle tous les moyens? "Une innocente avait été kidnappée pour une illusion de sécurité" (p.211). Et je n'ai pas de réponse définitive à apporter à cela.

Je pense qu'il a quand même sa place dans le challenge de Liliba "Thrillers et polars"

Bref, si vous cherchez un livre qui vous redonne confiance dans le genre humain, une certaine légèreté, un moment de lecture poétique et sensible, passez votre tour.

Sinon, si vous n'avez pas un fond parano, inquiet ou dépressif, éventuellement vous pouvez vous penchez dessus...D'autant que parmi les jurées ce livre a plutôt bien été accueilli (leurs commentaires  seront en kiosque vers le 6 septembre je crois)

lundi 12 août 2013

La Place

Annie Ernaux, La Place (1983)
Folio, 2012, 114 p.
Ma tante (et marraine) dit toujours que son auteur préféré est Annie Ernaux. Pourtant, elle se targue de lire peu et lentement: "Mais tu comprends, elle parle de nous dans ses livres". Alors, j'en ai acheté quelques uns en poche.

La Place est le livre sur son père. Un jour, un chroniqueur du Masque et la Plume (non pas celle à laquelle tu penses ADH!), disait que les romanciers rataient généralement le roman du père et réussissaient celui de leur mère. Ce n'est pas le cas d'Annie Ernaux.

La Place, qui n'est pas un roman, ni un document, ni même un récit; un recueil de souvenirs peut-être,  m'a bouleversée. Effectivement il raconte la "préhistoire" de certaines familles du Grand Ouest (angevines, bretonnes ou normandes). Toute cette frange de population qui, il y a moins d'un demi-siècle, appartenait encore au monde agricole, ouvrier ou des petits commerçants. Annie Ernaux a mis des mots sur quelque chose que je ne nommais pas, mais qui  a existé, et qui permettra sûrement à ma génération de mieux comprendre la précédente.

C'est donc l'histoire d'un homme, tout petit commerçant dans un petite ville de province, dont la fille fera un peu d'étude, suffisamment pour être enseignante. Mais finalement c'est l'histoire d'un complexe social et surtout culturel. Cela m'a bouleversé parce que j'y ai retrouvé la manière de parler de mes tantes et grands-parents, des réflexions qui ont bercé ma jeunesse  sans que j'y fasse attention : "Faire paysan signifie qu'on n'est pas évolué, toujours en retard sur ce qui se fait en vêtement, langage, allure" (p.70). Je crois avoir entendu ce type de phrase dans la cuisine de mes grands-parents dont certaines de leurs filles avaient un peu honte de leur métier d'agriculteur.

Ce qui est vraiment étonnant, c'est qu'en voulant d'une certaine manière réhabiliter son père, Annie Ernaux brosse le portrait d'un sacré plouc, qui m'a heurtée plus que je ne saurais le dire : "Il n'avait pas appris à me gronder en distingué" (p.72). Elle écrit que bientôt, après avoir lu Sartres, Beauvoir & co, elle n'avait plus grand chose à dire à son père. Et franchement, entre la fille en voie de snobisation et le père encroûté dans sa rusticité, ce n'est pas celle qui me ressemble le plus qui a attiré ma sympathie. Et moi qui passe mon temps à dire que j'assume totalement le fait d'être snob et même bobo, j'ai pris une sacrée leçon de vie en quelques pages. Quand j'ai refermé le livre, je me suis demandée si, comme elle, j'avais "glissé dans cette moitié du monde pour laquelle l'autre n'est qu'un décor" (p.96). Et j'ai décidé que non.

Parce que j'ai toujours connu mon grand-père en bleu de travail (sauf le dimanche), à manger avec son opinel à table, à regarder avec circonspection les notables du village. Mes souvenirs là-bas, dans cette partie de la province de je redécouvrais à chaque vacance, font partie des joies de mon enfance. Je découvre qu'on pouvait en avoir honte. Annie Ernaux disait à ses camarades de fac qu'elle venait d'un milieu simple, (mes parents disaient sans doute la même chose), mais je ne pense pas qu'on ait besoin de parler de littérature ou de philosophie à table pour être heureux en famille. On peut élever son esprit de bien d'autres manières (même pour quelqu'un comme moi qui avait peur des vaches et qui fuyait à l'heure de la traite).

Pardon ce billet est long, mais je terminerai sur un peu de militantisme. Ce livre, qui je crois est au programme de certains cursus, montre autre chose: "Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence: que j'appartienne au monde qu'il avait dédaigné" (p.112). Annie Ernaux parle d'une époque où l'école restait un ascenseur social, où bien apprendre sur les bancs avait son utilité, ou être professeur était un aboutissement, la rencontre d'un autre monde. Je ne suis pas certaine que ce soit toujours le cas...Il est possible que le déterminisme social ait plus de poids que dans les années 50' 60'...

Challenge Régions Aspho 2013_1
Avec La Place, j'ai compris une foule de choses qui ne m'avaient jamais effleurée auparavant, parce qu'il y a eu une génération entre le père d'Annie Ernaux et ma classe d'âge. Ce livre aidera des trentenaires à comprendre d'où venaient leurs parents; alors ma tante a raison, ce livre parle de nous, en tous les cas de ceux qui viennent de la masse: ni miséreux, ni  notables. Mais surtout sans gloire et sans honte.

J'intègre La Place au challenge de Lystig, Vivent nos régions, pour la Normandie.

Et si Asphodèle reprend le challenge A tout prix de ma chère Laure, je le mets aussi pour le Renaudot en 1984.

lundi 5 août 2013

Avis de tempête-Susan Fletcher

L'histoire d'une vie tourmentée, douloureuse et imprévisible

Avec un titre comme celui-ci je ne pouvais pas ne pas l'acheter, d'autant que Susan Fletcher a plutôt bonne presse sur la blogo.

Avis de tempête déroule la vie de Moïra, depuis sa naissance jusqu'à ses 27 ans. En fait, Moïra est assise pendant tout le roman au chevet de sa petite soeur Amy, de 10 ans sa cadette. Mais cette veille n'est qu'un prétexte pour parler d'un tronçon d'existence, la sienne. Et c'est bien d'une tempête qu'il sagit, avec ses turbulences, ses douleurs et ses bouleversement. 
 
C'est un livre très dense, qui se lit extrêmement vite (même avec le boulot et les enfants dans les jambes).

 La description d'une mer brutale.

Susan Fletcher, Avis de tempête 
C'est un roman qui regarde la mer, à travers l'attachement viscéral de Moïra au littoral, aux côtes, aux embruns et aux mouettes. C'est l'Atlantique dans son côté le plus sombre, le plus violent, le plus inhospitalier. Moïra a l'océan chevillé au corps, et cela ne pouvait pas me laisser indifférente. Ça se déroule en Angleterre mais je pense que les Bretonnes y retrouveront quelque chose de profond.

Un roman de femmes

Avis de tempête détricote les relations entre sœurs et observe la maternité. Cela aurait pu me déplaire, en général, je fuis ce genre de sujets, mais pas là. Parce qu'il y a deux fois deux soeurs: deux jumelles d'un côté, deux (presque) étrangères de l'autre; avec cet amour qui ne dit pas forcément son nom. Et puis, il y a toujours cette histoire des tensions entre sœurs, de culpabilité et de jalousie.

Elle a une plume splendide Susan Fletcher (et sa traductrice): sa description d'une enfant de 5 ans m'a mouillé un peu les yeux, elle parle en creux de la maternité (et même de la non-maternité), elle sait décrire l'amour d'une cadette pour son aînée, elle sait parler de cette forme étrange d'affection...

Le portrait d'une enfant pas comme les autres

Moïra c'est l'enfant myope, surdouée, maigrichonne et asociale qui avance douloureuse dans la vie collective du pensionnat et qui ne pense même pas pouvoir être aimée. Une personne toujours à la lisière du monde et des autres. Vous savez bien, c'est cette première de classe qui ramasse tous les prix; et qui finalement n'en fait rien (ou presque) parce qu'il faut plus que du génie pour avancer dans la vie. Il faut aussi de la confiance en soi ...

C'est long finalement d'apprendre à s'aimer, et j'ai envie de dire que c'est un peu la morale de ce livre puissant, brutal, bouleversant qui m'a presque mise un peu mal à l'aise. La fin m'a émue plus que je ne saurais l'exprimer, justement parce que Fletcher met tellement bien les mots dessus.

Susan Fletcher, Avis de tempête (2007)
Traduit de l'anglais par M.-C. Pasquier
J'ai Lu, 2009, 407 p.